|
Procès de réhabilitation
I - Procuration de la part d'Isabelle et de Pierre d'Arc
(18 novembre 1455) |
|
u nom de Notre Seigneur, amen.
Par ce présent instrument
public à tous paraisse évident et soit connu que, l'an
du même Seigneur 1455, indiction troisième, le dix-huitième
jour du mois de novembre, la première année du pontificat de très saint seigneur dans le Christ notre père et seigneur
le seigneur Calixte, par la divine providence troisième pape
du nom, en présence de nous, notaires et témoins soussignés,
appelés spécialement et convoqués pour cela, se sont constitués
en personne Isabelle d'Arc, du diocèse de Toul, la mère,
et seigneur Pierre d'Arc, chevalier, frère de feue Jeanne d'Arc,
appelée communément la Pucelle de Domremy sur Meize,
audit diocèse de Toul ; de leur pleine connaissance, par les
meilleures voies de droit, moyen et forme qu'ils purent et
durent, qu'ils peuvent et doivent, ils constituèrent, créèrent,
nommèrent et établirent solennellement auprès du greffe de
cette affaire comme leurs procureurs généraux leurs chers
et fidèles, vénérables et circonspectes personnes, les seigneurs
et maîtres : Jean Loiseux, Jean Angot, Jean Legendre, Jean
Merat, Louis Peniot, de Paris, Guillaume Prévosteau (1), Guillaume
Lecomte, licenciés en lois et avocats, Pierre Lecointe (2),
Jean le Vieux, procureurs, de Rouen, Jean Geffroy, Gérard
Folie, Laurent Surreau, Jacques Fouques, chanoines de
Rouen, Jean Frocourt (3), Jean de Granvilliers (4) et Raoul
Lefèvre, demeurant à Beauvais, et chacun d'eux pour le tout,
de telle manière cependant qu'il n'y ait pas condition meilleure
pour les premiers en exercice, ni défavorable pour les
suivants, mais que ce qui aura été commencé par l'un d'eux
puisse librement être poursuivi, négocié, terminé et fini par
l'autre avec plein effet. Les constituants les établirent spécialement
et expressément pour poursuivre la nullité des
procès et de la sentence, avec toutes leurs suites, dirigés
contre ladite Jeanne, communément appelée la Pucelle, pour
requérir, demander et obtenir une réparation convenable,
pour comparaître devant révérendissime et révérends pères
dans le Christ, les seigneurs Jean, par la miséricorde divine
archevêque et duc de Reims, Guillaume, évêque de Paris,
Richard, évêque de Coutances, et frère Jean Bréhal, professeur
de théologie sacrée, l'un des inquisiteurs de l'hérésie au
royaume de France, ou l'un d'entre eux désigné ou à désigner
par lesdits juges et commissaires délégués du saint Siège
apostolique ; pour agir et défendre au nom desdits constituants ; pour donner, faire et présenter en leur nom le libelle
ou les libelles et toutes autres demandes, oralement ou par écrit ; pour fournir les réplique, duplique, triplique et, si
besoin est, quadruplique ; pour faire la litiscontestation et
engager la procédure du jugement ; pour élire domicile, excuser, avouer et désavouer lesdits constituants ; pour
donner des cautions ; pour déclarer sur la challonge, vérité
ou fausseté, et prêter sur l'âme desdits constituants tout serment
requis dans la cause et imposé par l'ordre des procès ;
pour déférer le serment ; pour accepter la charge d'un serment
déféré ; pour déposer des positions et des articles ; pour répondre aux positions et aux articles ; pour produire et exhiber aux fins de preuve des témoins, lettres, actes, instruments
et toute autre sorte de preuve ; pour assister au serment
des témoins ; pour parler contre les témoins et les déclarations
qu'ils font et contre leurs productions, pour repousser
le tout ; pour opposer crimes et défauts ; pour demander
des termes et des délais ; pour proposer toute espèce
d'exceptions ; pour implorer et alléguer l'office de juge ; pour
conclure sur la cause ou sur les causes ; pour réclamer et
ouïr la sentence ou les sentences, tant interlocutoires que
définitives ; pour réclamer et appeler de celles-ci en cas de
besoin, et de tout autre préjudice commis ou à venir ; pour
poursuivre, intimer, faire enregistrer et notifier les demandes
et appels ; pour demander, redemander et obtenir avec l'insistance
nécessaire les apostoilles, une fois ou plusieurs fois,
et en outre le principal et les frais, s'il y en a d'accordés ;
pour donner quittance de ce qui est reçu ; pour demander et
obtenir, simplement à titre de précaution, le bénéfice d'absolution
et de restitution en entier ; pour substituer un autre
procureur ou d'autres procureurs, l'un d'eux ou plusieurs
en leur place, ayant pouvoir semblable pour les choses dessus
dites ; pour le ou les révoquer, la présente procuration restant
en vigueur ; et généralement pour agir, faire, procurer et
exercer ce qui sera nécessaire pour les choses susdites, ou
même opportun, et ce que les constituants feraient eux-mêmes ou pourraient faire s'ils étaient présents en personne pour lesdites choses, même s'il y en avait qui exigeassent un mandat
plus spécial. Promettant lesdits constituants, par leur serment prêté corporellement dans les mains de nous, notaires
soussignés, et sous l'hypothèque et obligation de tous et chacun
de leurs biens meubles et immeubles, présents et futurs, de
tenir maintenant et à l'avenir pour ratifié, agréable, ferme et
stable toutes et chacune des choses faites, dites, accomplies
dans ladite affaire, ou même exécutées de quelque autre manière, par lesdits procureurs ou l'un d'entre eux, par les
substitués ou ceux à substituer, ou même des choses faites
ailleurs de quelque manière, nécessaires cependant à la comparution et à l'exécution du jugement, avec les clauses convenables. Pour tous ces points et pour chacun d'eux les
susdits constituants demandèrent qu'un instrument public
fût dressé et à eux remis, ou des instruments publics, ou plusieurs, par nous notaires soussignés.
Fait à Paris, dans l'église Notre-Dame, les ans, indiction,
jour, mois et pontificat susdits ; en présence de vénérables
et circonspectes personnes : maître Guillaume Bouillé, maître
en théologie, maître Simon Chapitault, Gilles Hanage, Laurent Vincent, et Pierre Heurgelent, témoins à ce appelés spécialement et sollicités.
FERREBOUC. LE COMTE. »
[Tenor litterarum procurationis ex parte Ysabellis et Petri d'Arc.]
« In nomine Domini, amen.
Per hoc præsens publicum
instrumentum cunctis pateat evidenter et sit notum quod, anno ejusdem Domini M.CCCC.LV.,
indictione tertia (5), mensis vero novembris die
decima octava, pontificatus sanctissimi in Christo
patris et domini nostri domini Calixti, divina Providentia
papæ tertii anno primo ; in nostrum,
notariorum et testium infrascriptorum, ad hæc vocatorum specialiter et rogatorum, præsentia, personaliter
constituti, Ysabellis d'Arc dioecesis Tullensis,
mater, et dominus Petrus d'Arc, miles,
frater quondam Johannæ d'Arc, vulgariter dictæ la
Pucelle de Dompremey-sur-Meize, dictæ Tullensis dioecesis ; ex eorum certis scientiis, inelioribus via,
jure, modo et forma quibus melius potuerunt et debuerunt,
possuntque et debent : fecerunt, constituerunt,
creaverunt, nominaverunt et solemniter ordinaverunt
apud acta causæ hujusmodi, dilectos suos et
fideles, venerabiles et circumspectos viros, dominos et
magistros : Johannem Loyseux, Johannem Angoti,
Joannem Generi, Joannem Merati, Ludovicum Penyot,
Parisius ; Guillelmum Prevosteau, Guillelmum
Leconte, licentiatos in legibus, advocatos ; Petrum
Cointe, Johannem Veteris, Rothomagi,
procuratores ; Johannem Geffroy, Gerardum Folie,
Laurentium Surreau, Jacobum Foucques, canonicos
Rothomagenses ; Johannem Frocourt, Johannem
de Granviller et Radulphum Fabri, Belvaci commorantes,
procuratores suos generales, et eorum
quemlibet in solidum (ita tamen quod non sit melior
conditio primitus occupantium, nec deterior subsequentium
; sed quod per unum ipsorum inceptum
fuerit, per alium libere prosequi possit, mediari, terminari
et finiri, cum effectu), specialiter et expresse,
ad, ipsorum constituentium nomine sive nominibus, prosequendum nullitatem processuum, sententiæ et
omnium inde secutorum, olim agitatorum contra dictam
Johannam, vulgariter dictam la Pucelle, reparationemque
condignam requirendum, petendum et
obtinendum ; atque coram reverendissimo et reverendis
in Christo patribus, dominis Johanne, miseratione
divina archiepiscopo et duce Remensi, Guillelmo,
Parisiensi, et Ricardo, Constantiensi episcopis,
et fratre Johanne Brehal, sacræ theologiæ professore,
altero ex Inquisitoribus hæreticæ pravitatis, in regno
Franciæ constituto, seu eorumdem altero, deputatis
vel deputandis ab eisdem judicibus et commissariis a
Sancta Sede deputatis, comparendum ; agendumque
et defendendum, nomine dictorum constituentium ; et
pro ipsis, libellum seu libellos, et quascumque petitiones,
verbo vel in scripto, dandum, faciendum et
offerendum ; replicandum, duplicandum, triplicandum,
et, si opus fuerit, quadruplicandum ; litem seu
lites contestandum, et contestari faciendum ; domicilium
eligendum, ipsosque constituentes excusandum,
advoandum et desadvoandum ; cautiones quascumque
præstandum ; de calumnia, malitia et veritate dicendum
; et cujuslibet alterius generis juramentum, quod
in causis requiritur, et postulat ordo juris, in animas
ipsorum constituentium, præstandum ; juramentum
deferendum ; delatum in se suscipiendum ; ponendum
et articulandum ; positionibus et articulis
respondendum ; testes, litteras, acta, instrumenta et
quævis alia probationum genera, in modum probationis
producendum et exhibendum ; testes jurare
videndum ; in testes et eorum dicta , ac contra se
exhibita et producta, dicendum, et eos vel ea reprobandum ; crimina et defectus opponendum ; terminos
et dilationes petendum ; exceptiones cujuslibet generis
proponendum ; judicis officium implorandum et
allegandum ; in causa seu causis concludendum ; sententiam
seu sententias, tam interlocutorias, quam
diffinitivas, ferri petendum et audiendum ; et, si necesse fuerit, ab eisdem, et alio quocumque gravamine
sibi illato vel inferendo, provocandum et appellandum
; provocationes et appellationes suas prosequendum,
intimandum, insinuandum et notificandum ; appellationes, cum debita instantia, semel vel pluries,
necnon principale et expensas, si quæ fuerint adjudicatæ,
petendum, repetendum et obtinendum ; de receptis
quitandum ; beneficium suæ absolutionis simpliciter
et ad cautelam, ac restitutionis in integrum, petendum et obtinendum ; alium seu alios procuratorem,
seu procuratores, unum vel plures loco sui
substituendura, qui similem vel eamdem habeant in
præmissis potestatem ; et eum vel eos revocandum,
præsenti procuratorio in suo vigore permansuro ; et
generaliter ad omnia alia et singula gerendum, faciendum,
procurandum et exercendum, quæ in præmissis,
et circa ea necessaria fuerint, seu etiam opportuna, et
quæ ipsimet constituentes facerent aut facere possent,
si in præmissis præsentes et personaliter interessent
; etiam si quæ sint quæ mandatum exigant
magis speciale. Promittentes iidem constituentes, per
fidem suam, in manibus nostrum, notariorum subscriptorum,
corporaliter præstitam, ac sub hypoteca et
obligatione omnium et singulorum bonorum suorum, mobilium et immobilium, praesentium et futurorum, se
ratum, gratum, firmum atque stabile habere et habituros
perpetuo, totum id et quidquid per dictos procuratores
suos, aut eorum alterum, ac per substitutos seu
substituendos ab eisdem, seu eorum altero, actum, dictum
gestumque fuerit in præmissis, seu etiana alias
quomodolibet procuratum, etsi necesse fuerit judicio
sisti et judicatum solvi, cum clausis opportunis.
De et super quibus præmissis omnibus et singulis,
sæpedicti constituentes petierunt per nos, notarios
infrascriptos, sibi fieri atque tradi publicum instrumentum,
seu publica instrumenta, unum, vel plura.
Acta fuerunt hæc Parisius, juxta ecclesiam Beatæ
Mariæ Parisiensis, sub anno, indictione, die, mense
et pontificatu prædictis ; præsentibus ad hæc venerabilibus
et circumspectis viris : magistro Guillelmo Bouillé
in theologia magistro, magistro Simone Chapitault, Ægidio Hanage, Laurentio Vincentii, et Petro Heurgalent,
testibus ad præmissa vocatis specialiter et rogatis. FERREBOUC. COMITIS. »
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.108 et suiv..
- Traduction: Pierre Duparc, t.III, p. 26 et suiv.
Notes de Quicherat :
1. En 1452, le cardinal d'Estouteville l'avait constitué promoteur de la
cause. Procureur de la famille d'Arc en 1455, c'est lui qui eut la charge principale
de l'instance. On trouve sur les registres de l'Echiquier de Rouen, aux
années 1462 et 1464, Guillaume Prévosteau, conseiller lai à l'Eschiquier; et sur
un état des nobles demeurant à Rouen en 1486, Messire Guillaume Prévosteau,
seigneur de Tourny. (Dusouillet - Hist. de Rouen, p. 3 et 33.)
2. Appelé Cointe sur le texte original et Lecointe dans la pièce suivante.
3. Chanoine de Beauvais, licencié en droit canon, notaire apostolique,
greffier à la cour ecclésiastique de Beauvais et à celle de la Conservation des privilèges
de l'Université de Paris. Il a exécuté les citations du tribunal dans le
diocèse de Beauvais.
4. Greffier en cour d'Église à Beauvais.
5. Les mss : quinta.
|