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Chronique
de la Pucelle
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- De l'ambassade du Duc de Bourgoigne et de Messire Jean de
Luxembourg |
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r, après que ledit comte de Clermont se fut retiré
à Orléans, il tint illec aucuns conseils et jura et
promist à son parlement secourir la ville de gens et de vivres
dedans un certain jour, auquel il défaillit ; et demeurèrent
seulement pour conforter la ville le mareschal de Saincte-Severe,
avec le bastard d'Orléans. Et d'autant que ceux d'Orléans
n'espéroient plus avoir secours du roy, eux tendans à
conserver la seigneurie du duc d'Orléans, leur naturel seigneur,
qui estoit prisonnier en Angleterre, et sçachans de certain
que tout le plus des nobles de France avoient compassion de sa personne,
et que le conseil d'Angleterre luy avoit octroyé pour ses
pays abstinence de guerre à certain temps, sous la puissance
du duc de Betfort, soy disant régent de France ; lequel par
la dureté du conseil de Paris, ne voulut passer l'abstinence,
mais fist mettre le siège devant ladicte ville.
Pour venir à celle fin aucuns nobles et bourgeois
de la ville d'Orléans se retirèrent par devers le
duc de Bourgongne, et Messire Jean de Luxembourg, requérans,
que pour pitié leur pleust tant faire que, par leur moyen,
ladite abstinence peust sortir à aucun effect ; à
quoy ils furent moult enclins. A cette fin, lesdits ducs de Bourgongne
et Luxembourg allèrent à Paris. Si menèrent
avec eux les messagers d'Orléans, et requirent le duc de
Betfort qu'il voulust faire lever le siége et consentir ladicte
abstinence, dont il les refusa tout à plein. Pourquoy le
duc de Bourgongne en prit grand desplaisir et envoya avec les messagers
d'Orléans, l'un de ses héraults, lequel vint en l'ost
par devers tous ceux qui cstoient du party dudit duc, leur faire
commandement qu'ils se departissent dudict siége, et ainsi
le fisrent la pluspart des Picards, Champenois et Bourguignons,
dont la puissance des Anglois af'foiblit moult.
La dite cité d'Orléans ainsi assiégée
et d'autre costé garnie de vaillans gens, et de plus les
habitans de la ville ayans bon et grand courage de tenir et se défendre,
comme ils avoient desjà bien monstré, feirent abbatre
leurs beaux fauxbourgs, presque aussi grands, s'ils eussent esté
ensemble, comme la ville, et vingt six églises, dont celle
de Monseigneur Sainct Aignan d'Orléans, qui estoit collégiale,
et un cloistre pour les chanoines, et où y avoit belles et
grandes maisons canoniales en estoit une. Les habitans donc estans
en grand doute et danger d'estre perdus, et en la subjection de
leurs ennemis, ouyrent nouvelles, qu'il venoit une pucelle vers
le roy, laquelle se faisoit fort de lever le siége de ladicte
ville d'Orléans.
Source
: édition Vallet de Viriville
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