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Chronique
des Cordeliers de Paris
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Folio
486 |
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ant alla le dauphin de Viennoix et son armée, que il arriva
emprès de Rains. Et cependant, ou moix de juing, fist le
régent de France une grosse armée pour aller contre
le daulphin, et recuellit et mist sus les gens d'armes qui estoient
escappés et sauvés de devant Orléans et Yenneville.
Et endementiers que son armée se mettoit sus, conquestoit
tousjours le daulphin et sa Pucelle, et tant que ilz vinrent à
Septsaus emprès Rains. Et envoia ledit daulphin audit lieu
semonre ceulx de la ville à luy faire ouverture et obéissance;
combien qu'ilz avoient promis aux ambaxateurs du duc de Bourgongne
de eulx tenir contre le daulphin.
Quant ceulx de Rains oyrent le semont que on leur faisoit
de eulx rendre, ilz allérent à conseil, auquel ilz
se conclurent tantost de faire ouverture et obéissance audit
daulphin comme à leur seigneur naturel. Et ainsi fu fait,
et entra en la ville l'archevesque de Rains, chancellier dudit daulphin,
le XVI° jour de juillet, ety fist son entrée en très
grande compaignie. Si fu receu et convoiez très grandement.
En la compaignie du daulphin à faire son entrée
à Rains, le dimance XVII° jour dudit moix de juillet,
estoient les contes de Richemont, d'Alenchon et de Vendomme, Charles
de Bourbon, le filz du conte d'Alenchon, les seigneurs de La Trimouille
et de Bosquiaux, de Grantpré, de Graville, de Gamaches, Poton
de Sainte-Treille, les sieurs de Gaucourt et de Dampierre, Christoffle
de Harcourt, Estienne de Vignolles, dit Lahire, la Pucelle et autres
cappitaines et seigneurs en grand nombre. Et avoit en sa compaignie
grant puissance de gens d'armes et de communes qui tous les jours
luy croissoient. Et fu, ce dit jour, sacré en l'église
dudit lieu par ledit archevesque ; et le jeudi ensuiant, il fu pour
faire garir les malades à Marcois (1).
Et chevaulçoit ladite Pucelle devant le roy, toute armée
de plain harnas, à estandart desployé ; et quant elle
estoit desarmée, s'avoit elle estat et habis de chevalier,
sollers lachiés dehors piet, pourpoint et cauches justes
et ung chapelet sur le tieste ; et portoit très nobles habis
de draps d'or et de soie bien fourés.
Le Dauphin viennois et son armée s'avancèrent tellement qu'ils arrivèrent
près de Reims. Cependant, au mois de juin, le régent de France
avait fait une grosse armée pour aller contre ledit Dauphin, recueillant
et mettant sur pied tous ceux qui s'étaient échappés et s'étaient sauvés
d'Orléans et d'Yenville ; mais, pendant qu'il mettait son armée sur pied,
le Dauphin et la Pucelle faisaient tous les jours des conquêtes, et étaient
arrivés à Sept-Saulx non loin de Reims. Le Dauphin envoya sommer
les habitants de cette ville de lui ouvrir leurs portes, et de lui rendre
obéissance, malgré qu'ils eussent promis aux ambassadeurs du duc de
Bourgogne, ainsi qu'il a été dit, de résister à ce même Dauphin.
Quand les habitants de Reims entendirent la sommation qu'on leur
faisait de se rendre, ils se réunirent en conseil, conclurent aussitôt d'ouvrir
leurs portes et de rendre obéissance au Dauphin, comme à leur seigneur
naturel, et ainsi il fut fait.
L'archevêque de Reims, chancelier du Dauphin, entra à Reims le
16 juillet, et il y fit son entrée avec une très grande suite. Il fut reçu et
félicité très grandement.
En la compagnie du Dauphin, pour faire son entrée à Reims, le dimanche XVIIe jour du mois de juillet (2), étaient les comtes de Richemont,
d'Alençon, les seigneurs de La Trémoille, de Bosquiaux, de Grandpré,
de Graville, de Gamaches, Poton de Xaintrailles, les seigneurs de Gaucourt
et de Dampierre, Christophe d'Harcourt, Etienne de Vignoles
dit La Hire, la Pucelle et autres capitaines et seigneurs en très grand
nombre. Il avait en sa compagnie une forte armée de gens d'armes et d'hommes des communes qui croissait tous les jours. Ledit jour, il fut sacré
en l'église de Reims par l'Archevêque. Le jeudi suivant il fut à Saint-Marcoul pour la guérison des malades.
La Pucelle chevauchait devant le roi, armée de toutes pièces, l'étendard
déployé. Quand elle était désarmée, elle portait l'habit et avait l'état
d'un chevalier, des souliers avec des lacets en dehors du pied, pourpoint
et chausses justes, un petit chapeau sur la tête ; elle portait de très
nobles habits de draps d'or et de soie, bien fourrés.
Source
: édition Jules Quicherat - 1882.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.
Notes :
1 Corrigez "Saint-Marcoul de Corbeny".
2 L'entrée eut lieu le 16 au soir et Richemont n'y était pas.
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