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Procès
de réhabilitation
III - Cédule de la part des héritiers de Pierre Cauchon
(20 décembre 1455) |
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e vingtième jour du mois de décembre, l'année susdite,
ont été cités tous et chacun, de quelque dignité, prééminence,
grade, honneur, statut et condition qu'ils fussent, ou ceux
croyant y avoir un intérêt, ou les parties formelles, dans les
formes du droit, les dénonciateurs ou accusateurs de feue
Jeanne la Pucelle, ou les défenseurs au procès en question
ou les autres parties voulant se présenter, aux fins de dire et proposer verbalement ou par écrit ce qu'ils voudraient dire
contre les lettres épiscopales et les évocations, les relations
ou l'exécution de celles-ci, en outre aux fins de répondre
auxdits acteurs se plaignant du droit ou de la justice, ou auditpromoteur. Ce jour même donc, avant que les seigneurs
eussent siégé en tribunal dans la chambre de révérendissime
père dans le Christ et seigneur, monseigneur l'archevêque de
Rouen, comparut vénérable et savant homme maître Jean de Gouys, chanoine de Rouen, qui, au nom de maître Jacques
de Rinel et des autres cohéritiers de défunt monseigneur
Pierre Cauchon, autrefois évêque de Beauvais, et au moment
de sa mort évêque de Lisieux, présenta aux seigneurs délégués une cédule de papier, qu'il promit de faire ratifier par ledit
maître Jacques ; cette cédule les seigneurs la reçurent, la
donnèrent à lire à l'un de nos notaires et voulurent et ordonnèrent
de l'insérer dans les actes de cette cause. Une fois lue, ils répondirent à maître Jean de Gouys qu'il n'était pas de
leur intention d'entreprendre ou de faire quelque chose à
l'encontre de la composition ou abolition donnée par notre
seigneur le roi aux habitants et sujets du duché de Normandie.
En présence de vénérables et savantes personnes, maîtres
Guillaume Bouillé, professeur de théologie sacrée, Hector
de Coquerel, docteur en l'un et l'autre droit, et Pierre Maugier,
docteur en décret, témoins appelés et convoqués spécialement
pour cela.
La teneur de ladite cédule s'ensuit et est telle :
« Il est parvenu ceci à ma connaissance, à moi Jacques de
Rinel, maître ès arts, fils aîné de Jean de Rinel, et de Guillemete
son épouse, nièce par la sœur de feu seigneur Pierre de
bonne mémoire, évêque de Lisieux et auparavant de Beauvais, héritier et ayant cause dudit défunt avec mes autres
frères et soeurs, tant à cause de ma mère susdite qu'à cause
de vénérable maître Jean Bidault son frère, mon oncle, le
neveu, héritier et exécuteur avec mondit père et les autres
dudit seigneur évêque défunt, les faits suivants : les révérendissime
et révérends pères dans le Christ, l'archevêque de
Reims, les évêques de Paris et Coutances, juges délégués par
le saint Siège apostolique pour connaître et décider de la cause en nullité d'un certain procès en matière de foi, fait par
ledit seigneur évêque de Beauvais et l'inquisiteur de la foi, à l'instigation du promoteur de la foi, au temps des Anglais
et des guerres sévissant alors dans ce royaume, contre une
certaine Jeanne, dite la Pucelle, alors dans l'obéissance de
notre seigneur le roi, et réputée auprès des grands de ce
royaume comme ayant une vie sainte, honnête et catholique, ont fait citer et convoquer par édit tous et chacun de ceux
croyant être intéressés. C'est pourquoi moi, tant en mon
nom qu'au nom des autres cohéritiers et ayants cause dudit
seigneur évêque, je dis et déclare que je ne crois pas être
intéressé, et qu'il n'est pas de mon intention de soutenir ou
de défendre le procès susdit comme valide, juridique, et les
sentences qui ont suivi ; étant donné, par ce que j'ai entendu
et compris par la suite (à l'époque de ce procès et de la sentence
je n'avais en effet que quatre ou cinq ans, quelques-uns
de mes frères étaient tout petits et quelques-uns encore à
naître), ladite Jeanne fut accusée en matière de foi par haine
et à la demande des adversaires du seigneur notre roi, car elleétait dans son obéissance et avait causé de grands dommages à ces adversaires par le fait des guerres en voulant suivre le
parti et la querelle du roi ; et si elle avait été du parti des
adversaires, jamais elle n'aurait été inculpée en matière de
foi. Je déclare cependant d'une manière expresse, et je demande
qu'il soit admis par lesdits seigneurs juges, que le
procès à faire par eux et la sentence à prononcer ne me porteront,
ni ne doivent me porter, nul préjudice, à moi ni aux autres cohéritiers et ayants cause dudit défunt évêque,
attendu surtout les compositions et abolitions faites avec
miséricorde et bienveillance par notre seigneur le roi lors de
la réduction de la patrie normande ; de celles-ci je suis bénéficiaire,
je dois en user et en jouir, comme les cohéritiers et
autres ayants cause dudit seigneur évêque ; en raison de celles-ci
je dois, et ils doivent, être protégés et défendus contre tous ;
demandant à nos seigneurs qu'ils ne les fassent plus citer à
nouveau, parce que en cette cause ils n'ont pas l'intention
de comparaître. Cette cédule et son contenu le même maître
Jacques de Rinel, comparaissant à cause de cette affaire
devant les notaires sus-mentionnés délégués par nos seigneurs,
la ratifia et accepta, et, en tant que de besoin, montra de
nouveau et présenta, demandant que lui soit remis sur cela
un instrument par lesdits notaires. Passé dans la maison de
maître Simon Cayet, le vingt et unième jour dudit mois de
décembre, en présence dudit maître Simon Cayet et de Pierre
Ogier, clerc du diocèse de Nantes. »
[ Præsentatio facta ex parte hæredum defuncti P. Cauchon. ]
Die autem vicesima mensis decembris, anno prædicto,
ad quam diem citati erant omnes et singuli, cujuscumque
dignitatis, præeminentiæ, gradus, honoris,
status et conditionis exsisterent, seu quomodolibet sua
interesse credentes, aut in forma juris partes formales,
denuntiatores, vel accusatores quondam Johannæ la
Pucelle, vel eorumdem processuum prætactorum
defensores, aut alias partes se exhibere volentes ; dicturi
et proposituri verbo vel in scriptis, quidquid
dicere vellent contra litteras apostolicas, evocationesque,
relationes, seu exsecutionem earumdena ; necnon
de justitia et jure , dictis actoribus conquerentibus
aut dicto promotori responsuri ; antequam illa die,
pro tribunali sederent [domini Delegati] in camera
reverendissimi in Christo patris et domini, domini
Rothomagensis archiepiscopi : comparuit venerabilis
et scientificus vir, magister Johannes de Gouys, canonicus
Rothomagensis ; [qui], pro et nomine magistri Jacobi
de Rivello ac aliorum cohæredum defuncti domini Petri Cauchon, olim episcopi Belvacensis et, tempore
sui obitus, episcopi Lexoviensis, quamdam schedulam
papyream dominis Delegatis (1) tradidit, quam ratificari
facere promisit per dictum magistrum Jacobum.
Quam schedulam [ipsi Domini] receperunt, et eamdem
legendam alteri nostrum, notariorum, tradiderunt, et in actis hujus causæ inseri voluerunt et ordinaverunt.
Qua lecta, eidem magistro Johanni de Gouys responderunt
quod suæ non erat intentionis aliquid agere
vel facere in præjudicium compositionis seu abolitionis,
per dominum nostrum Regem habitatoribus
et incolis ducatus Normarmiæ, factæ (2). Præsentibus
ad hæc venerabilibus et scientificis viris, magistris
Guillelmo Bouillé, sacræ theologiæ professore ; Hectore
de Coquerel, utriusque juris, et Petro Maugier,
decretorum, doctoribus testibus ad præmissa vocatis
specialiter et rogatis.
Tenor autem dictæ schedulæ sequitur, et est talis :
« Quoniam ad mei, Jacobi de Rivello, in artibus
magistri, filii primogeniti Johannis de Rivello (3) et
Guillelmetæ, ejus uxoris, neptis, ex sorore, defuncti
bonae memoriæ domini Petri Lexoviensis, et perantea
Belvacensis episcopi ; hæredis et causam habentis
dicti defuncti, una cum aliis meis fratribus et sororibus,
tam ad causam matris meæ praefatæ, quam venerabilis viri, magistri Johannis Bidault, ejusdem fratris,
avunculi mei ; nepotis, hæredis et exsecutoris, una
cum dicto patre meo ac aliis, dicti domini episcopi defuncti
: notitiam pervenit quod reverendissimus et reverendi
in Christo patres, domini Remensis archiepiscopus,
Parisiensis et Constantiensis episcopi, judices
a Sancta Sede apostolica deputati, ad cognoscendum et
decidendum de causa nullitatis cujusdam processus, in
materia fidei, per præfatum dominum episcopum Belvacensem
et Inquisitorem fidei, instante promotore
ejusdem fidei, facti, tempore Anglicorum et guerrarum
in hoc regno nuper vigentium, contra et adversus
quamdam Johannara, dictam la Pucelle, de obedientia
domini nostri Regis tunc exsistentem, licet apud
majores hujus regni reputaretur sanctæ, integræ et
catholicæ vitæ ; citari et evocari fecerunt, per edictura,
omnes et singulos sua interesse credentes : idcirco
ego, tam meo, quam cæterorum cohæredum meorum
et causam dicti domini episcopi habentium, nomine,
notum lacio, dico et declaro quod non credo mea
interesse, nec est intentionis meæ sustinere aut defendere
processum antedictum, quasi validum, juridicum,
aut sententias inde secutas ; cum, per ea quæ postmodum
audivi et intellexi (cum, tempore dicti processus
et sententiæ, essem quatuor vel quinque annorum,
et aliqui mei fratres parvuli, et aliqui adhuc nascituri),
dicta Johanna tradita fuit in materia fidei, per invidiam
et suggestionem adversariorum domini nostri
Regis, ex eo videlicet quia erat de obedientia ipsius et
eis maxima inferebat damna in facto guerrarum, volentium
per hoc suam juvare partem et querelam ;
quodque, si fuisset de parte dictorum adversariorum, nequaquam tracta fuisset in materia fidei. Protestor
tamen expresse, et ad quod per dictos dominos Judices
peto admitti, quod processus per eos fiendus, aut sententia
ferenda, mihi aut cohæredibus meis, seu aliis
causam habentibus dicti defuncti domini episcopi,
nullomodo præjudicet, prout nec præjudicare debet,
attentis maxime compositionibus et abolitionibus per
dominum nostrum Regem, in reductione patriæ Normanniæ,
misericorditer et benigne factis ; quarum
sum capax, et eisdem uti et gaudere debeo, et debent
cohæredes mei, et alii causam dicti domini episcopi
habentes ; quarum virtute debeo et debent tueri et
defendi apud omnes ; rogantes Dominos quatenus ipsos
de cætero evocari non faciant, quia in hujusmodi
causa comparere non intendunt. Quam quidem schedulam,
et contenta in eadem, ipse magister Jacobus de
Rivello, propter hoc coram notariis suprascriptis,
quoad hoc per Dominos deputatis, comparens, rata
et grata habuit, et quantum opus esset, de novo tradidit
et exhibuit, petens super his a dictis notariis instrumentura.
Acta fuerunt hæc in domo magistri Simonis
Cayet, die vicesima prima dicti mensis decembris ;
præsentibus præfato magistro Simone Cayet et Petro
Ogier, clerico Nannetensis dioecesis. »
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.193 et suiv.
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p. 90 et suiv.
Notes :
1. Les manuscrits portent nobis, au lieu de D. Delegatis, par une erreur analogue à celle qui a été remarquée, p. 151.
2. Voyez Ord. des rois de France, t. XIV, p. 75.
3. Secrétaire de Charles VI, et plus tard de Henri VI. Le roi d'Angleterre lui-même l'avait marié après l'avoir enrichi des dépouilles de plusieurs Armagnacs.
(Archives du Royaume, Trésor des Chartes, reg. 172, pièce 310.)
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