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Jeanne
d'Arc par Henri Wallon - 5° éd. 1879
Appendice II-29 : Réserves de Jeanne d'Arc sur le fait de ses appartitions |
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C'est un droit qui est proclamé hautement dans le procès de réhabilitation. — M. H. Martin dit à propos de ce qu'en soutient l'avocat dans son plaidoyer : « Il sembla un instant vouloir sortir du cercle de convention où l'on étouffait cette grande chose; » et il ajoute: « L'avocat, comme effrayé de sa hardiesse, n'alla pas plus loin et rentra
sur le terrain convenu. » (Jeanne d'Arc, p. 304.) Cette mise en scène et ce prétendu cercle de convention tiennent uniquement au système de l'auteur. L'avocat n'alla pas
plus loin parce qu'il avait suffisamment dit ce qu'il avait à dire. Mais les demandeurs sont si peu effrayés de cette hardiesse, qu'ils la reproduisent toutes les fois qu'ils parlent ou qu'ils posent des conclusions : discours de P. Maugier au début de l'instance (t. II, p. 104); propositions en forme d'articles : art. 77 et 78 : « Primo quoniam et id
facere (soumettre ses révélations à l'Église) non esse adstrictam præsumendum est verisimiliter conjectura et judicio.... Et stante dubio an hujusmodi inspirationes et
revelationes ex bono vel malo spiritu procederent, cum id foret omnino occultum et soli Deo notum, de his Ecclesia nihil judicare valuit (in can. « Erubescant », dist. XXXII, et
in cap. « Sicut tuis », et in cap. « Tua nos » De simonia, cum Summa). Imo et Ecclesiæ judicium id soli Deo reservat, et propriæ relinquit conscientiæ (in cap. « Inquisitioni » De sententia excommunicationis).... In his enim secretis, quilibet potest sequi opinionem propriam.... Itaque ad propositum nostrum credere inspirationem hujusmodi
non est de articulis fidei; item nec Ecclesia tenet aut docet quod sit malo spiritu ; imo hujusmodi arcanum relinquit judicio Dei. Igitur Johanna, etc. » (t. II, p. 249-251). On y revient dans les motifs de droit présentés à la fin du procès : « Istæ enim occultæ apparitiones et inspirationes, an a Deo procedant veine, soli Deo pertinent et notæ
sunt, qui secreta et occulta solus judicat (in can. « Erubescant », XXXII dist., in can. « Christiana », caus. XXX, quæst. 5); nec spectant judicio Ecclesiæ (in cap. « Tua nos » De simonia) (t. III, p. 284); et le promoteur conclut dans le même sens (t. III, p. 271). Nous ne parlons pas des traités joints à la cause, qui sont tous d'accord en ce point : mais nous dirons que cela paraît être la doctrine du Malleus maleficarum, cité plusieurs fois par M. Quicherat comme résumant les maximes de l'Inquisition : car on y lit : « Ecclesia non potest judicare nisi de iis quæ patent : occultorum enim cognitor est Deus et judex » (pars III, quæst. I, p. 328, 329; éd. 1620); et encore : « Quia asserens contra determinationem Ecclesiæ non simpliciter, sed in his dumtaxat quæ pertinent ad fidem et
salutem, est hereticus. » (Ibid., p. 322.) — Ajoutons que c'est toujours au fond la doctrine des théologiens : « Certum est Ecclesiam infallibilitatis privilegio non gaudere circa facta historiæ aut mere personalia, quia tale privilegium ipsi necessarium non est ad depositum fidei custodiendum » (Bouvier, Tract, de Vera Eccl., cap III, art. 3,
t. I, p. 261, 262; éd. 1834).
La déclaration de Jeanne : « Que ses faits et ses dits soient envoyés à Rome devers notre saint père le Pape auquel et à Dieu premier elle se rapporte » (Prédication de
saint Ouen ; t .I, p. 445), n'est pas citée par M. Henri Martin dans l'endroit où il discute la question de la soumission de Jeanne à l'Église (Hist. de France, t. VI, p. 272-274, note); il se borne à la donner en son lieu (ibid., p. 285), sans en relever la valeur. Cette parole donne cependant une singulière autorité aux témoignages de la réhabilitation qui accusent les réticences, disons mieux, les suppressions commandées du procès-verbal dans les déclarations de Jeanne en cette matière. (Voy. ci-dessus, p. 138 et suiv.) Dieu premier, ce n'est pas une clause dont on ait le droit d'être jaloux pour le Pape. La déclaration de Jeanne, même avec ces mots où elle témoigne qu'elle persiste dans
sa foi, tout en invoquant un autre juge, est un appel au Pape. Il ne faut pas lui en contester le bénéfice parce que la pauvre fille, seule et ignorante, ne l'a pas fait par
procureur.
Source
: Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879.
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