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Livre
III - REIMS
I
- La campagne de la Loire p. 177 à 208 |
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a
délivrance d'Orléans fit dans tous les esprits une
impression profonde. La Pucelle avait donné son signe. Ce
grand siège, qui durait depuis sept mois, elle y avait mis
fin en une semaine. Ces bastilles qui s'appuyaient les unes les
autres, elle les avait enlevées l'une après l'autre,
ou plutôt il avait suffi qu'elle en prît trois pour
que tout le reste fût évacué.
Jeanne était donc bien l'envoyée de Dieu,
c'était le cri du peuple ; c'était aussi le sentiment
des docteurs les plus autorisés.
Jean Gerson, dans un écrit daté du 14
mai, six jours après la levée du siége (il
mourut le 12 juillet suivant : c'est, selon toute apparence, son
dernier acte public), Jean Gerson examinait si l'on pouvait, si
l'on devait croire à la Pucelle. Il émanerait toutes
les raisons qui militaient en sa faveur : l'adhésion du conseil
et des gens de guerre qui la suivaient, au péril même
du ridicule ; l'enthousiasme du peuple, le découragement
de l'ennemi ; et avec ces raisons extérieures, d'autres plus
intimes : la vie passée de Jeanne d'Arc et sa
manière de se conduire, faisant tout, simplement, sans superstition
ni vue intéressée, parlant au nom du Ciel sans cesser
d'agir par elle-même, ou tenter Dieu par témérité.
Il se prononçait donc pour elle, ajoutant : "Quand bien
même (ce qu'à Dieu ne plaise) elle serait trompée
dans son espoir et dans le nôtre, il ne faudrait pas conclure
que ce qu'elle a fait vient de l'esprit malin et non de Dieu, mais
plutôt s'en prendre à notre ingratitude et au juste
jugement de Dieu, quoique secret." Et il terminait ses observations
par cet avertissement prophétique : "Que le parti qui
a juste cause prenne garde de rendre inutile par incrédulité,
ingratitude ou autres injustices, le secours divin qui s'est manifesté
si miraculeusement, comme nous lisons qu'il arriva à Moïse
et aux enfants d'Israël : car Dieu, sans changer de conseil,
change l'arrêt selon les mérites (1)."
C'est aussi la pensée qui domine le traité
de l'archevêque d'Embrun, Jacques Gelu, écrit dans
le même mois (mai 1429). La Pucelle est-elle envoyée
de Dieu ? Quelle est sa mission ? Quelles en sont les raisons ?
Et si Dieu veut manifester sa puissance, a-t-il besoin d'un intermédiaire
? n'a-t-il pas les anges ? pourquoi une jeune fille élevée
parmi les brebis ? Le prélat se pose et résout toutes
les questions dans le même sens que J. Gerson ; et ses conclusions
sont plus expresses encore et plus pratiques. Il veut que, sans
négliger les voies ordinaires en ce qui touche les approvisionnements,
les finances et tous les besoins de l'armée, on suive surtout
l'inspiration de Jeanne, et qu'on la préfère aux suggestions
d'une sagesse tout humaine. Il rappelle Saül. Le roi doit craindre,
s'il omet de faire ce que dit la Pucelle, croyant mieux faire, de
se voir abandonné du Seigneur, et privé de l'objet
où il tend. C'est pourquoi le pieux évêque donne
le conseil qu'en toute chose on commence par prendre l'avis de Jeanne,
et que même dans les cas douteux, si elle y tient, on s'y
conforme. Il voudrait que le roi conférât chaque jour
avec elle sur ce qu'il doit faire pour accomplir la volonté
de Dieu, et qu'il le fît en toute humilité et dévotion,
"afin que le Seigneur n'ait pas raison de retirer sa main,
mais qu'il accorde la continuation de sa grâce (2)."
Les avis des docteurs n'étaient plus bien nécessaires
pour que le peuple crût à Jeanne ; mais leurs conseils
étaient loin d'avoir perdu leur opportunité auprès
du roi. Les conseillers intimes de Charles VII, voyant la confiance
qu'elle inspirait autour d'elle, l'avaient acceptée sans
trop de peine pour délivrer Orléans. Si elle n'en
chassait l'ennemi, ils étaient forcés de se déloger
eux-mêmes. Les Anglais, maîtres de la Loire, ne leur
permettaient plus d'y demeurer en sûreté. Mais l'affaire
n'en était plus là : Orléans délivré,
la Pucelle voulait mener le roi à Reims, et l'entraîner,
après le sacre, à la délivrance du royaume.
Il fallait donc qu'ils payassent de leur personne, ou du moins qu'à
la suite du roi ils se missent en route à travers les provinces
occupées par l'ennemi. Cela coûtait à leur lâcheté,
ou, si l'on veut, à leur nonchalance; et ils était
résolus de prendre tous les prétextes pour en reculer
le moment (3).
Jeanne leur devait laisser peu de loisir. En quittant
Orléans, elle était venue à Blois, puis à
Tours, où le roi vint de Chinon à sa rencontre. Charles
la reçut avec de grands honneurs. Quand la Pucelle se présenta
devant lui, l'étendard à la main et lui fit révérence,
le roi lui-même, dit une ancienne chronique, "ôta
son chaperon et l'embrassa en la saluant et, comme il sembla à
plusieurs, volontiers l'eût baisée de la joie qu'il
avoit." Il n'ignorait point quelle part elle avait eue à
cette victoire aussi prompte qu'inespérée. Dans sa
lettre aux habitants de Narbonne, lettre écrite pendant qu'on
apprenait, pour ainsi dire, coup sur coup, la prise de Saint-Loup,
puis des Tourelles, et enfin la levée du siège, le
roi, sans dire encore tout ce qu'elle avait été dans
le succès, leur signalait les choses merveilleuses qu'on
rapportait d'elle, la nommant seule et constatant qu'elle avait
été présente à tout. Il pouvait maintenant
en savoir bien davantage. Aussi lui fit-il "grande chère."
Il voulait même qu'elle prît pour armoiries les lis
de France et la couronne avec l'épée tirée
pour la conquérir : c'est le blason qui demeura dans sa famille.
Mais Jeanne n'était pas venue chercher la récompense,
elle venait solliciter l'achèvement de son œuvre, et
c'est ce qu'on semblait le moins disposé à lui accorder (4).
Charles convoqua ses capitaines et "autres sages
de sa cour." Il tint plusieurs conseils (à Tours), et
la prudence des conseillers eut plus d'une excellente raison à
opposer aux desseins de la jeune fille. On alléguait la grande
puissance des Anglais et des Bourguignons, et la détresse
du roi, qui n'avait pas de quoi soudoyer l'armée nécessaire
au voyage. La Pucelle ne demandait pas tant de choses pour le conduire,
lui et sa compagnie, jusqu'à Reims, "sûrement
et sans destourbier" (empêchement), mais elle voulait
qu'on se pressât. Elle disait "qu'elle ne durerait guère
plus d'un an, et qu'on songeât à bien besogner cette
année :" car elle avait beaucoup à faire. Après
le sacre, elle avait encore, disait-elle, au rapport du duc d'Alençon,
à chasser les Anglais, à délivrer le duc d'Orléans.
Si l'on croyait à sa mission, c'était bien le cas
de faire selon l'avis de Jacques Gelu : imposer silence à
toutes les objections et la suivre. Mais ceux qui ne la voulaient
pas suivre affectaient de croire que ce n'était pas si clairement
l'ordre de Dieu (5).
Un jour, la Pucelle, impatiente de ces lenteurs, vint
avec Dunois au château de Loches, et fut menée à
la chambre de retrait où le prince était conversant
avec Christophe d'Harcourt, l'évêque de Castres, son
confesseur, et le seigneur de Trêves (Robert le Maçon),
ancien chancelier de France. Elle frappe à la porte, et dès
qu'elle est introduite, elle se jette aux pieds du roi, et embrassant
ses genoux :
"Gentil Dauphin, dit-elle, ne tenez plus tant
et de si longs conseils, mais venez au plus tôt à Reims
pour recevoir votre digne couronne."
Christophe d'Harcourt lui demanda si ses voix lui avaient
dit cela :
"Oui, répondit-elle, je suis fort
aiguillonnée touchant cette chose".
— Ne voudriez-vous pas, ajouta d'Harcourt, nous dire ici,
devant le roi, comment font vos voix quand elles vous parlent ?
— Je conçois bien, dit-elle en rougissant,
ce que vous voulez savoir, et vous le dirai volontiers."
Et comme le roi, la voyant émue, lui demandait
s'il lui plaisait de s'expliquer devant les assistants, elle répondit
qu'elle le voulait bien, et raconta, comment, lorsqu'elle s'affligeait
des doutes que l'on opposait à sa mission, elle se retirait
à part et priait Dieu, se plaignant de ce qu'on ne la voulait
pas croire ; et sa prière faite, elle entendait une voix
qui lui disait :
"Fille Dé (de Dieu), va, va, va, je serai
à ton aide, va !" et quand cette voix lui venait, elle
était bien réjouie et elle eût voulu être
toujours en cet état. En rapportant les paroles de ses voix,
elle rayonnait d'une joie divine et levait les yeux au ciel (6).
Ces paroles prenaient leur autorité des merveilles
qu'elle venait d'accomplir. Le roi et personne autour de lui ne
le devaient méconnaître : mais pouvait-on aller à
Reims, en laissant les Anglais derrière soi sur la Loire,
à Baugency, à Meun, à Jargeau ? Les Anglais,
en effet, chassés de devant Orléans, s'étaient
repliés sur ces villes. Talbot avait occupé Meun;
Suffolk, Jargeau, et naguère, après la levée
du siège d'Orléans, quand Dunois, Boussac, Graville,
Xaintrailles, voulant profiter de l'impression que Jeanne avait
produite, et peut-être de son absence, s'étaient portés
sur Jargeau dans l'espoir d'enlever la place, ils y avaient dû
renoncer. Les Anglais tenaient donc toujours, et il y avait à
craindre que cette marche aventureuse vers le Nord ne leur abandonnât
le Midi. D'ailleurs, pour rassembler les princes et les seigneurs
qui devaient accompagner le roi au sacre, il fallait du temps :
le pouvait-on mieux employer qu'en enlevant aux Anglais leurs dernières
positions sur la Loire ? Jeanne adopta le projet ; selon Perceval
de Cagny, ce fut même elle qui le proposa. On réunit,
à l'aide des capitaines revenus d'Orléans, une petite
armée qui fut placée sous les ordres du jeune duc
d'Alençon. Libéré enfin de sa rançon
au prix des plus durs sacrifices, il brûlait de venger son
ancien échec et de regagner, au service du roi, l'équivalent
de ce qu'il y avait perdu. Le roi répondit à
ses désirs en lui donnant le commandement de cette expédition
; mais il plaçait auprès de lui la Pucelle, avec la
recommandation expresse qu'il ne fît rien sans son avis (7).
Jeanne avait pris dès lors un ascendant auquel
personne ne pouvait plus se soustraire, et elle l'exerçait
avec un naturel qui, dans cette âme simple et sans prétention,
témoigne bien de la source où elle puisait tant d'autorité.
Gui de Laval, dans une lettre écrite le 8 juin 1429, au milieu
des derniers préparatifs de la campagne, en fait à
sa mère et à son aïeule un tableau animé,
où la Pucelle est peinte au vif dans toute la grâce
et la séduction de son rôle, traitant familièrement
avec les plus hauts personnages, donnant tour à tour le signal
des prises d'armes ou des processions. Le roi était venu
à Saint-Aignan (Berri), et Jeanne d'Arc s'était rendue
à Selles, à quatre lieues de là, où
toutes les troupes devaient se réunir pour entrer en campagne.
Gui de Laval étant venu rejoindre le roi, le prince lui fit
un excellent accueil, voulut qu'il vît Jeanne, et comme il
se rendait lui-même à Selles, il la fit venir au-devant de
lui. "Et fit, dit le jeune comte, ladite Pucelle, très
bonne chère à mon frère et à moi, armée
de toutes pièces, sauf la tête, et tenant la lance
en main. Et après que fûmes descendus à Selles,
j'allai à son logis la voir; et fit venir le vin, et me dit
qu'elle m'en feroit bientôt boire à Paris ; et ce semble
chose toute divine de son fait, et de la voir et de l'ouïr."
Puis, racontant comment le même soir (6 juin) elle partit
pour Romorantin avec une portion des troupes : "Et la vis monter
à cheval, armée tout en blanc, sauf la tête,
une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir, qui à
l'huis de son logis se démenoit trèsfort, et ne souffroit
qu'elle montât. Et lors elle dit : "Menez-le à
la croix," qui étoit devant l'église auprès,
au chemin. Et lors elle monta, sans qu'il se mût, comme s'il
fût lié. Et lors se tourna vers l'huis de l'église,
qui étoit bien prochain, et dit en assez bonne voix de femme
: "Vous, les prêtres et gens d'Église, faites
procession et prières à Dieu." Et lors se
retourna à son chemin, en disant : "Tirez avant, tirez
avant," son étendard ployé que portoit un gracieux
page, et avoit sa hache petite en la main (8)."
Cette lettre témoigne en même temps de
l'enthousiasme et du zèle que la Pucelle inspirait. Tout
le monde voulait l'accompagner : "ne oncques gens n'allèrent
de meilleure volonté en besogne." La cour manquait d'argent,
et on n'avait rien à attendre d'elle, mais on savait y suppléer
: on se ruinait pour combattre avec Jeanne. "Pour ce, continue
le prince, vous, madame ma mère, qui avez mon sceau, n'épargnez
point ma terre par vente, ni par engage, là où nos
personnes sont à être sauvées, ou aussi par
défaut abaissées, et par aventure en voie de périr."
La dame de Laval, par un sentiment bien pardonnable à une
mère, en envoyant ses deux fils à la cour, aurait
voulu qu'ils demeurassent auprès du roi : elle avait écrit
en ce sens à la Trémouille son parent, et peut-être
aussi à la Pucelle. Jeanne entrant dans ses vues, voulait
faire patienter le jeune comte, lui disant que lorsque le roi prendrait
le chemin de Reims, il irait avec lui. "Mais jà Dieu
ne veuille, s'écrie-t-il tout bouillant d'ardeur, que je
le fasse et que je ne aille. Et autretant (tout autant) en dit mon
frère et comme Monseigneur d'Alençon : abandonné
seroit celui qui demeureroit (9) !"
On était dans le mouvement du départ.
Le duc d'Alençon venait d'arriver avec sa compagnie l'avant-veille
(lundi 6 juin) ; le seigneur de Rais était attendu dans la
journée (mercredi 8), et, ce même jour, Alençon,
Dunois et Gaucourt devaient quitter Selles pour rejoindre Jeanne,
qui, dès le 6, avait pris les devants. On disait même
que le roi partirait le lendemain pour se rapprocher de l'armée.
"Et on espère, continuait Gui de Laval, qu'avant qu'il
soit dix jours, la chose sera bien avancée de côté
ou d'autre. Mais tous ont si bonne espérance en Dieu que
je crois qu'il nous aidera (10)."
Il ne se trompait pas, même pour le temps. Il
écrivait le 8 : le 18, après deux siéges et
une bataille, la campagne était terminée. Le mercredi
après-midi, Vendôme, Boussac et autres avaient rejoint
le général en chef ; La Hire était proche :
"Et ainsi, disait Laval dans une addition à sa lettre,
on besognera bientôt. Dieu veuille que ce soit à notre
désir !" Le lendemain (9 juin), la petite armée
rentrait dans Orléans, où elle fut reçue avec
une joie extrême, et surtout la Pucelle, "de laquelle
voir, dit encore le Journal du siége, ne se pouvoient saouler."
Ils en partirent le 11 au nombre de huit mille hommes, dont
six cents lances amenées par le duc d'Alençon, six
cents par Dunois, Florent d'Illiers et quelques autres, et le reste
du commun, c'est-à-dire du peuple d'Orléans et lieux
voisins ; et ils s'avancèrent vers Jargeau, que défendait
le comte de Suffolk avec six à sept cents hommes d'élite,
bien résolus et pourvus de canons.
Les Français n'avaient point laissé leur artillerie
en arrière; mais à peine venus, et, selon le témoignage
du duc d'Alençon, avant même d'être arrivés,
plusieurs voulaient rebrousser chemin. On disait que Falstolf venait
au secours de la ville avec une nombreuse troupe. Et, en effet,
Bedford, apprenant l'expédition préparée contre
ses places de la Loire, l'avait fait partir de Paris avec cinq mille
hommes, et levait partout d'autres soldats qui le devaient rejoindre.
Falstolf s'avançait avec lenteur. Il s'arrêta quatre
jours à Étampes, quatre jours à Janville, voulant
avoir tous ses renforts avant d'attaquer une armée conduite
par la Pucelle. Mais dans l'armée de la Pucelle il y en avait
encore qui ne s'étaient point désaccoutumés
de craindre les Anglais, et il leur semblait périlleux de
les attendre devant une place occupée par leurs troupes.
Plusieurs partirent, et Jeanne ne retint les autres qu'en leur affirmant
que Dieu conduisait l'entreprise : "Si je n'en étais
sûre, disait-elle, j'aimerais mieux garder les brebis
que de m'exposer à tant de périls" (11).
Jeanne voulait, dès l'arrivée, loger l'armée
dans les faubourgs. Tandis que les gens d'armes cherchaient un abri,
les gens du commun, pensant que rien ne pouvait résister
à la Pucelle, se jetèrent dans les fossés,
et, sans attendre qu'elle fût à leur tête, attaquèrent
la place. Les Anglais firent une sortie, et les forçaient
à se replier en désordre, quand Jeanne, prenant son
étendard, vint leur rendre courage, et l'on fit tant que
cette même nuit on s'établit dans les faubourgs comme
elle l'avait voulu (12).
Avant de commencer l'attaque en règle de la ville,
Jeanne, selon son habitude, voulut faire sommation à ses
défenseurs. Elle leur enjoignait de s'en aller en leur petite
cotte, la vie sauve, sinon qu'on les prendrait d'assaut. Les Anglais
demandaient quinze jours de suspension d'armes : c'était
plus qu'il n'en fallait pour donner à leurs renforts le temps
d'arriver. On répondit qu'on les laisserait partir avec leurs
chevaux, mais dans l'heure même. Suffolk tenta quelque autre
moyen de traiter ou de traîner en longueur en parlant à
La Hire ; mais on rappela La Hire et l'attaque fut résolue (13).
Pendant le reste de la nuit, on s'occupa des travaux
préparatoires. Dès le matin, les
canons et les bombardes étaient en batterie, et à
neuf heures, quoique ce fût dimanche, Jeanne fit sonner les
trompettes et cria au duc d'Alençon : "Avant, gentil
duc, à l'assaut !" Le duc trouvait que c'était
trop tôt commencer : mais Jeanne lui dit : "Ne doutez
point, c'est l'heure quand il plaît à Dieu; il faut
besogner quand Dieu veut. Travaillez, et Dieu travaillera."
Et elle ajoutait : "Ah ! gentil duc, as-tu peur ? Ne sais-tu
pas que j'ai promis à ta femme de te ramener sain et sauf?
» Et en effet, quand le duc d'Alençon avait quitté
sa femme pour venir avec Jeanne à l'armée, la duchesse
avait exprimé ses craintes à la Pucelle : le duc sortait
à peine de captivité, et il avait tant dépensé
pour sa rançon ! Mais Jeanne lui avait dit : "Ne
craignez point, madame, je vous le rendrai sain et sauf, et en tel
point qu'il est ou mieux encore (14)."
Elle tint parole, et dans cet assaut même un mot
d'elle lui sauva la vie. Comme il observait l'attaque d'un endroit
découvert : "Retirez-vous, dit-elle, car voici un engin
qui vous tuera ;" et elle lui montrait un canon aux murs de
la ville. Il se retira, et un moment après, le seigneur de
Lude était tué à cette même place d'un
coup parti de la pièce désignée (15).
Les Anglais soutinrent l'assaut avec vigueur. Parmi
eux il y en avait un, grand et fort, qui se tenait à découvert
sur les murailles, accablant les assaillants de boulets et renversant
les échelles et les hommes. Mais là, comme à
l'assaut des Augustins, il y avait parmi les Français le
fameux canonnier de Lorraine. Le duc d'Alençon lui montra
le redoutable Anglais, et d'un coup de sa couleuvrine Jean le renversa
mort dans la ville. Comme l'attaque durait depuis trois ou quatre
heures, Jeanne et le duc d'Alençon lui-même, tout commandant
qu'il était, descendirent dans le fossé et coururent
aux murailles. Suffolk comprit le péril ; il voulut parler,
au duc, mais ne fut plus écouté. Déjà
la Pucelle montait à l'échelle, tenant en main son
étendard, quand ce drapeau fut atteint, et elle-même
frappée a la tête d'une pierre qui se brisa sur son
casque. Elle tomba par terre, mais elle se releva criant aux hommes
d'armes : "Amis, amis, sus! sus! notre Sire a condamné
les Anglais. Ils sont nôtres à cette heure. Ayez bon
courage !"
Et les Français excités par ces paroles,
escaladèrent hardiment les murs et prirent la ville. Suffolk
et les Anglais se replièrent vers le pont, et l'un des deux
frères du capitaine fut tué dans cette retraite ;
les autres ne purent tenir davantage. Suffolk, vivement pressé
par un écuyer d'Auvergne, nommé Guillaume Regnault,
lui demanda s'il était gentilhomme.
"Oui, dit-il.
— Êtes-vous chevalier ?
— Non."
Le comte le fit chevalier et se rendit à lui (16).
Quatre à cinq cents hommes avaient péri
dans l'assaut ; le reste fut pris à rançon, et
dans le nombre l'autre frère de Suffolk. La ville, l'église
même où les Anglais avaient serré leurs biens,
tout fut pillé. Quant aux prisonniers de renom, on les envoya
par eau et de nuit à Orléans, de peur qu'ils ne fussent
tués; et cette crainte n'était pas sans fondement
: car les soldats ne voulaient de quartier pour personne. Au retour,
un débat s'étant élevé sur quelques
autres captifs, ils les tuèrent (17).
Le lundi, Jeanne et le duc d'Alençon, après
avoir pourvu à la garde de Jargeau, revinrent à Orléans,
et l'on peut se figurer l'accueil qu'ils y reçurent. Après
avoir mandé au roi leur victoire, ils y restèrent
les deux jours suivants, ralliant à eux tous ceux qui n'avaient
pas eu le temps de les rejoindre au premier siège : les seigneurs
de Laval et de Lohéac, ces deux jeunes frères dont
on a vu la lettre à leur mère et à leur aïeule
; Chauvigny, La Tour d'Auvergne, le vidame de Chartres. Le mardi,
la Pucelle appela son beau duc, comme elle nommait Alençon,
et lui dit : "Je veux demain, après-midi, aller voir
ceux de Meun ; faites que la compagnie soit prête à
partir à cette heure. » Tout le monde fut prêt.
On vint à Meun. On attaqua vivement et on prit le pont que
les Anglais avaient solidement fortifié, et on l'occupa laissant
pour le moment la ville. On était, sur ce point, maître
du passage : on avait hâte d'en faire autant à Baugency (18).
A Baugency, à leur approche, les Anglais désemparèrent
la ville pour se retrancher dans le château et sur le pont.
Ce ne fut point cependant sans laisser derrière eux quelques
soldats déterminés à vendre chèrement
la place qu'ils abandonnaient. Mais les Français, arrivant
le jeudi matin, les refoulèrent dans le château où
les autres s'étaient retirés, et disposèrent
leurs canons et leurs bombardes pour les forcer dans cette dernière
retraite (19).
Le
siège fut marqué par un accident qui faillit diviser,
par le contre-coup des intrigues de la cour, l'armée si bien
unie contre les Anglais. Richemont, retiré dans sa seigneurie
de Parthenay, ne se résignait point à l'inaction où
le
condamnait l'ingrate et misérable jalousie de La Trémouille.
Après l'arrivée de la Pucelle, quand on alla au secours
d'Orléans, il voulut en être, et leva une troupe qui
ne comptait pas moins de quatre cents lances et de huit cents archers.
Mais comme il était à Loudun, le roi lui fit dire
de s'en retourner ; que, s'il passait outre, on le combattrait.
Le connétable dut s'arrêter, et il put d'ailleurs apprendre
bientôt qu'Orléans avait été délivré
sans son aide. Mais, quand il sut qu'on recommençait une
campagne sur la Loire, il reprit sa marche; il passa le fleuve à
Amboise, dont le capitaine, plus homme de bien qu'homme de cour,
n'entreprit point de l'arrêter, et, apprenant qu'on faisait
le siège de Baugency, il y alla (20).
Si l'on en croit l'historien attitré, on pourrait
dire l'apologiste de Richemont, Guillaume Gruel, dès qu'on
apprit l'arrivée du connétable, le duc d'Alençon
et la Pucelle montèrent à cheval pour le combattre.
Mais La Hire et plusieurs autres, sachant ce qu'elle voulait faire,
lui dirent "que si elle y alloit, elle trouveroit bien à
qui parler ; et qu'il y en avoit en la compagnie qui seroient plutôt
à lui qu'à elle ; et qu'ils aimeroient mieux lui et
sa compagnie que toutes les pucelles du royaume de France."
Malgré ce langage assez impertinent (on a plus d'une raison
de croire que Gruel ne l'a pas entendu), la Pucelle s'avance vers
Richemont. On le rencontre, mais au lieu de le combattre, on lui
fait grande chère, on est bien aise de sa venue. La Pucelle
met pied à terre, embrasse ses genoux, et Richemont lui dit
: "Jeanne, on m'a dit que vous me voulez combattre. Je ne sais
si vous êtes de par Dieu ou non. Si vous êtes de par
Dieu, je ne vous crains de rien, car Dieu sait mon bon vouloir;
si vous êtes de par le diable, je vous crains encore moins."
C'est sur ce mot que Gruel montre son héros tirant droit
au siège, et prenant la charge du guet : "et fut le
plus beau guet qui eût été en France, passé
a (il y a) longtemps (21)."
Le duc d'Alençon fait un tout autre récit
de l'affaire. L'arrivée de Richemont était fort
mal vue des chefs. Alençon avait reçu les ordres du
roi ; il déclara à Jeanne que, si le connétable
venait, lui-même s'en irait. Le succès était
donc compromis par une démarche faite pour l'assurer ; mais
il n'y avait au fond de tout cela, on le savait, que la jalousie
d'un courtisan, point de haine personnelle aux chefs ; il ne fallait
pour les rapprocher qu'un prétexte et du bon vouloir. Le
prétexte fut l'ennemi, dont la venue était annoncée
; et le bon vouloir, c'est Jeanne qui l'inspira. Elle qui cherchait
si peu l'aide des hommes, elle dit au duc d'Alençon qu'il
fallait s'aider ; et elle régla les formes de l'accord: car
elle seule paraissait avoir assez de crédit pour le faire
goûter de Charles VII. A la prière du connétable
et des seigneurs, elle se chargea donc de ménager la paix
de Richemont avec ce prince. Le connétable jura devant elle
et devant les seigneurs qu'il servirait toujours loyalement le roi
; et le duc d'Alençon et les autres chefs se portèrent
garants de sa réconciliation (22).
La troupe anglaise dont l'arrivée hâta
la conclusion de cet accord était celle que Falstolf avait
voulu amener au secours de Jargeau. Il ayait appris pendant son
séjour à Janville la perte de cette place ; et Talbot,
venant de la Loire, avait pu lui faire connaître presque en
même temps que le pont de Meun était pris, et Baugency,
à la veille d'être forcé. Falstolf était
d'avis qu'on en laissât la garnison capituler, représentant
que depuis les affaires d'Orléans les troupes étaient
"moult amaties et effrayées." Il pensait donc qu'il
valait mieux ne rien risquer, se renfermer dans les forteresses
les plus sûres, et y attendre que leurs gens eussent repris
confiance et que Bedford leur eût envoyé tous les secours
promis. Mais Talbot s'indigna de cette circonspection et jura que
n'eût-il que sa gent et ceux qui le voudraient suivre, il
irait combattre l'ennemi, à l'aide de Dieu et de monseigneur
saint Georges. Falstolf céda, et le lendemain on mit les
troupes aux champs : mais
avant de partir il réunit les capitaines et leur remontra
encore les périls de l'entreprise : ils n'étaient,
disait-il, qu'une poignée de gens au regard des Français,
et, "si la fortune tournoit mauvaise sur eux, tout ce que le
feu roi Henri avoit conquis en France à grand labeur et long
terme seroit en voie de perdition." Mais ses remontrances n'étant
pas mieux goûtées, il commanda aux étendards
de prendre la route de Meun (23).
Les Français, laissant une partie des leurs autour
du château de Baugency, vinrent au-devant des Anglais et les
rencontrèrent "à une lieue près de Meun
et assez près de Baugency." Wavrin, qui parle seul expressément
de ce mouvement, porte leur nombre à six mille environ et
nomme parmi les chefs Alençon, Dunois, Lafayette, La Hire,
Xaintrailles et la Pucelle. Ils se postèrent sur une éminence,
observant les ennemis. Les chefs anglais, s'attendant à la
bataille, firent mettre pied à terre, avec ordre aux archers
de s'entourer de leur ceinture de pieux; puis, voyant que les Français
ne bougeaient pas, ils envoyèrent des hérauts les
défier, s'ils voulaient descendre dans la plaine. Mais ils
eurent cette réponse des gens de la Pucelle: "Allez
vous loger pour maishuy (aujourd'hui), car il est tard, mais demain,
au plaisir de Dieu et de Notre-Dame, nous nous verrons de plus près (24)."
Les Anglais vinrent se loger à Meun, où
ils avaient garnison, et changèrent de tactique. Au lieu
de marcher droit sur les assiégeants de Baugency, ils canonnèrent
toute la nuit le pont de Meun, qui était aux Français,
comptant l'enlever et gagner par l'autre rive le pont de Baugency
qui était aux leurs. Ils entraient ainsi sans nul obstacle
dans le château assiégé, et demeuraient libres
ou d'en sortir avec toutes leurs forces pour attaquer, ou de se
borner à s'y défendre. Mais les Français avaient
employé le temps bien mieux encore : ils avaient pris la
place qu'on voulait délivrer (25).
Les défenseurs du château de Baugency étaient,
comme ceux de Jargeau, les débris de l'armée d'Orléans
: c'étaient déjà des vaincus de la Pucelle.
Or ils voyaient des renforts venir aux assiégeants avec Richemont,
et ils avaient perdu l'espérance d'en recevoir eux-mêmes
: car le départ et le retour si prompt de la Pucelle leur
avaient fait croire que l'armée de Falstolf était
venue et s'en était allée. En ces circonstances, et
avant que la situation devînt plus critique (elle devait l'être,
si Richemont achevait de les investir en les attaquant par l'autre
côté du fleuve comme on l'avait résolu), le
bailli d'Évreux, qui les commandait, proposa et obtint, pour
les siens, une capitulation. On convint qu'ils sortiraient de la
place avec les honneurs de la guerre, emmenant leurs chevaux, avec
leurs harnais et la valeur d'un marc d'argent au plus. Ils promettaient
de ne point reprendre les armes avant dix jours (26).
Ils partirent le 18 au matin, et la nouvelle en fut
portée à Meun par un poursuivant d'armes, quand les
Anglais, ayant canonné le pont toute la nuit, s'apprêtaient
à lui donner l'assaut. Ils furent heureux de ne l'avoir point
passé, et ne songèrent plus qu'à reprendre,
avec la garnison de Meun, la route qu'ils avaient suivie naguère.
Ils firent d'ailleurs leur retraite en bon ordre. Derrière
une première troupe, conduite par un chevalier anglais, marchaient
l'artillerie et les bagages; puis venait le corps de bataille sous
les ordres de Falstolf, de Talbot, de Raveston ; puis l'arrière-garde,
toute composée d'Anglais de race (27).
Cependant les Français, maîtres du château
de Beaugency, avaient hâte de voir les
Anglais de près, comme ils l'avaient promis la veille. Ils
avaient cru les retrouver à Meun ; mais l'ennemi ayant fait
retraite à la première apparition de leur avant-garde,
ils gagnèrent au plus vite la route de Blois à Paris,
où ils espéraient le rejoindre. Les Anglais, avertis
de leur marche par les coureurs de l'arrière-garde, ne songèrent
plus qu'à trouver un lieu favorable où ils pussent
s'arrêter et les attendre, comme à Crécy. On
donna donc à l'avant-garde l'ordre d'aller s'établir,
avec l'artillerie et les bagages, le long d'un petit bois (près
du hameau de Lignerolles) qui couvrait les abords de Patay. Pour
y parvenir, il fallait traverser un bas-fond et au delà un
passage resserré entre deux haies très-fortes. Quand
le corps principal y arriva, Talbot, mettant pied à terre,
promit d'y tenir avec cinq cents archers d'élite jusqu'à
ce que l'arrièregarde eût rejoint le corps de bataille
; il comptait ensuite, faisant retraite le long de ces haies, gagner
à son tour la position où l'avant-garde avait précédé,
et où tous se devaient réunir pour soutenir le combat (28).
Mais il en arriva autrement. Les Français marchaient
en avant, ne sachant au juste où était l'ennemi, mais
allant toujours, sur la foi de la Pucelle. Elle leur avait dit que
les Anglais les attendraient, et comme on lui demandait où,
elle avait répondu qu'on chevauchât sûrement
et qu'on aurait "bon conduit." Ils allaient donc
dans la direction où l'on croyait que marchaient les Anglais,
ayant pour éclaireurs soixante ou quatre-vingts de leurs
chevaliers les plus braves et les mieux montés. Ils n'avaient
rien vu encore, empêchés par le pli du terrain, lorsqu'un
cerf, qu'ils firent lever, alla donner dans le corps de bataille
des Anglais, où il fut reçu à grands cris.
Ces cris donnèrent l'éveil aux chevaliers français,
qui reconnurent l'ennemi et bientôt le purent découvrir,
marchant en parfaite ordonnance. Ils se hâtèrent d'en
avertir le gros de leur armée, disant qu'il était
l'heure de besogner, qu'on les aurait bientôt en face. A cette
nouvelle, le duc d'Alençon demanda à Jeanne ce qu'il
fallait faire.
"Avez-vous de bons éperons ?"
lui dit-elle.
Plusieurs l'entendant s'écrièrent :
- Que dites-vous ? Nous tournerons donc le dos ?
"Nenni, en nom Dieu, dit Jeanne, ce seront
les Anglois ; ils seront déconfits, et vous aurez besoin
des éperons pour les suivre."
Comme on disait qu'ils avaient plus de mille hommes d'armes :
"Ah! beau connétable, dit-elle à
Richemont, vous n'êtes pas venu de par moi, mais, puisque
vous êtes venu, vous serez bien venu." Et quelques-
uns manifestant encore des doutes, sinon de la crainte : "En
nom Dieu, dit Jeanne, il les faut combattre ; quand ils seroient
pendus aux nues, nous les aurons, parce que Dieu nous les envoie
pour que nous les châtiions." Et elle répondait
de la victoire : "Le gentil roi, disait-elle, aura aujourd'hui
la plus grant victoire qu'il eut pièça (de longtemps).
Et m'a dit mon conseil qu'ils sont tous nôtres (29)."
Elle voulait être à l'avant-garde. On la
retint malgré elle, et on y mit La Hire, mais avec l'ordre
d'attaquer les Anglais assez vivement pour leur faire tourner le
visage, point assez pour qu'ils tournassent le dos. On voulait,
en les retenant à cette escarmouche, donner au gros de l'armée
française le temps d'arriver, sans leur laisser à
eux celui de gagner la position où ils comptaient se réunir.
Mais l'impétuosité de La Hire, et sans doute aussi
la terreur que Jeanne, même de loin, inspirait, déjouèrent
ce calcul. Les Français tombèrent sur l'arrière-garde
des Anglais et la dispersèrent. Talbot pourtant demeurait
ferme à son défilé, et Falstolf, fidèle
au plan que l'on avait arrêté, faisait diligence pour
aller rejoindre l'avant-garde dans ses positions sur les derrières.
Mais l'avant-garde, le voyant venir à elle, crut qu'il se
retirait, et, pour ne point perdre son avance, elle prit la fuite.
Falstolf voulut se retourner alors et marcher à l'ennemi
: il était trop tard. Déjà Talbot se voyait
enveloppé, la panique était générale,
et les Français, maîtres du champ de bataille, tuaient
ou prenaient ceux qui leur tombaient sous la main. Falstolf céda
enfin aux instances de ceux qui l'entouraient, et s'enfuit avec
peu de monde. Dans son escorte était Wavrin, qui a fait ce
récit de la bataille. Il dit que les Anglais perdirent deux
mille morts et deux cents prisonniers. Dunois, sans distinguer,
évalue leur perte à quatre mille hommes. Talbot était
parmi les prisonniers. Comme on le présentait au duc d'Alençon,
le jeune prince lui dit : "Vous ne pensiez pas, le matin, que
cela
vous arriveroit." Il répondit : "C'est la fortune
de la guerre (30)."
Cette journée eut des résultats considérables.
Tout le pays, qui détestait les Anglais, ne chercha plus
à cacher sa haine. Ceux de Janville, à qui ils avaient
laissé leur argent au départ, leur fermèrent
la porte ; et quant aux places qu'ils possédaient encore
au voisinage, Mont-Pipeau, Saint- Sigismond, etc., les garnisons
s'empressèrent d'y mettre le feu et d'en partir. Nulle citadelle
ne leur semblait sûre. Ce qui était plus grave, c'est
que, même en plaine, ils ne paraissaient plus à craindre.
Les Anglais, grâce à l'habile emploi des armes de trait,
à l'excellence de leur infanterie et à une tactique
qui reléguait au second rang les brillants usages de la chevalerie,
avaient acquis dans les combats en rase campagne un renom de supériorité
consacré par les souvenirs de Crécy, de Poitiers et
d'Azincourt. Ce prestige se dissipait comme les autres. Toute leur
tactique avait été déjouée dans le lieu
le plus propre à leur faire retrouver la gloire de ces grandes
journées ; tout leur corps de bataille avait été
mis en fuite par une simple avant-garde, mais une avant-garde animée
de l'esprit de la Pucelle. Qui pouvait douter maintenant qu'elle
ne menât le roi à Reims comme elle le promettait ?
Jeanne avait prouvé qu'elle saurait s'ouvrir les chemins
comme elle savait forcer les citadelles. On l'avait vue à
l'œuvre : et pourtant on différait encore (31)
!
Jeanne avait déjà rencontré bien
des résistances à l'accomplissement de sa mission.
Elle en avait rencontré de toutes sortes : à Domrémy,
à Vaucouleurs, à Chinon, à Poitiers. Elle avait
triomphé alors, sans persuader encore. Comme on l'avait laissée
aller à Chinon, on l'envoya à Orléans : mais
la défiance la suivait. Si le peuple avait foi en elle, les
grands se servaient d'elle sans la croire. Ils la mettaient devant,
et décidaient à son insu, qu'il s'agît ou de
la marche du convoi, ou de l'attaque des forteresses anglaises :
il avait fallu qu'elle commençât par leur faire en
quelque sorte violence à eux-mêmes, pour forcer les
Anglais dans leurs bastilles et les chasser d'Orléans. La
délivrance d'Orléans, qui était plus qu'une
victoire, avait imprimé un élan immense à tous
les esprits. Il n'y avait qu'à le soutenir et à le
suivre : on le laisse retomber, et Jeanne doit lutter encore et
contre l'inertie et contre la malveillance. Elle demandait le voyage
de Reims : on lui offre une campagne sur la Loire. Elle accepte,
comme en attendant ; et l'on a vu avec quelle rapidité elle
la termine. Le 11 juin elle attaque Jargeau, et le prend le 12 ;
le 13 elle est à Orléans, où elle rallie ses
troupes ; le 15 elle occupe le pont de Meun; le 16 elle attaque
Baugency, qui se rend le 17. Les Anglais partis pour secourir Jargeau
arrivent à Meun, le jour même où Baugency capitule
; ils n'arrivent que pour faire retraite, mais non si vite qu'ils
ne soient rejoints et battus le 18 à Patay. Une semaine a
tout achevé (32).
L'épreuve est donc complète. Jeanne a
prouvé sa mission et dans les siéges et dans les batailles.
Ce n'est plus seulement le peuple, ce sont les soldais, ce sont
les capitaines et tous les seigneurs qui croient en elle et ne demandent
qu'à la suivre. Eux qui, au siège d'Orléans,
montraient encore tant de défiance, n'avaient plus, dans
la dernière campagne, rien fait que par sa direction. Mais
c'était ce qui effrayait ceux qui, dans le plus intime des
conseils du roi, l'avaient toujours sourdement combattue, et notamment
le favori La Trémouille. Sa puissance était fondée
sur l'inertie du prince et sur son isolement. Elle était
fort compromise, si le roi voulait agir enfin, s'il s'entourait
des princes du sang, de toute la noblesse : car il trouvait nécessairement
en eux dans cette voie une concurrence fatale à son crédit.
Or Jeanne, qui venait d'imprimer ce grand mouvement, devait en cela
lui être suspecte à plus d'un titre. Elle avait salué
dans le jeune duc d'Alençon l'un des soutiens du trône,
et illustré par le triomphe le commandement dont il avait
été revêtu. Elle avait, dans le cours de cette
rapide campagne, accueilli le connétable : elle lui avait
promis de faire sa paix avec le roi ; elle y avait engagé
le duc d'Alençon et les principaux capitaines ; et comme
pour rendre l'engagement plus sacré, elle l'avait scellé
de la commune victoire. Elle allait donc ramener à la cour
un homme qui n'y pouvait paraître sans que La Trémouille,
si considérable qu'il fût par ses grands biens, rentrât
sous terre. La Trémouille, sans aller de front contre un
mouvement qui l'eût emporté, fit en sorte que le roi
ne s'y abandonnât que le moins possible, et sut ainsi, en
l'y suivant lui-même avec prudence, gagner le jour où,
l'entraînement ayant perdu de sa force, il fût possible
de l'en retirer. C'est le triomphe de sa politique et le malheur
de la France.
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879
Notes :
1 Jean Gerson : Il cite Debora et sainte Catherine,
Judith et Judas Machabée : "Neque sequitur semper
post primum miraculum quidquid, ab hominibus expectatur. Propterea,
et si frustraretur ab omni expectatione sua et nostra (quod absit)
dicta puella, non oporteret concludere, ea quæ facta sunt,
a maligne spiritu vel non a Deo facta esse; sed vel propter nostram
ingratitudinem et blasphemias, vel aliunde justo Dei judicio,
licet occulto, posset contingere frustratio expectationis nostræ
in ira Dei, quam avertat a nobis, et bene omnia vertat" (t.
III, p. 303. Cf. p, 305.)
2 Jacques Gelu : "Credendum est quod ille qui
commisit, inspirabit creaturæ suæ, quam misit, ea
quæ sunt agenda, melius et expedientius quam prudentia humana
exquirere posset.... Quare consuleremus quod in talibus primo
et principaliter exquireretur votum puellæ, etc.....Et in
hoc consilium puellæ primum et præcipuum dicimus esse
debere, et ab ea ante omnes assistentes quæ rendum, investigandum
et petendum. Insuper regi consuleremus quod omni die certum aliquid
Deo bene placitum et ejus voluntati gratum faceret, quodque super
hoc cum puella conferret, et, post ejus advisamentum, in esse
deduceret quam humiliter et devote ; ne dominus manum retrehendi
causam habeat, sed gratiam suam continuet » (ibid., p. 409,
410.)
3 Sur cette hostilité sourde et constante des principaux
conseillers de Charles VII, voy. les Histoires de France de
Sismondi, t. XIII, p.. 152 et 165, Michelet, t. V, p. 39,
H. Martin, t. VI, p. 150, et J. Quicherat, Aperçus nouveaux,
p. 30 et suiv.
4 Retour de Jeanne : t. III, p. 80 (Beaucroix).
— Lettres de Charles VII : t. V, p. 101, 103. — Accueil
du roi: t. IV, p. 168, et Chron. des Pays-Bas, etc., Coll. des
Chron. belges, t. III, p. 412.
- Armoiries de la Pucelle, voyez l'appendice
n° 25.
5 Conseils et opposition, t. IV, p. 11 (Cagny);
p. 168 (Journal).
- Instances de Jeanne. « Audivit aliquando
dictam Johannam dicentem regi quod ipsa Johanna duraret per annum
et non multum amplius, et quod cogitarent illo anno de bene operando,
quia dicebatse habere quatuor onera, videlicet fugare Anglicos,
etc. » t. III, p. 99 (duc d'Alençon).
6 T. III, p. 12 (Dunois). Selon la version du Journal et de la
Chronique (t. IV, p. 168 et 235,) le roi et « ses plus privés"
hésitaient à lui faire cette question de peur qu'elle
n'en fût mal contente : mais Jeanne le connaissant «
par grâce divine, » vint à eux et leur dit
ce qu'on a vu.
7 Les Anglais à Meun et à Jargeau
: t. IV, p. 233 (Chron.)
- Attaque des seigneurs contre Jargeau, ibid., p.
167 (Journal). La Pucelle qui toujours avoit l'ueil et sa pensée
aux affaires du duc d'Orléans, parla à son beau
duc d'Alençon et lui dist que, en tandis que le roi se
apresteroit elle vouloit aler délivrer la place de Gargueau,
t. IV, p. 11 (Cagny).
- Le duc d'Alençon, t. IV, p. 169 (Journal).
« Il venait d'acquitter ses hostages, touchant la rançon
accordée pour sa délivrance, » t. IV, p. 236
(Chron.).
8 Jeanne d'Arc à Selles, lieu de réunion de
l'armée : t. V, p. 262 (extrait des comptes d'Orléans);
cf. t. IV, p. 12 (Cagny). "Le duc d'Alençon fist sçavoir
aux mareschaulx de Boussac et de Reis, que eulxet leurs gens fussent
à certain jour à ung village près Romorantin
en Salloigne."
- Lettre de Gui de Laval : t. V, p. 107.
9 "Et aves fait bailler je ne sçay quelle lettre à
mon cousin de la Trémoille et seigneur de Trèves,
par occasion desquelles le roy s'efforce de me vouloir retenir
avecques luy jusques (à ce que) la Pucelle ait esté
devant les places Anglesches d'environ Orléans, où
l'on va mettre le siége; et est déjà l'artillerie
pourveue, et ne s'esmaye point la Pucelle qu'elle ne soit tantost
avec le roy, disant que lorsqu'il prendra son chemin à
tirer avant vers Reims, que je irois avec luy. Mais jà
Dieu ne veuille, etc." (T. V, p. 109, 110.)
10 Départ de Selles : t. V, p. 110.
11 Retour de la Pucelle à Orléans : Le 9 juin ; t. IV, p. 169, 170 (Journal), et la note tirée
des comptes de la ville, ibid.
- Forces des deux partis ; Du côté
des François, 8000 combattants : Journal, ibid.
Cagny dit "2 à 3000 combattants et autant de gens
du commun ou plus (ibid., p. 12). » C'est le duc d'Alençon
lui-même qui porte son armée à 600 lances,
et à 1200 après l'arrivée de Dunois, etc.,
t. III, p. 94. J. Chartier (ibid., p. 65,) le Journal (ibid.,
p. 170) et la Chronique (ibid., p. 236) comptent de 6 à
700 Anglais ; Cagny (ibid., p 12) de 7 à 800. Falstolf:
t. IV, p. 170 (Journal), et p.413 (Wavrin).
- Les troupes raffermies par la Pucelle : t. III,
p. 95 (Alençon) : "Quod nisi esset secura quod Deus
deducebat hoc opus, ipsa prædiligeret custodire oves quam
tantis periculis se exponere." Cf. t.IV, p. 170 (Journal).
12 Arrivée devant Jargeau : t. III, p. 95
(Alençon); t. IV, p. 171 (Journal) et p. 12 (Cagny) : "A
l'arrivée, les gens de commun à qui il estoit advis
que à l'entreprinse de la Pucelle riens ne povoit tenir,
ils saillirent ès fossez sans sa présence et sans
les gens d'armes qui entendoient à eux loger." T.
IV, p. 12 (Cagny). Les Orléanais avaient donné pour
l'expédition 3000 liv., et ils prêtèrent de
plus une partie de leur artillerie, la grosse bombarde, la bombarde
Bergère, le canon Montargis, des coulevrines, des échelles,
des pioches, des pics poinçonnés à leur marque,
des bottes de traits qui furent chargés sur des charrettes
et sur trois chalands. Deux bourgeois furent désignés
pour accompagner la Pucelle (Mantellier, Hist. du Siège
d'Orléans, p. 127. Lottin, t. I, p. 247, et Procès,
t. V p. 262.)
13 En leur petite cotte : "In suis gipponibus
vel tunicis.," t. I, p. 80 (c'est-à-dire sans autre
chose que les vêtements qu'ils portaient sous l'armure).
(Note de l'éditeur). Cf. t. IV, p. 12 (Cagny).
- Pourparlers de Suffolk et de la Hire : t. III,
p. 87 (Alençon). L'Anonyme de La Rochelle dit qu'il s'adressa
aussi au Bâtard d'Orléans. (Revue historique, t.IV.
p. 340.)
14 Assaut de Jargeau : « Et clamaverunt præcones.
Ad insultum ! ipsaque Johanna dixit loquenti : Avant, gentil duc,
etc. (on sait que le mot gentil veut dire noble).
- Uxor loquentis dixit eidem Johannetæ quod multum timebat
de ipso loquente et quod nuper fuerat prisonarius, et quod tantæ
pecuniæ fucrant expositæ pro sua redemptione, etc.
» T. III, p. 96 (Alençon); — t. IV, p. 12 (Cagny);
p. 171 (Journal), etc.
15 T. III, p. 96 (Alençon); cf. t. IV,p. 171 (Journal);
p. 236 (Chron.).
16 Jean le canonnier : t. IV, p. 172 (Journal);
p. 237 (Chron.).
- Durée de l'assaut : t. IV, p. 173 (Journal),
et t. V,p. 350 (Lettre des agents allemands). — Jeanne frappée
d'une pierre : t. III, p. 97 (Alençon); cf. le Journal,
la Chronique et les agents allemands, l. l.
- Suffolk et le gentilhomme : le Journal et la Chron.,
ibid. La scène est rendue avec vivacité dans le
Mystère du siège d'Orléans, v. 16524 et suiv.
L'Anonyme de La Rochelle dit : « Et quand le dit conte de
Suffolc vit ladite prise, parce que Monsr d'Alançon qui
y estoit et autres seigneurs le vouloyent prendre prisonnier,
il dit qu'il ne se rendrait point à eux, se deust estre
mort en criant à haute voix. « Je me rends à
la Pucelle qui est la plus vaillante femme du monde et qui nous
doit tous subjuguer et mettre à confusion, Et de fait vint
à la dite Pucelle et se rendit à elle." (Revue
historique, t. IV, p. 340.) Cette détermination n'est
guère d'un chevalier et ce langage encore moins d'un anglais.
17 Prise de Jargeau : Berri (t. IV, p. 45) et le
Journal (ibid., p. 173) portent le nombre des Anglais tués
à 4 ou 500; J. Chartier à 3 ou 400 (ibid., p. 65
;) Alençon à plus de 1100 (t. III, p. 97). Personne
ne dit qu'il y en ait eu jamais autant dans la place. Cagny compte
40 ou 50 prisonniers (ibid., p. 12.) La Chronique dit qu'il y
en eut "foison" (ibid., p. 238;) les agents allemands,
qu'il y avait 500 Anglais dans la place et qu'ils furent tous
tués, excepté Suffolk et deux autres (t. V, p. 351).
Jean Chartier et la Chronique rapportent que le siège dura
huit jours, et le duc d'Alençon lui-même semble compter
quelques jours (post aliquos dies) entre la première attaque
et la prise de la ville (t. III, p. 95) ; mais P. de Cagny et
le Journal disent expressément que la première attaque
eut lieu le 11 et la prise de la ville le 12. Les agents allemands
(t. V, p. 350) ne supposent dans leur récit que deux jours
de siège.
- La ville pillée : t. IV, p. 173 (Journal)
et p. 235 (Chron.).
- Les prisonniers tués : t. IV, p. 65 (J.
Chartier) et p. 234 et 235 (Chron.).
18 La pucelle à Orléans et à Meun : t. IV, p. 13 (Cagny) ; p. 65 (J. Chartier); p. 175 (Journal).
Mystère du siége d'Orléans, v. 16829 et suiv.;
17950 et suiv.
19 Beaugency : t. IV, p. 14 (Cagny); p. 65 (J. Chartier)
; p. 174 (Journal); Mystère du siége d'Orléans,
v. 18102 et suiv.
20 Richemont : t. IV, p. 316 (Gruel) ; p. 175 (Journal),
etc. Il amenait 5 à 600 combattants, selon Cagny (t. IV,
p. 14;) 1000 à 1200, selon Chartier, ibid., p. 65.). Gruel
prétend que Richemont ne s'arrêta point sur l'ordre
du roi, quand il venait pour le siège d'Orléans.
Mais de quel pas a-t-il marché, puisqu'il n'arrive à
Amboise qu'au temps du siège de Baugency ?
21 Richemont et Jeanne : t. IV. p. 317 (Gruel).
22 Richemont accueilli, t. III, p.98 (Alençon);
t. IV, p. 175 (Journal); p. 24 (Chron.); Myst. du siége
d'Orléans,v. 18538, 18640 et suiv.
23 Talbot venant de Baugency : t. IV, p. 239 (Chron.).
- Falstolf : t. IV, p. 415. (Jean de Wavrin, dans
ses additions à Monstrelet.) Wavrin faisait partie du corps
de Falstolf: il en porte le nombre à 5000 hommes, à
quoi Talbot joignit 40 lances et 200 archers (ibid.). Les historiens
français diminuent ce nombre, loin de l'accroitre : Jean
Chartier donne aux Anglais 4 à 5000 hommes (ibid., p. 67
;) le Journal du siége, 4000 (ibid., p. 176.).
24 Les Français et les Anglais en présence,
t. IV, p. 417 (Wavrin) cf. p. 176 (Journal) : ... "tendans
avec les autres à secourir Beaugency et cuidans faire délaisser
le siége ; mais ils ne purent y entrer, combien qu'ils
fussent quatre mil combattants, car ils trouvèrent les
François en telle ordonnance qu'ils délaissèrent
leur entreprise. Et s'en retournèrent au pont de Meung
et l'assaillirent moult asprement." t. IV, p. 176 (Journal).
25 Les Anglais à Meun : t. IV, p. 417 (Wavrin)
: "Et chevauchèrent vers Meung, où ils se logèrent
cette nuit, car ils ne trouvèrent nulle résistance
en la ville, fors tant suellement que le pont se tenoit pour les
François." — Si les Anglais avaient abandonné
la ville, les Français, on le voit, n'avaient point cherché
à la reprendre, mais les autres témoignages établissent
que la garnison anglaise n'en était pas sortie. Cagny dit
que Falstolf y vint prendre le sire de Scales et sa troupe, pour
les ramener à Janville (ibid., p. 15) ; cf. t. III, p.
20 (Dunois) ; t. IV, p. 176 (Journal).
26 Capitulation de Baugency : t. III, p. 97 (Alençon).
— "Et veoyent que rien ne povoit résister contre
la Pucelle, et qu'elle mettait toute l'ordonnance de sa compagnie
en telle conduite comme elle vouloit, tout ainsi comme le devroient
et pourroient faire le connestable et les maréchaulx d'ung
ost," t. IV, p. 14-15 (Cagny) ; cf. p. 45 (Berri); p. 175
(Journal); p. 241 (Chronique); p. 318 (GrueI); p. 370 (Monstrelet),
et p. 419 (Wavrin) : Mystère du siége d'Orléans,
v. 19 334 et suiv. La Chronique évalue la garnison à
500 combattants. Le Journal raconte qu'ils allèrent à
Meaux; Berri dit avec plus de vraisemblance qu'ils se retirèrent
en Normandie, "ung baston en leur poing."
27 Retraite des Anglais : Nous suivons le récit
de Wavrin qui y était (t. IV, p. 420, 421.)
28 Bataille de Patay : Procès, t. IV, p.
68 (J. Chartier) ; p. 176 (Journal); p. 421 (Wavrin). Cf. Mantellier,
Hist. du siége d'Orléans, p. 138.
29 Bataille de Patay : t. IV, p. 422 (Wavrin); t.
III. p. 98 (Alençon) ; t. IV, p. 243 (Chron.).
30 Bataille de Patay : t. IV, p. 419 (Wavrin). "Et
habuit l'avant- garde La Hire; de quo ipsa Johanna fuit multum
irata, quia ipsa multum affectabat habere onus de l'avant-garde.
» T. III, p. 71 (L. de Coutes). - Et parce que la Pucelle
et plusieurs seigneurs ne vouloient pas que la grousse bataille
fust ostée de son pas, ils esleurent La Hire, Poton,...
et leur baillièrent charge d'aler courir et escarmoucher
devant les Angloys pour les retenir et garder d'eux retraire en
lieu fort. Ce qu'ilz feirent et oultre plus ; car ils se frappèrent
dedans eulx de telle hardiesse, combien qu'ils ne l'eussent que
quatorze à quinze cens combatans, qu'ils les mirent à
desaroy et desconfiture, nonobtant qu'ils estoient plus de quatre
mil combatans. » T. IV, p 177 (Journal); cf. t. III, p.
120 (Th. de Thermes). "Percutiatis audacter, et ipsi fugam
capient. » T. IV, p. 339 (P. Cochon, Chron. normande, ch.
XLVIII dans l'édition de Vallet de Viriville.) Sur les
pertes des Anglais à la bataille de Patay, voy.
l'appendice n° 26.
31 Suites de la batailla de Patay; t. IV, p. 46
(Berri) ; p. 173 (Journal) ; p. 244 (Chron.).
32 Tout cela n'empêche pas Sismondi de dire : "Les
chefs s'aperçurent bien vite que c'était à
eux à la diriger" (Histoire des Français, t.
XIII, p. 123).
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