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Chronique
des Cordeliers de Paris
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Folio
483 |
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ce temps arriva devers le daulphin une josne fille née en
Lorraine et fille d'un poure laboureur, laquelle se faisoit nommer
Jennette la Pucelle et avoit gardé les brebis ou village
dont elle estoit née ; laquelle Pucelle estoit en parolle
et en contenance moult innocente, comme il sambloit, et toutesfois
elle feit entendant que par divine inspiracion elle debvoit faire
mectre ledit daulphin en possession de son royaume de France et
le faire par tout obéir. Et tant donna à entendre
à son père et à ses amis, que elle fut par
ung sien frère et autres que elle trouva ses adjoins, amenée
devers icelui daulphin; et là par ses parolles icelui daulphin
la retint à sa cour et la mist en très grand estat
: dont le plus grand partie de ses gens furent moult esmerveilliés,
car ilz tenoient icelle Jennette à folle et à nyce.
Celle Jennette, quant elle fu en ce party retenue dudit
daulphin et mise en estat, requist estre montée et armée
comme ung homme d'armes, en disant que elle feroit merveilles ;
et ainsi en fu fait. Et se commencha à mettre en armes et
sievir les routes. Et tantost après ce, se assemblèrent
grant foison de gens d'armes pour lever ledit siége d'Orlians,
après le traictié failly comme dit est (1).
Et en celle assamblée se bouta et mist ladite Pucelle, et
leva ung estandart où elle fit mettre Jhesus ; et maintenoit
estre envoiie de par Dieu pour mettre ledit daulphin en possession
du royaulme de France.
En ce temps arriva vers le Dauphin une jeune fille née en Lorraine,
d'un pauvre laboureur ; elle se faisait nommer Jeannette la Pucelle.
Elle avait gardé les brebis au village où elle était née. A la juger à ses
paroles et à sa contenance, elle était très innocente, ou tout au moins le
paraissait. Et cependant elle faisait entendre que par divine inspiration
elle devait faire mettre le Dauphin en possession de son royaume de
France, et le faire partout obéir. Elle donna tant à entendre à son père
et à ses amis qu'elle se fit amener jusque vers le Dauphin par un sien
frère et par d'autres qu'elle avait su s'adjoindre.
Là elle parla si bien que le Dauphin la retint à sa cour et la mit en très
grand état; ce dont la plus grande partie de ses gens s'émerveillèrent
fort; car eux tenaient cette Jeannette pour folle et niaise.
Quand elle fut retenue en ce parti du Dauphin et mise en état, elle
requit d'être montée et armée comme un homme d'armes, promettant
qu'elle ferait merveilles. Et ainsi il en fut fait. Elle commença à se
mettre en armes, et à suivre les routes.
Bientôt après se réunirent un grand nombre de guerriers pour faire
lever le siège d'Orléans, après les négociations qui avaient échoué, ainsi
qu'il a été dit. Ladite Pucelle se mit en assemblée ; elle arbora un étendard
sur lequel elle avoit fait inscrire : Jhésus; et elle maintenait être envoyée
par Dieu pour mettre le Dauphin en possession du royaume de France.
Source
: édition Jules Quicherat - 1882.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.
Notes :
1 Traité que poursuivait le Duc de Bourgogne pour que la
garde d'Orléans lui fut baillée pour le compte du
Duc prisonnier.
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