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Livre
III - REIMS
II
- Le sacre - p. 209 à 236 |
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Pucelle était revenue le dimanche matin (19 juin) de Patay
à Orléans, et les habitants, joyeux et fiers d'un
succès qui couronnait et consacrait leur délivrance,
ne doutaient point que le roi n'y vînt lui-même : c'était
montrer l'importance qu'il attachait à leur ville et l'estime
qu'il faisait de leur dévouement. Mais laisser aller le roi
à cette armée tout enivrée de sa victoire,
au sein d'une ville qui était comme le monument du triomphe
de la Pucelle, c'était l'exposer à la contagion de
l'enthousiasme populaire; et le favori sentait bien qu'elle ne gagnerait
pas le prince à son profit. Le roi resta donc à Sully-sur-
Loire , domaine de La Trémouille, et les habitants d'Orléans,
qui s'étaient mis en grande dépense pour le recevoir
plus dignement, ornant les maisons et tendant les rues, en furent,
à
leur grand déplaisir, pour leurs frais de décoration (1).
Ce premier succès en promettait un autre à
La Trémouille. La Pucelle, n'ayant pas trouvé le roi
à Orléans, vint avec le duc d'Alençon et les
seigneurs à Sully, pour accomplir auprès de lui l'engagement
pris à l'égard de Richemont : ils le suppliaient de
pardonner à un homme qui avait eu sa part aux derniers succès
et qui venait mettre quinze cents combattants à son service.
Le roi lui pardonna ; mais il refusa absolument de l'admettre au
voyage de Reims "pour l'amour du seigneur de La Trémouille
;" ce "dont la Pucelle fut très déplaisante
; et si furent plusieurs grands seigneurs..., mais toutefois n'en
osoient parler parce qu'ils voyoient que le roi faisoit, de tout,
ce qu'il plaisoit à celui seigneur de La Trémouille."
Le voyage même lui plaisait peu, et il s'effrayait de ce grand
rassemblement d'hommes qui ne demandaient rien que de servir à
leurs dépens sous la Pucelle, mais qui ne pouvaient pas longtemps
servir ainsi le roi, sans péril pour le favori ; c'est ce
qu'atteste Jean Chartier : "Et par le moyen d'icelle Jehanne
la Pucelle venoient tant de gens de toutes parts devers le roi pour
le servir à leurs dépens, qu'on disoit qu'icelui de
La Trimolle et autres du conseil étoient bien courroucés
que tant y en venoit, pour le doubte, (crainte) de leurs personnes.
Et disoient plusieurs que si ledit sire de la Trimolle et autres
du conseil du roi eussent voulu recueillir tous ceux qui venoient
au service du roi, ils eussent pu légèrement recouvrer
tout ce que les Anglois tenoient au royaume de France (2)."
Cependant le voyage de Reims fut résolu ; et
le roi vint à Saint-Benoît-sur-Loire, près Châteauneuf,
où les capitaines furent réunis en conseil. La Pucelle
était l'âme de tout ce qui tendait à ce but
: et le roi se montrait touché de la peine qu'elle se donnait
; il lui commanda même, en cette rencontre, de prendre du
repos. Mais ce qui peinait la Pucelle, c'étaient ces hésitations
et ces retards : elle se mit à pleurer et dit au roi qu'il
ne doutât point, et qu'il recouvrerait son royaume, et serait
bientôt couronné (3).
Il fut décidé que les troupes d'Orléans
viendraient à Gien, où le roi se rendrait lui-même
avec tous ceux qui le devaient accompagner. Jeanne revint donc à
Orléans pour tout préparer, et le vendredi matin 24,
elle fit donner le signal du départ. On fut à Gien
le jour même; et dès le lendemain, elle adressait une
lettre aux habitants de Tournay, cette brave et loyale ville qui,
au milieu des provinces de la maison de Bourgogne, restait attachée
à la France et à son roi. Elle leur annonçait
les succès remportés en huit jours sur les Anglais,
leurs villes de la Loire conquises, leur armée battue et
dispersée, leurs chefs tués ou pris; et elle les invitait
au sacre du roi, les priant de se tenir prêts à venir
au-devant de lui quand ils auraient nouvelle de son approche (4).
Mais les choses étaient moins avancées qu'elle ne
l'avait cru. C'étaient chaque jour encore de nouveaux conseils.
Quelques-uns des princes du sang royal, dit Dunois, et d'autres
capitaines remettaient même en question le voyage de Reims,
proposant une entreprise plus hardie : il s'agissait d'aller au
coeur de la puissance anglaise, non à Reims, mais à
Rouen. D'autres admettaient le voyage de Reims en principe; mais,
sous prétexte de lui donner plus de sûreté ou
plus d'éclat, ils ne cherchaient qu'à le faire ajourner.
On attendait la reine que l'on voulait faire couronner avec le roi,
et tout en l'attendant, on proposait aux capitaines quelques petites
entreprises qui étaient comme à la portée de
la main. Les Anglais avaient généralement abandonné
leurs forteresses de la Beauce ; mais, par eux-mêmes ou par
les Bourguignons, ils en gardaient encore plusieurs sur la Loire
: Marchénoir, Bonny, Cosne et la Charité. Ne pouvait-on
les en déloger d'abord? C'était même déjà
chose commencée. Le 26, Louis de Culan prenait Bonny; ceux
de Marchénoir offraient de se rendre, à la nouvelle
que Richemont, demeuré à Baugency, les voulait attaquer;
Cosne et la Charité refusaient de capituler : mais serait-il
si difficile de les prendre? Cependant, encore fallait-il les aller
prendre l'une après l'autre; et aller prendre Cosne et la
Charité, c'était ramener le roi à Bourges.
Jeanne le voulait mener à Reims. Elle sentait que ce temps
perdu à de petites choses, quand on en pouvait faire de grandes,
n'était bon qu'à rendre même les petites plus
difficiles : ainsi ceux de Marchénoir qui avaient donné
des otages et obtenu dix jours pour emporter leurs biens, apprenant
la conduite du roi envers Richemont, usèrent du délai
pour saisir quelques otages à leur tour et garder la place.
La Pucelle ne voulait plus admettre aucune cause nouvelle
de retard; et voyant où l'on cherchait à l'entraîner,
elle quitta la ville, dès le 27, et alla se loger aux champs.
Agir sans elle, c'était tout perdre. On se rendit. Par un
reste de crainte sur les hasards du voyage, la reine, arrivée
à Gien, fut renvoyée à Bourges; Cosne et la
Charité furent laissées là, et le 29 juin,
jour de la Saint-Pierre, on partit pour Reims (5).
Le roi emmenait, dans cette expédition avec la Pucelle,
le duc d'Alençon, les comtes de Clermont, de Vendôme
et de Boulogne, le bâtard d'Orléans, le maréchal
de Boussac (Sainte-Sévère), l'amiral Louis de Culan,
les seigneurs de Rais, de Laval, de Lohéac, de Chauvigny,
La Hire, Poton de Xaintrailles, La Trémouille et plusieurs
autres, avec environ douze mille combattants. Il prit d'abord le
chemin de Montargis, et l'on put croire qu'il marcherait sur Sens;
mais il se tourna vers Auxerre. Les habitants, sans se déclarer
contre lui, auraient voulu ne se point compromettre à l'égard
des Anglais. Ils envoyèrent donc une députation au
roi pour tâcher d'accommoder ses vues à leur politique.
Jeanne voulait qu'ils se rendissent ou qu'on les prît : un
acte de vigueur au début ne pouvait qu'aplanir les difficultés
de la route. Mais Jeanne ne commandait plus ici : elle ne pouvait
qu'agir auprès du roi ; et près du roi était
La Trémouille, gouverneur en titre de la ville, et qui, loin
de s'en faire ouvrir les portes, se laissa gagner, dit-on, moyennant
deux mille écus d'or, à la résolution de les
tenir fermées à Charles VII. On accorda aux habitants
la trêve qu'ils demandaient, au grand mécontentement
de la Pucelle et des capitaines. Ils promettaient de faire ce que
feraient ceux de Troyes, de Châlons et de Reims. La seule
chose qu'ils concédassent pour le moment aux gens du roi,
ce fut de leur donner, à prix d'argent, des vivres dont on
avait négligé de se pourvoir (6).
Après trois jours passés devant Auxerre, on
alla à Saint-Florentin, qui se rendit de bonne grâce,
et, chemin faisant, on se préparait la voie par des messages.
De Brinon-l'Archevêque, le roi écrivit à Reims
(le 4 juillet), mandant aux habitants les choses qui venaient de
s'accomplir à Orléans, à Jargeau, à
Baugency, etc., « plus par grâce divine que œuvre humaine;
» il leur annonçait son voyage, et les invitait à
le recevoir comme ils avaient
coutume de faire ses prédécesseurs, sans rien craindre
du passé, « assurés d'être traités
par lui en bons et loyaux sujets. » Le même jour, comme
on était à Saint-Phal, à quelques lieues de
Troyes, la Pucelle, à son tour envoya aux habitants de cette
ville un message qui les invitait à se soumettre, ne leur
laissant d'autre alternative que d'être forcés. Mais
il y avait à Troyes une garnison de cinq à six cents
Anglais et Bourguignons qui gouvernaient les résolutions
de la bourgeoisie. Au lieu de répondre au roi, ils écrivirent
à Reims pour qu'on leur vînt en aide et qu'on demandât
des secours au régent (7).
Le 5, à neuf heures du matin, l'armée royale
était devant leurs murs, et elle s'y établit malgré
une sortie de la garnison, qui fut repoussée. Le roi reprit
les négociations, espérant amener les habitants à
une soumission volontaire. On prit ses lettres des mains du hérault,
sans le laisser entrer dans la ville; on les lut au conseil, et
on y répondit que les habitants avaient juré au duc
de Bourgogne de ne recevoir en leur ville, sans son ordre exprès,
aucune force capable de leur faire la loi. Ils ajoutaient, pour
s'excuser eux-mêmes, qu'ils avaient actuellement chez eux
une multitude de gens de guerre auxquels ils n'étaient pas
en état de résister; et ils ne le prouvaient que trop
par de nouvelles lettres aux habitants de Reims, où ils parlaient
de ces messages, des réponses qu'ils y avaient faites, des
dispositions qu'ils avaient prises, et de leur résolution
de combattre jusqu'à la mort. Ils leur parlaient aussi de
la Pucelle, une Cocquarde, comme ils l'appelaient : ils certifiaient
que c'était une folle pleine du diable ; que sa lettre n'avait
ni rime ni raison, ajoutant qu'après s'en être bien
moqués, ils l'avaient jetée au feu sans daigner y
répondre (8).
La Pucelle n'avait point laissé de faire de nouveaux
efforts pour les ramener au roi. Il y avait alors à Troyes
un moine augustin, d'autres disent cordelier, qui avait fait grand
bruit en ce tempslà. Frère Richard (c'était
son nom), après avoir visité les saints lieux, était
allé à Paris, au commencement
d'avril 1429, et y avait prêché avec un succès
extraordinaire : il parlait cinq à six heures de suite, et
ne comptait pas moins de cinq ou six mille personnes à ses
sermons. Les Anglais avaient fini par prendre ombrage de ce concours.
Il était donc sorti brusquement de Paris, avait parcouru
la Bourgogne et la Champagne. Il se trouvait à Troyes, quand
vinrent le roi et la Pucelle. Ayant ouï ce qu'on disait d'elle,
il la voulut voir, mais, craignant un peu qu'elle ne fût ce
que disaient les habitants de Troyes, il s'approchait avec défiance,
faisant des signes de croix et jetant de l'eau bénite.
— « Approchez hardiment, lui dit la Pucelle, je ne m'envolerai
pas. » Et après l'avoir rassuré, elle le chargea
de nouvelles lettres pour la ville assiégée. Mais
elles n'eurent pas plus de succès (9).
On était là depuis cinq jours, attendant
que la ville se rendît. Elle n'en faisait rien, et l'on se
croyait si peu en état de l'y contraindre qu'on ne songeait
plus, dans le camp de Charles, qu'à lever le siége.
L'armée royale, partie sans provisions,commençait
à sentir la famine. On tint conseil, et l'archevêque
de Reims, aussi peu pressé de rentrer dans sa cathédrale
que d'y mener le roi, démontra fort pertinemment qu'on ne
pouvait demeurer devant Troyes davantage. Il alléguait le
manque de vivres et d'argent, la force de la ville assiégée,
ses approvisionnements, ses nombreux défenseurs. Il montrait
comme elle était |peu disposée à se rendre,
et comme on était peu en mesure de la forcer, n'ayant ni
artillerie ni bombardes, ni places d'où l'on en pût
tirer plus proche que Gien, c'est-à-dire à trente
lieues de là. On recueillit
les voix, et la plupart furent d'avis que, si l'on n'avait pas pris
Auxerre, une ville bien moins forte et moins défendue, c'était
folie de vouloir forcer Troyes : on n'avait donc plus qu'à
s'en retourner.
— Heureusement, dans cette assemblée de
logiciens, il y eut quelqu'un qui se souvint de Jeanne. Robert le
Maçon, interrogé à son tour, répondit
que, selon son opinion, il la fallait appeler au conseil. C'est
sur son avis, disait-il, qu'on avait entrepris l'expédition,
sans trop calculer ni le nombre des gens d'armes ni les moyens de
les entretenir : avant de s'en départir, il était
convenable de savoir si elle n'avait pas quelque autre bonne raison
pour y persévérer.
Comme il parlait encore, Jeanne, apprenant qu'on délibérait,
vint frapper à la porte. On la fit entrer, et le chancelier
lui exposa ses raisons. Jeanne, se tournant vers le roi, lui demanda
s'il la voudrait croire.
« Parlez, dit le prince, et, si vous dites chose
profitable et raisonnable, volontiers on vous croira.
— Me croirez-vous? répéta Jeanne.
— Oui, selon ce que vous direz.
— Gentil roi de France, dit-elle, si vous voulez cy demeurer
devant votre ville de Troyes, elle sera en votre obéissance
dedans (avant) deux jours, soit par force ou par amour; et n'en
faites nul doute.
— Jeanne, reprit le chancelier, qui seroit certain de l'avoir
dedans six jours, on l'attendroit bien. Mais dites-vous vrai? »
Elle dit derechef qu'elle n'en faisait nul doute; et
l'on se résolut à attendre (10).
Jeanne monta à cheval, et, sa bannière
à la main, elle s'en vint dans le camp, et ordonna de tout
préparer pour l'assaut. Chevaliers, écuyers, tous
se mirent en besogne, rivalisant de zèle à porter
des fagots, des ais de portes, des tables, des fenêtres et
autres choses propres à couvrir les approches de la place
et à favoriser l'établissement des batteries. Elle-même
avait dressé sa tente près du fossé, et faisait,
au témoignage d'un homme qui s'y connaissait, plus que n'eussent
pu faire deux des plus habiles et des plus fameux capitaines. Le
lendemain matin, tout était prêt, et déjà
la Pucelle faisait jeter les fascines dans les fossés et
criait : « A l'assaut ! » quand l'évêque
et les principaux de la bourgeoisie et de gens d'armes vinrent demander
à capituler (11).
Dès la veille, quand on la vit à l'oeuvre,
une grande fermentation s'était manifestée parmi le
peuple. Les habitants de Troyes ne subissaient pas sans murmures,
on le peut croire, cette faction étrangère qui les
dominait, et ils n'étaient pas d'avis de se mettre, eux et
leurs biens, en péril pour elle. Quand le matin ils virent
l'assaut tout prêt, ils résolurent de le prévenir.
L'évêque (Jean Laiguisé), natif de Troyes et
puissant dans la ville, se prononça un des premiers. On s'entendit
sans peine sur les conditions. Charles VII n'avait d'autre intérêt
que de s'attacher et d'attirer à lui, par des ménagements,
les villes qui voudraient se rendre. Il donna donc aux habitants
toute garantie pour les personnes et pour les biens, toute liberté
pour leur commerce, même avec les États soumis au duc
de Bourgogne; toute satisfaction touchant les impôts, les
aides, la monnaie ; toute sécurité pour la ville en
général et pour chacun en particulier : il maintenait
chacun en possession des bénéfices ou offices obtenus
du roi d'Angleterre, à la seule condition de reprendre de
lui nouveaux titres, et s'engageait à n'imposer à
la ville ni garnison ni capitaine. Les troupes étrangères
avaient la permission de s'en aller avec leurs biens (12).
Le lendemain, dimanche 10 juillet, le roi entra dans
Troyes en grande pompe avec tous les seigneurs et capitaines et
la Pucelle auprès de lui, portant son étendard. La
garnison sortit librement, selon la convention; mais, comme plusieurs,
en vertu de l'article qui leur laissait leurs biens, emmenaient
leurs prisonniers, Jeanne ne le voulut point souffrir. « Elle
se tint à la porte en disant que, en nom Dieu, ils ne les
emmèneraient pas ; et de fait les garda. » Le roi,
pour mettre d'accord la lettre du traité avec ces justes
résistances les racheta de leurs maîtres, argent comptant.
Le roi mit dans Troyes un bailli (Guillaume Bellier, l'hôte
de Jeanne à Chinon) et d'autres officiers; et le lendemain
son armée, qu'il avait laissée aux champs, sous la
garde d'Ambroise de Loré, traversa la ville et prit la route
de Châlons (13).
La ville de Châlons, comme celle de Troyes, était
aux Bourguignons et aux Anglais, et c'est probablement aussi sous
leur inspiration que les habitants, aux premiers jours du siége
mis devant Troyes, envoyaient à Reims un message où,
mentionnant les lettres qu'il recevaient de la ville assiégée
, ils témoignaient de la forte guerre qu'elle faisait au
Dauphin, comme de leur ferme volonté de lui résister
eux-mêmes à outrance. Mais les dernières nouvelles
eurent bien vile dissipé ces résolutions. Le parti
anglais s'éclipsa, et avant que le roi fût aux portes
de la place (à Bussy-Lestrée), il rencontra l'évêque
et un grand nombre de bourgeois qui se venaient mettre en son obéissance.
Jeanne eut à Châlons une grande consolation. Elle y
vit des gens de Domremy : Jean Morel, à qui elle donnait
un habit rouge qu'elle avait porté; Gérardin d'Épinal,
qui sans doute n'était plus bourguignon, car elle lui dit
qu'elle ne craignait qu'une chose : les traîtres. Ce fut,
au milieu de sa marche triomphante, comme une apparition des lieux
de son enfance. Si peu de mois et tant de prodiges s'étaient
accomplis depuis qu'elle les avait quittés ! — Elle
n'y demeura qu'un jour. Le roi logea la nuit dans la ville avec
son armée, et le lendemain partit pour Reims (14).
Comment les Anglais, qui le savaient en route, ne s'étaient-ils
pas mis en mesure d'y être avant lui ? Charles avait tout à
conquérir sur le chemin, et pour eux tout leur était
soumis, y compris la ville elle-même. — C'est que déjà
ils n'étaient plus autant les maîtres en France qu'on
le pourrait croire, et Bedford était bien forcé de
se le dire, la rage dans le coeur. Quand il avait vu, au moment
où il se croyait sûr de la victoire, toutes ses espérances
confondues : ses bastilles enlevées, ses troupes battues
en rase campagne, les garnisons capitulant et l'esprit des soldats,
naguère si fier, complétement abattu, il n'avait pu
croire que ce fût là l'oeuvre d'une simple jeune fille.
Il y reconnaissait quelque chose de surnaturel, et n'hésitait
point à le rapporter au démon : il le déclare
dans une lettre où il confesse en même temps et l'importance
des pertes éprouvées par ses gens, et la démoralisation
de ceux qui restent. A la nouvelle de la délivrance d'Orléans,
lui-même avait quitté précipitamment Paris pour
se retirer à Vincennes craignant que le contre-coup de la
défaite n'excitât un mouvement populaire. Il avait
eu de la peine à former l'armée qui, venue pour secourir
les villes de la Loire, se fit battre à Patay ; et depuis
cette défaite, qu'il vengea par la dégradation fort
imméritée de Falstolf, les difficultés étaient
bien plus grandes encore (15).
L'Ile de France et le voisinage lui faisant défaut,
il s'était tourné vers l'Angleterre et vers le duc
de Bourgogne. Le parlement anglais commençait à se
lasser d'une guerre qui savait si peu pourvoir à ses propres
besoins, même en pays de conquête. Bedford crut faire
mieux en s'adressant directement au cardinal de Winchester. Le cardinal,
après tous les soucis qu'il avait donnés au régent
du côté de l'Angleterre, lui promettait un secours
inespéré dans sa détresse. Pour se débarrasser
de lui, on l'avait mis à la tête d'une croisade contre
les huissites ; et il s'était recruté une armée
des deniers de l'Église. Or, il n'était point parti
encore ; et Bedford, tirant profit de ces retards, l'avait décidé
à mettre provisoirement cette armée au service du
roi en France (1er juillet). Quelles meilleures troupes diriger
contre celle qu'il appelait un limier de l'enfer? et à quoi
pouvait-on mieux gagner les indulgences de la croisade? D'autre
part, il avait pressé le duc de Bourgogne de venir à
Paris : il lui avait envoyé à Hesdin, de concert avec
les gens de Paris, une solennelle ambassade : un évêque,
deux notables docteurs, plusieurs des plus puissants bourgeois;
et le duc s'étant rendu à cette invitation (10 juillet),
on ne négligea rien pour réchauffer sa haine contre
le prince qui s'était souillé du meurtre de son père
: sermon à Notre-Dame, assemblée solennelle au palais
où on relut le traité conclu entre Jean sans Peur
et le dauphin, pour raconter ensuite le meurtre qui le déchira.
Le succès fut complet. Le duc renouvela sa plainte contre
Charles ; et toute l'assemblée le serment de fidélité
aux actes du traité de Troyes. Tout se réparait donc,
ce semble; mais il fallait du temps encore pour entrer en action
; et Bedford, en ce moment, ne pouvait combattre la marche du roi
vers Reims que par des messages adressés à la ville (16).
Les habitants de Reims ne lui demandaient d'ailleurs aucun
renfort : ils inclinaient secrètement pour le roi ; mais
ils craignaient, en laissant percer leurs sentiments, d'affaiblir
la confiance qu'on avait en eux, et de se faire envoyer quelque
grosse garnison qui les gênât dans leurs résolutions
postérieures, et les ruinât, en attendant, sous prétexte
de les défendre. Ils prenaient donc toutes les mesures nécessaires
pour rassurer les Anglais en se réservant de se garder eux-mêmes
; et les extraits des délibérations de leur conseil,
du mois de mai au mois de juillet, depuis la bataille de Patay jusqu'à
la veille du sacre, en offrent des traces curieuses : « Que
les étrangers ne viennent de nuit, à peine d'amende
arbitraire et de prison; qu'on garde les habitants de commotion;
qu'on mette gens, de jour, sur les murs (23 mai). »
Le bruit court que plusieurs du conseil sont armagnacs
: on va au-devant, en ordonnant au procureur de la ville d'en faire
enquête (8 juin). On s'occupe de fortifier et d'armer la place
(13). On songe à un emprunt (17), et l'on donne au régent
une preuve sensible du zèle de la ville à se bien
mettre en défense : on lui demande d'appliquer aux travaux
des fortifications les aides du roi et la gabelle (27); puis le
lendemain, prenant pour réponse une lettre d'un sens fort
général qui arrive justement de Bedford, on décide
qu'on les y emploiera. Mais il n'était pas bien sûr
que ce dût être à son profit : le 29, à
la nouvelle que l'évêque de Beauvais (Pierre Cauchon)
vient avec le bailli de Vermandois en ambassade, on décide
qu'on les laissera entrer, s'ils
n'ont que cinq ou six chevaux : et l'on mande à Guillaume
de Châtillon, capitaine de la place, absent alors, que l'on
connaît son projet d'y mettre garnison, et qu'on est résolu
à n'en point recevoir (17).
Voilà quelles étaient les dispositions
de Reims, le jour même où Charles VII commençait
son voyage. Les Anglais attendaient-ils beaucoup du concours de
la ville pour l'arrêter? Peut-être ne semblaient-ils
y croire, que parce qu'ils n'étaient point en mesure de s'en
passer encore. Quoi qu'il en soit, les avis arrivaient de toutes
parts à Reims, comme au centre de la résistance à
l'entreprise de Charles VII. Le duc de Bourgogne envoyait un message
aux habitants pour les mettre en garde contre les traîtres
qui appelaient le dauphin chez eux et comptaient bien lui ouvrir
les portes. Chacun de ses pas leur était signalé.
La troupe royale était à peine sur le chemin de Montargis,
que Philibert de Moulant leur écrivait de Nogent-sur Seine
pour leur en donner la nouvelle. Il leur annonçait qu'elle
se promettait d'aller à Sens (il n'en fut rien) et d'y entrer
portes ouvertes ; mais il les assurait que Sens avait pris et portait
la croix de Saint-André (la croix de Bourgogne); que ni Auxerre
ni les autres villes du pays ne se souciaient des Armagnacs et de
la Pucelle, et que, si Reims avait besoin de lui, il y viendrait
avec sa compagnie « comme bon chrétien doit faire.
» Les habitants de Troyes, ceux de Châlons, leur adressaient
les lettres que l'on a vues : ceux de Troyes, pour leur dire que
le roi venait, qu'il était venu, et finalement comme il était
entré; ceux de Châlons, comment on s'apprêtait
à le recevoir, et bientôt comme on l'avait reçu
: lettres toutes pleines d'exhortations, d'abord à résister,
puis à se soumettre, selon leur exemple (18).
Guillaume de Châtillon se trouvait alors à
Château-Thierry. Les habitants de Reims, fidèles à
leur politique, ne manquèrent pas de transmettre à
leur capitaine les nouvelles qui leur venaient. Le 8, après
les premières lettres de Troyes et de Châlons, ils
lui en firent connaître la substance et lui apprirent, en
outre, ce qui s'était fait dans la ville. « Le conseil
s'était réuni pour délibérer, mais il
ne s'était pas trouvé en nombre pour conclure. Le
peuple avait été assemblé par quartier ; il
avait juré de vivre et de mourir avec les notables, de se
gouverner selon leurs avis, de ne rien faire sans l'ordonnance du
capitaine. » Mais le bailli, chargé du message, devait,
en l'invitant à se rendre dans la ville, lui faire connaître
une condition qui montrait assez jusqu'à quel point on était
disposé à suivre ses ordonnances : c'est qu'il ne
viendrait qu'avec une force de 40 ou 50 chevaux : assez pour se
garder, trop peu pour faire la loi. Guillaume de Châtillon
prouva bien qu'il comprenait les intentions de la ville sous ces
démonstrations de bon vouloir. Il y envoya Pierre de la Vigne
avec une liste d'articles que les habitants étaient priés
d'accepter, s'ils voulaient qu'il vînt à Reims pour
y vivre et mourir avec eux. Il demandait que la ville fût
bien et hâtivement mise en état de défense,
qu'elle levât une troupe de trois ou quatre cents hommes pour
y tenir garnison jusqu'à l'issue de l'entreprise du dauphin
; qu'on lui assurât à lui-même et la garde de
la place, et la faculté de résider au château
de Porte-Mars avec cinq ou six notables qu'il affectait de vouloir
bien y recevoir pour conseil, et qu'au fond il entendait garder
comme otages; le tout, ajoutait-il, « pour doute de la commotion
du peuple et aussi pour le bien de la ville. »
— « On peut facilement juger, » dit l'auteur à
qui l'on doit le résumé précieux de cette correspondance,
« on peut juger, par le comportement dudit seigneur de Châtillon
sur les occurrences de ce temps, qu'il avoit reconnu que le dessein
des habitants dudit Reims étoit d'admettre et de recevoir
ledit dauphin en ladite ville. C'est pourquoi il ne veut pas y venir
qu'il ne soit le plus fort (19). »
Les articles, on le devine, ne furent point acceptés
: toutefois les habitants de Reims n'avaient point rompu encore,
et l'on redoublait d'efforts pour les retenir au moment décisif.
Winchester était attendu à Paris, et le duc de Bourgogne
venait s'y concerter avec le régent : le bailli de Vermandois
s'empresse d'envoyer à Reims ces bonnes nouvelles. Il leur
écrit le 10 que Philippe le Bon avait dû entrer la
veille à Paris, que huit mille Anglais avaient débarqué
à Boulogne, et que bientôt « il y auroit la plus
belle et grande compagnie qui ait été, passé
vingt ans; » et il leur montrait le roi menacé sur
ses derrières par le duc de Bourgogne, qui, maître
des passages, lui fermait le retour (20).
Mais Charles VII ne songeait qu'à pousser en avant. Troyes
s'était rendue, et Jean de Châtillon, frère
du capitaine de Reims, cherchait vainement, par une lettre du 13
aux mêmes bourgeois, à effacer l'impression que devait
causer cet événement considérable. Il leur
disait que c'était l'œuvre de l'évêque,
du doyen de Troyes, et surtout du cordelier frère Richard
; que les seigneurs n'y avaient point consenti, qu'ils avaient été
contraints par une sédition populaire ; que l'ennemi assurément
eût été hors d'état de les forcer : car
il n'avait pas de quoi manger, et il avait été près
de passer outre ; et quant à la Pucelle, dont il fallait
bien parler pour expliquer comment la ville s'était rendue,
il ajoutait que son messager l'avait vue et affirmait par sa foi
« que c'étoit la plus simple chose qu'il vit oncques
; et qu'en son fait n'avoit ni rime ni raison, non plus qu'en le
plus sot qu'il vit oncques. » Vains efforts! les habitants
de Reims recevaient en même temps la dernière lettre
de ceux de Troyes, puis une autre écrite de Troyes par leur
archevêque, dont le rang auprès du roi était
pour eux, au besoin, une garantie des sentiments que le roi lui-même
leur avait exprimés. Après Troyes, c'était
Châlons qui se rendait et pressait Reims d'imiter son exemple
(16 juillet); et le roi, arrivant en même temps que la lettre,
s'arrêtait à Septsaulx, à quatre lieues de Reims,
n'attendant plus que la députation des habitants (21).
Cette démarche ne se fit pas longtemps attendre.
Châtillon, voyant que les événements se précipitaient,
s'était rendu à Reims avec les seigneurs de Saveuse
et de Lisle-Adam. Il avoua aux habitants que l'armée dont
on leur avait tant parlé ne serait prête que dans cinq
ou six semaines : il les priait de tenir jusque-là, promettant
qu'ils recevraient alors du secours. Mais ceux de Reims avaient
si peu envie d'en recevoir, qu'ils n'avaient même pas voulu
laisser entrer dans leurs murs les hommes que Châtillon, Saveuse
et Lisle-Adam avaient amenés en grand nombre à leur
suite. Les trois seigneurs se retirèrent; et ils n'étaient
pas encore bien loin, que les notables, tenant conseil, envoyèrent,
du consentement de tous, des députés au roi. Le roi
les reçut, leur assura par lettres pleine amnistie, et le
même jour fit son entrée dans la ville (16 juillet) (22). L'archevêque Regnault de
Chartres, qui l'y avait précédé dès
le matin, vint à sa rencontre à la tête des
corporations et de la bourgeoisie; et le peuple faisait entendre
autour de lui le joyeux cri de Noël : mais tous les regards
étaient pour la Pucelle, qui suivait le prince avec l'armée.
Le reste du jour et toute la nuit furent employés aux préparatifs
du sacre, qui eut lieu le lendemain dimanche, 17 juillet. Les maréchaux
de Boussac et de Rais (Rais fut fait maréchal ce jour-là),
le sire de Graville, grand maître des arbalétriers,
et le sire de Culan, amiral de France, allèrent à
cheval, bannière au vent, chercher à Saint-Remy la
sainte ampoule, qu'ils jurèrent, selon le cérémonial,
de conduire et de ramener sûrement; et sous leur escorte,
l'abbé, revêtu de ses habits pontificaux, la porta
solennellement jusque devant l'église de Saint-Denis, où
l'archevêque, à la tête du chapitre, la prit
de ses mains pour la déposer sur le grand autel de Notre-Dame.
Au pied de l'autel était le roi. Selon l'antique usage, il
devait être entouré des douze pairs du royaume. Comme
on ne pouvait ni les réunir ni les attendre, les principaux
seigneurs et les évêques présents tenaient la
place des absents : comme pairs laïques, le duc d'Alençon
pour le duc de Bourgogne, l'allié des Anglais ; les comtes
de Clermont et de Vendôme, les sires de Laval, de La Trémouille
et de Beaumanoir; comme pairs ecclésiastiques, l'archevêque
de Reims, l'évêque de Laon et l'évêque
de Châlons en vertu de leur titre; les évêques
de Séez, d'Orléans, et un sixième au nom des
autres titulaires. L'archevêque de Reims officiait; le sire
d'Albret tenait l'épée devant le roi. Mais il y avait
encore un personnage que l'antique cérémonial ne prévoyait
pas : c'était la Pucelle, debout aux côtés du
roi, son étendard à la main. Après la cérémonie,
quand le prince, fait chevalier par le duc d'Alençon, eut
reçu de l'archevêque l'onction sacrée et la
couronne, la Pucelle, se jetant à ses pieds, lui embrassa
les genoux, et, pleurant à chaudes larmes : « Gentil
roi, dit-elle, ores est exécuté le plaisir de Dieu,
qui vouloit que vinssiez à Reims recevoir votre digne sacre,
en montrant que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume
doit appartenir. » Elle pleurait, et les seigneurs qui
étaient là pleuraient avec elle (23).
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879
Notes :
1 Retour de la Pucelle à Orléans :
t. IV, p. 178 (Journal): p. 245 (Chron).
2 Le connétable : t. IV, p. 178 et 245 (Journal
et Chron.) ; p. 71 (J. Chartier) ; p. 46 (Berri) : « Et
renvoya le connestable et aussi contremanda le conte de Perdriac
(Bernard d'Armagnac) pour ce que le sire de La Trémoille
craignoit qu'ilz ne voulsissent entreprandre à avoir le
gouvernement du roy, ou luy faire desplaisir de sa personne et
le bouter hors. » Gruel force le trait : « Le roi
manda au connétable qu'il s'en retournast en sa maison
; et mondit seigneur envoya devers luy le supplier que ce fust
son plaisir qu'il le servist, et que bien et loyaument il le serviroit,
et le royaume ; et y envoya les seigneurs de Beaumanoir et de
Rostrenen, et prioit La Trimouille qu'il luy pleust le laisser
servir le roy, et qu'il feroit tout ce qu'il lui plairoit, fûst-ce
jusques à le baiser aux genoux. Mais oncques n'en voulut-il
rien faire : et luy fit mander le Roy qu'il s'en allast, et que
mieux aimeroit-il n'estre jamais couronné que mondit seigneur
y fust, » p. 756 (Godefroy). La Trémouille n'était-il
mu que par la peur du connétable? On le doit croire; et
cependant on y a vu un motif plus coupable encore. La ville de
Sully était une de ses seigneuries ; les ménagements
dont les Anglais avaient usé envers elle, quand ils l'occupèrent,
un peu avant le siége d'Orléans, le soin qu'ils
eurent d'y établir pour capitaine le frère même
de La Trémouille (Chron. de la Pucelle, chap. XXXIV), avaient
fait soupçonner que le favori de Charles VII n'était
pas leur plus grand ennemi.
- Empressement à servir aux ordres de Jeanne : le Mystère du siége d'Orléans, v. 17 381
et suiv.
3 Préparatifs de départ : t. IV, p.
17 (Cagny) ; p. 245 (Chron) — Le roi et la Pucelle : t.
III. p. 116 (Sim. Charles); cf. ibid., p. 76 (G. Thibault).
4 Lettre de la Pucelle aux habitants de Tournai
: Voyez l'appendice n°27.
5 Projets sur la Normandie : t. III, p. 13 (Dunois).
— Bonny, Marchénoir, etc. : t. IV, p. 179, 180 (Journal)
; p. 246 (Chron.).
- La Pucelle aux champs : t. IV, p. 18 (Cagny) :
« Et combien que le roy n'avoit pas d'argent pour souldoyer
son armée, tous chevaliers, escuyers, gens de guerre et
de commun ne refusoient pas de aller servir le roy pour ce voyage
en la compagnie de la Pucelle, disant qu'ils iroient partout où
elle vouldroit aller. » — « Audit lieu de Gyen-sur-Loire
fut faict un payement aux gens de guerre de trois francs pour
hommes d'armes qui estoit peu de choses. » T. IV, p. 249
(Chron., chap. LVI).
6 Départ pour Reims : t. IV, p. 180 (Journal),
et p. 74 (J. Chartier). — Lettre de Philibert de Moulant,
t. IV, p. 286 (J. Rogier, auteur du XVIIe siècle, mais
qui a compilé des pièces authentiques, aujourd'hui
perdues).
- Auxerre, ibid., p. 181 (Journal), et 250 (Chron.).
Dom Plancher défend La Trémouille de l'accusation
de corruption (Hist. de Bourgogne, t. IV, p. 130).
- Conditions du traité,
ibid., p. 278 (Monstrelet).
7 Saint-Florentin, t. IV, p. 72 (J. Chartier).
- Lettre du roy aux habit, de Reims, ibid., p. 287 ;
- de ceux de Troyes à ceux de Reims, ibid., p. 289-290;
- de Jehanne aux habit. de Troyes, ibid. p. 287 ; voy, l'appendice
n°28.
8 Le roi devant Troyes, ibid.,p. 289-290. Perceval
de Cagny fixe à tort au vendredi, 8 juillet, l'arrivée
devant Troyes (ibid., p. 18).
9 L'anonyme de la Rochelle présente autrement cette rencontre
: « Et cependant que ledit évesque trettoit avec
ledit baillif et ceux de la garnison, un sainct prud'homme cordelier
en qui tous ceux de la ville et de tout le pays avoient grand
foy et confiance yssit de la ville pour aller voir la pucelle;
et sitôt qu'il la vit et d'assez loing s'agenouilla devant
elle ; et quant ladite Pucelle le vit pareillement s'agenouilla
devant lui et s'entrefîrent grand chère et grande
révérance, et parlèrent longuement ensemble.
(Revue historique, t. IV, p. 342). » Sans doute Jeanne n'eut
pas volontiers avoué dans son procès ces honneurs
qui lui eussent été rendus par un religieux. Mais
ce n'est pas une raison pour supposer qu'elle en ait remplacé
le récit par la scène contenue dans notre texte
: car c'est elle qui la raconte ainsi à ses juges (Procès,
t. I, p. 99). — Sur le frère Richard, voy. l'appendice
n°29.
10 Détresse, conseil devant Troyes : Chron.,
ch. LVII, et t. IV, p. 72-75 (J. Chartier); p. 181 183 (Journal);
cf. t. III, p. 117 (Simon Charles), et p. 13 (Dunois) : «
Nobilis Delphine jubeatis venire gentem vestram et obsidere villam
Trecensem, nec protrahatis amplius longiora consilia, quia in
nomine Dei, an te tres dies ego vos introducam intra civitatem
Trecensem, amore vel potentia vel fortitudine; et erit falsa Burgundia
multum stupefacta. » Sur le chancelier Regnault de Chartres,
archevêque de Reims, et ses antécédents, voy.Vallet
de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 160.
11 Préparatifs de l'assaut : « Et tunc
ipsa Johanna accepit vexillum suum, et eam sequebantur multi homines
pedites, quibus præcepit quod quilibet faceret fasciculos
ad replendum fossata. Qui multos fecerunt; et in crastinum ipsa
Johanna clamavit: « Ad insultum, » fîngens ponere
fasciculos in fossatis. Et hoc videntes.... miserunt de compositione
habenda. » T. III, p. 117 (Sim. Charles).
- « Et tunc dicta puella statim cum exercitu regis transivit,
et fixit tentoria sua juxta fossata, fecitque mirabiles diligentias
quas etiam non fecissent duo vel tres usitati et magis famati
homines armorum, et taliter laboravit nocte illa, quod in crastino
episcopus et cives.... dederunt obedientiam regi. » T. III,
p. 13 (Dunois) ; cf. Chron., chap. LVII, et t. IV, p. 183 (Journal).
12 Capitulation : t. IV, p. 297 (Lettre de Jean
de Châtillon, d'après J. Rogier) : « Que le
commun de la dicte ville alla auxdictz seigneurs, chevaliers et
escuyers, en très-grand nombre, leur dire que, s'ilz ne
vouloient tenir le traité qu'ilz avoient fait pour le bien
publicque, qu'ilz mettroient les gens du roy dedans ladicte estoient
sortys de la dicte ville par traicté, leurs corps et leurs
biens saufs, etc; » — p. 296 (Lettre des habitants
de Troyes à ceux de Reims) : « Moyennant qu'il leur
feroit abolition générale de tous cas, et qu'il
ne leur lairoit point de garnison, et qu'il aboliroit les aydes,
excepté la gabelle. » — Chron., chap. LVII
: « Et au regard des gens d'Église qui avoient régales
et collations de bénéfices du roi son père,
il approuva les collations; et ceux qui les avoient du roy Henry
d'Angleterre prindrent lettres du roy; et voulut qu'ils eussent
les bénéfices, quelques collations qu'il en eust
faict à autres. » Voy. le traité (Ordonnances,
t. XIII, p. 142).
- Sur l'évêque de Troyes, Jean Laiguisé,
et ses relations antérieures avec G. Machet, confesseur
du roi, voy. Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. II,
p. 92. Un décret du roi d'Angleterre, à la date
du 31 août, le punit, lui et plusieurs autres, de leur défection,
par la confiscation de leurs biens (Livre Noir, f° 59, etc.,
cité par le même auteur).
13 Entrée à Troyes. M. Berriat Saint-Prix,
dans son très-estimable. Itinéraire de la Pucelle,
reproduit par M. J. Quicherat, (t. V, p. 379), a adopté
d'après Jean Rogier (Procès, t. IV, p. 275),la date
du 11 juillet pour l'entrée de Charles VII à Troyes.
Mais Perceval de Cagny dit expressément que ce fut le dimanche
10 juillet (t. IV, p. 18), et son témoignage est confirmé
par un autre des plus graves : c'est celui des trois gentilshommes
angevins qui écrivent de Reims à la reine, le jour
du sacre (17 juillet): « Vendredi eut huit jours le roy
mit le siége devant Troyes (il faut l'entendre de l'attaque)
et leur fit moult forte guerre ; si vinrent à obéissance
et y entra le dimanche après par composition (t. V, p.
130 » : le dimanche est bien le l0 juillet. Ajoutons un
texte officiel : le traité signé la veille porte
la date du 9 (Ordonn.t.XIII, p.l44).
- Rachat des prisonniers : Chron. de la Pucelle,
ch. LVII. — « Moyennant que de tous prisonniers qu'ils
avoient pris, ils devoient avoir de chascun ung marq d'argent;
» t. IV, p. 297 (Lettre de Jean de Chastillon); cf. ibid.,
p. 76 (J. Chartier); p. 184 (Journal) ; p. 378 (Monstrelet) :
« et fist publier par plusieurs fois, tant en son ost comme
en la ville, sur le hart, que homme, de quelque estat qu'il fust
ne meffesist riens à ceux de la ville de Troyes ne aux
aultres qui s'estoient mis en son obéissance. »
- Guillaume Bellier. On lit dans l'extrait des comptes
de Hémon Raguier : « A Guill. Bellier, esc, bailly
de Troyes, après la réduction de lad. ville à
l'obéissance du Roy, commis par le Roy à la garde
dudit lieu, au nombre et charge de 20 hommes d'armes et 20 hommes
de trait. » (Ms. Gaignièrcs, n° 772, f° 547
)
- L'anonyme de la Rochelle dit à propos de son départ
de Troye pour Châlons et pour Reims : « Et quand le
Roy fut passé et tous ses gens, ceux de la ville qui estoyent
sur la muraille virent une grande compagnie de gens d'armes, qui
estoyent bien de cinq à six mille hommes tous armez au
chef, devant (tenant) chacun une lance à un fenon blanc
en sa main, et suivoyent le roy aussi comme d'un trait d'arc et
pareillement les virent à l'arrivée devant ladi
te ville Et sitôt que le roy fut bougé ne sceurent
qu'ils devinrent » (Revue historique, t. IV, p. 343). Dans
ce récit où perce déjà le merveilleux
on voit le germe de cette « infinité de papillons
blancs » qu'en ce même lieu « aucuns simples
gens disaient qu'ils avoient vu autour de l'estendart de ladite
pucelle», selon la Chronique (Procès, t. IV p. 251).
14 Châlons : Chron., chap. LVII, et t. IV,
p. 290 et 298 (J. Rogier) : Ils ont su par ceux de Troyes que
frère Richard leur a porté auprès d'eux les
lettres de la Pucelle et témoignent « qu'ils en ont
esté fort esbahis, d'autant qu'ils cuidoient que ce fust
un très-bon prudhomme, mais qu'il étoit venu sorcier;
» cf. p. 76 (J. Chartier); p. 184 (Journal). — J.
Morel et Gérardin d'Épinal à Châlons,
t. II, p. 391 et 421.
15 Lettre de Bedford sur ses revers : « Causés
en grande partie, comme je pense, par enlacement de fausses croyances,
et par la folle crainte qu'ils ont eue d'un disciple et limier
de l'Ennemi (du diable), appelé la Pucelle, qui usait de
faux enchantements et de sorcellerie, etc. (of lakke of sudde
beleve and of unlevefull double that they hadde of a disciple
and lyme of the Feende, called the Pucelle, that used fals enchantements
and sorcerie). » Rymer, t. X, p. 408, cité par M.
J. Quicherat, t. V, p. 136.
A la date du 26 juin, Bedford avait écrit aux
gens tenant le conseil du Roi à Rouen, de mettre «
provision de gens et de vivres ès places où il en
faudrait, » parce que lui-même ne pouvait s'en occuper
pour le moment, et de faire « emparer ou démolir
» les places qu'il fallait défendre ou sacrifier.
En conséquence, Pontorson fut démantelé en
juillet 1429, et on renforça les garnisons de Caen et de
Rouen. (Ch. de Beaurepaire, Administration de la Normandie sous
la domination anglaise, p. 61.)
16 Dispositions des esprits depuis la délivrance
d'Orléans. — (Bedford) doubtant que aucuns
de Paris se deussent pour cette desconfiture réduire en
l'obéissance du roy et faire esmouvoir le commun peuple
contre Anglois, si se partit à très-grand haste
de Paris, et se retira au bois de Vincennes, où il manda
gens de toutes parts, mais peu en vint : car les Picards et autres
nacions du royaume qui tenoient son party se prindrent à
deslaisser les Anglois et à les haïr et despriser.
(Chron., ch. XLIX.)
- Falstolf : « En conclusion lui fut osté
l'ordre du Blancq-Jartier qu'il portoit entour la jambe. »
T. IV, p. 375 (Monstrelet, II, 61.)
- Traité avec Winchester : Rymer, t. X, p.
424 (1er juillet 1429.) Ses troupes sont prises au service du
roi, « du 23 juin passé au 21 décembre. »
On réservait au cardinal le droit de faire alors la croisade
dont le commandement lui était conféré par
un acte du 18 juin, ibid., p. 423; cf. sur la croisade de Winchester,
ibid., p. 417, 419, et Proceedings, t. III, p. 337-340.
- Le duc de Bourgogne à Paris, le 10 juillet
: Voy. Monstrelet, II, 72, et le Journal du Bourgeois de Paris,
à cette date, p. 390, 391 (Éd. Buchon); cf. Procès,
t. V. p. 130 (Lettre de trois gentilshommes angevins, le jour
du sacre); t. IV; p. 455 (Clém. de Fauquemberque, greffier
du Parlement).
17 Extrait des délibérations du conseil de
Reims : Varin, Archives législatives de la ville
de Reims, Statuts, t. I, p. 738-741.
18 Lettres du duc de Bourgogne, des habitants de Troyes
et de Châlons : Voyez-en les extraits donnés
par J. Rogier, Procès,
t. IV, p. 285 et suiv.
19 Lettre de Châtillon, Q.t. IV, p. 292-294.
20 Lettre du bailli de Vermandois, Q. t. IV, p.
295.
21 Lettre de Jean de Châtillon : Q. t. IV,
p. 296. — Lettres diverses : t. IV, p. 295-298.
22 Retraite de Châtillon, t. IV, p. 294 et
Chron., chap. LVIII ; cf. Monstrelet, II, 64; et t. IV, p. 184
(Journal). Jeanne avait prédit à Charles VII qu'il
entrerait à Reims sans résistance ; que les bourgeois
viendraient au-devant de lui, Q. t. III. p. 118 (Sim. Charles).
23 Entrée à Reims: Chron., ibid.,
et t. IV, p. 185 (Journal).
- Sacre; « Mgrs le duc d'Alençon, le
comte de Clermont, le comte de Vendosme, les seigneurs de Laval
et la Trémoille, y ont esté en abis royaux, et Mgr
d'Alençon a fait le roy chevalier, et les dessusditz représentoient
les pairs de France ; Mgr d'Albret a tenu l'espée durant
ledit mystère devant le roy ; et pour les pairs de l'Église
y estoient avec leurs croces et mîtres, Mgrs de Rains, de
Chalons, qui sont pairs ; et en lieu des autres, les évesques
de Séez et d'Orléans, et deux autres prélas
; et mondit seigneur de Rains y a fait ledit mystère et
sacre qui lui appartient.... Et durant ledit mystère, la
Pucelle s'est toujours tenue joignant du roy, tenant son estendart
en sa main. Et estoit moult belle chose de voir les belles manières
que tenoit le roi et aussi la Pucelle. Et Dieu sache si vous y
avez esté souhaités. » (Lettre de trois gentilshommes
angevins à la femme et à la belle-mère de
Charles VII, du 17 juil. 1429) : Procès, t. V, p. 128 ;
cf. Monstrelet, II, 64 : il omet dans la cérémonie
du sacre Vendôme et Laval, et nomme Beaumanoir et Mailly.
- L'anonyme de La Rochelle (Revue histor. t. IV, p. 343) fait
de l'entrée à Reims et de la cérémonie
du sacre un récit analogue à ceux de la Chronique
et du Journal du siége, récit qui doit être
inspiré par une communication officielle. Nicole de Savigny,
avocat de Paris au quinzième siècle, a consigné
en quelques lignes, sur les pages blanches d'un manuscrit, la
levée du siége d'Orléans, la campagne de
la Loire, celle de Reims et la cérémonie du sacre,
avec les noms des évêques assistants. Voyez une note
de M. L. Delisle, Bulletin de la Société de l'Histoire
de Paris et de l'Ile de France, 1re année (1874). p. 43.
Les baronnies de Laval et de Sully furent érigées
en comtés en faveur de Gui de Laval et de La Trémouille.
Voyez Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. II, p. 99
; et aussi sur le sacre, Godefroy Hermant, Hist. ecclés.
de Beauvais, t. III, ch. XX, f° 1157- 1159, Bibl. nat., F.
Fr. n°8581. Parmi les dépenses du sacre, on trouve
dans l'extrait des comptes de Hémon Raguier : « à
R. P. en Dieu Jean abbé de l'Église mons. S. Remy
de Reims, 50 1, t. qui en juillet en 1429, du commandement du
Roy, lui a esté payé pour un cheval que ledit seigneur
luy doit, le jour de son sacre et couronnement qu'il prit le 17
dudit mois, pour apporter dessus yceluy cheval dudit S. Remy juques
en ladite église la sainte Ampoule et pour la reporter.
» (Gaignières, ms. 772, f° 557.)
- Paroles de Jeanne: Chron., ch. LVIII, cf. t. IV,
p. 186 (Journal). C'est probablement à tort que le Journal,
qui n'a plus la même autorité pour ce qui n'est pas
du siége d'Orléans, ajoute aux paroles de la Pucelle
la mention de ce siége : « Gentil roy, or est exécuté
le plaisir de Dieu qui vouloit que levasse le siège d'Orléans
et que vous amenasse en ceste cité de Reims recevoir vostre
digne sacre. » II y a là une préoccupation
de ramener à ces deux points la mission de Jeanne d'Arc,
préoccupation dont l'auteur de la Chronique se montre exempt
ici. Nous toucherons bientôt à cette question.
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