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Livre
II - ORLEANS
I
- L'épreuve - p. 103 à 126 |
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e
voyage de Vaucouleurs à Chinon, où était la
cour, était déjà pour la mission de Jeanne
comme une première épreuve. Tout le pays était
aux Anglais et aux Bourguignons : il fallait éviter leur
rencontre et passer trois ou quatre rivières, la Marne, l'Aube,
la Seine, l'Yonne, dans une saison où la crue des eaux ramenait
presque forcément les voyageurs aux villes ou aux ponts gardés
par eux. Ils allèrent ainsi pendant onze jours, marchant
le plus communément la nuit. Jeanne n'approuvait pas ces
mesures d'une prudence tout humaine. Elle eût voulu s'arrêter
au moins chaque jour dans quelque village, pour rendre à
Dieu ses devoirs accoutumés. "Si nous pouvions entendre
la messe, leur disait-elle, nous ferions bien." Mais se
montrer semblait être un péril tant que l'on était
en pays ennemi. Ils ne cédèrent que deux fois à
ses désirs, une fois peut-être dans l'abbaye de Saint-Urbain, où l'on passa la nuit, et l'autre fois dans
la principale église d'Auxerre. Jeanne, à son tour,
condescendit pour tout le reste à leur manière de
la conduire ; mais elle leur rappelait les autres guides qu'elle
avait au ciel. Quand ils lui demandaient si elle ferait ce qu'elle
avait annoncé, elle leur disait de ne rien craindre, qu'elle
ne faisait rien que par commandement, et que ses frères du
paradis lui disaient tout ce qu'elle avait à faire (1).
Jeanne pour ses compagnons n'était déjà
plus de la terre. Pendant ce voyage, quoiqu'on marchât la
nuit, on s'arrêtait néanmoins pour prendre du repos.
Jeanne couchait au milieu d'eux, renfermée dans son habit
d'homme. mais ce vêtement, qu'elle avait adopté par
pudeur, n'était point sa seule sauvegarde en cette compagnie
d'hommes de guerre. Tel était l'ascendant qu'elle avait pris
sur eux, que les plus jeunes, loin de songer à lui rien dire
ou faire qui pût l'offenser, affirment qu'ils n'ont même
jamais eu la pensée du mal auprès d'elle ; ils étaient
comme enflammés de l'amour divin qui était en son
âme, et devenaient chastes et purs par la contagion de sa
sainteté (2).
Ils passèrent la Loire à Gien, et parvinrent
à Sainte-Catherine de Fierbois, en Touraine, où Jeanne,
par honneur pour la patronne du lieu, l'une de ses deux patronnes,
et comme pour compenser les privations qu'elle avait acceptées
durant la route, entendit jusqu'à trois messes le même
jour. Depuis qu'on n'avait plus à craindre une surprise de
l'ennemi, ses compagnons ne cachaient plus l'objet de son voyage.
De Gien, la nouvelle était venue aux habitants d'Orléans
qu' une bergerette nommée la Pucelle, accompagnée
de quelques nobles de Lorraine, avait passé, disant qu'elle
venait faire lever le siège de leur ville et mener le roi
à Reims pour qu'il y fût sacré. Du hameau de
Sainte-Catherine, elle-même
écrivit, ou, plus exactement, fit écrire au roi pour
lui demander la permission de l'aller trouver à Chinon. Elle
lui mandait qu'elle avait fait cent cinquante lieues pour lui venir
en aide ; qu'elle savait plusieurs bonnes choses qui le touchaient
: et, pour lui donner comme un premier gage de sa mission, elle
déclarait qu'elle le saurait distinguer parmi tous les autres. (3)
Le bruit de son voyage avait sans doute devancé
sa lettre à Chinon, et la petite cour qui s'agitait autour
de Charles VII l'avait fort diversement accueilli. La position du
roi devenait chaque jour plus critique ; sa détresse était
extrême : son trésorier déclarait qu'il n'avait
pas quatre écus en caisse, tant de l'argent du prince que
du sien. Le roi ne savait plus que faire pour sauver Orléans,
et, Orléans pris, rien n'était sûr pour lui
au midi même de la Loire. Il en était réduit
à se demander en quel pays il chercherait un refuge : en
Dauphiné ou même au-delà des monts, en Castille
? La reine de Sicile, mère de la reine, et ceux qui gémissaient
de l'état des affaires, étaient disposés à
tout risquer pour sortir de cet abîme ; au contraire, l'homme
en faveur, La Trémouille, craignait pardessus tout un changement
de conduite qui pouvait soustraire le prince à son influence,
en le tirant de cette torpeur. Pour un tel homme, le succès
même était un péril. Mais pouvait-on refuser
de voir au moins celle qui promettait de si grandes choses ? On
lui permit donc de venir, et sur la route il paraît qu'on
lui tendit une embuscade : c'était une manière aussi
de la mettre à l'épreuve ! L'épreuve réussit
mal : ceux qui la voulaient prendre demeurèrent, dit un témoin
de Poitiers, comme cloués au lieu où ils étaient (4).
Jeanne vint donc à Chinon (6 mars), mais elle
voulait parler au roi : nouvel obstacle à vaincre. Fallait-il
aller jusqu'à compromettre le prince dans une entrevue avec
une fille des champs que l'on pouvait, sur les rumeurs populaires,
soupçonner d'être folle ou pis encore ? C'est ce qu'on
agita dans le conseil. Plusieurs la virent et la pressèrent
de leur dire à eux-mêmes ce qu'elle se réservait
de dire au roi. Elle parla ; mais, en l'écoutant, ils s'affermirent
dans la pensée que le roi ne devait point l'entendre. D'autres
même croyaient qu'ils le devaient d'autant moins, qu'elle
se disait envoyée de Dieu, et les ecclésiastiques
furent consultés sur ce point. Tout bien examiné,
ceux-ci ne crurent pas qu'il y eût lieu d'empêcher le
roi de la recevoir ; mais comme ces scrupules n'étaient pas
pour plusieurs que des prétextes, une semblable décision
ne suffisait point à les dissiper ; et quand Jeanne vint
au chateau, elle rencontra de nouveaux obstacles dans le conseil.
cependant la raison finit par triompher : on allégua au roi
que Jeanne venait à lui avec une lettre de Baudricourt ;
on lui dit les périls qu'elle avait affrontés et dissipés
comme par miracle pour arriver jusqu'à sa résidence.
C'était le dernier espoir des habitants d'Orléans
; ils avaient envoyé une ambassade au roi à la nouvelle
de ce secours inespéré ; leurs députés
étaient là, attendant la décision du prince.
Et Jeanne n'avait pas seulement pour elle la lettre, très
froide, sans doute, du sire de Baudricourt ; elle avait ses deux
compagnons de route. Les deux hommes qui avaient cru en elle dès
son séjour à Vaucouleurs, s'étaient sentis
bien mieux affermis dans leur foi, après l'épreuve
de ce voyage ; mandés au conseil, ils y parlèrent
avec toute la chaleur de leur conviction et persuadèrent. (5)
Après deux jours d'attente, Jeanne fut donc introduite
au château par le comte de Vendôme. Elle se présenta
simplement et avec assurance. "Elle fit les inclinations et
révérences accoutumées de faire aux rois, ainsi
que si elle eût été nourrie à la cour",
dit Jean Chartier. "Le roi, continue-t-il, pour la mettre à
l'épreuve, s'était confondu parmi d'autres seigneurs
plus pompeusement vêtus que lui, et quand Jeanne, qui ne l'avait
jamais vu, le vint saluer, disant "Dieu vous donne bonne
vie, gentil roi !" - Je ne suis pas le roi, dit-il : voilà
le roi" ; et il lui désignait un des seigneurs. Mais
Jeanne répondit : "En nom Dieu, gentil prince, vous
l'êtes, et non un autre." Et, abordant l'objet de
sa mission, elle lui dit que "Dieu l'envoyait pour
lui aider et secourir" ; elle demandait "qu'il
lui baillât gens", promettant de faire lever le siège
d'Orléans, et de le mener sacrer à Reims. Elle ajoutait
"que c'estoit le plaisir de Dieu que ses ennemis les Anglois
s'en allassent en leur pays ; que le royaume lui devoit demeurer,
et que s'ils ne s'en alloient, il leur mescherroit (arriverait malheur)."
(6)
Parmi les princes que le favori n'avait point écartés
de la cour, se trouvait le jeune duc d'Alençon. Pris à
Verneuil (1424), il avait résisté à toutes
les séductions mises en oeuvre pour l'attirer à la
cause de Henri VI ; et il avait dû payer sa fidélité
à Charles VII par une captivité de trois ans et une
rançon qui le ruinait. Dans les loisirs que le roi faisait
aux siens, il s'en était allé non loin de là,
à Saint-Florentin-lès-Saumur et y passait le temps,
chassant aux cailles. Ayant su, par un de ses gens, l'arrivée
à Chinon d'une jeune fille qui se disait envoyée de
Dieu pour expulser les Anglais et faire lever le siège d'Orléans,
il s'y rendit, et il entra comme elle parlait au roi. Charles l'ayant
nommé à Jeanne : "Soyez le trèsbien
venu, dit-elle : plus il y en aura ensemble du sang royal de France,
mieux en sera-t-il." Le lendemain elle fut à la
messe du roi, et le prince l'ayant prise à part avec Alençon
qui le raconte et la Trémouille, elle lui fit plusieurs requêtes
: elle lui demandait "de donner son royaume au Roi des cieux,
et que le Roi des cieux, après cette donation, f'erait pour
lui comme pour ses prédécesseurs, et le rétablirait
dans son ancien état."
Mais qui était-elle pour parler avec cette autorité,
et quel signe donnait-elle de sa mission ? L'heureuse issue de son
voyage pouvait bien, après tout, n'être pas un si grand
prodige, et le fait d'avoir reconnu le roi sans l'avoir jamais vu,
fournir des armes à ceux qui ne voulaient voir dans tout
cela qu'une trufferie (tromperie). Au lieu de la foi, elle
rencontrait même, non-seulement le doute, mais quelquefois
l'outrage. Le jour qu'on la présenta au château, un
homme à cheval la voyant entrer : "Est-ce là
la Pucelle ?" dit-il ; et il raillait grossièrement
sur son titre, reniant Dieu. "Ah dit Jeanne, tu le renies,
et tu
es si près de ta mort !" Avant qu'il fût une
heure, l'homme tombait à l'eau et se noyait. (8)
Ceux qui étaient les plus favorables ne savaient
qu'attendre et voir encore. Le roi l'avait donnée en garde
à Guillaume Bélier, son Lieutenant à Chinon,
dont la femme était de grande dévotion et de bonne
renommée. En même temps qu'il envoyait dans son pays
natal des religieux chargés de s'informer secrètement
de sa vie, il la faisait paraitre devant sa cour ; il la soumettait
à l'examen des gens d'Église : et elle savait garder
en toute rencontre la même aisance, la même fermeté
; parlant avec assurance de sa mission, soit devant La Tremouille,
soit devant les évêques, et montrant, au besoin
que dans cette carrière des batailles où elle voulait
ramener le roi, elle-même saurait faire bonne figure. Un jour
après le dîner, le roi étant allé se
promener dans la prairie, elle y courut la lance au poing, et de
si bonne manière que le duc d'Alençon, charmé,
lui donna un cheval. Les épreuves se continuaient jusque
dans la demeure qui lui avait été assignée.
De grands personnages la venaient voir à la tour du fort
du Coudray, attenante au château même, et elle répondait
à leurs questions. mais quand elle était seule, elle
priait et pleurait. (9)
Un jour enfin, elle vint trouver le roi et lui dit :
"Gentil dauphin, pourquoi ne me croyait vous ? Je vous dis
que Dieu a pitié de vous, de votre royaume et de votre peuple
: car saint Louis et Charlemagne sont à genoux devant lui,
en faisant prière pour
vous ; et je vous dirai, s'il vous plait, telle chose, qu'elle vous
donnera à connoitre que me devez croire."
L'auteur de la chronique ajoute qu'elle admit comme témoins
de sa déclaration le duc d'Alençon, Robert Le Maçon
seigneur de Trèves (en Anjou), Christophe d'Harcourt
et Gérard Machet, confesseur du roi, et qu'après lui
avoir fait jurer de n'en rien révéler, elle dit au
roi "une chose de grande conséquence qu'il avoit faite
bien secrète ; dont il fut fort ébahi : car il n'y
avoit personne qui pût le savoir que Dieu et lui".
D'autres suppriment les témoins, ou du moins les tiennent
à distance, s'accordant sur le fait lui-même et sur
l'impression qu'en reçut le roi : "Ce qu'elle a dit,
nul ne le sait, écrit Alain Chartier peu de mois après
(juillet 1429), mais il est bien manifeste qu'il en a été
tout rayonnant de joie ; comme à une révélation
de l'Esprit Saint". (10)
Qu'était-ce donc ce signe ? Jeanne elle-même
est convenue du fait devant ses juges ; et elle confirme les derniers
témoignages allégués en disant "qu'elle
ne pense pas que personne ait été alors avec le roi,
quoiqu'il y eût bien des gens assez près".
Mais en même temps elle déclara qu'elle n'en voulait
rien dire. Elle persista longtemps dans ce refus, protestant que
sur ce point on n'aurait pas d'elle la vérité ; et
d'autant plus pressée qu'elle se récusait davantage,
elle finit par se dérober à ces instances par le biais
que ses juges mêmes semblaient lui offrir en l'interrogeant
sur l'ange qui avait apporté une couronne au roi : bruit
populaire qu'elle accueillit comme exprimant sa mission sous le
voile d'une allégorie fort transparente. Par cette allégorie
qu'elle expliqua plus tard, elle dépista ses juges : le signe
leur demeura donc caché ; car c'était le secret du
roi. Mais une parole avait été entendue dans cette
conversation entre elle et lui : parole d'une singulière
autorité, et dont l'accent put frapper les oreilles de ceux
qui se tenaient non loin du prince : "Je te dis de la part
de Messire que tu est vray héritier de France et fils du
roy." Cette parole, reproduite en français, parmi
les autres déclarations de Jeanne, dans la déposition
de Pasquerel, son aumônier, reçut plus tard une explication
inattendue, et se trouve rattachée au signe dont il s'agit
par les confidences mêmes du roi. Le sire de Boisy, qui, dans
sa jeunesse, avait été l'un des chambellans les plus
familiers de Charles VII, a raconté en effet à Pierre
Sala, comme le tenant du roi lui-même, qu'un jour, au temps
de ses plus grandes adversités, ce prince, cherchant vainement
un remède à tant de maux, entra un matin, seul, dans
son oratoire, et que là, sans prononcer une parole, il fit
à Dieu, du fond de son cceur, cette requête : Que s'il
était vrai héritier, issu de la maison de France (ce
doute était possible avec la reine Isabeau), et que le royaume
lui dût justement appartenir, il plût à Dieu
de le lui garder et défendre, sinon, de lui faire la grâce
d'échapper sans mort ou prison, et qu'il se pût sauver
en Espagne ou en Écosse, où il voulait, en dernier
recours, chercher un refuge. C'est cette prière connue de
Dieu seul que la Pucelle rappela à Charles VII : et on s'explique
maintenant la joie qu'au dire des témoins il manifesta, sans
que personne en sût alors le motif. Jeanne, par cette révélation,
n'avait pas fait seulement qu'il crût en elle ; elle faisait
qu'il crût en lui-même, en son droit, en son titre.
"JE TE DIS (jamais Jeanne n'a parlé au roi de
la sorte : c'est quelque chose de supérieur qui parle par
sa bouche), JE TE DIS DE LA PART DE MESSIRE QUE TU ES VRAI HÉRITIER
DE FRANCE ET FILS DU ROY." (11)
Ce n'était point assez : il fallait que personne
n'eût le droit de révoquer en doute sa mission ou d'en
suspecter l'origine. Le roi comme les autres, a cet égard,
avait besoin, même après cette révélation,
d'être rassuré. Il ne précipita rien ; il résolut
de mener Jeanne à Poitiers, où était le parlement,
où siégeait le conseil, où se trouvaient réunis
plusieurs des membres de l'Université de Paris, restés
fidèles. Il voulait lui faire subir une épreuve plus
solennelle, mettre en lumière nonseulement le fait, mais
la source même de son inspiration, et donner à la résolution
qu'on prendrait la sanction des hommes les plus autorisés
dans l'Église et dans l'État. Jeanne partit donc,
et quand elle sut où on la menait : "En nom Dieu,
dit-elle, je sais que j'y aurai bien à faire : mais Messire
m'aidera. Or allons de par Dieu". ).
Elle
vint à Poitiers, et fut, comme à Chinon, confiée
à la garde de l'une des plus honorables familles de la cité : celle de Jean Rabateau, avocat général
au parlement. L'archevêque de Reims, chancelier de France,
et l'un des principaux chefs du parti dominant, d'accord avec les
membres du conseil, convoqua les évêques présents
et les docteurs les plus renommés entre ceux qui avaient
suivi la fortune de Charles VII. Gérard Machet, évêque
de Castres, confesseur du roi ; Simon Bonnet, depuis évêque
de Senlis ; l'évêque de Maguelonne et l'évêque
de Poitiers ; maitre Pierre de Versailles, depuis évêque
de Meaux, et plusieurs autres, au nombre desquels le dominicain
frère Seguin, à qui l'on doit le récit le plus
étendu de ces conférences. On leur dit qu'ils avaient
commission du roi pour interroger la Pucelle et en faire leur rapport
au conseil, et au lieu d'appeler Jeanne devant eux, on les envoya
vers elle, chez maitre Jean Rabateau. (12)
Dès qu'elle les vit entrer dans la salle, elle
alla s'asseoir au bout du banc, et leur demanda ce
qu'ils voulaient. Ils lui dirent qu'ils la venaient trouver, parce
qu'elle avait dit au roi que Dieu l'envoyait vers lui ; et ils lui
montrèrent, "par belles et douces raisons," qu'on
ne la devait pas croire. "Ils y furent, dit la Chronique,
plus de deux heures, où chacun d'eux parla sa fois ; et elle
leur répondit : dont ils étoient grandement ébahis,
comme une si simple bergère, jeune fille, pouvoit ainsi répondre."
Nous n'avons plus les procès-verbaux de ces conférences,
tenues par des hommes défiants sans doute, (c'était
leur devoir), mais sincères : actes auxquels Jeanne, dans
son procès, renvoie plusieurs fois en toute assurance, et
où l'on trouverait les libres effusions de son âme,
recueillies sans réticence et sans altération. Mais
à défaut de ce monument qui a péri de bonne
heure, il reste une sorte d'écho fidèle encore, quoique
plus lointain, de sa parole, dans les dépositions de deux
témoins : Gobert Thibault, écuyer du roi, et frère
Seguin, docteur en théologie.
Dans la première visite, après diverses
questions sur elle, sur sa famille, sur son pays, Jean Lombart lui
ayant demandé qui l'avait poussée à venir vers
le roi, elle lui dit ses visions, comme ses voix lui avaient appris
la grande pitié qui était au royaume de France, et
qu'il fallait qu'elle y allât : à ces paroles,
elle s'était mise à pleurer ; mais la voix avait commandé.
Et elle racontait comment elle avait entrepris ce voyage, accompli,
parmi tant d'obstacles, en toute sûreté, selon qu'il
lui était prédit.
"Jeanne, lui dit Guillaume Aymeri, vous demandez
gens d'armes, et dites que c'est le plaisir de Dieu que les Anglois
laissent le royaume de
France et s'en aillent en leur pays. Si cela est, il ne faut point
de gens d'armes, car le seul plaisir de Dieu peut les déconfire
et faire aller en leur pays."
- "En nom Dieu, reprit Jeanne, les gens d'armes batailleront,
et Dieu donnera victoire."
Maître Guillaume avoua que c'était bien répondu.
Alors Seguin, un "bien aigre homme," dit la Chronique,
voulant savoir que penser de ses voix, lui demanda quelle langue
elles lui parlaient :
- "Meilleure
que la vôtre,"
répondit-elle.
Il parlait limousin.
"Croyez-vous en Dieu ?" dit le docteur visiblement
blessé.
- "Mieux que vous," répliqua Jeanne sur
le même ton.
"Eh bien ! reprit Seguin, Dieu défend de vous
croire sans un signe qui porte à le faire ;" et il déclara
que, pour sa part, il ne donnerait point au roi le conseil de lui
confier des gens d'armes et de les mettre en péril sur sa
simple parole.
- "En nom Dieu, répliqua Jeanne, je ne suis
pas venue à Poitiers pour faire signes ; mais menez-moi à
Orléans, et je vous montrerai les signes pour quoi je suis
envoyée. Qu'on me donne si peu de gens qu'on voudra, j'irai
à Orléans."
Le frère Seguin, si aigre homme que le dise la
Chronique, a eu du moins la bonhomie de nous garder ces traits sans
leur rien ôter de ce qu'ils avaient de piquant pour lui-même
; moins soucieux de son amour-propre que de la vérité. (13)
L'examen se prolongea pendant trois semaines, et Jeanne
en témoigna parfois son impatience. Le jour que vint Gobert
Thibault, en compagnie de Jean Érault et de Pierre de Versailles,
la Pucelle, voyant entre les deux docteurs l'écuyer du roi,
qu'elle avait sans doute rencontré à Chinon, lui frappa
familièrement sur l'épaule, et lui dit "qu'elle
voudroit bien avoir plusieurs hommes d'aussi bonne volonté."
Puis, s'adressant à Pierre de Versailles :
"Je crois bien, dit-elle, que vous êtes
venu pour m'interroger : je ne sais ni A ni B ; mais je viens de
la part du Roi des cieux pour faire lever le siège d'Orléans,
et mener le roi à Reims, afin qu'il y soit couronné
et sacré."
Et ensuite :
"Avez-vous du papier, de l'encre ? dit-elle
à Jean Érault. Écrivez ce que je vous dirai"
: "Vous, Suffort, Classidas et La Poule, je vous somme par
le Roi des cieux, que vous en alliez en Angleterre..."
La lettre, écrite alors, se retrouvera en original
à l'époque où elle eut enfin acquis le droit
de l'envoyer aux Anglais. (14)
On ne l'interrogea point seulement sur ses révélations
: on la fit surveiller par des femmes dans sa manière de
vivre, on l'interrogea sur sa croyance. Car ses visions fussent-elles
constantes, il fallait savoir d'où elles venaient : si elles
venaient du diable, on était convaincu qu'il se trahirait
par quelque mot malsonnant touchant la foi. Jeanne sortit tout aussi
heureusement de ces épreuves. Elle n'avait pas compté
en vain sur Celui dont elle disait aux docteurs : "Il y
a ès livres de Notre-Seigneur plus que ès vôtres."
Malgré ces vivacités de langage contre la science
des docteurs, ils l'admiraient et confessaient qu'elle leur avait
répondu avec autant de prudence que si elle eût été
un bon clerc. Plusieurs crurent sincèrement à son
inspiration. Le confesseur du roi et d'autres voyaient en elle celle
qu'annonçait une prophétie (la prophétie de
Merlin, sans doute, alléguée, en ce temps même,
dans les vers de Christine de Pisan). Jean Érault, cherchant
à la révélation de Jeanne un appui dans une
autre, cita à l'assemblée ce que l'on rapportait de
Marie d'Avignon. On disait que cette femme, renommée alors
par ses prédictions, était venue jadis trouver le
roi, et lui avait communiqué ses visions sur la prochaine
désolation de la France. Elle avait vu quantité d'armes
; elle avait craint que ce ne lui fût un signe d'aller à
la guerre. Mais elle avait été rassurée : il
lui avait été dit que ce signe ne la touchait pas
; qu'une pucelle viendrait après elle, qui porterait ces
armes et délivrerait la France de l'ennemi. Jean Érault
ne doutait point, pour sa part, que Jeanne ne fût la pucelle
prédite. (15)
Sans aller aussi loin, les docteurs ne laissèrent
pas de conclure en faveur de Jeanne. Ils louaient le roi de n'avoir,
dans cette nécessité pressante du royaume, ni rejeté
la Pucelle, ni cru trop légèrement à ses promesses
; mais de l'avoir éprouvée en cherchant dans sa vie
et en demandant à ses actes la preuve qu'elle était
envoyée de Dieu. Sa vie, disaient-ils, a fait l'objet d'une
enquête sérieuse : Jeanne pendant six semaines a été
gardée par le roi, visitée par toutes sortes de personnes
; et l'on n'a rien trouvé en elle, que "bien, humilité,
virginité, dévotion, honnêteté, simplesse."
Son signe, c'est devant Orléans qu'elle prétend le
montrer. Puisque la première preuve est faite, il ne faut
pas refuser la seconde qu'elle offre ; il faut la mener à
Orléans : car la délaisser sans apparence de mal,
"ce seroit répugner au Saint-Esprit et se rendre indigne
de l'aide de Dieu." Les matrones firent leur rapport à
leur tour. La reine de Sicile, les dames de Gaucourt et de Trèves
attestèrent que Jeanne était digne de porter son surnom
populaire, et dès lors la démonstration était
complète : car on n'admettait pas que l'âme pure d'une
vierge, eût commerce avec le démon. (16)
Le peuple, pour croire en elle, n'avait pas demandé
tant d'épreuves. Les plus incrédules ne résistaient
point à l'accent de sa parole : tel qui, en venant, déclarait
ses promesses pures rêveries, ne s'en allait pas sans avouer
que c'était une créature de Dieu ; et plusieurs en
revenant pleuraient à chaudes larmes. Jeanne avait gagné
tous les suffrages. Les hommes d'Église rendaient témoignage
à sa vertu et à sa foi ; les hommes de guerre s'émerveillaient
de la façon dont elle parlait sur le fait des armes ; et
les dames et les damoiselles ne s'étonnaient pas moins de
trouver une simple jeune fille dans celle qui faisait l'admiration
des hommes de guerre et des docteurs. Elle qui, sous les armes,
semblait égale aux plus habiles par sa tenue, par ses discours,
elle se retrouvait, quand elle avait dépouillé le
harnois, ce qu'elle était dans son village, "moult simple
et peu parlant", toujours pieuse et recueillie, priant dans
le secret, et accueillant avec bonté les hommes de toute
condition que la curiosité attirait autour d'elle, mais principalement
les femmes. Elle leur parlait si doucement et si gracieusement,
dit la Chronique,
qu'elle les faisait pleurer. Elle s'excusait auprès d'elles
de l'habit qu'elle portait : et les femmes surtout la devaient comprendre.
L'habit d'homme, qui effaroucha tant la pudeur du tribunal institué
par les Anglais, n'excita pas les mêmes scrupules parmi les
évêques et les docteurs du parti de Charles VII. Il
n'en est pas dit un mot dans ce qui est resté de l'enquête
de Poitiers ; et si la question s'y posa, elle fut résolue
par le bon sens, comme elle l'a été dans la consultation
que l'archevêque d'Embrun envoya au roi, peu de temps après
la délivrance d'Orléans, sur les actes de la Pucelle
: "Il est plus décent, dit le prélat, de faire
ces choses en habit d'homme, puisqu'on les doit faire avec des hommes (17)."
Le roi ne différa plus. Il l'envoya à
Tours (vers le 20 avril), et lui composa toute une maison militaire.
Les deux plus jeunes frères de Jeanne (Jean et Pierre) l'étaient
venus rejoindre ; ses deux guides, Jean de Metz et Bertrand de Poulengy,
ne l'avaient point quittée. Le roi les maintint dans sa compagnie.
Il lui donna pour maitre d'hôtel, ou chef de sa maison militaire,
Jean d'Aulon, honnête écuyer ; pour pages, Louis de
Coutes, qui s'était déjà trouvé près
d'elle à la tour du Coudrai, et un autre du nom de Raimond
; de plus, quelques varlets, deux hérauts d'armes. Un religieux
augustin, frère Jean Pasquerel, connu de ceux qui avaient
amené Jeanne à Chinon, lui fut présenté
par eux et devint son aumônier. Le roi fit faire à
la Pucelle une armure complète et lui donna des chevaux pour
elle et pour ses gens. Mais à l'épée qu'il
lui offrit, elle en préféra une qu'elle semblait tenir
de l'une de ses patronnes. Sur son indication (nous redisons ce
qu'elle en rapporte), on alla dans la chapelle de Sainte-Catherine
de Fierbois, et l'on trouva derrière l'autel, à une
petite profondeur, une épée marquée de cinq
croix, toute couverte de rouille. La rouille céda facilement,
et l'épée fut envoyée à Jeanne avec
deux fourreaux magnifiques, l'un de velours vermeil, l'autre de
drap d'or : elle s'en fit faire un autre de cuir fort, pour l'usage
ordinaire. On lui fit, d'après les instructions qu'elle donna,
un étendard en linon, brodé de soie, au champ d'argent
(blanc) semé de lis ; on y voyait, sur la face, avec l'inscription
JESUS MARIA, l'image de Dieu assis sur les nuées du ciel,
portant le monde dans sa main, et de chaque côté un
ange lui présentant une fleur de lis qu'il bénissait
; et sur le revers, l'écu de France, tenu par deux anges.
Elle s'était fait faire en outre un pennon, sorte de petite
bannière, où était peinte une Annonciation
; la Vierge et l'ange un lis à la main. Elle aima son épée
; mais, comme elle le dit en son procès, elle aimait quarante
fois plus son étendard. Car ce drapeau, bien plus que son
épée, était pour elle le signe et l'instrument
de la victoire. Jamais elle ne tua personne. Pour ne point s'y exposer
dans la bataille, elle abordait l'ennemi l'étendard à
la main. (18)
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879
Ilustrations :
- St-Urbain, ruines de l'abbaye ("Au pays de Jeanne d'Arc"
- J. de Metz - 1910)
- Ste Catherine de Fierbois, ancienne aumônerie
(ibid.)
- Chinon, la tour de Boissy (ibid.)
- Chinon, l'ancienne salle du château ainsi que la Tour
du Coudray (ibid.)
- Chinon, vue générale ("La grande histoire
illustrée de Jeanne d'Arc" - H.Debout- 4° éd.1922)
- Statue de Jeanne d'Arc par Massoulle ("Jeanne d'Arc par
l'image" - Mgr Le Nordez - 1898)
- Etendard, bannière et pennon, illustrations des enseignes
de Jeanne d'Arc (Wallon - éd. illustrée 1892)
Notes :
1 Voyage à
Chinon : Chron. de la Pucelle, chap.42,
et Journal du siège, Procès, t.IV, p.207 et 126
; et les témoignages de Jean de Metz et de Bertrand de
Poulengy, ses compagnons, t.II, p.437 et 456.
Marguerite La Touroulde y joint un trait accrédité,
sans doute, par le bruit populaire : c'est que "ceux qui
la menèrent au roi la prirent d'abord pour folle et songeaient
à l'abandonner dans quelque basse fosse, mais en allant
ils se sentirent portés à faire tout ce qu'elle
voulait." (T.III, p.86). S'ils eussent été
dans ces dispositions avant de partir, ils ne seraient point partis.
2 Pudeur de Jeanne : "Ipsa puella jacebat juxta eumdem
testem suo gippono et caligis vaginatis induta ; .. induta suo
lodice et caligis suis," etc... Les mêmes, et H.Lemaistre
et Marguerite La Touroulde. Procès t.III, p.198 et 87.
3 A Gien : t.III, p.3 (Dunois) et 21 (G.de Ricarville).
- A Fierbois : t.I, p.56 et 75.
4 Détresse du roi : t.III, p.85 (Marg. La Touroulde)
; t.V, p.339 (le religieux de Dumpferling). C'est le temps dit
M. de Beaucourt ou Charles VII vend ses jouyaux et tout
ce qu'il possède, où il fait remettre des manches
à ses vieux pourpoints, et où un cordonnier lui
retire du pied une bottine qu'il venait de lui chausser, le roi
ne lui pouvant payer comptant la paire, et l'ouvrier ne voulant
pas la lui laisser à crédit, en sorte que le prince
dut rechausser ses vieilles bottines (le doyen de S.Thibaud de
Metz, Procès, t.IV, p.325) Voir Du Fresne de Beaucourt, Charles VII, son caractère
- Projet de retraite : En ce moment où Charles VII
se demandait s'il ne se réfugierait pas en Espagne, le
roi de Castille, l'ancien allié de la France, entrait lui-même
en négociation avec les Anglais (15 février 1429).
Proceedings, t.III, p.319 et 320.
- La Trémouille : "La Trémouille dit
M. du Fresne de Beaucourt, après s'être imposé
à lui avait habilement exploité son mécontentement
contre le Connétable ; il s'était rendu nécessaire
en alimentant le trésor royal. De janvier à août
1428, il avait avancé des sommes s'élevant à
environ 27000 livres pour lesquelles la châtellenie de Chinon
lui avait été donnée en gage." Et il
cite des lettres du 29 octobre 1428 auxquelles est joint l'état
des sommes avancées par La Trémouille ; des lettres
du mois d'août qui lui font l'abandon de Chinon. "La
Trémouille ajoute-t-il avait pris un tel ascendant que
selon l'expression d'un contemporain, personne n'osait même
le contredire. Mais il faut dire que l'insouciance du roi, son
défaut d'énergie laissaient la porte ouverte à
bien des abus... Ainsi le faible prince n'est plus qu'un jouet
entre d'indignes mains (Charles VII, son caractère)
- Embuscade : t.III, p.203 (Seguin)
5 Difficultés à l'admission de Jeanne : Procès,
t.III, p.115 (Sim.Charles) ; cf.ibid; p.4 (Dunois); p.81 (Barbin)
; t.IV, p.118 (lettre
de Perceval de Boulainvilliers - 21 juin 1429)
- La députation d'Orléans : Procès,
t.III, p.3 (Dunois)
- Les compagnons de Jeanne : chron. de la Pucelle, chap.42,
et Journal du Siège, Procès t.IV, p.207 et 127.
6 Présentation : Procès, t.III,
p.4 (Dunois) ; p.16 (Gaucourt) ; "cum magna humiliate et
simplicitate", t.IV, p.52 (J. Chartier) ; ibid, p.304 (Thomassin)
: il décrit son costume. Relation
du greffier de la Rochelle, publié par J. Quicherat
(Revue historique, t.IV (1877) p. 336 : "et estoit en habit
d'homme, c'est assavoir qu'elle avoit pourpoint noir, chausses
estachées, robbe courte de gros gris noir, cheveux ronds
et noirs, et un chapeau noir sur la teste. - Une estampe du portefeuille
Gaignières, portant le n° 54, montre la salle où
se fit, selon la tradition, cette présentation. On y lit
cette note : "M. le duc de Richelieu, à qui appartient
ce château, a donné ordre pour le démolir,1699."
(Cabinet des estampes, Topogr. de la France, arrond. de Chinon.)
Il en reste encore quelque chose.
- Le roi distingué par la Pucelle : t.III, p.116
(Simon Charles) ; p.192 (Jean Moreau) ; J. Chartier, et chron.
de la Pucelle, chap.42
- Déclaration de Jeanne : Chron. de la Pucelle,
ibid. ; Journal du siège, ibid.; Chartier,
ibid.; p. 53 : Procès t.III, p.17 (Gaucourt) ; p.
103 (Pasquerel, son aumônier).
7 Le duc d'Alençon : t.111, p.91, 92 (Alençon
; cf., ibid., p. 108 (Pasqueral) ; Perceval de Caqny, Ms
Duchesne, n°48, f°86 recto. Sa rançon aurait été
120 000 écus ; mais il lui en coûta 200 000 (plus
de 3 millions de notre monnaie, valeur intrinsèque) avant
qu'il en fut libéré (Jean Chartier, ch. XLI).
8 Incrédulité : Et de prime face, chacun
disoit que c'estoit une trufferie, t.IV, p.304 (Thomassin)
- L'insulteur : "Esse pas là la Pucelle
? negando Deum quod haberet eam nocte, quod ipsam non rederet
puellam" t.III, p.102 (Pasquerel)
9 L'hôte de la Pucelle : ibid. p.17 (Gaucourt). Sur
Guill. Bellier, cf. Gruel, ap. Godefroy, Vie de Charles VII, p.754
- Enquête dans son pays : "Audivit dici quod
fuerunt Fratres Minores in dicta villa ad faciendum informationes",
t.II, p.397 (Béatrix Estellin) ; cf. p.394 (Dom.Jacob),
et t.III, p.83 (Barbin) : "Et misit etiam ; ut audivit, in
loco nativitatis ipsius Johannæ ad sciendum unde erat".
- Exercices militaires : t.III, p.92 (Alençon) :
"Ladite Pucelle estant au dict lieu de Poitiers et
après que son dit harnois fut fait, elle s'en arma et avec
les gens d'armes alloit aux champs et couroit la lance aussi bien
et mieux qu'hommes d'armes qui y fust, et chevauchoit les coursiers
noirs de tels et si malicieux qu'il n'estoit nul qui bonnement
les osast chevaucher, et fesoit tant d'autres choses merveilleuses
que chacun en estoit tout emerveillé (Rel.
du greffier de La Rochelle)
- Examens divers etc... : Chron. de la Pucelle, chap.42,
Procès, t.III, p.92 (Alençon) ; p.66 (L. de Coutes,
son page) : "Et ipse loquens pluries eamdem Johannæ
vidit ire et redire versus regem, et fuit assignatum eidem Johannæ
hospitium in quadram turri castri du Couldray. Per plures dies
veneiebant homines magni status locutum cum eadem Johanna. Multotiens
vidit eamdem Johannam genibus flexis, ut sibi videbatur,
orantem ; non tamen potuit percipere quid dicebat, licet aliquando
fleret". Le fort du Coudrai était mis en communication
par un pont avec le château principal. Voir Cougny, Notice
archéologique et hist. sur le château de Chinon,
p.19 (Chinon, 1860).
10 Chron. de la Pucelle, chap.42 ; Procès t.IV, p.208 ; Journal du siège, ibid. p.128
; Alain Chartier, Lettre à un prince étranger, ibid.
t.V, p.133 ; d'Aulon, ibid. p.116 ; cf. Thomas Basin, Hist. de
Charles VII, liv.II, chap.X.II allègue le témoignage
de Dunois.
11 Le signe du roi : t.i, p.75 et 93. Voy. l'appendice
n° 13
- Paroles de Jeanne : "Et his auditis rex dixit adstantibus
quod ipsa Johanna aliqua secreta sibi dixerat quæ nullus
sciebat aut scire poterat, nisi Deus", t.III, p.103 (Pasquerel)
- Pierre Sala : Procès t.IV, p.280 ; cf. l'Abréviateur
du procès, ibid., p.258, et le miroir des femmes vertueuses,
ibid. p.271 ; L'Averdy, Notices des manuscrits, t.III, p.307 ;
Lebrun des Charmettes, Hist. de J. d'Arc, t.I p.379, et Jules
Quicherat, Aperçus nouveaux, p.62 et suiv.
12 Jeanne menée à Poitiers : t.IV, p.209
et 214 (Chron.) ; p.363 (Monstrelet) ; t.IV, p.119 (Lettre de
Perceval de Boulainvilliers).
- L'hôte de Poitiers : En l'hostel d'un nommé
maître Jean Rabateau qui avoit espousé une bonne
femme. t.IV, p.209 (Chron) cf.t.III, p.74 (G.Thibault)
et p.82 (Barbin)
- Le conseil à Poitiers (ibid.), p.203 (Seguin)
- Les examinateurs de Poitiers : il faut joindre à
ceux que nous avons nommés : Jordan Morin, député
du Duc d'Alençon ; Jean Lombard, professeur de théologie
à l'Université de Paris ; Guillaume Lemaire ou Lemarié,
chanoine de Poitiers ; Guillaume Aymery, professeur de théologie
de l'ordre des frères prêcheurs ; frère Pierre
Turelure, autre dominincain ; maître Jacques Madelon ; Mathieu
Ménage ; ibid. p.19 (Fr.Garivel) ; p.74 (Gob.Thibault)
; p.92 (Alençon) ; p.203 (Seguin).
13 Interrogatoires : t?IV, p.209, chronique chap.42,
t.III, p.203 (Seguin)
- Le signe : t.III, p.20 (Garivel) et p.17 (Gaucourt) :
"Ipsa respondit quod signum quod ostenderet eis esset de
levatione obsidionis et succursu villæ Aurelianensis".
14 Durée de l'examen : "Qui pluribus et iteratis
vicibus et quasi spatio trium septimanarum examinaverunt dictam
Johannam" t.III, p.19 (Garivel) ; cf.p.17 (Gaucourt) : "Spatio
et tempore trium septimanarum et amplius, tam Pictavis quam Caynone."
Dans le résumé des conclusions de Poitiers, il est
dit que le roi a fait garder et observer Jeanne depuis six semaines.
(ibid. p.392).
- Thibault : "Venit eis obviam et percussit loquentem
super spatulum, eidem loquenti dicendo quod bene vellet habere
plures homines voluntatis loquentis..." Ego nescio nec A
nec B, etc..." ibid.p.74.
15 Surveillance exercée sur Jeanne : t.III, p.205
(Seguin).
- Il y a ès livres... etc : t.III, p.86 (Marg. La
Touroulde)
- La prophétie sur Jeanne : "Audivit dici dicto
defuncto domini confessori, quod viderat in sciptis, quod dedebat
venire quædam puella, quæ debebat juvare regem Franciæ...
Quod ipsi credebant eam esse de qua prophetia loquebatur",
t.III, p.75 (G.Thibault)
- Sur la prophétie de Merlin, Christine de Pisan,
vers achevés le 31 juillet 1429, Procès, t.V, p.12
; cf. la déposition de P.Miget, t.III, p.133 ; Thomassin,
t.IV, p.305 et Walter Bower, ibid. p.480. Combien le passage
des prophéties de Merlin se rapportent peu à Jeanne
: M.J. Quicherat, t.III, p.340 et 341 (notes).
16 Conclusion des docteurs : Voy. le résumé
qu'on en a : Procès t.III, p.391, et ce que en dit M.J.Quicherat,
t.V p.472. "Quod attenta necessita eminenti et periculo in
quo erat villa Aurelianensis, rex poterat de ea se juvare".
Procès, t.III, p.205 (Seguin) ; cf. ibid. p.20 (Garivel),
p.93 (Alençon), p.102 (Pasquerel), et p.209 (d'Aulon) ;
et la Chronique des Pays-Bas, etc... Coll. des chroniques belges,
t.III, p.407
- Visite des matrones : d'Aulon, ibid. ; cf Pasquerel,
ibid., et la lettre
de Perceval de Boulainvilliers, t.V, p.119.
17 Impression produite par Jeanne : Chron. t.IV, p.211.
- Contraste de la guerrière et de la jeune fille : Thomassin, Procès, t.IV, p.306 : "Et si ay ouï
dire à ceux qui l'ont vue armée qu'il la faisoit
très-bon voir, et se y contenoit assez bien comme
eust fait un bon homme d'armes. Et quand elle estoit sur faict
d'armes, elle estoit hardye et courageuse, et parloit hautement
du faict des guerres. Et quand elle estoit sans harnoys, elle
estoit moult simple et peu parlant." cf Cagny, ibid. p.3
; Chron. p.212 : "Et en chevauchant portoit aussi gentilement
son harnois que si elle n'eust faict autre chose tout le temps
de sa vie."
- Piété, etc..., Procès, t.IV p.119
(Perceval de Boulainvilliers)
- L'habit d'homme, Chron. ; Traité de Jacques Gelu,
archevêque d'Embrun (mai 1429) "Decentius enim est
ut ista in habitu virili committantur propter conversationem cum
viris, quam alias, quia qui similem cum aliis gerit vitam, necesse
est ut similem sentiat in legibus disciplinam" (Procès
t.III, p.405, cf.407).
18 Jeanne à Tours : J.Pasquerel lui donne pour hôte
un bourgeois appelé Dupuy ; et L.de Coutes, pour hôtesse
une femme appelée Lapau (Procès t.III, p.101 et
66). On ne peut guère accorder les deux témoins
qu'en mariant les deux personnages : c'est ce que fait Lebrun
des Charmettes t.I, p.416. Jeanne est à Tours quand Louis
de Coutes lui est donné pour page (t.III p.66) ; c'est
à Tours aussi que Pasquerel lui fut présenté
(t.III, p.101).
- Sa maison militaire : d'Aulon, t.III p.210, Louis de
Coutes, ibid. p.3. On trouve dans les extraits des comptes
de Guillaume Chartier, receveur de toutes les finances : "à
Jehan de Mès, pour la despense de la Pucelle, 200
livres tournois (environ 1128 fr.). Au maistre armeurier pour
ung harnois complet pour ladite Pucelle, 100 l.t. Audit Jehan
de Mès et son compagnon pour eux armer et habiller, pour
estre en la compagnie de ladite Pucelle, 125 l.t, t.IV p.258,
cf. Loiseleur, Compte des dépenses faites par Charles VII,
etc... p.27, note. La somme allouée à Jean de Metz
est de 100 l. et les lettres royales qui la lui accordent, sont
du 21 avril, c'est à dire du jour où la Pucelle
alla de Chinon à Tours en vue de l'expédition d'Orléans.
- Sur le costume militaire de Jeanne : voy. l'appendice
n°14.
- L'épée de Sainte Catherine : Ce qu'en dit
Jeanne : "Interrogata qualiter sciebat illum ensem ibi esse
: respondit quod ille ensis erat in terra rubiginosus, in quo
erant quinque cruces ; et scivit ipsum ibi esse per voces,
nec unquam viderat hominem qui ivit quaesitum praedictum
ensem. Scripsitque viris ecclesiasticis illius loci quatenus placeret
eis ut ipsa haberet illum ensem ; et
ipsi miserunt eum. Nec erat multum sub terra retro altare, sicut
ei videtur ; tamen nescit proprie an erat ante altare vel retro,
des existimat se scripsisse tunc quod praedictus ensis erat retro
altare. Dicit eciam quod, statim postquam praedictus ensis repertus
est, viri ecclesiasti illius loci confricaverunt eum, et illico
cecidit rubigo sine violentia." (Procès t.I, p.76
; cf. Chron. t.IV
p.212). Le greffier
de La Rochelle dit qu'elle était "en une arche
dedans le grand hostel (autel) de l'église". Ce bruit
qu'il a recueilli ou mal entendu ne peut prévaloir contre
ce que dit Jeanne elle-même. Un auteur qui, dans le titre
de son livre, prétend réfuter toutes les erreurs
publiées jusqu'à lui sur Jeanne d'Arc, signale celle-ci
dans le trait en question : le texte du procès porte quod
ille ensis erat in terra, et l'on traduit "en terre".
Qu'on traduise "sur la terre," sens que comporte la
préposition in, et tout est éclairci. Cela est vrai
mais il ne parait pas avoir lu ce qui suit : Nec erat multum sub
terra : "elle n'était pas profondément sous
terre". Elle était donc bien enterrée.
Et que devient l'explication ?
- Sur l'étendard de Jeanne d'Arc voyez l'appendice
15.
- Amour de Jeanne pour son étendard : "quod
multo, videlicet quadragesies, prædiligebat vexillum quam
ensem, ... quod ipsamet portabat evitando ne interficeret aliquem
; et dicit quod nunquam interfecit hominem" Procès
t.I, p.78 ; cf la déposition de Seguin, t.III, p.205.
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