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Procès de réhabilitation
CHAPITRE I - PRÉSENTATIONDU RESCRIT, PROCURATIONS ET PREMIÈRES CITATIONS
I - Présentation du rescrit et suppliques initiales
(7 novembre 1455) |
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u nom du Christ, amen.
Pour la perpétuelle mémoire de ce qui est écrit ci-dessous, et pour que rien ne reste inconnu ou incertain de ce qui touche ce procès, sachent tous, présents et à venir, qui examineront notre registre, que l'an du Seigneur 1455, indiction troisième,
première année du pontificat de notre très saint père dans le
Christ notre seigneur Calixte, par la divine Providence troisième
pape du nom, le 7e de novembre, dans la vénérable église
de Paris, le matin, devant le révérendissime père dans le Christ
et seigneur Jean, archevêque de Reims, le révérend seigneur
Guillaume, évêque de Paris, et honorable maître Jean Bréhal,
inquisiteur de la foi, se présenta humblement et se prosterna à leurs pieds avec de grands gémissements et soupirs honnête
femme Isabelle d'Arc, mère de défunte Jeanne, communément
appelée « la Pucelle » ; elle offrit et présenta un mandat
et rescrit du saint Siège apostolique, avec son fils Pierre
d'Arc, frère de ladite Jeanne, et avec l'assistance d'hommes
honorables, clercs et laïcs, et de beaucoup d'honnêtes femmes,
en exposant tant en son nom qu'au nom de ses enfants et
de ses parents, d'une manière pitoyable et d'un ton lamentable,
et en faisant exposer par certaines personnes présentes les
faits suivants.
Elle avait engendré il y a longtemps, en légitime mariage,
une fille et l'avait élevée, dûment marquée des sacrements
de baptême et de confirmation, dans la crainte et le respect
de Dieu et dans les traditions de l'Église, autant que le permettaient
son âge et la condition d'un état simple, en sorte que celle-ci, grandissant à la campagne et aux pâturages,
fréquentait assez souvent l'église, recevait presque tous les
mois, bien que dans un âge tendre, le sacrement de l'eucharistie
après s'être dûment confessée, s'adonnait avec dévotion
et ferveur aux jeûnes et prières pour les besoins alors très
grands du peuple, auxquels elle compatissait de tout son coeur.
Néanmoins des adversaires et des gens hostiles à elle, à sa
famille, aux dirigeants des affaires publiques et des peuples
sous lesquels ladite Jeanne et les siens vivaient et demeuraient,
mirent en cause sa foi, chose injurieuse, outrage et
mépris envers lesdits gouvernants et les peuples, bien qu'elle
n'eût pensé ni entrepris rien de contraire à la foi. Ces adversaires,
sans en être chargés par aucune autorité légitime,
malgré des récusations et des appels tacites et exprès, après
lui avoir enlevé tout moyen de défendre son innocence, la
condamnèrent d'une manière funeste et inique, dans un
procès entaché de dol, violence et injustice, en faisant fi de
toutes les règles de la procédure, en la chargeant faussement
et mensongèrement de beaucoup de crimes, en falsifiant
beaucoup d'articles, rendus opposés et contraires à ses dires,
pour obtenir la décision ; et après qu'elle eût reçu le sacrement
de l'Eucharistie avec la plus grande dévotion, ils la
firent brûler, pour la damnation de leur âme, dans un feu
très cruel, provoquant les pleurs de tous et jetant l'opprobre,
l'infamie et un tort irréparable à ladite Isabelle et aux siens.
Aussi les entrailles de ladite mère s'émurent pour sa fille ;
tous ses parents furent remplis de douleur ; mais ils continrent
au-dedans d'eux-mêmes leur douleur, ainsi que beaucoup
d'autres qui souffraient pareillement, jusqu'à ce qu'il
plût à la clémence céleste de donner la sérénité après les
nuages, la tranquillité après les guerres, la lumière après
les ténèbres, de rendre la cité de Rouen et même toute la
Normandie à la souveraineté naturelle de la France et de
conduire jusqu'à son plein effet ce qui avait été commencé
au temps de ladite Jeanne à Orléans et à Reims. Alors apparut
avec évidence et devint public ce qui avait été longtemps
caché, à savoir que ce procès était entaché de dol, de violence, d'iniquité également ; et la nullité, l'injustice, la violence
furent découvertes de plusieurs façons, tant par l'examen du
procès que par la renommée publique et les rapports des gens
dignes de foi. Constatant cela, Isabelle et les parents susdits,
sur le conseil et avec la direction de plusieurs personnes très
probes qui examinèrent le procès tout au long, décidèrent en
suppliant humblement de remettre l'affaire à la source de
toute justice, au saint Siège apostolique, père et maître de
la foi, qui accorde habituellement ses secours pieux à tous les
opprimés, et auquel ladite Jeanne s'était elle-même soumise
au cours du procès et avait soumis ses dits et ses gestes. Ils
lui exposèrent tout ce que dessus, en demandant le secours opportun de la justice. En réponse à leurs prières et supplications,
poussé par sa bonté habituelle, notre très saint père
Calixte, troisième pape du nom, qui est toujours plein de
charité envers les affligés, comme il ne pouvait être complètement
informé sur l'affaire susdite, confia à révérendissime
Jean, archevêque [de Reims], à Guillaume et Richard, évêques
de Paris et de Coutances, ainsi qu'à l'un des inquisiteurs de
la foi au royaume de France, hommes très bien choisis et éprouvés, ou à deux d'entre eux, ses attributions et une pleine
autorité pour connaître de la nullité et de l'injustice du procès,
tant d'après les actes que d'après les autres documents,
comme ladite veuve leur a exposé, donnant le pouvoir de
déclarer cette nullité par sentence, et de purger complètement
ladite Jeanne et les siens de toute marque ou tache d'infamie à l'occasion ou sous le prétexte de ce procès, en accordant à ladite veuve et aux siens les remèdes de droit nécessaires,
comme cela est contenu pleinement dans lesdites
lettres épiscopales et le rescrit.
Se prosternant donc aux pieds du révérendissime archevêque
de Reims et du révérend évêque de Paris, ainsi que de
vénérable maître Jean Bréhal, inquisiteur de la foi, l'évêque
de Coutances Richard étant alors absent, offrant et tendant à tous et à chacun d'eux plusieurs fois le rescrit qu'elle tenait
dans ses mains, Isabelle, la veuve susdite, avec sondit fils,
demanda, tant en son nom qu'au nom de ses parents, avec humilité et très instamment, auxdits seigneurs délégués de
daigner procéder sans délai ultérieur ni retard à l'examen dudit
rescrit qui leur est présenté et à son exécution rapide, pour
suivre en cela l'exemple salutaire et exécuter les ordres du
saint Siège apostolique et de notre très saint père Calixte,
troisième pape du nom. Elle demanda que justice fût rendue à ladite veuve, à ses fils, à ses parents, en déclarant la nullité
du procès susdit, en innocentant ladite Jeanne et les siens
et en accordant les autres remèdes de droit, comme la justice
et l'équité l'exigeaient, et comme cela leur était demandé
dans le rescrit.
Étaient alors présents parmi les assistants de la veuve
des hommes lettrés et savants, séculiers et religieux, qui relatèrent,
au sujet de ce procès qu'ils déclaraient avoir vu dans
sa forme authentique, beaucoup d'irrégularités venant de
violences, d'usurpations et de la partialité passionnée des
juges, beaucoup d'autres venant de la rigueur de la prison,
des chaînes et des ceps, de la bassesse et la méchanceté des
gardiens de Jeanne, des questions insidieuses, subtiles et hors
du sujet, des interruptions et des changements, de la manière
d'interroger insolite et extraordinaire, des menaces, des intimidations
faites aux conseillers, des articles falsifiés pour
solliciter les avis, des sollicitations frauduleuses, de l'abjuration
obtenue par violence, du relaps recherché et frauduleux
; ils rappelèrent également la simplicité de Jeanne, sa
pureté et sa virginité, reconnues même par ses adversaires,
ses exhortations pieuses et salutaires, comme ses agissements à propos des besoins très grands du royaume ; ils dirent que
toutes ces choses devaient être tenues, non comme crimes,
mais comme mérites, non comme erreurs, mais comme vraie
religion ; comme piété et non comme méchanceté, comme
vérité et non comme mensonge, si elles sont appréciées avec
une intention droite. Ils exhortèrent et supplièrent lesdits
seigneurs délégués très instamment de daigner, avec une
pieuse bienveillance, s'occuper d'une pauvre veuve, et d'accorder
le secours salutaire de la charité et de la justice à sa
désolation et à ses soucis.
Comme ces hommes lettrés développaient tout au long
ladite supplique et chacun d'eux s'efforçait de descendre aux
points particuliers du procès et de les préciser, comme ladite
veuve joignait en les répétant ses prières aux leurs et à celles
de beaucoup d'assistants, une grande foule accourant à leur voix, lesdits seigneurs délégués constatèrent que ni le temps
ni le lieu ne permettaient de délibérer pleinement pour la
réception et l'examen dudit rescrit, et qu'il n'y avait pas de
notaire présent ; ils firent alors retirer ladite veuve et ceux
qui l'assistaient loin de la foule, dans la sacristie de l'église de Paris ; là, après avoir donné quelques consolations à la
veuve dont le coeur était plein d'amertume, après de nombreuses
questions sur l'origine, l'état, la personnalité tant de
ladite veuve que de sa fille Jeanne, ils lurent, d'abord en
privé, ensuite devant tous, ledit rescrit par la bouche dudit
révérendissime père et seigneur Jean, archevêque de Reims,
et déclarèrent l'avoir écouté l'âme pleine de compassion, et
avoir compris par ce rescrit leurs lamentations, réclamations
et plainte et leur demande. Dans ces conditions, parce qu'ils étaient contraints par le respect, la fidélité et l'obéissance
due au saint Siège apostolique, et parce qu'ils étaient conduits par une piété naturelle et le témoignage de l'Écriture à écouter
patiemment la cause et la plainte de ladite veuve, à l'examiner
selon les règles de la raison et de la justice, ils étaient prêts à recevoir avec bienveillance le rescrit qui leur était présenté
en temps et lieu convenables, après avoir appelé des notaires
et avec l'assistance, la direction et le conseil d'hommes
doctes et probes qu'ils avaient appelés, prêts également à
poursuivre son exécution, après due évocation des parties
en justice et selon la teneur dudit rescrit, et à ne pas refuser à ladite veuve et aux siens le complément de justice qui leur était dû. Ils devaient rendre consciente ladite veuve, inexpérimentée
en matière de litiges et procès, des complications et
difficultés de l'affaire exposée dans le rescrit et la supplique,
pour qu'elle pût bien connaître les phases et l'issue de la procédure,
compliquées et difficiles, incertaines et périlleuses ;
et pour que, dans cette cité très célèbre où il y avait une foule de docteurs et d'hommes expérimentés, elle pût chercher un
conseil salutaire ; pour qu'elle ne se laissât pas séduire par
une attirance peut-être physique, ou toucher par une indiscrétion
pressante, ou diriger par un conseil moins salutaire ;
enfin pour que, au lieu de la réparation et de l'acquittement
demandés, on ne renouvelât pas le dommage et l'injustice,
et qu'au lieu d'annuler le procès contre sa fille on ne le renforçât
ou confirmât. En effet puisque ladite Jeanne sa fille
avait été, il y a longtemps, traînée en justice, il faut le dire,
pour cause de foi, et condamnée par de graves, doctes et
solennels juges, cela paraît être une présomption en faveur
de leur sentence ; aussi ne peut-on procéder sans de très
nombreux documents probants à un retrait de la sentence
par la voie extraordinaire de l'annulation. « D'une voix
unanime les plaideurs en effet », dit saint Augustin, « même
lorsqu'ils sont convaincus par des arguments manifestes,
disent qu'ils ont eu affaire à de mauvais juges, que leur jugement est injuste et nul ». Il n'est donc pas facile d'ajouter
foi à de tels propos ; on ne doit pas démolir ce qui a été une
fois établi ; il faut octroyer un recours facile, sans briser avec
légèreté la discipline ecclésiastique ; sous aucun prétexte de
piété ou de compassion on ne doit ébranler l'intégrité et la
rectitude de la foi. Les causes en matière de foi doivent être
traitées de manière à ne faire aucune distinction des puissants
et des pauvres, ni aucune acception des personnes,
selon l'Écriture : « Si ton père ou ton fils, ou la femme qui
dort près de toi, ou ton ami, veut pervertir la vérité, que ta main soit sur lui ». Il faut donc que ceux qui jugent des
affaires de foi, en première ou plus encore en deuxième instance,
de même pour l'examen de ce qui a été jugé, aient
Dieu seul, la justice et l'intégrité sincère de la foi toujours
devant les yeux, tiennent en main la balance de l'orthodoxie,
et ne dévient en rien de la voie de la vérité et des traditions
des Pères, en rejetant toute considération d'une quelconque
faveur. En effet bien que l'Église doive se montrer favorable
aux orphelins et aux veuves, il n'y a cependant pas à témoigner
de la faveur à l'encontre de la justice ou de la foi sincère.
En tenant ces propos et d'autres, les susdits seigneurs délégués
déclarèrent enfin qu'ils ne parlaient pas pour diminuer
l'innocence de ladite Jeanne, ni contre la cause ou la justice à rendre à la veuve, ni pour introduire un délai ou un retard.
C'était pour que cette veuve, toujours assistée d'un bon conseil,
pût prévoir que si le début des procès est facile, l'issue
en est cependant difficile et périlleuse, tout ce qui se rapporte
au futur étant incertain.
Après cela et d'autres exposés lesdits seigneurs délégués
ordonnèrent plus solennellement et plus spécialement que
la réception et la publication du rescrit, la réponse sur le
décret et sur les autres choses fussent faites dans la cour épiscopale de Paris, en présence des notaires, de gens doctes
et probes à convoquer par lesdits seigneurs délégués. Ils assignèrent
ladite veuve, son fils et les siens au septième jour de
ce mois de novembre (1), dans ladite cour épiscopale, pour présenter
de nouveau et faire recevoir ledit rescrit, en la présence
des notaires et des conseillers à évoquer ; pour demander en outre ce qui doit être demandé en droit par ladite veuve ;
et même pour entendre, sur la présentation et la réception
du susdit rescrit, sur les citations et les évocations des parties
et sur les autres actes préparatoires, la délibération, la
décision et la réponse desdits seigneurs délégués et du conseil ;
enfin pour procéder sur ces points et sur les autres comme il
faudra procéder en droit. Ils avertirent la susdite veuve que,
pendant les délais, elle eût à rechercher les conseils de gens
honnêtes et probes, ayant toujours Dieu et la justice présents à l'esprit, et qu'elle eût à venir ledit jour, munie d'un
bon et fidèle conseil.
La susdite veuve et les susdits assistants, en déclarant
expressément que ce n'était pas leur intention d'entreprendre,
de dire ou de faire quoi que ce fût au détriment ou au préjudice
de la foi, de la vérité et de la justice ou de dévier de
l'intégrité de la foi, précisèrent qu'ils étaient tout à fait
persuadés de la droiture et de l'innocence de la susdite Jeanne
quant aux crimes qui lui avaient été imputés sous prétexte
de la foi ; que cette injustice, vice de violence et nullité du procès apparaissaient légitimement par les actes mêmes de ce
dernier et les autres documents. En conséquence, ne doutant
nullement de la justice de la cause, ils étaient prêts à comparaître
en réunion publique et à demander publiquement un
jugement. Acceptant donc avec humilité et révérence la date
et le lieu assignés pour présenter à nouveau le rescrit. suppliant
lesdits seigneurs délégués avec douceur et humilité d'expédier
rapidement et brièvement cette affaire, ladite veuve et lesdits assistants se retirèrent hors de la présence des seigneurs
délégués et de ladite église de Paris avec des actions
de grâce ; ils laissèrent aux susdits seigneurs délégués une
copie authentique dudit rescrit, leur tendirent et leur laissèrent
certaines suppliques rédigées en latin et en français
dans lesquelles tout ce que dessus est expliqué plus longuement.
Lesdits seigneurs délégués, après avoir eu quelques
délibérations en ce lieu, décidèrent qu'il serait délibéré plus
amplement en appelant assez souvent des hommes très probes
et compétents.
Ces choses furent faites et dites d'abord dans ladite église
de Paris et dans la sacristie ; et ensuite, pour que tout se
poursuivît et fût engagé plus sérieusement et plus mûrement,
la question fut reprise et répétée en présence desdits prélats
et gens compétents qui ont souscrit plus bas, ledit jour dix-septième
dudit mois de novembre. Présents également Jean
de Cruisy, greffier de la cour épiscopale de Paris, et Pierre de
La Roche, notaires publics, qui ont souscrit avec nous à la
fin de ce texte, et qui furent présents à tout ce qui a déjà été dit et fait, tant dans ladite église, que repris et répété
dans ladite cour épiscopale ledit dix-septième jour du mois
de novembre, tous les actes de ce jour étant donnés immédiatement
ci-après.
IN CHRISTI NOMINE, AMEN.
Ad perpetuam infrascriptorum memoriam, et ut
de contingentibus processum infrascriptum nihil remaneat
incognitum vel incertum, noverint universi
præsentes pariter et futuri hoc nostrum inspecturi registrum,
quod, anno Domini MCCCCLV., indictione III.;
pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini
nostri domini Calixti, divina providentia papæ tertii,
anno primo ; die vero VII. (1) mensis novembris : in venerabili
ecclesia Parisiensi, de mane, ad præsentiam reverendissimi
in Christo patris et domini Johannis, archiepiscopi
Remensis, ac reverendi domini Guillelmi,
episcopi Parisiensis, ac honorandi magistri, magistri
Johannis Brehal, fidei inquisitoris, humiliter accedens,
ac cum magnis gemitibus atque suspiriis eorum pedibus
se prosternens, certumque Sanctæ Sedis apostolicæ
mandatum et rescriptum offerens et præsentans, honesta
vidua Ysabellis d'Arc, defuncti quondam Johannis (2) d'Arc relicta, mater quondam Johannæ vulgariter
dictæ la Pucelle, una cum filio suo Petro d'Arc,
fratre dictæ Johannæ, assistentibus eisdem viris honorabilibus
ecclesiasticis et sæcularibus, ac honestis mulieribus quam plurimis, tam suo, quam filiorum et
consanguineorum suorum nomine, lacrimabili insinuatione
et lugubri deprecatione exposuit, et per certos
ibidem assistenles exponi fecit, quod :
Cum jampridem filiam ex legitimo matrimonio peperisset,
et eam baptismi atque confirmationis insignitam
debite sacramentis, in Dei timore et reverentia
et traditionibus Ecclesiæ, quantum ætas et status simplicis
qualitas patiebatur, educasset, sic ut, inter pascua
et in campestribus enutrita, ecclesiam sæpius frequentaret,
sacramentum Eucharistiæ, licet ælate
tenera constituta, post confessionem debitam, quasi
mensibus singulis reciperet, jejuniis et orationibus
pro necessitatibus populi tunc maximis, quibus toto
corde compatiebatur, devote ac ferventer intenta ; nihilominus eamdem, licet nihil devium a fide vel
dissonum excogitantem, molienlem vel facientem,
quidam ejus, et consanguineorum suorum, ac rei publicæ principum et populorum sub quibus dicta
Johanna et sui conversabantur et morabantur, adversarii et æmuli, in injuriam, contumeliam et contemptum
dictorum principum pariter et populorum, in causam fidei pertraxerunt ; et eam, nulla legitima
auctoritate fulciti, post recusationes et appellationes
tacitas et expressas, omni innocentiæ defensione sublata,
per dolosum, violentum pariter et iniquum
processum, omni juris ordine prætermisso, impositis
eidem falso et mendaciter multis criminibus, falsificatis, pro exquirendis opinionibus, multis articulis ab ejus confessione repugnantibus et dissonis,
damnabiliter et inique condemnarunt, et ignis incendio
crudelissime, post receptum per eam cum devotione
permaxima Eucharistiæ sacramentum, lacrimantibus
omnibus, concremarunt, in suarum damnationem
animarum, in dictæ Ysabellis et suorum notam,
infamiam et irreparabile detrimentum. Commota igitur
viscera viduæ antedictæ super filia sua ; omnes consanguinei
ejus repleti doloribus ; sed continuerunt
dolorem intrinsecus, multis cum eis pariter dolentibus,
donec supernæ placuit clementiæ post nubila dare
serenum, post bella tranquillitatem, post tenebras
præbere lucem, et Rothomagensem civitatem, imo
Normanniam totam, ad naturale Francorum dominium
reducere, et ad plenum effectum perducere quæ,
tempore dictæ Johannæ, Aurelianis et Remis fuerunt
inchoata. Tunc evidenter patuit, tunc in publicum ex
latebris prodiit et occulto processus ille dolosus, violentus,
pariter et iniquus, diutius occultatus ; ejusque
nullitas, iniquitas et violentia, tam ex ejus inspectione,
quam ex fama vulgari et fide dignorum relatu,
multipliciter est detecta. Quod attendentes Ysabellis et
consanguinei antedicti, ex consilio et directione probissimorum multorum, qui processum ipsum visitaverunt
ad longum, ad fontera justitiæ, Sanctam Sedem
apostolicam, quæ fidei mater est et magistra, et oppressis
omnibus pia solet præbere juvamina, cuique
dicta Johanna in dicti agitatione processus seipsam
sæpius submiserat, et ad quam remitti sæpius petierat
dicta pariter atque gesta, duxerunt simpliciter et humiliter remittendum, exponendo eidem præmissa
omnia et petendo remedia justiliæ opportuna. Eorum igitur precibus et supplicationibus solita benignitate
inclinatus, sanctissimus dominus noster Calixtus, papa tertius, pia super afflictos gestans semper viscera
caritatis, cum informari ad plenum non posset de
præmissis, eisdem reverendissimo Johanni archiepiscopo,
ac Guillelmo et Ricardo, Parisiensi et Constantiensi
episcopis, ac alteri Inquisitorum fidei in regno
Franciæ, viris electissimis et probatissimis, sicut tunc
dicta vidua eisdem exposuit, vices suas auctoritatemque
commisit plenam eisdem, aut duobus ex ipsis tribus
facultatem, ut super nullitate et iniquitate dicti
processus, tam ex actis ejusdem, quam ex aliis documeptis
debite cognoscerent, nullitatem ipsam per suam
sententiam declarando, et dictam Johannam atque
suos ab omni nota, infamia atque labe, dicti processus
occasione vel prætextu, penitus expurgando, et dictæ
viduæ atque suis opportuna quæque juris remedia adhibendo
; prout in dictis litteris apostolicis et rescripto
plenius continetur.
Dictorum igitur, reverendissimi ac reverendi, archiepiscopi
scilicet Remensis et episcopi Parisiensi,
necnon venerabilis magistri Johannis Brehal, fidei
inquisitoris, Ricardo, Constantiensi episcopo, tunc
absente, cum magnis gemitibus atque suspiriis pedibus
se prosternens, ac rescriptum, quod suis gestabat
in manibus, pluries eisdem et cuique eorum particulariter
præsentatum iterum offerens et præsentans,
Ysabellis, vidua antedicta, cum prædicto filio, tam suo
quam consanguineorum suorum nomine, humiliter
ac instantissime requisivit quatenus præfati domini Delegati, Sanctæ Sedis apostolicæ ac sanctissimi domini
nostri Galixti, papæ tertii, salubriter sequendo vestigia,
ac ejus reverenter suscipiendo et exsequendo mandata,
ad dicti rescripti eisdem præsentati visitationem vel exsecutionem celerem, absque ulteriori dilatione
vel mora, procedere dignarentur ; ac dictæ viduae et
suis filiis et consanguineis justitiam ministrare, nullitatem
processus prædicti declarando, dictam Johannam et suos expurgando et cætera juris remedia adhibendo, ut justitia et æquitas postulabant et exigebant, et eis mandabatur in rescripto.
Aderant tunc inter assistentes viduæ antedictæ viri
litterati et docti, sæculares et religiosi, qui circa processum
antedictum, quem se vidisse sub forma authentica
profitebantur, ad longum multa incompetentia de violentia, usurpatione et inordinato affectu
judicantium ; multa de rigore carceris, catenarum et
compedum ; de vilitate et acerbitate custodum eidem
Johannæ traditorum ; de quæstionibus captiosis, subtilibus
et impertinentibus ; de interruptionibus et
translationibus ; de insolito et extraordinario interrogandi
modo ; de minis, terroribus consiliariis illatis ; de falsificatis pro exquirendis opinionibus articulis ;
de inductionibus fraudulentis ; de abjuratione violenta
; de ficto et exquisito relapsu, recensendo :
etiam circa ipsius Johannæ simplicitatem, integritatem et virginitatem, etiana ab adversariis compertam,
circaque ipsius, in necessitatibus regni permaximis, et
pia et salubria monita atque gesta, multiplicia referebant.
Quæ non crimini, sed laudi ; non errori, sed religioni ; pietati, non pravitati ; veritati, non mendacio,
si recta intentione pensentur, tribuenda, et divino
potius quam humano judicio discutienda, dicebant
; dictos dominos Delegatos, cum magna instantia
exhortando et deprecando quatenus super egenam et
pauperem viduam dignarentur intendere, et pia benignitate
ejus desolationibus et querelis, caritatis atque justitiæ auxilium impendere salutare.
Cum autem viri litterati prædicti prædictam orationem
in longum protenderent, et eorum quisque particulariter
ad particularia processus antedicti descendere,
et ea specificare satageret ; dictaque vidua,
vociferantibus cum ea assistentibus multis, preces suas
geminaret, atque repeteret, magna tunc multitudine
ad voces eorum occurrente : præfati domini Delegati,
attendentes tempus et locum non pati in receptione
et visitatione rescripti antedicti plenum deliberandi
consilium ; quodque tunc non aderat præsentia notariorum
; dictam viduam, cum assistentibus eisdem, seclusa
multitudine, ad locum sacristiæ prædictæ Parisiensis
ecclesiæ duxerunt retrahendam, et in loco prædicto,
post consolationes nonnullas eidem viduæ in
magna cordis amaritudine constitutæ, ministratas,
postque interrogationes multiplices super origine, statu,
conversatione, tam dictæ viduæ, quam suæ filiæ
Johannæ praedictae, factas ; lecto prius, inter se, ac
postea coram omnibus, rescripto antedicto, per organum
dicti reverendissimi patris domini Johannis, archiepiscopi
Remensis, eidem responderunt se pia animi
compassione audivisse ac ex ipso rescripti tenore percepisse
eorum lamentationes, querelas atque planctum,
ac suæ petitionis effectum ; unde, cum eos, et Sanctæ Sedis apostolicæ reverentia, et debita eidem fidelitas
et obedientia constringerent, ac naturalis pietas et
Scripturæ testimonia inducerent causam viduæ ipsius
et querelam, et patienter audire, et servato moderamine
rationis et justitiæ terminis, efficaciter exaudire :
parati erant, congruis loco et tempore, evocatis et ao
cersitis notariis, cum assistentia, directione et consilio
virorum doctorum et proborum, quos disposuerant evocare, rescriptum, eisdem præsentatum iterum cum
reverentia, benigne suscipere ; et ad ejus exsecutionem,
post evocationem partium debitam, justitia mediante,
secundum dicti rescripti tenorem, procedere ; ac dictæ
viduæ atque suis debitum justitiæ complementum minime
denegare. Prædictam tamen viduam litium et
processuum inexpertam, super arduitate atque difficultate
materlæ, in rescripti narratione et sua supplicatione
expositæ, cupiebant fieri præmonitam ut prolixos
atque difficiles, ambiguos atque periculosos
judiciorum progressus et exitus haberet debite prænotare
; et in hac celeberrima civitate, ubi doctorum et proborum virorum aderat multitudo, consilium quæreret
salutare ; ne, carnali forsan affectione seducta, aut
zelo indiscretionis commota, vel minus salubri directa
consilio, haberet sibi et suis, loco reparationis et expurgationis
petitæ, damnum et injuriam renovare et
cumulare ; et, loco adnullationis processus contra
filiam agitati, ejus corroborationem et confirmationem
reportare. Cum enim prædicta Johanna ejus, ut dicit,
filia, jam a longo tempore in causa fidei, quæ favorabilis
est dicenda, judicialiter tracta exstiterit, et per graves,
doctos et solemnes judices condemnata, est verisimiliter
pro sententia eorum præsumendum ; nec, sine permaximis documentis, per viam extraordinariam
nullitatis, ad sententiæ retractationem procedendum
: « Vox enim inquit Augustinus litigantium omnium hæc una est, etiam cum manifesta fuerint ratione convicti, dicere se per malos judices esse perpessos, et eorum judicium esse iniquum atque nullum. » Non facilis ergo talibus præstanda
credulitas, non abrumpenda quæ semel
diffinita sunt ; facilis ministrandus aditus, non rumpenda
leviter ecclesiastica disciplina ; nullo unquam
pietatis aut miserationis prætextu, fidei integritas et
rectitudo immutanda. Cum enim causas fidei sic oporteat prætractari ut neque potentum neque pauperum
interveniat distinctio, nec ulla debeat haberi acceptio
personarum, dicente Scriptura : « Si pater aut filius, si uxor, quæ in sinu dormit, si amicus tuus pervertere voluerit veritatem, sit manus tua super eum »
[Deuter., XIII, cap. 6 ] , decet eos qui de rebus fidei
judicant, in prima et multo fortius in secunda instantia, iterum discutiendo judicata, Deum solum atque
justitiam, ipsamque fidei sinceram integritatem semper
suis habere præ oculis, stateram rectitudinis gerere
in manibus, et a via veritatis et Patrum traditionibus,
seclusis quibuscumque cujuscumque favoris
considerationibus, minime deviare. Licet enim pupillis
et viduis se debeat Ecclesia favorabilem exhibere,
non est tamen favor contra justitiam aut contra ipsam
fidei sinceritatem exhibendus.
Hæc et alia dicentes præfati domini Delegati, tandem
finaliter declararunt se prædicta omnia dicere et
dixisse, non ad diminutionem innocentiæ Johannæ
antedictæ, non in detrimentura causæ vel justitiæ
ipsius viduæ, non causa dilationis vel moræ, sed ut vidua ipsa, bono semper munita consilio, debite prævideret
quod, si facilis judiciorum ingressus, difficilis tamen et periculosus egressus ; omnia quæ in futurum
reservantur, incerta.
Post hæc et alia exposita, præfati domini Delegati
præsentationem, receptionem et publicationem rescripti,
responsionem super decreto et aliis, ordinaverunt
iterum solemnius et specialius, in præsentia notariorum, doctorum et proborum virorum, per dictos
dominos Delegatos evocandorum, in aula episcopali
Parisiensi faciendas ; assignantes, prout et assignaverunt,
viduæ antedictæ et filio suo et suis, xvii diem hujus mensis novembris, in prædicta episcopali
aula, ad præsentandum iterum et recipiendum rescriptum
antedictum, in publicorum notariorum et consiliariorum
evocandorum præsentia ; necnon ad requirendum
ex parte viduæ prædictæ quod de jure fuerit
requirendum, ac etiam ad audiendum super præsentatione
et receptione rescripti antedicti, citationibus et
evocationibus partium, et aliis præparatoriis, dictorum
dominorum Delegatorum et consilii deliberationem,
determinationem et responsum ; et ad procedendum
super his et aliis, prout de jure veniret procedendum ; admonendo viduam antedictam quatenus, dicta dilatione
pendente, bonorum et proborum, Deum et justitiam
præ oculis semper habentium, sibi perquireret
consilia, et veniret dicta [die], bono et fideli consilio
præmunita.
Præfata autem vidua et assistentes prædicti, protestando
expresse quod non erat intentionis eorum quidquam
prosequi, dicere vel facere quod posset in detrimentum vel præjudicium fidei, veritatis atque
justitiæ redundare, vel ab integritate ipsius fidei deviare,
dixerunt se ad plenum de simplicitate et innocentia
Johannæ antedictæ, quantum ad crimina eidem sub prætextu fidei imposita, certificatos esse ; ipsamque
iniquitatem, violentiam et nullitatem processus,
ex actis ejusdem et aliis documentis legitime apparere
; ideo de justitia causæ minime diffidentes, parati
erant in conspectu publico comparere, et judicium
publice requirere. Terminum igitur prædictum ad
iterum præsentandum rescriptum, et locum eisdem assignatum, cum humilitate et reverentia acceptantes,
et de celeri et brevi expeditione negotii præfatos dominos
Delegatos benigne et humiliter exorando, præfata
vidua et assistentes prædicti, a præsentia dictorum dominorum Delegatorum et a dicta ecclesia
Parisiensi, cum gratiarum actionibus, recesserunt, dimissa
apud præfatos dominos Delegatos prædicti rescripti
copia authentica, et porrectis et apud eos
dimissis certis supplicationibus, in latino et gallico
conceptis, in quibus latius explicabantur omnia præmissa.
Præfati autem domini Delegati, nonnullis communicationibus
in illo loco præhabitis, ordinaverunt,
dicta dilatione pendente, sæpius inter se vocatis probatissimis
et peritissimis viris, amplius communicare.
Acta et dicta primo fuerunt hæc in dicta Parisiensi
ecclesia et sacristia ; et deinde, ut consultius atque maturius
omnia procederent et intenta fierent, materia
renovata pariter et repetita in præsentia prælatorum
dictorum et peritorum inferius subscriptorum, nobis,
notariis, ad totam seriem processus constitutis, dicta
die [decima] septima prædicti mensis novembris ; præsentibus etiam ad hæc Johanne de Cruisy, scriba curiæ
episcopalis Parisiensis, et Petro de Rupe, notariis
publicis, in fine hujus articuli una nobiscum subscriptis
; qui etiam præsentes fuerant in omnibus jam
dictis et præmissis, tam factis in dicla ecclesia, quam
etiam renovatis et repetitis in dicta episcopali aula,
dicta die mensis novembris [decima] septima, cujus
diei acta immediate sunt descripta.
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.82.
- Traduction : Pierre Duparc, "Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc", t.III, p. 7.
Notes :
1. Les manuscrits : die vero decima septima ; puis à la fin du procès-verbal
de cette même journée et dans toute la suite, ils indiquent le 7 novembre comme le jour qui fut assigné ultérieurement pour
la présentation solennelle du rescrit apostolique (au lieu du 17 novembre).
2. Erreur: le prénom du père de Jeanne d'Arc était Jacques.
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