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Procès de réhabilitation
I - Exposé de Maitre Pierre Maugier
(17 novembre 1455) |
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près la présentation, la réception et la lecture publique dudit rescrit, comme cela est dit plus haut, et après la, demande
des instruments publics, les susdits seigneurs commencèrent à délibérer avec les révérends et vénérables prélats,
docteurs et juristes, présents en grand nombre, sur la réponse à donner à propos de l'évocation et de la citation des parties, sur les parties à évoquer tant généralement que spécialement d'après le rescrit, sur les autres actes préparatoires, et ils ordonnèrent aux parties et aux conseillers, comme à la foule présente, de se retirer dans un autre lieu de la cour de
justice. Alors vénérable homme maître Pierre Maugier, requis très instamment par ladite veuve, ses parents et presque
toute la foule, comme il le disait et comme cela apparaissait
par la voix d'un grand nombre, d'exposer en français plus précisément et plus sérieusement la requête de ladite veuve et de ses parents contenue dans le rescrit, et voulant, comme
il l'affirmait, instruire quelque peu la vénérable assemblée
de cette cause pieuse et de l'injustice des juges, de l'innocence
de ladite Jeanne mentionnée dans ledit rescrit, demanda à être entendu. Bien que les susdits seigneurs délégués, qui ne s'étaient pas encore constitués en juges, eussent affirmé à
plusieurs reprises que cela n'était pas nécessaire, était peu
utile, cependant à la demande répétée et instante de la susdite
veuve et aux prières des assistants, après délibération des
prélats, docteurs et autres juristes susdits, ils l'accordèrent audit maître Pierre ; mais ils le prévinrent de parler avec
honnêteté, modération et brièveté des parties mentionnées
dans le rescrit, auxquelles il était réservé pleine audience et
défense, tant sur le rescrit que sur le sujet principal.
La parole lui ayant donc été donnée et le silence imposé à tous, vénérable maître Pierre déclara d'abord qu'il ne se proposait pas d'insulter méchamment quiconque, ni d'avancer quoi que ce fût au préjudice d'une renommée, d'un honneur ou d'une dignité ; il dirait seulement et proposerait,
soit maintenant, soit dans toute la suite et la discussion des
futurs procès et jugement, ce qui paraîtrait convenir à la
mise en lumière de la vérité, à la manifestation de la justice,
et à la justice due à la cause ; il protesta même spécialement
et expressément que son intention était de diriger les termes
de son plaidoyer contre les juges et le promoteur qui faisaient
l'objet d'une mention spéciale dans le rescrit ; contre les
autres il ne dirait ni n'avancerait rien, même s'ils furent présents audit procès intenté contre Jeanne, même s'ils
donnèrent quelques opinions ou avis, car ils étaient excusables,étant donné que les extraits et les textes des articles
communiqués étaient faux et menteurs. Bien au contraire,
suivant l'exigence de la justice, il entendait dans la discussion
et la suite du procès montrer plusieurs fois que les articles
en question, communiqués pour obtenir des avis, extraits
faussement et indûment des aveux de ladite Jeanne, ne correspondaient
que très peu aux faits et gestes de ladite Jeanne,
en différaient et même étaient en contradiction très évidente
plusieurs fois. Ces protestations faites, le susdit maître Pierre,
soumettant ce qu'il a dit et également ce qu'il dira à la correction
et à la décision du saint Siège apostolique, des seigneurs
délégués et de tous ceux que l'affaire regarde, commença à parler et à proposer, en français, ce qui suit et qui est traduit ici en latin :
« Très révérends pères et juges très illustres, que le zèle
de votre droiture se manifeste, que la sainte gloire de la vérité
et de la justice resplendisse ! En revanche que l'intention
dolosive, proférant toujours l'injustice, des juges Pierre Cauchon,
autrefois évêque de Beauvais, Guillaume Estivet, promoteur,
et Jean Le Maistre, sous-inquisiteur de la foi au
diocèse de Beauvais (1), de leurs collègues ou complices, soit découverte,
que leur iniquité apparaisse manifeste ! A l'exemple
du très pur Daniel, suscité par la grâce divine pour le salut
de l'innocente Suzanne, condamnée avec iniquité, et pour
confondre la malice de juges endurcis, qu'il vous plaise, je le
demande, d'examiner chez ces juges, dont le rescrit maintenant
présenté fait mention et contre lesquels notre plaidoirie
est dirigée, le dol caché, le zèle pervers, la méchanceté
ourdie et l'excès très condamnable d'une autorité judiciaire
exagérée. Jusqu'où est allée, je le demande, l'audace si déterminée à nuire et dépourvue d'autorité de ces juges dans
le jugement de cette affaire ? Tout montre avec évidence que
ces juges nourrissaient une haine mortelle contre l'innocente
fille, en sorte que non seulement ceux qui demeuraient avec
elle, mais aussi ceux qui l'avaient suivie, ses commensaux, ses familiers, ses partisans, ses serviteurs et ses conseillers étaient tenus pour des ennemis, ouvertement, publiquement
et manifestement : les dits et faits des juges, les procès iniques
et les sentences très méchantes le prouvent et l'expriment
d'une manière très évidente. On peut être surpris d'une si
grande présomption, car ils savaient que les droits divin et
humain proclament tout à fait incapables de juger, témoigner
et accuser, non seulement les ennemis capitaux, mais aussi
ceux qui demeurent avec eux. Mais du déroulement du procès
et de sa forme trop corrompue et irrégulière ressort l'intention
desdits juges, la conjuration secrète aussi dolosive
qu'inique pour faire disparaître cette fille : puisqu'ils la
menèrent dans une prison rigoureuse, chargée de liens et de
ceps en fer, avec des gardiens très infâmes, dans un château
du pouvoir séculier, en la harcelant souvent d'interrogations
subtiles sur des points difficiles ; et qu'ils osèrent, sur de faux
extraits tirés de ses aveux par la force, par des additions
graves et des modifications aux opinions émises, des abjurations extorquées par la force et la crainte, des récidives imaginées,
la faire périr d'une manière inique par le feu, en souillant
leurs consciences et leurs mains. Cela en effet est évident à la vue de son procès inique, cela est établi par des informations
très sûres. En conséquence ce procès irrégulier aboutit
manifestement à des sentences et des suites entachées des
vices de dol, de nullité et d'injustice. Écoutez cela, juges très
illustres : le sang immaculé de l'innocence opprimée crie
devant le trône du Seigneur ! A vos providences est impartie
là-dessus l'autorité, est donnée une délégation, est demandée
la lumière sur cette condamnation inique, pour que par le
moyen de la justice vous puissiez rendre sereines les consciences,
fixer une réparation décente, juste et confite dans
un mélange odoriférant de justice et d'équité.
Et ce n'est pas peu de chose pour vos paternités de considérer
sur ce point la pureté de ladite fille, son comportement
pudique, sa très grande humilité, sa sincérité dans la foi,
sa dévotion fervente à tous les sacrements de l'Église, faits
qui jamais n'ont engendré ou nourri l'infamie dans la foi et la tache ou suspicion d'hérésie. Et on ne trouvera dans ce
procès, ni on n'en déduira, qu'elle a été convaincue de ces
crimes ou qu'elle les a avoués, comme le déclare la très inique
sentence rendue contre elle. Si elle a été accusée d'avoir pris
des habits d'homme, ou d'avoir porté les armes pendant quelque temps, elle a donné des réponses catholiques, absolvantes,
en montrant plusieurs fois qu'il y avait nécessité
et utilité publique, et en alléguant le sentiment pieux et divin
qui la poussait à cela ; en sorte qu'elle doit être tenue pour
indemne de toute tache infamante dont on la marque, surtout
de celle qui correspondrait à un procès en matière de foi,
comme le montre le procès par des preuves très évidentes.
Qu'il plaise à vos esprits de fixer ces points, pour qu'à tous
soit manifeste la suppression de tout soupçon à l'égard de
cette innocente, de toute tache pour cause d'hérésie ou pour
quelque autre raison.
Ne manquez pas, pères très révérends, de remarquer que
les susdits juges, dès le début du procès intenté à la susdite
fille, pour paraître suivre les formes juridiques prévues en
matière de mauvaise renommée, firent des informations sur
son compte ; mais ils ne les joignirent pas au procès ; bien plus,
pleins de dol, ils voulurent les cacher, parce que la renommée
publique avait livré par ces informations un rapport authentique
sur son bon renom et sa vie honnête, sur sa fréquente
assistance aux offices divins, sur sa réception des sacrements,
sur la pureté d'un caractère entièrement bon, sur son attachement à la dévotion et à la vérité catholique. Mais parce que
ce rapport était contraire aux intentions des juges, ils rejettèrent
ces informations hors du procès et voulurent dolosivement
les cacher sous le boisseau. Or ici, juges très doctes,
les agissements de ces anciens juges ont causé la nullité du
procès et de tout ce qui suit ; car selon les docteurs en droit
est tenue pour infestée du vice de nullité toute sentence que
corrompt un dol au cours du procès. Il en est ainsi surtout
si à ce dol le juge a consenti de quelque manière, comme vos
révérences pleines de prudence l'apprécieront, en notant
avec un spécial déplaisir les points suivants : alors que la sentence criminelle pouvait être prononcée seulement contre
quelqu'un ayant avoué spontanément ou ayant été convaincu
devant le juge, cette Pucelle, mineure, placée dans une dure
prison, en butte à des gardiens inspirant la crainte et la
terreur, en butte aux opprobres continuels de ses ennemis
mortels et aux vexations considérables des juges, n'aurait
pas dû être tenue pour convaincue ou ayant avoué ; encore
beaucoup moins n'aurait-elle pas dû être condamnée, surtout
par des juges qu'elle a souvent récusés, dont elle a appelé
au pape, en demandant que ses faits et gestes lui fussent
soumis.
De même, après avoir supposé ces arguments valables
pour proclamer l'innocence de cette fille, il est nécessaire de
faire remarquer, parmi les autres points contenus dans le
procès, avec quelle grande persévérance elle affirma avoir eu
des révélations de Dieu et des saints et avoir agi avec leur aide, ne rejettant pas les règles de l'Église, mais les embrassant.
Les docteurs et de nombreux savants affirment que
vraisemblablement ces révélations furent telles que nul ne
peut en juger, sinon en bien ; parce que de telles choses, même
lorsqu'elles sont incertaines, doivent plutôt être laissées à
l'arbitrage de Dieu. Ni idolâtre, ni devineresse, ni affabulatrice
de révélations ne fut la Pucelle disant cela, en droit
et en fait, ni trompeuse en rien, elle qui s'efforça de ramener
les peuples sujets à l'obéissance de leur roi et seigneur naturel,
croyant au seul Dieu, invoquant les saints de Dieu,
rejettant et repoussant toute adoration ou invocation des
mauvais esprits.
De même, les susdits juges n'ont pas rougi, dans leurs
sentences infestées des vices de dol, iniquité et nullité, de
proférer beaucoup d'opprobres contre cette fille, innocente
pucelle, de l'accuser faussement d'avoir avoué divers crimes
et d'en avoir été convaincue, et de la condamner avec mensonge
et iniquité ; et pour tout cela, si le procès se déroule,
elle pourra apparaître comme n'ayant ni été convaincue, ni
ayant avoué. Qu'il plaise donc à vos révérences de la déclarer
non coupable desdits crimes, de retirer les condamnations et déclarations portées contre elle, de supprimer tout
le scandale qui en est issu par les moyens de justice.
De même, ce faux procès mené par ses adversaires contient
que cette fille a été condamnée par de nombreux opinants,
habiles en droit sacré et humain, bien que nulle procédure
avec ses aveux n'ait jamais été remise aux opinants, ni vue
par eux, et que des articles trompeurs aient été donnés pour
opiner, articles commençant ainsi : « Une certaine femme »,
différents de ses déclarations, supprimant ce qui valait pour
sa justification, ajoutant des faits aggravants, iniques, faux
et tout à fait subreptices, sur lesquels cependant paraît
fondée la sentence perverse des juges, entachée par là de nullité. Aussi je demande que cela soit gardé en mémoire par
vos providences et soit comparé dûment dans ledit procès
aux déclarations de ladite Jeanne en raison des différences évidentes.
De même, cette prétendue abjuration, fausse, placée par
lesdits juges dans le procès, doit être bien examinée, car celle
qui a été insérée dans le procès a été entièrement fabriquée
après l'achèvement du procès ; elle est très prolixe et faite
avec grand artifice, ce que n'aurait pu saisir cette fille innocente
et ignorante ; bien plus l'autre abjuration qui lui a été
présentée est différente et rédigée en une note brève. Que si,
effrayée, elle l'a prononcée, elle apparaîtra comme n'ayant
rien fait, parce que la menace de la torture, un feu tout préparé
pour la brûler et la crainte instante d'une mort cruelle
paraissent l'avoir poussée à cela par très grande crainte. On
ne manquera pas également de remarquer que ladite fille
ou pucelle, alors qu'on s'occupait de sa cause, dit assez souvent à ses juges qu'elle s'en remettait complètement, elle et
ses dits, à notre seigneur le pape de l'église romaine, qu'on
la conduisît à lui ou que ses faits et gestes lui fussent soumis. De tout cela il ressort qu'elle a été non pas schismatique, mais
vraie catholique, non pas hérétique, mais obéissante et fidèle ;
et tout ce qui a été dit certes montre qu'elle faisait un très
véritable appel au pape. Il faut donc en conclure que la sentence
de ces juges est nulle, proférée par des gens qui ne sont pas de vrais juges, erronée et fausse, elle qui faussement et
mensongèrement a déclaré la Pucelle schismatique et dans
l'erreur. »
Ledit vénérable maître Pierre Maugier exposa brièvement
dans l'ensemble ces points et beaucoup d'autres ; il déclara
qu'il les exposerait et affirmerait plus en détail et plus amplement
devant les parties ; il demanda que les parties fussent
appelées, et que justice fût rendue rapidement à ladite veuve et à ses parents, comme cela est enjoint auxdits seigneurs
délégués par le saint Siège apostolique et le très saint seigneur
Calixte ; il demanda enfin de citer ou faire citer les parties
dont la citation est mandée par le rescrit, et d'accorder à
ladite veuve le complément de justice qui lui est dû.
[Oratio M. Petri Maugier de præsentatione prædicta.]
Facta autem præsentatione, receptione et lectura
publica rescripti antedicti, sicut superius est descriptum,
ac petitis hinc inde publicis instrumentis, cum
jam præfati domini Delegati, cum reverendis et venerabilibus
prælatis, doctoribus et jurisperitis eisdem
assistentibus quam plurimis, super responsione danda
superque evocatione et citatione partium decernenda,
superque partibus, de quibus in rescripto, tam generaliter
quamque specialiter evocandis, ac aliis præparatoriis
deliberare inciperent ; et jam partes et consiliarios,
adstantemque multitudinem ad aliam partem
aulæ se retrahere commonerent : venerabilis vir, magister
Petrus Maugier prædictus, per dictam viduam
ac consanguineos ejus, et fere per totam multitudinem,
ut dicebat et ex vocibus multorum apparebat,
instantissime requisitus supplicationem ipsius viduæ
et suorum consanguineorum, in rescripto contentam,
verbis gallicis particularius ac seriosius exponere ; volens,
ut asserebat, tam venerabilem cætum de pietate
causæ et injustitia judicantium, de innocentia Johannæ praedictæ in dicto rescripto nominatæ, aliquatenus informare,
audientiam postulavit. Quam, licet præfati
domini Delegati qui nondum in se partes judicantium
susceperant, non necessariara parumque utilera multipliciter
assererent, ad instantiam tamen frequentem
et sedulam viduæ antedictæ et preces adstantium, ex
deliberatione prælatorum, doctorum et aliorum jurisperitorum
prædictorum, duxerunt concedendam dicto
magistro Petro, præmonito ut, de partibus ipsis de
quibus in rescripto mentio habebatur, et quibus plena
audientia et defensio, tam contra rescriptum, quam
circa materiam principalem, reservabatur, cum honestate,
modestia et brevitate loqueretur.
Concessa igitur audientia, ac indicto onmibus silentio,
idem venerabilis magister Petrus in primis
protestatus est quod nulli malitiose injuriari, aut in
præjudicium famæ, honoris aut dignitatis quidquam
detrahere vel invehere proponebat ; sed solum illa dicere
pariter et proponere, sive nunc, sive in tota serie
et discussione futuri processus atque judicii, intendebat,
quæ ad elucidationem veritatis et manifestationem
justitiæ, ac justitiam debitam suæ causæ, facere
videbantur ; protestando etiam specialiter et expresse,
quod erat intentionis suæ solum et dumtaxat contra
judicantes et promotorem, de quibus in rescripto
mentio specialis habetur, querimoniæ verba applicare
et adaptare ; contra vero alios qui in processu
prædicto contra Johannam prædictam attentato, quandoque
affuisse dicuntur, ac nonnullas opiniones aut
consilia dedissent, cum, attenta falsa et mendosa extractione et compositione articulorum eisdem communicatorum,
excusabiles habeantur, nihil dicere
vel proponere volebat ; quin imo, justitia exigente,
intendebat, in ipsa processus discussione et serie,
multipliciter ostendere articulos ipsos, pro quærendis
opinionibus transmissos, a confessionibus Johannæ
antedictæ falso et indebite extractos, ad casum et
facta Johannæ prædictæ minime pertinere, ab eisque
differere, et in multis contradicere evidentissime.
His protestationibus sic factis, præfatus magister
Petrus dicta pariter et dicenda in hac prosecutione
atque materia submittens correctioni ac determinationi
Sanctæ Sedis apostolicæ, et dominorum ab ea
delegatorum, ac omnium ad quos spectare potest, in
hac parte, incepit dicere et proponere, sub verbis gallicis,
ea quæ in effectu sequuntur, hic verbis latinis
explicata :
« Reverendissimi patres et judices clarissimi, ut
vestræ prodeat in medium rectitudinis zelus, et sacrum
fulgeat veritatis et justitiæ decus, et ex adverso judicantium Petri Cauchon, quondam episcopi Belvacensis,
Guillelmi Estiveti, promotoris, Johannis
Magistri, subinquisitoris fidei in Belvacensi, et collegarum
seu complicium eorum, citra omnem semper
loquendo injuriam, dolosa detegatur intentio, manifestaque
pandatur iniquitas ; exemplo purissimi Danielis,
divina gratia pro salute innocentis Susannæ dolo iniquo
condemnatæ, ad convincendam inveteratorum judicum malitiam, suscitati : placent postulo attendere judicantium
illorum, quorum in rescripto vobis nunc præsentato
mentio efficitur, et contra quos nostra propositio
dirigitur, latentem dolum, perversum zelum, conspiratam
malitiam, præsumptæque auctoritatis judicaturæ
damnabilem nimiam audaciam. Quorsum, quæso, judicantium
tam dolose exquisita hæc judicandi invaluerit
absque auctoritate temeritas, cum evidentia docuerit
judicantes eosdem ad ipsam innocentem filiam inimicitias
fovisse capitales, ita ut nedum cohabitantes
ejusdem inimicis, sed adhærentes, commensales, familiares,
fautores, officiantes et consiliantes habiti sunt
palam, publice et manifeste, veluli eorumdem judicantium
dicta, facta, processus iniquus, et perniciosæ
sententiæ manifestant et exprimunt evidentissime ? Ex
quo admiranda venit tanta eorum præsumptio, cum
ipsa noverint jura clamare divina pariter et humana,
nedum capitales hostes, sed cohabitantes eisdem, a judicandi,
testificandi et accusandi officio penitus alienos.
Sed ex ipsa judicii serie atque forma corrupta nimis macula
taquelucet dictorum judicantium intentio, ipsamque
exterminandi filiam officiosa conjuratio, dolosa
pariter et iniqua : cum eam vinculis et compedibus
ferreis, et duro adscriptam carceri, sub custodibus
vilissimis, in Castro et potestate sæculari, exquisitis,
in rebus arduis, interrogatoriis subtilibus sæpe
vexandam duxerint ; et per falsas suæ violentatæ confessionis
articulatas excerptiones, sinistras adjectiones,
et opinantium discrepationes, vi metuque extortas
adjurationes, fictas recidivationes, publica tandem
crematione, ausi sunt, pollutis conscientiis et manibus,
inique suffocare. Hæc enim ex sui iniqui processus visione patent, ex verissimis informationibus
constant ; ex quibus infectus ipse processus, sententias et sequelas, vitio doli, nullitatis et iniquitatis maculatas,
relinquit manifeste. Hæc attendite, judices clarissimi
; clamat ante thronum Domini innocentiæ oppressæ
immaculatus sanguis. Vestris est providentiis
missa desuper auctoritas, factaque delegatio, atque
elucidatio demandata hujus condemnationis iniquæ,
ut, per justitiæ ministerium, conscientias fidelium serenas reddere habeatis, et reparationem indicere decentem
atque justam et conditam mixturis odoriferis
justitiæ et æquitatis.
Nec parum in hac parte apud vestras paternitates
attendenda dictæ filiæ puritas, conversatio pudica,
humilitas maxima, sinceritas in fide, fervens devotio ad
ecclesiastica sacramenta ; quæ fidei infamiam, aut hæresis labem vel suspicionem, nunquam parturiunt aut
inducunt. Nec in processus illius reperietur tota deductione
quod convicta vel confessa sit crimina illa,
quæ falso exprimit iniquissima lata in eam sententia.
Quod si de virilis habitus susceptione, aut armorum
pro tempore aliquo delatione, fuerit accusata : responsa
dedit catholica, excusatoria, ostensa multipliciter
necessitate et utilitate publica, pioque et divino
instinctu quo ad hoc commonita, allegato ; ita ut ab
omni labe sibi imposita, præsertim quæ fidei processum
meruerit, expers habita sit, quemadmodum processus ipse in suis probationibus apertissimis manifestat.
Quæ placeat animis vestris imprimere, ut,
omnem in eadem innocente suspicionem, causæque fidei materiam seu notæ qualiscumque sibi impositæ
cessare, fiat manifestum universis.
Nec pigeat, patres reverendissimi, advertere quod
judicantes præfati, ab initio processus contra dictam
filiam agitati, ut formam tenere viderentur jure dispositam,
super infamia, ad partes ejus informationes
fecerunt ; sed easdem suo processui non copularunt,
imo latere eas voluerunt, dolo repleti ; quoniam immaculatam
innocentiam, divinorum officiorum frequentiam,
sacramentorum perceptionem, et omnis
bonæ indolis puritatem, devotionis et catholicæ veritatis
amplexus, bonique nominis et honestæ conversationis,
fama publica, per illas informationes, relationem dederat authenticam. Sed quia judicantium intentioni
adversabatur hæc relatio, a processu ipsas
informationes abjecerunt, et dolose sub modio voluerunt
abscondi. Hic autem, judices doctissimi, sui nullitatem
processus inferunt, et omnium sequelarum ;
nam, et secundum juris doctores, omnis illa vitio
nullitatis infecta censetur sententia, quam dolus maculat
processui admixtus ; maxime si dolo eidem judex
consenserit quomodolibet, prout vestræ hæc ponderabunt
reverentiæ circumspectæ ; speciali etiam
animadversione notantes quod, cum sententia criminalis ferri non possit, nisi in sponte confessum juridice
coram suo judice, vel convictum, hæc Puella, in
minori ætate constituta, et duro carceri mancipata,
metu et terrore custodum, et capitalium inimicorum
opprobriis assiduis judicumque immensis vexationibus
afflicta, pro convicta aut confessa haberi non debuit,
et multo minus condemnari, præsertim ab illis judicibus
quos sæpius recusavit, et a quibus ad Papam reclamavit,
et se et dicta et sua facta remitti postulavit.
Item, his suppositis, ac pro ejusdem innocentis. Puellæ expurgatione valituris, de cæteris contentis in
processu opus est advertere, quanta perseverantia, a
Deo et Sanctis ipsam Puellam revelationes habuisse, et
eorum auxiliis se processisse ipsa affirmaverit, judicia
Ecclesiæ non recusans, sed amplectens ; quodque doctores
et litterati plurimi tales eas esse verisimiliter
affirmant, de quibus nisi in bonum judicare deberet
nullus ; cum talia potius, ubi etiam incerta, essent
potius divino arbitrio relinquenda. Nec idolatra, nec
divinatrix aut confictrix hujusmodi revelationum fuit
hæc dicenda Puella, nisi nulliter et de facto, nec seductrix in aliquo, quæ subditos populos ad sui naturalis
regis et domini obedientiam reducere studuit,
soli Deo credens, et Sanctos Dei invocans, seclusa et
expulsa malorum spirituum adoratione et invocatione
quacumque.
Item, quoniam judices antedicti non erubuerint
in sententiis per eos attentatis, doli, iniquitatis et
nullitatis vitio infectis, multa de filia et Puella eadem
innocente proferre opprobria, ipsamque super variis
confessam criminibus et convictam, falso adscribere,
et tanquam errantem in fide et relapsam in
hæreticam falso, mendose et inique condemnare ; in
quibus ornnibus, si processus series revolvatur, debite
nec convicta, nec confessa poterit apparere : placeat
reverentiis vestris illam prædictis criminibus non obnoxiam
declarare, atque condemnationes et declarationes
contra eam prolatas retractare, et omnem hinc
exortura scandalum abolere, justitia mediante.
Item, quoniam falsus ille processus adversantium
continet quod per opinantes multos, in sacro et humano
jure peritos, filia hæc condemnata sit, cum tamen ipsis opinantibus suarum confessionum nullus
unquam processus traditus fuerit, neque visus per
ipsos ; sed subdoli equidem dati sunt ad opinandum
articuli, incipientes, Quædam foemina, a
suis confessionibus dissimiles, subtrahentes quæ pro
sua justificatione valebant, et superaddentes aggravationes
iniquas, falsas et subreptitias omnimode, in
quibus tamen judicantium penitus fundata videtur
perversa sententia, exinde nullitate infecta : quæ peto
per vestras providentias teneri memoriter, et eidem
processui, pro dissimilitudine evidenti, ad confessionem
dictæ Johannæ debite comparari.
Item, et ipsa prætensa, per judices prædictos in
processu posita, adjuratio falsa venit plurimum ponderanda,
quoniam illa quæ processui inserta est, de
novo post processum completum fabricata, prolixa
valde et artificio confecta valido, quam nec concipere
ipsa potuisset innocens filia et ignara ; imo altera sibi
præsentata est dissimilis, et brevi schedula comprehensa
; quam si territa protulerit, nihil egisse visa
erit, quoniam et tortoris exspectatio, et ignis parati
crematio, et instans comminatio crudelis interitus,
melu eam utique permaximo ad id compellere videbantur.
Neque pigebit pariter advertere dictam puellam
seu filiam sæpius tunc, cum sic tractaretur, dixisse
adversis judicibus quod ipsa domino nostro Papæ
Romanæ Ecclesiæ, se et dicta sua penitus submittebat,
quodque ad eum duceretur, vel dicta et facta ejus ad
eum mitterentur. In quibus omnibus constat eam non
fuisse schismaticam, sed veram catholicam ; non hæreticam, sed obedientem et fidelem ; quin imo prædicta
omnia sonant interjectam ad Papam appellationem verissimam. Ex quibus omnibus inferre opus est sententiam
ipsam judicantium ipsorum esse millam, et a non judicibus prolatam, erroneam atque falsam, quæ
falso et mendaciter adstruit Puellam ipsam schismaticara
pariter et errantem. »
Hæc et alia multa, in dicta præsentatione rescripti,
dictus venerabilis magister Petrus Maugier in
genere breviter exposuit ; protestans particularius et
amplius, vocatis partibus, illa exponere pariter et
declarare ; petens et partes vocari, et justitiam viduae
antedictæ et suis consanguineis breviter expediri, sicut
a Sancta Sede apostolica et sanctissimo domino
nostro Calixto eisdem præfatis dominis Delegatis injungitur; partes, de quibus evocandis mandatur in
rescripto, evocando, seu evocari faciendo, et ministrando
viduæ antedictæ debitum justitiæ complementum.
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.98 et suiv.
- Traduction : Pierre Duparc,t.III, p. 18 et suiv.
Notes de Quicherat :
1. Jean Lemaître était vice-inquisiteur dans le diocèse de Rouen ; mais ici, et dans tout le cours du procès, on le considère comme vice-inquisiteur du diocèse de Beauvais, à cause de la commission spéciale qu'il avait reçue pour procéder de concert avec Pierre Cauchon.
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