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Procès de réhabilitation
CHAPITRE III - DEMANDE DES PLAIGNANTS, RÉCEPTION DES TÉMOINS
III - Demande par écrit des plaignants
(18 décembre 1455) |
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e même l'an du Seigneur 1455, le dix-huitième jour du mois de décembre, maître Guillaume Prévosteau, procureur
souvent cité, comparaissant à l'assignation qui lui avait été faite par lesdits juges, remit auxdits seigneurs délégués ou à leurs notaires sa demande par écrit en cette teneur :
« La vérité éternelle, la sagesse du Père, qui donna comme enseignement d'accomplir toute la justice, qui apparut siégeant sur un trône avec une bouche d'où on voyait sortir
un glaive à double tranchant, promet la récompense d'une
gloire éternelle à ceux qui comprennent le malheureux et le pauvre, à ceux qui délivrent l'affligé de ses persécuteurs. Ainsi en effet votre justice compatit aux malheureux et aux
opprimés, réprime les impies, chérit et protège les innocents
dans de paisibles étreintes, apaisant les tourments et réduisant
les chemins raboteux en routes unies. Très dignes pères
et très illustres juges, dans ces écrits les plaignants demandent
et proposent d'être appelés aussitôt devant vous, vénérables
juges, contre lesdits accusés, parce que le saint Siège apostolique,
principal représentant de la justice infaillible, ayant
toujours pitié des pauvres désolés, a naguère prêté l'oreille,
dans sa piété habituelle, aux très justes prières des affligés
recommandés par leur honnêteté : Isabelle d'Arc, la mère,
nobles Pierre et Jean d'Arc, les frères germains de feue Jeanne
d'Arc, dite la Pucelle, qui termina sa vie par le supplice du
feu, ainsi que leurs parents, tous suppliants et plaignants
dans cette affaire, contre révérend père dans le Christ, monseigneur
Guillaume, par la divine Providence évêque de Beauvais,
et sous-inquisiteur de la perversité hérétique dans le
diocèse de Beauvais, et le promoteur des causes criminelles de la cour de Beauvais, et tous et chacun de ceux croyant être intéressés, accusés intervenant légitimement dans le
jugement. De cette Jeanne, une honnête jeune fille, sa mère
et ses parents ont pris la peine d'exposer il y a peu au saint
Siège la fin lamentable, et ils ont reçu de notre seigneur le
souverain pontife un rescrit de justice qu'ils vous ont transmis; comme ils se disposaient à vous le présenter ouvertement
et en public, vous leur avez accordé d'abord une audience
publique pour faire solennellement la présentation
du mandat apostolique. C'est pourquoi, le vingt-deuxième
jour de novembre dernier et à trois heures de l'après-midi,
date fixée antérieurement, dans la grande salle de la demeure épiscopale de Paris, où ensuite en grand nombre se réunirent avec vous plusieurs prélats, docteurs et maîtres en droit divin et humain, et d'autres tant religieux que clercs séculiers et citoyens laïcs, en grande foule, ladite mère et les frères,
plaignants, par l'organe de leur conseil, accordé par vous
pour cette affaire, présentèrent d'une manière solennelle et publique ledit rescrit apostolique ; ils ouvrirent l'affaire en
litige sur les matières de foi, d'hérésie et d'idolâtrie que les
adversaires de Jeanne avaient faussement avancées par leur
prétendu procès, trompeur et inique ; ils montrèrent ainsi ouvertement les multiples injustices commises contre Jeanne,
non sans dol ni iniquité, par certains des prétendus juges,
et perpétrées par ces mêmes adversaires de la jeune fille ;
enfin furent découverts le vice de nullité, tant au fond que
dans la forme, le dol, la fraude, la tromperie, les multiples
iniquités et faussetés, que les plaignants affirmaient avoir
vicié les procès et les sentences de leurs adversaires et de
ceux qui avaient jugé, comme tout ce qui avait été ensuite fait et exécuté dans la cité de Rouen. Après avoir écouté tout cela, ainsi que les suppliques et requêtes humblement présentées
par la mère et les parents, plaignants, vous avez
accueilli solennellement, avec la révérence qui lui était due,
la présentation du mandat apostolique, et avez fait relire
publiquement et publier mot à mot ce mandat apostolique à vous adressé, dont la teneur a été insérée plus haut tout au long parmi les actes de la cause. Après la publication de ce
rescrit apostolique, conformément aux suppliques qui vous
avaient été adressées, vous avez nommé en temps utile le
promoteur de votre charge pour surveiller et engager la cause
en votre nom et au nom de la justice, ainsi que les notaires,
rédacteurs fidèles des procès à venir. A ceux-ci vous leur avez
fait prêter les serments solennels habituellement dus dans
de telles circonstances, et vous avez ordonné, sur les instances
des plaignants et du promoteur, que votre citation péremptoire
fût délivrée nommément à ceux qui sont désignés dans le rescrit apostolique et à tous les autres croyant être intéressés, pour comparaître comme accusés dans la cité de Rouen, au
palais archiépiscopal, à l'heure et au jour particulier indiqués
dans la citation ; pour parler contre le rescrit, ou contre vous et la mission qui vous a été confiée ; pour opposer tout ce
qu'ils pourraient avoir à dire ou à opposer ; pour entendre la
plainte desdits demandeurs et les requêtes de votre promoteur, à toutes fins utiles, à leur choix ; pour donner les réponses
qui paraîtront justes, et pour agir et procéder ultérieurement
selon le droit et la raison. Le jour et l'heure de
l'assignation étant arrivés, devant vous, très dignes pères et
juges très distingués, archevêque de Reims, évêque de Paris et inquisiteur, présents dans cette cité et ce palais archiépiscopal de Rouen, comparurent les plaignants, en personne
ou par leurs procureurs, et accusèrent, par leur conseil ou
avocat, de contumace lesdits accusés convoqués et ne comparaissant
pas en personne ou par un autre. Leur demande fut réitérée en termes solennels, en présence des prélats, de docteurs
et d'un très grand concours de peuple ; en disant, proposant
et requérant en fait, ils formulèrent leur demande
comme suit :
« Lesdits plaignants demandèrent d'abord et proposèrent,
ils demandent et proposent que vous déclariez lesdits accusés
contumaces ; en leur absence votre juridiction, pénétrée de
la prudence divine, doit par vous être déclarée légitimement
fondée à cause du rescrit apostolique, ainsi que votre citation
et son exécution, toutes choses qui ont été présentées et lues ouvertement et publiquement ; les plaignants protestent ensuite ne vouloir faire tort à personne par ce qu'ils
ont dit ou peuvent dire, soumettant tout à la décision du
saint Siège apostolique, de vous mêmes et des autres intéressés,
et ne vouloir en rien attaquer ceux qui furent présents
ou opinèrent pendant le procès intenté à ladite Jeanne, à
l'exception des accusés nommés ci-dessus et de leurs complices.
Ils déclarèrent et soutinrent qu'eux-mêmes, les plaignants,
leurs parents et ladite défunte Jeanne furent jusqu'à
maintenant et sont personnes croyantes et catholiques, de
bonne renommée, de réputation louable et de conduite honnête, que ladite Jeanne n'a jamais soutenu ou cru pendant
sa vie rien qui fût contraire à la foi et à l'Église, mais plutôt
qu'elle a fréquenté les offices divins, reçu avec respect, souvent
et très dévotement, les sacrements de l'Église, surtout
ceux de la confession et de la communion, qu'elle a participé
aux oeuvres de charité, et qu'elle ne s'est jamais éloignée de
l'obéissance à la sainte Église et de l'unité ; aussi l'accusation
d'infamie, la suspicion d'erreur ou d'hérésie n'auraient jamais dû être avancées contre elle, en aucune manière, et le procès prétendu en matière de foi n'aurait jamais dû être
engagé ou commencé.
« Les plaignants ajoutèrent que néanmoins lesdits accusés,
poussés par un esprit plutôt de rage et d'iniquité, osèrent agir
par dol, fraude, mensonge et iniquité contre ladite Jeanne,
sans information préalable, au moins valable s'il y en a une dans le prétendu procès en matière de foi, l'accusant d'erreur,
idolâtrie et de crimes variés et imaginés contre la foi et
l'Église ; ils la tinrent emprisonnée dans un dur cachot, liée
par des entraves en fer et attachée à une chaîne ; ils la tourmentèrent
en justice par des menaces, des intimidations
variées et des interrogatoires difficiles, bien qu'elle fût jeune,
mineure, ignorante du droit, innocente et sans expérience
du dol ; ils encoururent ainsi manifestement les peines de droit,à savoir la suspense pour celui qui se déclarait alors évêque de Beauvais, et l'excommunication pour Jean Le Maître, se
prétendant alors vice-inquisiteur, en raison de la fausse imputation d'hérésie ou d'erreur dans la foi. Malgré cela cet évêque et le vice-inquisiteur, se prétendant juges délégués,
bien que leur procédure fût nulle et irrégulière, donnèrent
ensuite la garde de Jeanne à ses ennemis mortels, les hommes
de guerre anglais, qui l'enfermèrent dans une prison séculière,
l'accablèrent continuement d'opprobres et de menaces,
de terreurs et d'injures innombrables ; ils la firent examiner
par des matrones expertes pour savoir si elle était pucelle,
et bien qu'on l'eût trouvée telle et intacte, cependant ils
ordonnèrent, à ce qu'on rapporte, de taire absolument et de retrancher du procès cette virginité louable, ainsi que l'examen
et le jugement des matrones ; ils la persécutèrent continuellement
par de si grandes vexations qu'elle tomba gravement malade et qu'ils voulurent la confier aux mains des médecins, non pas mus par la charité ou la piété, mais pour pouvoir la faire périr d'une manière ignominieuse dans un
supplice déjà prévu. Les accusés en effet ont persévéré, dès
la convalescence de Jeanne, au moyen de questions ardues et difficiles concernant des subtilités sur la foi et l'Église ; ils
ont cherché méchamment et interprété en mauvaise part certaines
visions d'esprits bons, comme on peut le croire, qu'ils s'efforcèrent de déformer pour condamner cette innocente
jeune fille. Sur ces visions, bien qu'elle eût donné des réponses
satisfaisantes, bonnes, inspirées, on peut le croire, par le
Seigneur, soumettant ses déclarations, et demandant qu'elles
fussent soumises à des clercs non hostiles, à l'Église et au
souverain pontife, déclinant en fait la compétence des juges et les récusant en faisant appel à la suprême audience du pape, cependant elle ne fut pas écoutée, mais continua d'être tourmentée
par un harcèlement de questions multiples.
« Poursuivant leurs manœuvres dolosives, les juges déclarèrent
avoir extrait fidèlement de prétendus aveux de cette
fille innocente, Jeanne, soit douze articles commençant par « Une certaine femme » ; et on prétend que certaines personnes graves, poussées à cela par les apparences, formulèrent
quelques opinions fondées sur ce qu'elles croyaient être véritable
dans ces articles. Cependant les articles furent de faux extraits, non conformes aux aveux de ladite Jeanne, composés avec iniquité ; et ceux, ainsi trompés, qui ont opiné sur leur
contenu, doivent véritablement être jugés dignes d'excuse
pour leurs opinions, si du moins ils n'ont rien déclaré étant
poussés par de mauvais sentiments. En vérité, outre les notaires
sérieux qui inscrivaient les vraies paroles prononcées
par Jeanne en langue française, depuis le début du procès,
certains prétendus notaires, dissimulés frauduleusement dans
un lieu caché, ajoutèrent des choses fausses et iniques, non
conformes aux déclarations de Jeanne, contre la vérité,
d'une manière injuste, malhonnête et inique. Sur ce texte
lesdits prétendus juges n'auraient pas pu, ni dû, continuer la
procédure contre ladite Jeanne, innocente jeune fille ; cependant,
aveuglés par leurs passions perverses, lesdits accusés, surtout l'évêque de Beauvais et l'inquisiteur, méprisant la
crainte de Dieu, ne craignirent pas de se déchaîner contre
l'innocente Jeanne ; ils déclarèrent d'abord, faussement et
injurieusement, que ladite Jeanne était de son propre aveu
coupable de nombreuses offenses contre la foi et l'Église, à
savoir idolâtrie, erreur, superstition, témérité, invocation des
démons et hérésie ; pour ces offenses ils extorquèrent par
force, dol, crainte et fraude une abjuration dans une cédule
que l'innocente Jeanne ne comprit pas. Après le prononcé de
cette prétendue abjuration, alors qu'ils avaient promis à
Jeanne le refuge qu'elle espérait hors des mains malhonnêtes
de ses adversaires, ils la condamnèrent publiquement avec
une trop grande dureté à la prison perpétuelle ; et peu de jours après, de nouveau en public dans la cité de Rouen, ils prononcèrent injustement une condamnation de relaps et la
livrèrent au bras séculier. Aussitôt conduite au dernier supplice
pour être brûlée, constante dans la foi et ferme dans la
gloire de la religion catholique, s'étant signée du signe de la
croix et ayant imploré à haute voix le nom sacré de notre
rédempteur le Seigneur Jésus, avec les larmes et les plaintes
des assistants, elle rendit son âme au Sauveur, comme on le
croit pieusement.
« Les susdits plaignants avancèrent que ces procès pervers, les sentences et leur exécution, bien que faux, iniques et entachés du vice de nullité, nuisirent beaucoup à la renommée,
la réputation d'honnêteté de Jeanne, fille fidèle et innocente,
qui ne s'éloigna en aucune manière ni de l'unité de l'Église,
ni de la tradition catholique ; ils troublèrent ainsi la conscience
de beaucoup, et même de personnes fidèles. Les plaignants
déclarèrent qu'étaient évidents l'iniquité et la nullité,
le dol, la fraude et la méchanceté de ces procès et des sentences,
en raison des vices et fautes manifestes tant dans la
forme que dans le fond, et s'appuyèrent sur de nombreux
arguments. En raison de la forme les procès et sentences cités, eux-mêmes et leurs suites, furent marqués du vice de nullité, ou du moins passibles d'un jugement de cassation, ce que les plaignants montrèrent ainsi :
« Premièrement parce que très notoirement en droit un
jugement peut être rendu nul : en raison de la compétence du
juge, en raison de la compétence de la juridiction, en raison
des parties. C'est ainsi que le juge compétent n'était pas alors
l'évêque de Beauvais, et Jeanne n'était ni sa sujette, ni sa
justiciable. En effet la compétence est établie en fonction
du délit ou du domicile ; or Jeanne ni n'avait un domicile
dans la juridiction dudit évêque, ni n'était accusée d'y avoir accompli les crimes qu'on lui imputait, comme cela ressort
manifestement du premier procès d'après les plaignants ;
et il n'y avait pas question de foi. Et ainsi en raison du juge,
de la juridiction et des parties, le jugement était boiteux.
« Deuxièmement les plaignants prétendaient, comme dessus,
que l'évêque de Beauvais et ce prétendu vice-inquisiteur,
ne pouvant agir l'un sans l'autre en matière de prétendue
hérésie, étaient évidemment liés par une sentence d'excommunication
prévue en droit ; parce qu'ils avaient faussement
déclaré que Jeanne avait commis le crime d'hérésie, et qu'ainsi
ils ne pouvaient, sinon de manière nulle, sans droit et inutile,
exercer leur juridiction, ou décréter quoi que ce fût de valide
contre elle.
« Troisièmement parce que, comme le disaient les plaignants,
cet évêque de Beauvais avait été récusé par ladite, Jeanne comme incompétent, suspect et ennemi mortel ; de telle sorte qu'ainsi le procès, les sentences et leurs suites apparaissent
marqués du vice de nullité, comme cela est manifeste
et clair en droit ; parce qu'un tel juge ne pouvait, ni
devait procéder ultérieurement, si ce n'est de manière nulle,
selon tous les docteurs en droit. En effet l'appel, la récusation
et le report ont même effet pour enlever autorité et charge à celui qui juge.
« Quatrièmement parce qu'il est prévu par le droit que
perdent leur force toutes les choses apparaissant faites sous
l'emprise de la violence ou de la crainte. Or les plaignants
dirent qu'il en fut ainsi, puisque les Anglais, assistant alors
au procès, menacèrent le prétendu vice-inquisiteur, menaces
terribles de mort contre un homme fort, s'il ne condamnait
pas l'innocente Jeanne. Un canon sacré déclare en effet que
le jugement injuste et l'accusation injuste, inspirés par la
crainte ou l'ordre du souverain, ou par la crainte venant des
juges, ne vaut rien.
« Cinquièmement lesdits plaignants ajoutèrent que, par
une règle juridique très connue, la compétence de la juridiction
est suspendue par l'appel ; comme Jeanne avait appelé
de ses prétendus juges, le procès qui avait cependant suivi
son cours, avec les sentences et les suites, est entaché de
nullité manifeste. Que Jeanne ait fait un appel suffisant, les
plaignants prétendent cela bien établi, puisque ladite Jeanne,
après avoir récusé son juge qu'elle redoutait comme son ennemi
mortel, dit à plusieurs reprises sa volonté de se soumettre au
pape, demandant que le jugement lui fût remis.
« Sixièmement lesdits plaignants exposèrent que pour les
choses difficiles, en particulier pour les révélations secrètes
et occultes et les personnes inconnues et non identifiées, dans
ces causes qu'on peut estimer majeures, les prétendus juges ne pouvaient avoir aucune compétence, si ce n'est avec nul
effet, parce que les règles du droit veulent que les causes majeures
soient remises sans délai au siège épiscopal ; et surtout,
quand on prétend que la foi est en question ou qu'une matière
de foi est agitée, toute cause doit être remise sans délai au siège de Pierre ou de ses successeurs, comme cela est prévu par le droit sacré.
« Septièmement les plaignants mentionnés déclarent que le procès et ses suites sont entachés de nullité à cause de la manière violente avec laquelle il fut procédé contre une personne
si jeune, frêle et innocente. Cette violence s'exerça contre elle par une prison sévère, des liens de fer, des gardiens
redoutables, des injures atroces d'ennemis mortels en armes, des dérisions, des terreurs, des menaces et la vexation continue
de ceux qui commandaient ; de telle sorte que souvent Jeanne a dit vouloir plutôt mourir que supporter davantage de tels sévices ; surtout parce que ses gardiens essayèrent souvent d'attenter par la violence à sa pudeur et à sa virginité.
Tout cela, si on l'examine bien, les plaignants dirent que ce fut analogue à la torture et à la question ; en telle manière
que si Jeanne avait dit quelque chose contre elle-même, ce serait à mettre au compte de la violence et non de la vérité ;
bien plus, tout aveu, pendant cette persécution, serait à considérer
comme arraché par la violence et la torture. En effet par « torture » on ne doit pas seulement entendre le supplice de la question, mais aussi les autres douleurs, la faim, la soif et ce que le droit appelle « la mauvaise demeure », le
cachot horrible et très redoutable.
« En revanche les plaignants dirent que cette nullité vient de ce qu'à Jeanne, frêle et innocente, tout conseil ou aide juridique fut refusé, bien qu'il s'agît de questions subtiles
et difficiles de la foi. Or un tel refus est jugé inhumain et
contraire à la justice. Ils dirent en outre qu'un homme probe,
assistant un jour au procès, avait voulu diriger Jeanne et
qu'il fut expulsé avec des menaces terrifiantes, comme cela
ressort de ce même procès ; ajoutant que Jeanne était mineure
d'âge, et qu'elle n'avait pas la capacité d'ester en justice ou
d'agir sans curateur pour subir une sentence judiciaire, sinon
de manière nulle et non valable, au contraire de ce qui fut
ouvertement fait dans cette affaire.
« Les plaignants confirmèrent leurs dits, car on aurait dû
par un bénéfice du droit venir au secours de sa jeunesse et de sa minorité, et la considération de l'âge aurait dû conduire le juge à l'indulgence et à la remise de la peine ; cependant aucune indulgence ne fut manifestée envers Jeanne, mineure, comme on le voit par la rigueur excessive et cruelle des prétendues
sentences ; aussi de cette excessive sévérité des juges
le procès avec ses suites ou bien est nul, ou bien digne d'être annulé.
« Les plaignants d'autre part niaient l'authenticité de ce
prétendu jugement et du procès ; en effet, bien que le droit
prévoie que tous les actes d'un procès doivent être complètement
rédigés par écrit par un notaire fidèle ou deux personnes choisies, sans accorder aucune créance à qui juge
autrement, on négligea cependant de le faire. C'est le contraire
que firent ceux qui jugèrent, qui sont accusés et faux accusateurs ; car ils firent ou ordonnèrent de faire des retranchements
aux aveux de ladite Jeanne, et interdirent d'inscrire
ses excuses, rendant ainsi manifestement le procès avec ses
suites entaché de nullité et d'iniquité, vicié et nuisible.
« Les plaignants invoquèrent ouvertement la nullité du
procès, des sentences et de tout leur contenu, la fausseté,
le dol et l'iniquité évidente ; car par dol et méchanceté perfide
furent extraits faussement ces douze articles, commençant par « Une certaine femme », qu'on a mentionnés plus haut,
en omettant trop souvent parmi les déclarations de Jeanne
ce qu'elle avait avancé en faveur de la sincérité de ses intentions
et comme excuse valable, en tournant et interprétant tout dans un sens défavorable ; bien plus, par une méchanceté
empressée et croissante, en ajoutant beaucoup
de choses pernicieuses qui ne pouvaient se trouver dans ses
déclarations ; en taisant les excuses, les limitations et les
précisions desdites déclarations ; en omettant la soumission
au Siège apostolique souvent répétée par elle et tout le reste
favorable à sa justification.
« Et comme les plaignants déclaraient que les jugeurs
avaient fondé leur jugement principalement sur ces articles
faussement extraits, ils en concluaient que toute la suite était fausse, inique, calomnieuse et nulle, ou au moins annulable ; pour consolider leur raisonnement, ils dirent qu'avaient été envoyés, avec la permission des juges, à Jeanne ainsi
longtemps affligée dans sa prison, quelques autres personnes :
des gens trompeurs, feignant d'être du parti de Jeanne et
dans l'obéissance de notre seigneur le roi de France, et de
lui avoir été envoyés secrètement pour la sauver et la conseiller.
Ceux-ci lui persuadèrent de ne jamais se soumettre à l'Église, de reprendre aussitôt ses vêtements d'homme, les
vêtements de femme lui ayant été enlevés, de telle sorte que
s'il y avait quelque chose de mauvais dans la personne de
Jeanne, cela devrait être imputé à cette damnable tromperie,
au dol et à la fourberie, pareille au serpent qui séduisit la
première femme. En conséquence ne sont valables ni la cause
en matière de crime, ni celle en matière de relaps, si on considère
attentivement la soumission et la requête par lesquelles
Jeanne demanda souvent le jugement du Siège apostolique.
Comme la fraude et le dol ne doivent profiter à personne,
tenons pour négligeable ici le prétendu procès, ainsi fondé,
ou le jugement qui suit, la prétendue abjuration et les prétendues
sentences avec leur suite, le tout étant soumis aux
vices manifestes de nullité et d'iniquité, ou du moins méritant d'être cassé et annulé, comme le disaient les plaignants.
C'est pourquoi ces plaignants concluaient que, par ce qui a été dit, les vices dudit procès et des sentences avaient été et étaient découverts et manifestes, en ce qui concerne la forme.
« En outre cependant les plaignants alléguèrent et prétendirent
que la nullité, l'iniquité, la fausseté et beaucoup de
vices étaient et sont manifestes dans les procès, la prétendue
abjuration, les sentences et leurs suites, en raison du fond contenu en eux ou en raison des crimes et des fautes attribués
faussement et imposés à ladite Jeanne. En vérité ceux-ci,
surtout comme ils furent qualifiés et proposés par les accusés,
inscrits et désignés dans lesdites sentences, Jeanne ne les a
pas commis, elle ne les a pas avoués ou ils n'ont pas été tirés
vraiment de ses aveux ; bien plutôt, comme disaient les plaignants,
ce que Jeanne a confessé dans ce procès ne s'éloigne
pas de la foi catholique, de l'unité de l'Église et de ses règles, et tout peut être interprété dans le meilleur sens et soutenu catholiquement, selon les textes des Écritures et la doctrine
saine et approuvée des docteurs catholiques.
« Lesdits plaignants prétendirent donc, au sujet du fond
des procès engagés et des sentences prononcées par lesdits
accusés, que ceux-ci avaient faussement imputé à ladite
Jeanne quelques prétendus crimes. D'abord au sujet de la
révélation, de la vision et de l'adoration de certains esprits,
que les accusés déclarèrent malins, ce qui leur permit de dénoncer
Jeanne comme idolâtre, égarée ou hérétique, invocatrice
de démons, ou séparée de l'Eglise ; alors qu'en vérité
lesdites visions et révélations ne doivent pas être tenues
comme venant d'esprits malins, mais plutôt de bons, et
qu'elles ne devraient pas être jugées autrement par les accusés
eux-mêmes ou par un autre juge humain ; ainsi Jeanne n'a
rien affirmé de faux à leur propos, ni n'est tombée en aucune
manière dans l'hérésie ou dans l'idolâtrie. Cependant si ces
visions venaient de Dieu, comme le déclaraient les plaignants,
les accusés, trompés par une passion mauvaise, ne
purent, ni ne voulurent le comprendre ; et ainsi, comme ils
n'ignoraient pas que ces choses étaient cachées et dissimulées,
ils n'auraient pas dû en justice incliner dans l'autre sens.
Car les visions secrètes de ce genre, de qui elles procèdent est
connu de Dieu seul, le connaisseur et examinateur des secrets ; et sur elles, selon le droit divin et humain, un quelconque
juge inférieur ne pouvait donner un jugement certain.
Des choses cachées en effet l'Église ne peut juger, Dieu seul
le peut ; les règles juridiques à ce propos sont très connues
et nettes.
« Or que ces révélations et apparitions procèdent des anges
de lumière, lesdits plaignants le déclarent pour plusieurs
raisons :
« D'abord premièrement parce que ladite Jeanne était
vierge, intacte de corps, comme elle l'a affirmé constamment
en réponse aux questions, et comme cela apparut clairement
par l'inspection des matrones, en présence de nombreuses nobles femmes, ainsi qu'il a été dit plus haut. Chez une vierge de ce genre, agréable à Dieu, l'ombre ou l'inspiration du Saint
Esprit convient, parce qu'elle est le temple de Dieu, selon les
docteurs de l'Église.
« Deuxièmement parce que cette Jeanne était fort humble
et simple, et qu'elle rechercha, non pas les honneurs du monde,
mais le salut de son âme, qu'elle ne répondit pas avec orgueil à ceux qui l'interrogeaient. Or la virginité et l'humilité jointes, que le droit loue avec admiration, plaisent merveilleusement à Dieu le Très Haut, et sur elles repose le Saint
Esprit.
« Troisièmement parce que cette Jeanne fut de vie louable et honnête, compatissante envers les pauvres, pratiquant les jeûnes, fréquentant la messe et l'église et très dévotement les
sacrements de pénitence et d'eucharistie. Et ainsi elle doit être jugée digne des apparitions de bons esprits.
« En outre lesdits plaignants ajoutent que le signe principal
des bons esprits, à ce qu'on dit, est de conseiller toujours des
œuvres bonnes à leurs fidèles ; de cette manière les esprits
apparaissaient à ladite Jeanne, l'exhortaient à beaucoup de choses bonnes : à savoir qu'elle fréquentât l'église et le sacrement de confession, qu'elle se conduisît honnêtement, qu'elle
gardât la virginité de l'âme et du corps, et qu'ainsi elle acquît
la béatitude éternelle. D'un autre côté, à l'apparition des esprits Jeanne se signait, et ceux-ci ne partaient pas, comme part l'esprit malin terrifié par ce signe. En outre lorsque
l'ange apparut à ladite Jeanne, elle eut peur au début, fut
consolée dans la joie à la fin, de même manière qu'on peut le lire pour l'ange qui apparut à sainte Marie et à beaucoup d'autres. Également ces esprits parlaient à Jeanne d'une voix
claire et haute ; les esprits malins parlent obscurément et
avec des détours. Tout cela, selon les Écritures, est le signe
manifeste des esprits bienheureux. Qu'elle ait terminé ses
jours dans la foi catholique, en prenant très dévotement le
corps du Christ et en invoquant jusqu'à la fin le nom de Jésus,
est le signe qu'elle était conduite par de bons esprits ; parce
qu'un esprit malin introduit une foi pestiférée et conduit ses
adeptes à l'enfer. Il y a encore un autre bon signe de la bonté de ces esprits ; car Jeanne, par la révélation des esprits,
annonça la vérité en tous ses aspects, et ce qu'elle prédit reçut
un accomplissement quasi miraculeux : par exemple à l'époque
où les ennemis étaient le plus florissant, où la plus grande
partie de son royaume était enlevée à notre roi, ce fut la
reconquête du royaume, comme elle l'avait prédit, l'expulsion
des Anglais, le couronnement du roi, la levée du siège d'Orléans
accomplie subitement avec peu de troupes contre une
très grande masse d'adversaires ; à tel point que tous ces faits
purent être appelés des miracles. Or ils ne peuvent, selon la
tradition des enseignements sacrés, procéder du père du mensonge,
l'esprit malin, mais ils doivent être tenus comme
annoncés par une révélation divine et par les bons esprits.
« D'autre part lesdits plaignants déclarèrent, simple supposition
et non autrement, que si de telles apparitions étaient
dues à des esprits malins, alors ladite Jeanne devrait à bon
droit être excusée d'avoir été trompée par une erreur ; parce
qu'elle crut que c'étaient de bons esprits, apparaissant en
la forme d'anges de lumière, et qu'elle crut honorer et révérer
saint Michel et les vierges saintes Catherine et Marguerite.
Une telle erreur ne lui nuirait pas, parce qu'elle se soumit à l'Église et ne fut pas opiniâtre ; comme le disent les canons
sacrés, l'erreur n'est pas dangereuse si l'esprit malin est pris
pour un bon ange, quand il se transforme en ange de lumière,
parce qu'alors la révérence va non pas au malin, mais au bon
qu'il feint d'être.
« En outre les plaignants déclarent que Jeanne devait
plutôt être excusée qu'attaquée par les accusés, si elle se
mêla de guerres pour secourir notre seigneur le roi. D'abord
premièrement parce que cette guerre contre les ennemis fut
méritoire et très juste, et eut tous les caractères d'une guerre
juste inscrite dans les lois sacrées. Deuxièmement parce que — ladite Jeanne l'a assuré souvent et avec constance par
serment — elle fit tout sur l'ordre de Dieu, et elle ne l'aurait
jamais fait autrement. Et c'est sur l'ordre de Dieu qu'elle
enjoignit aux Anglais de rentrer chez eux ; et ce qui est fait
par l'inspiration divine ne tombe pas sous la loi ; la loi venant de l'inspiration surpasse en effet toute autre loi ; ses
signes manifestes sont les événements et les résultats déjà
cités, presque miraculeux. Sur tous ces points Jeanne doit être jugée non pas condamnable, mais plutôt excusable ; de
même le droit sacré excuse Samson de l'homicide, Abraham de l'adultère, David de la polygamie.
« Mais les plaignants ont aussi déclaré que Jeanne avait été condamnée à tort pour avoir porté un habit masculin, chose prohibée par un canon, parce qu'elle fit cela licitement
pour de multiples causes, attendu les circonstances de son
action ; sur cela les plaignants apportèrent beaucoup de
raisons. Premièrement parce qu'elle prit un tel habit pour
une cause raisonnable, à savoir sur un ordre attribué à Dieu ;
en effet où est l'esprit, est la liberté. Deuxièmement parce que les règles de droit proposées en sens contraire disent bien que cela n'est pas permis aux femmes pour cause de débauche
et tous les docteurs s'accordent sur ce point ; mais Jeanne prit
cet habit pour une cause contraire, pour éviter le désir et la
provocation à la débauche des hommes qu'elle devait fréquenter
et rencontrer dans l'armée ; bien plus, parfois pour
la protection de sa propre virginité, à laquelle les Anglais
essayèrent d'attenter. Il est en effet parfois permis de changer d'habit, même aux clercs, pour une cause légitime selon les
règles canoniques. Non, en effet, qu'on ne nous impute pas
comme une faute ce que nous faisons pour le bien ! Ces vêtements
féminins, Jeanne a souvent offert de les reprendre, si elle était placée dans une prison ecclésiastique, ou ailleurs
que chez les ennemis, et elle les reprit volontiers en obéissant
aux prétendus juges ; et ensuite elle les abandonna par
nécessité, car ils lui avaient été soustraits par les ennemis, et pour repousser la violence, comme il a été dit. Il n'est pas vrai, comme le soulignent les plaignants, que Jeanne ait
refusé d'entendre la messe pour ne pas reprendre ses vêtements
féminins, ni qu'elle ait déclaré à notre seigneur le roi qu'elle ne quitterait pas [les autres] ; c'est plutôt le contraire, puisqu'elle abandonna ces derniers. Mais elle devra être
excusée à cause des révélations et des voix divines, ou des voix qu'elle a cru venir de Dieu, la persuadant au contraire
[de garder ses vêtements d'homme] ; et ensuite elle n'a pas
cru devenir relapse, si elle reprenait les vêtements d'homme,
car elle fut obligée de le faire, à cause du dol, de la violence
et de la méchanceté dont elle fut victime, pour la protection
de son corps et la sauvegarde de sa virginité, et pour les autres causes citées plus haut.
« Les plaignants disent que Jeanne ne pouvait être jugée
coupable, si on l'accusait d'avoir quitté ses propres parents
contre leur gré, car elle le fit, ou crut le faire, sur l'ordre de
Dieu, et jugea qu'il valait mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ;
bien que par la suite elle s'en fût accusée en confession, pour
qu'il ne fût plus possible de lui imputer une faute, ou d'agir
ensuite en matière de foi.
« En outre les susdits plaignants rappelèrent que Jeanne
avait été accusée d'avoir fait écrire, ou permis d'écrire, le
nom de Jésus dans ses lettres missives où elle persuadait
d'éviter toute incitation à la guerre ; sur quoi elle avait répondu que cette guerre était juste, et que son secrétaire avait
agi ainsi ne croyant pas mal faire, puisque tout doit être
entrepris au nom de Dieu suivant les règles canoniques ; et
cette réponse fut juste. Et enfin elle répondit sainement
n'avoir sauté de la tour ni par désespoir, ni pour tenter Dieu,
mais avec l'espoir, en sautant, de défendre sa vie et de secourir
les assiégés, et voulant consacrer sa vie à ses amis par
féconde charité. Pour terminer elle n'a pas menti lorsqu'elle
a dit que l'ange avait apporté un certain signe précieux
avec une génuflexion, etc. ; parce que, s'il n'est pas permis
de mentir, on peut cependant licitement cacher la vérité
dans le lieu et le temps par une fiction bonne ou par des
circonlocutions, comme autrefois Moïse devant Pharaon ; et
puisque « ange » est le nom d'un chargé d'office, avec même
sens que « envoyé de Dieu », elle a pu dire d'elle-même qu'elle était un ange, c'est-à-dire une envoyée de Dieu, portant au
roi la couronne et la palme de la victoire dont il a profité ;
en cela elle n'a pas menti, mais a parlé prudemment. Et si
elle a dit que cet ange était saint Michel, elle n'a pas mal parlé, car elle a déclaré faire tout sur l'ordre de saint Michel et elle
agit par un autre, etc. Elle n'a pas exagéré non plus en disant
qu'elle était sûre d'être sauvée, car ces paroles sont vraies
si on les rattache aux autres ; elle ajouta en effet : si elle conservait
ce qu'elle avait promis à Dieu, à savoir la virginité du corps et de l'âme. Et pareillement elle n'a pas exagéré si
elle a dit qu'elle connaissait le futur, comme les accusés l'ont
prétendu parfois ; car les prophètes ne prophétisent pas, ni
ne disent la vérité, suivant les Écritures, quand ils parlent
en dehors de la prophétie. Elle n'a pas prétendu non plus
que les saintes Catherine et Marguerite avaient en haine les
Anglais ; mais elle a prétendu qu'elles aimaient ceux que Dieu
aime, et haïssaient ceux que Dieu hait. Elle n'a pas dans ses
déclarations prétendu avoir été ou être sans péché ; mais dit
ignorer si elle avait péché mortellement et ne vouloir rien
faire qui pût souiller son âme. Sur tous ces points personne
ne pourrait dire qu'elle a péché.
« Lesdits plaignants reprochèrent en outre aux accusés
d'avoir prétendu faussement et par dol que Jeanne avait
refusé de se soumettre, elle et ses dits, à l'Église, et ils affirmèrent
au contraire la vérité essentielle : à savoir d'abord
qu'elle n'était vraisemblablement pas tenue de se soumettre,
d'après la tradition des Écritures, ensuite que véritablement
elle le fit et se soumit fidèlement et catholiquement à l'Église.
« Qu'elle n'aurait pas été tenue de le faire, de multiples
raisons le montrent ouvertement :
« D'abord parce qu'elle était conduite, ou croyait en vérité être conduite par l'esprit de Dieu, et ainsi, par la loi de l'inspiration,
elle était exempte de toute loi commune, comme le
veulent également les droits divin et humain, et elle suivait
en cela la doctrine de l'Église ; bien plus, si elle avait fait
autrement, agissant contre sa propre conscience, elle aurait édifié pour la géhenne.
« Une deuxième raison : parce que, même s'il y avait doute
sur les visions, procédant d'un bon ou d'un mauvais esprit,
l'Église n'a jamais voulu juger des choses cachées, et les
droits veulent très clairement qu'un tel jugement soit réservé à Dieu seul. Ainsi, bien que pour tout ce qui concerne les
articles de la foi et la doctrine de l'Église, écrite dans les
livres approuvés, il soit nécessaire de suivre le jugement de
l'Église, pour les autres matières liberté est cependant donnée
et choix de tenir ce qui plaira le mieux ; par exemple : si le
roi Salomon a été sauvé ou non, s'il y a autant de sauvés que
de damnés, et autres points de ce genre, sur lesquels les docteurs
de l'Église ont l'habitude de s'opposer quelque peu. C'est pourquoi, si Jeanne dans ces visions a suivi son opinion
propre, non contraire au Siège apostolique et à l'Église, elle
ne doit en aucune manière être critiquée.
« Il y a une autre raison très valable de ne pas être surpris
si Jeanne, jeune, sans expérience, vierge innocente, ne s'est
pas dès le début soumise à l'Église : c'est qu'elle ignorait
alors complètement et ne comprenait nullement ce qu'était l'Église, comme le prouvent ses propres déclarations ; mais
ensuite, lorsqu'on lui eut exposé ce qu'était l'Église, elle
comprit tout à fait et se soumit humblement à l'Église.
« En outre pour réfuter et montrer la passion désordonnée
desdits accusés dans leurs prétendus procès et sentences, les
plaignants avancèrent que certains hommes probes et instruits,
assistant audit procès et voulant par pieuse charité conseiller Jeanne sur les questions difficiles qui lui étaient
posées, lui dirent qu'un concile général se tenait alors à Bâle,
où étaient présentes de nombreuses personnes très honnêtes
de sa patrie, auxquelles elle pouvait et devait se soumettre ;
ces conseillers ne furent pas écoutés, mais furent ignominieusement repoussés, menacés âprement et couverts d'injures par lesdits accusés et les juges, bannis aussitôt de la cité de
Rouen et expulsés sous peine de mort.
« On ne peut dissimuler non plus ce que lesdits plaignants
ont proposé et avancé plus haut : certains individus hypocrites
et fourbes, avec un comportement trompeur, feignant être du parti du roi notre seigneur, lui donnèrent de mauvais
conseils ; ils s'efforcèrent de la convaincre par des discours
fallacieux de ne jamais se soumettre au jugement de l'Église,
si elle voulait sortir de prison. Si cette vierge innocente, ainsi séduite, avait commis quelque chose de mauvais, ce n'est pas à elle qu'il faudrait l'imputer, mais à ceux qui par dol ont
agi ainsi et poussé à cela ; et vraiment elle serait à excuser
sur ces faits. Lesdits plaignants dirent en outre et avancèrent
que si les déclarations de Jeanne dans son procès avaient été examinées avec sincérité et interprétées comme il se doit,
tout aurait pu à bon droit être sauvé, sans imputation par les
accusés de prétendues erreurs, obstination ou offenses contre
la foi et l'Église ; tout cela est très évident pour ceux qui examinent
et comprennent le procès.
« Lesdits plaignants déclarent même que Jeanne, par les
propres termes de sa déposition et par une intention d'esprit
sincère, s'est soumise plusieurs fois, implicitement et explicitement,
au jugement de l'Eglise ; d'abord parce qu'elle a dit
qu'elle ne voudrait rien faire contre la foi chrétienne établie
par le Seigneur ; et que, si elle avait fait ou dit ou imposé à
son corps une chose que les clercs pussent déclarer contraire à la foi chrétienne, elle ne voudrait plus la défendre, mais la rejetterait. Au contraire Jeanne, comme cela apparaît clairement
par ses prétendues dépositions, demanda d'être remise
au pape pour être entendue par lui, voulant être soumise à
son jugement. En outre Jeanne se soumit davantage à l'Église
quand on lui eut exposé ce qu'était l'Église, et déclara qu'elle
se soumettait au jugement de l'Eglise et du concile général ;
elle demanda que les articles à elle imposés avant la prétendue
abjuration fussent examinés et discutés par l'Église ; cela fut
entièrement rejeté par les accusés ; ceux-ci, on doit le dire,
méprisèrent le jugement de l'Église, et non pas Jeanne.
Lesdits plaignants ajoutant que l'évêque de Beauvais de
l'époque, juge prétendu, avait expressément interdit aux
notaires, et sous des peines graves, d'inscrire en quelque manière
au procès la soumission ainsi faite ; ce dont Jeanne se
plaignit ; de sorte que le procès fait par les accusés doit être
tenu pour incomplet, inique et mensonger, avec ses suites.
De cette soumission il y eut un signe manifeste, prétendirent
les plaignants, puisque peu d'heures avant sa mort lesdits
accusés donnèrent et voulurent administrer à Jeanne le corp du Christ, soit le sacrement de l'eucharistie. Ce qu'ils n'auraient pas fait, si elle ne s'était pas fidèlement soumise à
l'Église ; car autrement, celle-ci sans soumission restant dans
le péché mortel, on ne lui aurait pas accordé ce vénérable
sacrement.
« Lesdits plaignants avancèrent en outre que Jeanne,
d'après le contenu même de son prétendu procès, ne pouvait être déclarée relapse, puisque le relaps suppose une première
chute ; or jamais elle n'est tombée dans quelque hérésie ; bien plus ce qu'elle a dit peut être soutenu, sans offenser ou
blesser la vérité catholique, comme cela apparaît clairement
par ce qui a été porté plus haut. Elle ne peut donc être déclarée
relapse ; et surtout parce que lesdits plaignants assurèrent
que Jeanne ne comprit pas le texte lu pour sa prétendue
abjuration, texte qui lui fut présenté subitement en public,
dans l'agitation populaire, au cours d'une cérémonie officielle
inspirant l'effroi. Or il est clair que ce qu'on ne comprend
pas, on ne peut l'abjurer. Et qu'elle n'ait pas compris, le
prouvent les avis de ceux qui furent appelés au sujet de sa
prétendue récidive : presque tous, suivant l'opinion de l'abbé
de Fécamp de l'époque, dirent qu'il fallait s'enquérir si elle
avait compris la prétendue abjuration. Il apparaît cependant
qu'on ne fit rien, qu'on ne posa aucune question pour savoir
si elle avait compris l'abjuration. Si elle avait été interrogée,
elle ne se serait jamais reconnue suspecte d'hérésie, menteuse,
coupable d'avoir commis ou abjuré ces crimes ; bien
plutôt sa déclaration en justice s'oppose à ce qu'elle les ait
prônés ou commis. C'est pourquoi il ne fut pas juste de la
déclarer relapse. Et, comme le disaient les plaignants, la cédule annexée au prétendu procès de Jeanne, longue et
prolixe, n'est pas celle qui fut lue et présentée publiquement à Jeanne, à l'heure de sa prétendue abjuration ; celle-ci était
brève, contenant peu de choses, et différait de celle-là. Et
ainsi le procès est vicié et faux ; surtout parce que, si l'on
entend bien les paroles de Jeanne contenues dans son prétendu
aveu de relaps, elle ne pourrait être déclarée relapse.
En effet elle disait en vérité, à cause d'une crainte fondée, devant la menace de mort, qu'elle avait, pour sauver sa vie,
avoué faussement être hérétique, alors qu'elle ne l'était pas,
et qu'elle n'avait pas compris ce qu'on lui lisait, s'accablant
elle-même injustement par ignorance, et expliquant ainsi ses
paroles : à savoir qu'elle n'avait pas l'intention de se rétracter, à moins que cela ne plût à Dieu. Ce qui pouvait, si l'on comprenait bien, être énoncé sainement et sans imputation
de relaps.
« Les plaignants exposèrent avec un grand courroux, afin
de démontrer la calomnie, la fausseté, le dol et l'iniquité
contenus dans lesdits procès, sentences et leurs suites, que
certains articles, au nombre de douze, commençant par « Une certaine femme », avaient été fabriqués et extraits
faussement de prétendus aveux : sur eux, transmis à la maternelle
Université des études de Paris, furent données
quelques consultations ayant un fondement faux. Que ces articles aient été extraits faussement et avec dol, le prouvent
les déclarations de Jeanne, insérées dans son procès ; véritablement
elles ne sont pas semblables, mais diffèrent beaucoup
et en de nombreux points ; cela apparaît très clairement d'une comparaison entre les déclarations et lesdits articles. Aussi
les opinants furent-ils trompés, car on ne leur présenta pas
le procès lui-même, mais des articles extraits avec dol, pour
les faire délibérer et opiner selon le désir des accusés, en leur
cachant la vérité sur les faits reconnus. Et vraiment ces opinants,
et non les juges ou les accusés eux-mêmes, doivent être
tenus comme dignes d'excuse légitime, si vraiment ils ont
opiné d'après ce qui leur a été présenté ; à eux leur a été cachée
la vérité par dol, fraude et iniquité manifeste, et sur ces
consultations mal fondées ont été rendues ensuite les sentences
des accusés. C'est pourquoi les plaignants ont déclaré
que les sentences s'ensuivant devaient être fausses et iniques,
dolosives, entachées du vice de nullité et de prévarication,
ainsi que leur exécution et toutes leurs suites ; ainsi, et en
tant que besoin, tous les procès et sentences, exécutions et
suites doivent être entièrement vidés de leur force et effet
par un jugement juste, ou doivent être tenus comme entachés
de nullité.
« Les raisons susdites, les moyens et conclusions, les plaignants
les fortifièrent, les soutinrent et les rehaussèrent de
nombreuses règles et avis tirés des Écritures saintes, des
droits divin, canonique et civil, et de docteurs très sûrs ;
et ils dirent et déclarèrent que tout cela avait déjà été exposé
par eux par écrit. Concluant enfin de tout ce que dessus avec
beaucoup d'autres déclarations et propositions faites par eux,
ils vous supplièrent et demandèrent, révérendissime et révérends pères et juges très illustres, en observant la procédure,
le droit, les forme et mode les meilleurs, qui conviennent aux
règles juridiques, aux usages et à votre office, de décider, dire,
déclarer et juger : à savoir que le prétendu procès d'inquisition en matière de foi contre défunte Jeanne d'Arc, une jeune fille vierge, avec toutes les sentences s'en suivant, ainsi
que l'abjuration, le tout fait et préparé par ledit Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et Jean Le Maître, sous-inquisiteur, sont frappés du vice de nullité, de dol, de fausseté, de mensonge,
de violence manifeste et d'iniquité ; de déclarer expressément
que les procès et sentences, avec leur exécution, nuls,
dolosifs, faux, mensongers, entachés de violence et d'iniquité manifeste sont cassés et sans valeur, de plein droit ; ou du
moins vous demandèrent de les casser et rendre sans valeur,
avec leurs suites et leur exécution, de les révoquer et annuler
entièrement, en ordonnant sous des peines graves et la censure
ecclésiastique aux fidèles du Christ de ne leur accorder
désormais aucune créance. Ils vous demandèrent de bien
vouloir interdire qu'il en fût autrement sous peine d'anathème
perpétuel ; et en outre d'avoir soin de proclamer
l'innocence de ladite défunte Jeanne par votre jugement et
sentence définitive, de déclarer qu'elle resta fidèle et catholique
jusqu'à sa mort inclusivement, de préciser plus complètement
qu'elle fut et resta exempte et indemne de toute
tache d'hérésie et de croyance perverse ou d'erreur sur la foi et d'éloignement de l'Église, ainsi que de tout autre crime à elle imputé par les accusés ; de la délivrer, elle et lesdits
plaignants de toute tache d'infamie et de faute qui pourraient être évoquées à propos dudit procès, des sentences et des exécutions s'ensuivant ; enfin de proclamer les plaignants,
en tant que besoin, entièrement rétablis dans leur bonne renommée.
Pour que la vérité contenue dans votre sentence
et le jugement définitif, l'innocence de ladite défunte Jeanne et la juste cause des plaignants, en même temps que l'iniquité
du procès précédent, des sentences et de leur exécution,
apparaissent à tous durablement, présents et futurs, daignez
ordonner par votre jugement que ledit procès inique, les sentences
et les suites, soient livrés au feu ou lacérés par la justice
séculière, ouvertement et publiquement, à l'endroit où
Jeanne termina sa vie et en d'autres lieux ; et que là et dans
d'autres cités insignes du royaume votre sentence et son exécution
soient connues et rendues publiques par des proclamations
solennelles, et aussi par l'érection de croix, de représentations
figurées et d'épitaphes dans la cité de Rouen, et
ailleurs où cela conviendra ; et si quelque fondation solennelle de chapelle peut être faite, en l'ordonnant même, qu'elle soit édifiée au même lieu, afin qu'on y prie perpétuellement pour
le salut des fidèles défunts. Veuillez décréter et ordonner l'insertion
de votre sentence dans les chroniques de France, si
ainsi plait au seigneur notre roi, et à la chambre du trésor des
chartes ; enfin pour les torts, compensations, frais, dommages
et dépenses, veuillez condamner les accusés à payer aux
plaignants les grosses sommes que vous déciderez de préciser.
Vous demandant instamment lesdits plaignants de leur accorder
adjonction de votre promoteur, ou du moins d'attribuer
et accorder aux plaignants toutes et telles conclusions,
réparations, compensations que l'ordre de la raison indiquerait et que les règles canoniques décideraient ; implorant
humblement votre office de juge, lesdits plaignants offrent
de faire la preuve des choses dessus dites autant que de besoin,
avec les autres protestations dues et habituelles, et réservé
tout bénéfice de droit.
« Donné l'an du Seigneur 1455, le dix-huitième jour du
mois de décembre. »
[Petitio scripta procuratoris actorum.]
« ITEM, armo Domini MCCCCLV., die decima octava
mensis decembris, ipse magister Guillelmus Prevosteau,
procurator sæpefatus, parendo assignationi per
præfatos judices sibi factæ, suam petitionem penes
eosdem sæpedictos dominos Delegatos, seu eorumdem
notarios, tradidit in scriptis, in hunc modum :
« Æterna veritas, sapientia Patris, quæ omnem
docuit justitiam adimplere, ex cujus ore sedentis in
throno exire visus et gladius bisacutus, felicis gloriæ
præmia spondet intelligentibus super egenum et pauperem,
afflictumque liberantibus a diripientibus
ipsum. Sic enim justitia vestra compatitur miseris et
oppressis, impios reprimit, et insontes tranquillis
fovet et protegit amplexibus, compescens anxia et
aspera reducens in vias planas. Dignissimi patres et
clarissimi judices, in his scriptis dicunt et proponunt
actores statim nominandi, coram vobis, judicibus venerandis,
contra dictos reos, quod : Sancta siquidem
apostolica Sedes, infallibilis justitiæ præcipua imitatrix,
desolatis semper condolens pauperibus solitæ
paupertatis, aures nuper præbuit precibus æquissimis
afflictorum, commendabilis honestæque Ysabellis
d'Arc, matris, nobiliumque Petri ac Johannis d'Arc,
fratrum germanorum defunctæ Johannae d'Arc, dictæ
la Pucelle, jamdudum ignis supplicio vita functæ,
una cum suis parentibus, supplicantium, in hac parte actorum ; contra et adversus reverendum in Christo
patrem, dominum Guillelmum, divina providentia
Belvacensem episcopum, ac subinquisitorem hæreticæ
pravitatis in dioecesi Belvacensi, promotoremque causarum
criminalium curiæ Belvacensis, omnesque alios
et singulos sua interesse credentes, et in judicio legitime
intervenientes reos. Cujus Johannæ, virginis honestæ,
præfati mater et parentes, lamentabile excidium
dictæ Sanctæ Sedi exponere curarunt, a paucis
citra temporibus, ac a domino nostro Summo Pontifice
rescriptum justitiæ vobis directum, reportarunt ;
ipsumque vobis palam et publice præsentare disponentes,
eisdena in primis publicam audientiam concessistis,
ad ejus præsentationem aposlolici mandati
vobis solemniter porrigendam. Die itaque eisdem
novembris vicesima secunda (1) novissime lapsi,
horaque tertia post meridiem, præfixis, in aula majori
domus episcopalis Parisiensis ; ibi deinde, in multitudine
copiosa, convenientibus vobiscum pluribus
prælatis, doctoribus et magistris divini ac humani
juris, et aliis, tam religiosis, quam clericis, sæcularibus
laicisque civibus, et plebe multa ; dicti mater et
fratres, actores, per organum sui consilii, eisdem in
hac parte per vos distributi, solemni et publica propositione
aperta dicti rescripti apostolici primitus materia
querulosa, quam fidei seu hæresis et idolatriæ
notam tenere jamdudum adversantes eidem Johannæ
falso prætenderant, per suum prætensum dolosum et
iniquum processum ; ostensaque palam injustitia multiplici,
adversus ipsam Johannam, non sine dolo et iniquitate emissa per quosdam tunc judicantes prætensos,
et perpetrata per ipsos eidem adversantes
Puellæ ; detecta etiam, tam in materia, quam in
forma, nullitatis vitio, dolo, fraude, subreptione, iniquitate
ac falsitate multiplicibus, quibus ipsi actores
subjacere dicebant dictorum adversantium et judicantium
processus, sententias, et omnia inde secuta,
in Rothomagensi civitate facta, prolata et deducta :
Vos, his auditis, una cum supplicationibus et requestis,
humiliter per dictos matrem et parentes, actores,
vobis porrectis ; factam tunc solemniter præsentationem
mandati ejusdem aposlolici, debita cum reverentia,
suscepistis, ipsumque apostolicum mandatum,
superius inter acta hujus causæ ad longum inserlum, vobis directum, de verbo ad verbum publicari, palamque
et publice perlegi [fecistis]. Post cujus apostolici
rescripti publicationem, conformiter ad supplicationes
vobis porrectas, promotorem officii vestri,
vestro seu justitiæ nominibus, causam hujusmodi animadversurum
et stimulaturum, notariosque tempore
debito creastis, vestri futuri processus scribas fideles.
Quibus juramenta præstari fecistis solemnia, debita,
et in talibus consueta ; vestramque peremptoriam citationem,
dictis actoribus et promotore instantibus,
nominatim Geri decrevistis adversus expressos in
eodem apostolico rescripto, et alios quoslibet sua
interesse credentes, reos ; coraparituros in eadem Rothomagensi
civitate, in archiepiscopali palatio, die
et hora specialiter, in dicto vestro citatorio, tunc
expressis ; dicturos adversus idem rescriptum, seu vos
et facultatem vobis commissam ; et objecturos quidquid
objicere et dicere disponerent, auditurosque dic torum actorum petitiones et requestas dictique vestri
promotoris, ad fines debitos, per eosdem eliciendos ;
et quod justum foret responsuros, dicturos, facturos
et ulterius processuros, prout juris esset et rationis.
Quibus advenientibus die et hora assignatis, coram
vobis dignissimis patribus ac discretissimis judicibus,
archiepiscopo Remensi et episcopo Parisiensi, ac Inquisitore,
in eisdem civitate et palatio archiepiscopali
Rothomagensi, præsentibus, ipsisque actoribus per se
vel per suum procuratorem comparentibus, dictorumque
reorum vocatorum, et per se vel alium non comparentium,
contumaciam accusantibus : per consilium
seu advocatum actorum eorumdem, petitio sua, solemni
propositione, aperta est iterato, assistentibus
prælatis, doctoribus et populi maxima comitiva ; dicendo,
proponendo et requirendo in effectu, suamque
petitionem formando, prout sequitur.
« In primis dixerunt quidem (2) et proposuerunt
dicti actores, dicunt atque proponunt dictos reos fore
et esse, per vos decerni debere, contumaces ; ac in
eorum absentia, jurisdictionem vestram divina repletam
prudentia, fundatam legitime per ipsum rescriptum
apostolicum, citatorium vestrum et exsecutionem
ejusdem, quæ omnia ibidem exhibita lectaque fuerunt
palam et publice, per vos debere declarari ; ulterius
protestantes quod nulli velle[nt] injuriam irrogare per
dicta seu dicenda per eosdem (quæ expresse Sanctæ
apostolicæ Sedis, vestræ et aliorum, quorum interest,
dispositioni submiserunt); neque aliquid adversus eos impingere velle, qui in processu contra dictam Johannam agitato interfuerunt aut opinati sunt ;
demptis tamen præfatis reis et complicibus eorumdem
; ac proponentes et dicentes se, ipsos actores,
suos parentes, dictamque Johannam defunctam, fuisse
hactenus et esse boni nominis, famæ laudabilis et
conversationis honestæ, fideles et catholicas personas ;
dictaraque Johannam nihil protulisse, vita comite,
aut credidisse fidei et Ecclesiæ adversum, sed verius divina officia frequentasse, sacramenta ecclesiastica,
confessionis præserlim et Eucharistiæ, reverenter et sæpe devotissime percepisse, operibus misericordiæ
institisse, nec ullo tempore recessisse ab Ecclesiæ
sanctæ obedientia ac unitate ; ita ut adversus eamdem
infamatio vel suspicio erroris aut hæresis ortum habere
[non] valuerit, quomodolibet, aut causari vel inchoari processus [non] debuerit in fidei materia
prætensus, undequaque.
« Subjungentes actores ipsi quod nihilominus dicti
rei, spiritu furoris ac iniquitatis potius excitati, dolose,
fraudulenter, mendose et inique, adversus eamdem
Johannam, nulia informatione prævia nisi invalida, si
qua sit ; per processum, in fidei materia falso prætensum,
errorem, idolatriam et varia in fide et Ecclesia
crimina conficta imponere præsumpserunt ; ipsamque
duro carceri ferreisque alligatam compedibus, et catenis
mancipatam, minis, terroribus variisque et difficilibus
interrogatoriis judicialiter vexaverunt, licet juvenem, ætate minorem, ignaram juris et innocentem
et doli inexpertem ; poenas juris, scilicet, suspensionis
per illum Belvacensem tunc episcopum assertum,
et excommunicationis per Johannem Magistri,
tunc vicarium Inquisitoris prætensum, incurrendo manifeste, ratione falso impositæ materiæ hæresis aut fidei quæstionis. Qui nihilominus episcopus et vicarius,
judices prætensi sic legati, ulterius, licet nulliter et de
facto procedentes, ipsam Johannam Anglicis armatis,
inimicis suis capitalibus, custodiendam deputarunt,
in carcere sæculari detrusam, ipsam assidue
opprobriis, minis et terroribus ac innumeris affligentibus
injuriis ; quam et judiciali sua ordinatione, per
idoneas matronas, an virgo esset, visitatam et compertam
virginem et integram, suæ tamen integritatis
laudabilis virginitatem, visitationem et ipsarum judicium
matronarum, omnino latere et a suo processu
truncari, ut fertur, decreverunt dolose et inique ;
tantis eam vexationibus continue inquietantes, ut,
gravi infirmitate prolapsam, medicorum in manibus
diligenter eam foveri voluerunt : non ex caritate vel
pietate ; sed ut eam præmeditato supplicio ignominiose
exterminarent, prout publice se jactarunt. Perseverantes
etenim ipsi rei, dicta convalescente Johanna,
ad arduas et difficiles circa eam interrogationes, fidei
et Ecclesiæ apices concernentes ; certasque bonorum,
ut creditur, spirituum visiones, quas in ejusdem innocentis
Puellæ damnationem convertere nitebantur,
infeste perquirentes et interpretantes sinistre. Super
quibus congrua licet responsa dederit, gratissima, directa,
ut creditur, a Domino ; dicta sua clericis sibi
non adversis, Ecclevsiæ et Summo Pontifici submittendo
et remitti postulando ; judices in effectu declinans et
recusans, et supremum Papae auditorium appellans :
ipsa tamen non exaudita, sed longa amplius multiplici
vexatione quæsitorum turbata est.
« Continuata autem judicantium fraude subdolosa, a prætensis ejusdem filiæ innocentis Johannæ confessionibus
asserti sunt [haud] fideliter extracti articuli
duodecim, incipientes Quædam foemina ; [quibus]
pulsati aliqui graves dicuntur, ex apparentiis, aliquas
dedisse opinionum formas, super dictorum articulorum
credita expressa veritate, fundatas. Qui
tamen articuli expresse extracti falso fuere, dictæ Johannæ
confessionibus difformes, inique compositi ; et
super quibus sic expressis opinantes seducti, excusatione
digni super opinatis per eos, sunt merito censendi
; si tamen nihil ex affectu protulerunt sinistro.
« Verum et præter notarios circumspectos, qui veritatem
dictorum per ipsam Johannam, suo processu,
ab initio verbis gallicis inscribebant, quidam alii, in
loco abscondito dolose latentes prætensi notarii,
falsa et iniqua, ab antedictæ Johannæ intentione dissona,
eidem processu adjecerunt, contra veritatem,
injuste, improbe et inique.
« Super quibus, licet dicti asserti judicantes fundari
non potuerunt nec debuerunt ad actus ulteriores procedere
adversus ipsam Johannam, innocentem Puellam,
attamen suis excæcati perversis affectibus, dicti
rei, præsertim episcopus Belvacensis et Inquisitor,
divino postposito timore, sententialiter in ipsam
sævire Johannam innocentem non formidarunt ; proferentes
in primis, licet false et injuriose, dictam
Johannam sua confessione ream multiplicium offensarum,
fidem et Ecclesiam tangentium, puta idolatriæ,
erroris, superstitionis, temeritatis, invocationis dæmonum
et hæresis ; quarum siquidem offensarum abjurationem,
in quadam schedula per ipsam innocentem
Johannam non intellecta, vi, dolo, metu et fraude extorserunt. Postquam sic præstitam abjurationem, dictam
Johannam ad Ecclesiæ promissum refugium, extra
talium suorum improbas manus adversariorum, reponi
sperantem, dura nimis austeritate, in conspectu
populi, ad perpetuos carceres publice condemnarunt ;
et paucis exinde completis diebus, ipsam relapsam in
hæresim, rursum in publico civitatis Rothomagensis
loco, injuste pronunciarunt, et sæculari brachio tradiderunt.
Quæ illico ad ultimum, igne cremanda, applicata
supplicium, fide constans et catholicæ religionis
decore solida, perseverans, signaculo sanctæ
crucis amplexo, et nomine sacro Redemptoris domini
nostri Jhesu alta voce flebiliter implorato, cum lacrimosis
adsistentium planctibus, animam, ut pie creditur,
reddidit Salvatori.
« Proponentes ulterius actores præfati, ex his perversis
processibus, sententiis et exsecutione eorumdem,
licet falsis, iniquis et vitio nullitatis infectis ; dictæ
Johannæ fidelis, innocentis, quæ nec ab Ecclesiæ unitate
discessit, nec a catholica traditione in aliquo
aberravit, ipsorumque actorum famam, honestatem
et decus, offensas multipliciter ; et multarum conscientias,
etiam fidelium personarum, fluctuasse turbatas.
Iniquitatem autem et nullitatem, dolum, fraudem et
malitiam ipsorum processus et sententiarum, dicti actores,
ex manifestis tam formæ quam materiæ eorumdem
vitio et peccatis, in patulo esse proposuerunt,
mediis rationibus atque causis multis. Quod autem
ratione formæ, nullitatis vitio, saltem cassationis judicio subjaceant processus et sententiæ memoratæ,
tales quales, cum inde secutis, ostenderunt ipsi actores :
« Primo, ex eo quoniam, jure notissimo, nullum redditur judicium : ratione judicis competentis, ratione
jurisdictionis ineptæ, ratione litigatorum. Est autem
ita quod ejusdem Johannæ Puellæ non erat judex competens
episcopus tunc Belvacensis, nec ejusdem aut
justitiabilis. Ratione enim delicti aut domicilii quis sortitur
forum ; ipsa autem in jurisdictione dicti episcopi
nec domicilium fovebat, neque sibi imposita crimina,
ibi causabatur impetrasse ; sicut ex ipso processu primo
manifeste constare dicebant actores ; nec aderat fidei
materia. Et ita ratione judicis, ratione jurisdictionis
et ratione litigatorum claudicabat judicium.
« Secundo dicebant, ut supra, fore ostensum Belvacensem
tunc episcopum, et illum Inquisitoris prætensum
vicarium, cum alter sine altero in materia
prætensæ hæresis procedere non valerent, sententia
excommunicationis a jure lata, manifeste innodatos ;
quoniam crimen hæresis falso imponebant per ipsam
Johannam fore commissum, et ita jurisdictionem
exercere, aut aliquid in eam validum decernere minime
potuermit, nisi nulliter, de facto, et inutile.
« Tertio, quoniam, ut dicebant ipsi actores, per dictam
Johannam ipse Belvacensis episcopus fuerat recusatus,
tanquam incompetens et suspectus, et ejusdem
Johannæ inimicus capitalis ; ita ut exinde processus
ejusdem atque sententiæ, cum secutis, nullitatis vitio
subjacere noscantur : sicut est jure enucleato manifestum
; quoniam nec potuit nec debuit exinde talis
judex ulterius procedere, nisi nulliter, secundum
omnes doctores juris. Appellatio enim, recusatio et
relatio purificantur, quoad supponendum auctoritatem
et officium judicantis.
« Quarto, quoniam jure cautum est viribus non subsistere ea quæ vi metuve facta noscuntur. Sic autem
esse dixerunt ipsi actores, quoniam dicti Inquisitoris vicario prætenso, per Anglicos, tunc processui illi assistentes,
metus terribilis comminatæ mortis, cadens
in virum constantem, incussus est, nisi sententiaret contra eamdem Johannam innocentem. Sacro autem
canone exprimitur quod justum judicium et diffinitio
injusta, regio etiam metu vel jussu, a judicibus ordinata,
non valeat.
« Quinto, superaddentes dicti actores, jura expressisse
notissima, per legitimam appellationem jurisdictionem
suspendi ; cumque ipsa Johanna ab ipsis
prætensis judicibus appellaverit, suum fore processum
subsecutum, cum sententiis et sequelis, nullitate infectum
manifesta. Quod autem sufficienter ipsa Johanna
appellaverit, ex eo constare prætendunt ipsi actores,
quoniam, expressis verbis, dicta Johanna judici illi
recusato, quem sicut capitalem horrebat inimicum,
dixit pluries quod Papæ submittebat se ; petens ad
ipsum suumque remitti judicium. Verba autem hæc
appellationi legitimæ æquipollere dicebant, secundum
canonicas sanctiones (præsertim ex ore emissa personæ
simplicis, jura ignorantis), etiamsi verbum illud,
appello, non fuerit expressum.
« Sexto, exinde se causarunt dicti actores, quoniam
de rebus arduis, præsertim revelationibus secretis et
occultis, ac hominibus ignotis et incognitis, quæ causæ
censentur majores, nulla ad hos prætensos judices
cognitio pertinere potuit, nisi nulliter ; quoniam et
causas majores jura volunt ad apostolicam Sedem majorem
remitti indilate ; et præsertim, ubi fides tangi
prætenditur seu fidei materia ventilatur, omnis debet causa talis ad Sedem Petri, vel successoris, indilate referri, ut sacris juribus cautum est.
« Septimo, dixerunt actores memorati processum
ipsum cum sequelis nullitate infectum, ex violenta
procedendi forma, qualis fuit in tam juvene persona,
fragili et innocente. Ipsam siquidem violentarunt duri
carceres, vincula ferri, terribiles custodes, armatorum
capitalium inimicorum atroces injuriæ, delubria, terrores,
comminationes et assidua imperantium vexatio ;
ut sæpe diceret ipsa Johanna plus velle mori quam talia
nefanda per amplius sustinere ; imo et ipsi custodes
sæpius violenta manu suæ virginitatis attentare pudorem
contenderunt. Quæ omnia, si bene attendantur,
dixerunt ipsi actores tormentis et quæstionibus æquiparari
; ita ut, si quid ipsa Johanna contra se dixerit,
plus violentiæ quam veritati veniat adscribendum ;
quin imo et omnem confessionem, stante causa tali
opprobrio, per violentiam et quæstiones extortam
censendam esse. Non enim per quæstiones tormenta
intelligi debent, sed etiam dolores alii, fames, sitis et
illa quam malam mansionem jura exprimunt, sordidusque
et teterrimus carcer.
« Rursum et ipsam nullitatem constare actores ipsi ex
eo dixerunt, quod eidem Johannæ, fragili et innocenti,
omne consilium et juris auxilium denegatum est,licet de
fidei apicibus et arduis pulsaretur quæstionibus. Talis
autem denegatio inhumana et justitiæ inimica censetur.
« Dicebant insuper quod, dum quidam vir probus,
processui assistens, ipsam Johannam dirigere
vellet, cum minis et terroribus expulsus est, ut ex
ipso processu constare dicitur ; adjicientes ipsam Johannam
annis esse minorem, quæ neque judicio sistere, aut sine curatore experiri, aut sententiæ judicialis
capax foret, nisi nulliter et invalide ; cujus contrarium
aperte in actu isto factum est.
« Confirmantes ipsi actores sua dicta, quoniam, licet,
beneficio juris, ætati juvenili et minori annis subveniendum
sit ; ita ut miseratio ætatis judicem ad moderationem
et remissiorem poenam adducat : eidem tamen
Johannæ, minori, nulla impensa est moderatio, prout
ex sententiarum prætensarum immoderato et nefando
constat rigore ; ita ut ex nimia severitate judicantium,
processus aut inficitur, aut cassatione dignus censetur
cum sequelis.
« Inficiebant aliunde ipsi actores ipsum prætensum
judicium et processum, quoniam, et si jure cautum sit
quod acta omnia in processu fideli, aut notario, aut
duabus electis personis, in scriptis redigantur debite et
complete, comprobandum fore (3) ; ita ut alias nec
aliter credatur judicanti : idem tamen facere neglexerunt.
Imo contrarium fecerunt ipsi judicantes et rei et
prævaricati sunt ; nam et dictæ Johannæ confessiones
truncari fecerunt seu jusserunt, et suas inhibuerunt
excusationes inscribi, suum exinde processum, cum
sequelis, nullilate et iniquitate infectum, truncatum,
vitiosum et inutilera relinquentes manifeste.
« Cujus et nullitatem processus sententiarumque, ac
contentorum in eisdem, ipsi actores in patulo arguebant,
falsitatemque, dolum et iniquitatem apertam ;
nam dolo et perfida malitia duodecim articuli illi, incipientes
Quædam foemina, de quibus supra habita
est mentio, falsoque exinde abstracti sunt, obmittendo sæpius, ex dictis Johannæ ejusdem, quæ pro sua sincera
intentione et valida excusatione ipsa protulerat ;
omniaque in partem sinistram convertendo et interpretando
; imo et excrescente officiosa malitia, multa
perniciosa adjungendo, quæ ex suis confessionibus
elici non valebant ; subticendo excusationes, limitationes,
et dictarum confessionum determinationes, in bonum
sensum verius reducendas ; et obmittendo submissionem
apostolicæ Sedi sæpius factam per eamdem,
cæteraque suæ justitiae propitia.
« Et quoniam, super ipsis præcipue sic falso elicitis
articulis, judicium suum fundasse dictos judicantes ipsi
actores proponebant, idcirco omnia inde secuta falsa,
iniqua, calumniosa et nulla, saltem cassanda, ipsi inferebant
actores ; solidantes hanc suam rationem, et
dicentes eidem Johannæ, in carceribus sic diu afflictæ,
quosdam alios seductores, judicantium permissione,
fuisse applicatos, confingentes dictæ Johannæ partem
et obedientiam domini nostri regis Franciæ, tenere
et fovere, et se secreto eidem fore transmissos, pro
salute et consilio impendendo. Qui eidem suaserunt
ut nunquam ipsa se Ecclesiæ submitteret, quodque illico
suas resumeret vestes viriles, sublatis etiam eidem
Johannæ vestibus muliebribus ; ita ut, si quid in persona
Johannæ exinde sinistrum contigerit, adscribi
debuit tali damnatæ fraudi, dolo et versutiæ, serpenti
consimili seducenti primam mulierem ; quodque exinde,
neque lapsus aut relapsus causa valuerit, si zelo attendatur
fideli iterata dicta submissio et requesta,
quibus judicium apostolicæ Sedis ipsa Johanna sæpius
postulavit. Cumque fraus et dolus nulli debeant suffragari,
relinquitur ibi fundatus hujusmodi processus, seu exinde procedens judicium, prætensaque abjuratio, ac sententiæ prætensæ, cum sequelis, nullitatis et
iniquitatis manifestæ vitiis subjacere, aut saltem cassari
et adnullari meruisse, ut dicebant ipsi actores.
Itaque et per præmissa, dicti processus et sententiarum,
ex parte suæ formæ, vitia fuisse et esse detecta
et aperta inferebant ipsi actores.
« Ulterius tamen allegarunt et proposuerunt actores
ipsi, dictorum processus, abjurationis prætensæ, sententiarum
et sequelarum nullitatem, iniquitatem, falsitatem
et vitia multa fore et esse manifesta, ratione
materiæ, in eisdem expressæ, seu cumulatæ, seu criminum
et vitiorum falso eidem Johannæ impositorum
et adstrictorum. Quæ Veraciter, præsertim ut per vos
qualificata sunt et agitata, dictisque sententiis inscripta
et expressa, ipsa Johanna non commisit, nec per eam
confessata sunt aut a confessis per eam elicita veraciter ; imo verius, ut dicebant ipsi actores, per ipsam
Johannam in ipso confessata processu, a fide catholica,
Ecclesiæ unitate et determinatio ne non dissonant solida ; quæ in sensu interpretata saniori, stare
possunt et defendi catholice, secundum sacræ seriem
Scripturæ, doctorumque catholicorum sanam et approbatam
doctrinam.
« Proposuerunt igitur dicti actores, super processuum
agitatorum materia, et sententiarum per dictos
reos prolatarum, quædam prætensa per eos crimina dictæ Johannæ falso imposita. In primis, super visitatione,
revelatione et adoratione quorumdam spirituum,
quos rei malignos nominaverunt, exinde eam
idolatram, errantem aut hæreticam, dæmonum invocatricem,
ab Ecclesia discedentem, causari satagentes ; cum verius dictæ visiones et revelationes, non a malignis,
sed verisimiliter a bonis spiritibus, processisse æstimandæ sunt ; nec eas aliter per reos eosdem, aut [ab]
alio humano judice, censeri debuisse, neque Johannam
ipsam mendosum aliquid in eisdem asseruisse, hæreticasse
vel idolatrasse quovismodo. Quas tamen visiones,
si ex Deo essent, ut dicebant actores, rei sinistra
affectione seducti, intelligere non valuerunt aut noluerunt
; et ita, cum hæc sibi occulta esse et latentia
non ignorabant, non debuerunt judicialiter in alteram
partem declinare. Nam et hujusmodi occultæ visiones
a quo procedant, soli Deo, secretorum cognitori
seu scrutatori, cognitum est ; neque de his,
secundum jura divina et humana, inferior quisquam
judex certam dare poterat sententiam. De occultis
enim penitus Ecclesia non judicat, sed solus Deus :
jura ad hæc notissima sunt et enucleata.
« Quod autem ab Angelis lucis et bonis spiritibus
hujusmodi revelationes et apparitiones procederent,
dicti actores ex rationibus pluribus manifestarunt :
« Tum primo, quoniam dicta Johanna, virgo erat integra
corpore, prout interrogata asseruit constanter,
et matronis exhibita patuit luculenter, assistentibus
nobilibus mulieribus plurimis, ut jam superius
dictum est. In hujusmodi autem virgine, Deo grata,
Sancti Spiritus obumbratio seu inspiratio conveniens
est ; quoniam ipsa templum Dei, secundum ecclesiasticos
doctores.
« Tum secundo, quoniam et ipsa Johanna humilis
erat valde et simplex; quæ neque mundanum quæsivit
honorem, sed animæ suæ salutem ; nec superbe
respondit interrogantibus. Virginitatem autem et humilitatem simul junctas, cum admiratione jura laudant,
et summo Deo mirifice placent ; et super his requiescit
spiritus Domini.
« Tum tertio, quoniam ipsa Johanna laudabilis et
honestæ vitæ fuit, pia in pauperes, jejunia excercens,
missam et ecclesiam frequentans honeste ; et confessionis
sacramentum, et poenitentiæ, et Eucharistiæ,
frequentans devotissime. Et talis, digna bonorum spirituum
apparitionibus est censenda.
« Ulterius adjungentes dicti actores, quod bonorum
spirituum signum dicitur præcipuum, bona opera
semper suis sequacibus suadere ; quemadmodum spiritus
ipsi dictæ Johannæ apparentes, eam inducebant
ad bona multa : ut ipsa scilicet ecclesiam frequentaret
et confessionis sacramentum, honeste se regeret,
custodiret animæ et corporis virginitatem, et quod ita
beatitudinem consequeretur æternam. Rursum apparentibus
spiritibus, Johanna se signabat signo, et non
recedebant, prout recedit spiritus malignus hoc territus
signo. Insuper dum Angelus ab initio dictæ Johannæ
apparuit, timorata est ab initio, et in fine lætitia
consolata ; sicut de angelo legitur beatæ Mariæ
apparente, et multis aliis. Etiam spiritus isti Johannæ
loquebantur voce clara et alta ; spiritus autem maligni
obscure loquuntur et involute. Quæ omnia beatorum
spirituum, secundum Scripturas, signa sunt manifesta.
Quodque ipsa ea fideliter et catholice finivit dies, sacro
Christi corpore devotissime sumpto et invocato usque
ad finem nomine Jhesu, signum est quod spiritibus
bonis ducta est ; quoniam malignus spiritus fidem
inducit pestiferam, et suos ad infernum tandem cultores
deducit. Est et aliud bonum signum bonitalis spirituum ; nam et ipsa Johanna, per spirituum revelationem,
omnimodam veritatem annuntiavit, et quæ
prædixit, quasi miraculosum habuerunt effectum, puta,
in tempore enim quo plus inimici florebant, quo domino
nostro Regi major pars sui regni subtracta erat,
regnum recuperatum, ut prædixerat, Anglici expulsi,
coronatio regis, obsidio a civitate Aurelianensi subito
repente levata cum paucis, contra maximam adversariorum
multitudinem ; ita ut hæc veluti miracula habebant
reputari. Hæc autem, secundum sacrarum
traditiones doctrinarum, a patre mendacii, spiritu
maligno, non possunt procedere, sed a divina revelatione
et a bonis spiritibus nunciata omnimode censenda
sunt. Dicentibus rursum dictis actoribus, suppositive
loquendo et non alias, quod, si tales apparitiones
fuissent spirituum malignorum, quod dicta Johanna
merito excusanda erat, tanquam errore delusa
; quoniam et bonos spiritus esse credidit, apparentes
in Angelorum forma lucis, et sanctum Michaelem
sanctasque virgines Katharinam et Margaretam credidit
adorare et revereri. Neque sibi nocet talis error,
quoniam et ipsa Ecclesiæ se submisit, nec pertinax
fuit ; et, sicut habent canones sacri, non est periculosus
error, si tunc malignus spiritus creditur esse bonus
Angelus, dum se mutat in Angelum lucis, quoniam
non illi maligno, sed bono quem confingit,
reverentia præstatur.
« Præterea ipsis actoribus dicentibus ipsam Johannam
potius excusandam, quam per reos increpandam fuisse,
si se, in adjutorium sui nostrique domini atque regis,
bellis immiscuit. Tum primo, quoniam ipsum bellum
meritorium contra hostes et justissimum fuit, et omnes habuit conditiones belli justi, sacris legibus inscriptas.
Tum secundo, quoniam, ut dicta Johanna
sæpius asseruit constanter, medio suo juramento, id
fecit ex jussu Dei, nec unquam aliter fecisset. Et ex
jussu Dei præcepit Anglicis redire ad propria, et quæ
spiritu Dei aguntur, sub lege non sunt ; ipsa enim lex
inspirationis, omnem legem superat ; cujus signa manifesta
sunt eventus et effectus jam dicti, prope miraculosi.
In his autem non reprehendenda, sed potius excusanda
censetur ; sicut Samson ab homicidio, Abraham
ab adulterio, David a pluralitate uxorum, sacra jura
excusant.
« Sed et ipsi dixerunt actores ipsam Johannam
indebite reprehensam ex eo quod virilem deferebat
habitum, in canone prohibitum, quoniam et
licite id egit, ex causis multis, attentis circumstantiis
per eam agendorum ; multas super hoc assignando rationes
per ipsos actores. Tum primo, quoniam ex
causa rationabili talem habitum sumpsit, scilicet ex
credito Domini jussu ; ubi enim spiritus, ibi libertas.
Tum secundo, quoniam jura in adversum proposita,
loquuntur id non licere mulieribus, causa luxus ; et
omnes doctores in id conveniunt ; dicta autem Johanna
pro contraria causa illum assumpsit, ad vitandam scilicet
libidinem, et virorum in se provocationem ad
luxum, cum quibus frequentare opus erat et in exercitu
conversari ; imo et aliquando ad propriæ virginitatis
tuitionem, quam Anglici attentare nisi sunt.
Habitum autem variare etiam clericis, ex causa legitima,
aliquando permissum est, secundum canonicas
sanctiones. Absit enim ut ea, quæ propter bonum
facimus, nobis ad culpam imputentur ! Vestes etenim muliebres dicta Johanna sæpius obtulit resumere, si
inter mulieres, in ecclesiastico carcere, aut alibi
quam inter hostes, deponeretur ; quas vestes etiam muliebres
tandem ipsa libenter resumpsit, obediens prætensis
judicibus ; et exinde easdem ex necessitate dimisit,
sibi sublatas [ab] hostibus fraude, et ad violentiæ
repulsionem, ut dictum est. Nec verum est, ut dicunt
actores, quod ipsa Johanna missam audire dimiserit,
ne vestes muliebres resumeret, aut quod ipsa confessata
sit domino nostro Regi eas non deponere ; imo
verum est contrarium, cura et ipsas dimiserit. Aut
excusanda erit propter revelationes et voces divinas
in contrarium inducentes, seu quas a Deo credidit
processisse ; nec exinde credidit relapsa nominari
si viriles vestes tandem resumpsit, cum id dolo, violentia
malitiaque sibi illatis facere necessitata fuerit,
ad sui corporis tuitionem et virginitatis conservationem,
et ex aliis causis supratactis.
« Ipsam etiam Johannam dixerunt actores non venire
culpandam, si causetur a parentibus propriis (4), aut
invitis recessisse, cum id jussione divina fecerit aut
facere crediderit, et Deo magis esse obediendum quam
hominibus judicaverit ; quanquam et exinde sacramenti confessione poenituerit, ne amplius culpa sibi
valeat imputari, nec in causa fidei exinde valeat agitari.
« Proponentes insuper actores præfati dictam Johannam
inculpatam censeri, si nomen JHESU litteris suis
missivis inscribi fecerit vel permiserit, quibus bellum (5) incitamentis vitandum esse suadebat, quoniam et ipsa respondit bellum ipsum justum fore, et suum
secretarium fecisse, non credentem malum agere,
quoniam in nomine Domini omnia fieri videntur, secundum
canonicas sanctiones ; et hæc responsio
sana fuit. Et quod finaliter respondit ipsa sane, se de
turri non saltasse aut ex desperatione, aut tentando
Deum, sed spe vitam suam saltando defendendi et suo
currendi obsessis ; ex fecunda caritate vitam ponere volens
pro amicis. Et quod finaliter mentita non est, si
dixerit Angelum portasse regi signum aliquod pretiosum
cum genuflexione, e t c . ; quoniam, si mentiri
non liceat, licite tamen veritas occultatur, loco et
tempore, fictione bona aut verborum circumlocutione,
ut Moises olim coram Pharaone ; et, cum Angelus sit
nomen officii, et idem sit quod Dei nuntius, potuit de
se dicere quod Angelus ipsa, scilicet Dei nuntia,
portavit regi coronam et palmam victoriæ qua frueretur
; nec in hoc mentita est, sed caute locuta. Et si
dixerit Angelum illum fore sanctum Michaelem, non
male dixit, quoniam ex sancti Michaelis præcepto id
fecisse asseruit, et quoniam per alium fecit, etc. Neque
ipsa excessit dicendo quod ipsa erat secura salvari,
quoniam et, si sua dicta tunc simul jungantur, vera
sunt, Adjecit enim : si servaret quod promisit Deo,
scilicet virginitatem corporis et animæ. Et pari modo
non excessit, si se dixerit scire futura, veluti cum rei
dixerunt aliquando (6) ; nam et prophetæ non prophetizant
nec vera loquuntur, secundum Scripturas, dum
non prophetizando loquuntur. Neque ipsa protulit
sanctas Katharinam et Margaretam odio habere Anglicos ; sed protulit eas amare eos quos Deus amat, et
odere hos quos Deus odit. Neque etiam confessa est
protulisse se peccatum non habuisse, seu habere ; sed
quod nesciebat mortaliter se peccasse, nec vellet se
ipsam aliquid fecisse, unde anima sua maculam reportasset.
In his autem omnibus ipsam peccasse nemo
diceret.
« Præterea proposuerunt dicti actores, ipsos reos
falso et dolose dictam Johannam prætendisse noluisse
se et dicta sua submittere Ecclesiæ, cum tamen dicti
actores in contrarium veritatem dixerunt principalem :
tum primo, quoniam taliter se submittere non erat
adstricta verisimiliter, ex Scripturarum traditione ;
tum secundo, quoniam veraciter hoc fecit, et se Ecclesiæ
submisit fideliter et catholice.
« Quod autem facere non fuerit adstricta, palam est
id rationem suadere multiplicem :
« Primo, quoniam spiritu Dei ducebatur aut duci
credebat verisimiliter, et ita per legera inspirationis,
ab omni lege communi exempta fuit, prout jura divina
volunt pariter et humana ; et ita in hoc Ecclesiæ doctrinam
secuta est ; imo si aliter fecisset, contra propriam
agens conscientiam, ad gehennam ædificasset.
« Secunda ratio, quoniam, esto id dubium stetisse
an ex bono vel malo spiritu ipsæ procederent visiones :
super his occultis Ecclesia nihil judicare voluit, et jura
volunt apertissima quod tale omnino judicium soli
Deo reservaret. Etiam, licet in his quæ fidei concernunt
articulos aut doctrinam Ecclesiæ, scriptam libris approbatis,
sequi judicium Ecclesiæ opus sit ; in aliis tameu
data est libertas optioque tenendi quod melius placuerit,
puta : au rex Salomon, vel non ; an tot sint salvandi, quara damnandi ; et hujusmodi, in quibus
Ecclesiæ doctores solent aliquando discrepare. Itaque
si ipsa Johanna, in his visionibus, propriam opinionem
a Sede et Ecclesia non dissonam secuta fuerit,
increpanda non est quovismodo.
« Est et alia ratio potissima, quoniam dicta Johanna,
juvenis, inexperta, virgo, innocens, si se ab initio
non submiserit Ecclesiæ, mirandum non est, quia
quæ esset Ecclesia tunc penitus ignoravit et nullatenus
intellexit, sicut sua manifestat confessio ; sed
deinde, dum sibi expositum est quid esset Ecclesia,
omnino patuit, et Ecclesiæ se submisit humiliter.
« Insuper ad dictorum reorum, suorumque processus
et sententiarum prætensarum confutationem et inordinatam
affectionem manifestandas, proposuerunt ipsi
actores, quod viri aliqui probi et litterati, processui
præfato assistentes, et pia caritate ipsam advertere
volentes super difficilibus interrogatoriis sibi factis,
eidemque dicentes Concilium generale Basileæ tunc
celebrari, ubi ab omni regione, etiam in parte sua,
plurimi adstabant viri probatissimi, quibus se submittere
poterat et debebat : nullatenus auditi sunt,
sed ignominiose repulsi sunt, a dictis reis et judicibus
austere objurgati et lacessiti injuriis, a civitate etiam
Rothomagensi illico proscripti et sub poena capitis
expulsi.
« Nec esse dissimulandum dicti actores proponebant,
ut supra tetigerunt, quod quidam subdoli hypocritæ,
in habitu simulato, fingentes se domini nostri Regis partes
fovere, dolosa eidem consilia ministrarunt ; blandis
sermonibus suadentes quod, si vellet carceres evadere,
nunquam judicio Ecclesiæ se submitteret. Quæ, si ita seducta, sinistrum aliquid protulerit virgo innocens,
non sibi, sed dolose id agentibus et permittentibus
imputandum est, et est merito super his excusanda.
Dictis actoribus etiam dicentibus ulterius ac proponentibus
quod, si per dictam Johannam, in suo processu,
confessata sincera affectione videantur et debite interpretentur,
poterunt omnia legitime salvari, absque
casu erroris, pertinaciæ, seu offensæ adversus fidem
et Ecclesiam, per reos prætensorum ; sicut hæc intuenti
et intelligenti processum notissima sunt.
« Exprimentibus etiam dictis actoribus, ipsam Johannam
ex suis confessionis verbis et sincera mentis intentione,
se judicio Ecclesiae implicite et explicite
submisisse multipliciter ; primo, quoniam dixit quod
nil facere vellet contra fidem christianam, quam
Dominus stabilivit ; et quod, si aliquid fecisset vel
dixisset, aut esset supra corpus suum quod clerici
scirent dicere esse contra fidem christianam, ipsa nollet
sustinere, sed expelleret. Sed rursum ipsa Johanna,
ut patet expresse per sua prætensa confessata,
petivit ad Papam remitti, qui eam audiret, et ad cujus
judicium stare volebat. Insuper ipsa Johanna amplius
Ecclesiæ se submisit, dum, sibi exposito quid esset
Ecclesia, protulit quod se submittebat judicio Ecclesiæ
et Concilii generalis ; et petiit articulos sibi impositos
ante prætensam abjurationem, per Ecclesiam
visitari et deliberari ; quod sibi omnino denegatum
per reos, per quos magis dicendum fuit spretum Ecclesiæ
judicium, non autem per dictam Johannam.
Subjungentes dicti actores episcopum tunc Belvacensem,
judicem prætensum, inhibuisse expresse notariis,
et sub gravibus pænis, ne dictam submissionem sic factam ipsi processui inscriberent, quovismodo ; super
quo dicta Johanna conquesta fuit ; ita ut exinde
censeatur processus reorum truncatus, iniquus et
mendosus, cum inde secutis. Hujus autem submissionis
signum esse manifestum dicti prætenderunt
actores quoniam, ante ejus excidium, brevi horarum
mora, dicti rei eidem Johannæ corpus Christi seu
Eucharistiæ sacramentum fecerunt et voluerunt ministrari.
Quod non fecissent, si se non submisisset
Ecclesiæ fideliter ; quoniam alias, ipsa sine submissione
in peccato mortali moranti, non fuisset præstitum
hoc venerabile sacramentum.
« Proposuerunt insuper dicti actores ipsam Johannam,
ex contento in suo prætenso processu, non potuisse
dici relapsam, quoniam relapsus lapsum præsupponit ;
nunquam autem lapsa est in aliquam hæresim ; imo
et quæ dixit, sine offensa et læsione catholicæ veritatis
sustineri possunt, ut clare constat per superius
dicta. Igitur relapsa dici non potest ; et præsertim
quoniam dixerunt dicti actores quod dicta Johanna
prætensæ abjurationis lecturam non intellexit, sibi
palam, in turbatione populari, et publico spectaculo,
et metu vehementi, exhibitam repente. Clarum autem
est quod ea quæ quis non intelligit, non abjurat. Et
quod ipsa non intellexerit, manifestant deliberationes
vocatorum super sua prætensa recidivatione, qui fere
omnes, abbatis tunc Fiscampnensis deliberationem sequentes,
dixerunt ab ea quærendum fore si dictam
intellexerit abjurationem prætensam. Nihil tamen esse
factum constat super ipsa, an eam intellexerit abjurationem,
deliberata (7) et facienda interrogatione. Quæ si interrogata foret, nunquam dixisset se de hæresi
suspectam, mendosam, et hujusmodi crimina commisisse
vei abjurasse ; imo potius non dicta, nec
commissa, et quibus sua repugnat judicialis confessio.
Relapsam itaque eam dici fas non fuit. Neque, ut dicebant
actores, schedula processui prætenso dictæ Johannæ
inscripta, prolixa et magna, illa est quæ publice
eidem Johannæ lecta et exhibita est dictæ prætensæ
abjurationis hora ; quæ brevis erat, pauca continens et
istius dissimilis. Et ita processus vitiosus et falsus, et
præsertim quoniam, si verba dictæ Johannæ, in sua
super relapsu prætensa confessione contenta, bene attendantur,
non poterit dici relapsa. Dicebat enim in
effectu, justo metu sibi imminente mortisque articulo,
quod hæreticam se esse falso confessata est, ad vitam
suam salvandam, cum non esset, neque intellexisset sibi
lecta injuste ; ex sua voce se opprimendo ignoranter,
ac sic sua dicta exponendo, scilicet quod se non intenderat
revocasse, nisi proviso quod id placeret Deo. Id
autem bene intelligenti proferri potuit sane et sine
nota relapsus.
« Magna etiam animadversione exprimentes actores
ipsi, ad dictorum processus, sententiarum et sequelarum
calumniam, falsitatem, dolum et iniquitatem
referendas aperte, quosdam dolosos articulos, numero
duodecim, incipientes Quædam foemina, a dictæ
Johannæ prætensis confessatis confictos et falso extractos,
fore Parisius, ad almam studii Parisiensis
Universitatera transmissos, super quibus emanarunt
quædam deliberationes in falsa fundatæ ratione. Dio
torum autem articulorum falsam et dolosam extractionem
manifestant prætensa confessata dictæ Johannæ, suo processui inserta, quæ veraciter non consonant,
sed dissonant valde in multis articulis præfatis, sicut
ex mutua confessatorum prætensorum et dictorum
articulorum comparatione patet apertissime. Unde et
ipsi opinantes decepti sunt, quibus non ipse processus,
sed extracti dolose articuli exhibiti sunt officiose, ut,
celata veritate confessatorum, ad nutum reorum, deliberaturi
opinarentur, veritate relicta. Et veraciter
opinantes ipsi, præter judices seu reos ipsos, excusatione
legitima digni censentur, si veraciter secundum
exhibita sunt opinati ; quibus ipsa veritas dolo, fraude
et iniquitate manifestis celata est, et quoniam, super
dictis falso fundatis opinionibus, subsecutæ reorum
prolatæque sententiæ, fundatæ sunt. Idcirco dixerunt
actores ipsi falsas exinde et iniquas fore sententias
subsecutas, dolosas et iniquas, ac vitio nullitatis et
prævaricationis infectas, cum suis exsecutionibus omnibusque
dependentiis et sequelis ; sic et in quantum
opus est, omnes hujusmodi processus et sententias,
exsecutiones et sequelas, viribus et effectu venire
justo judicio vacuandas penitus, aut censendas nullitate
infectas.
« Has autem rationes præfatas, media et conclusiones,
multis Scripturarum sacrarum juriumque divinorum,
canonicorum et civilium, ac doctorum probatissimorum
sententiis et opinionibus munierunt, fulsierunt
et decoraverunt, ac in scriptis omnia hæc per eos jara
fore redacta dixerunt et proposuerunt ; ex præmissis
omnibus, cum multis aliis dictis et propositis per
eosdem, tandem concludentes, supplicantes et inferentes
ipsi actores, per vos, reverendissimum ac
reverendos patres et judices clarissimos, melioribus via, jure, modo et forma quibus jura, usus observantiæ
et judiciale vestrum officium sibi valerent, suffragari
per vos vestramque sententiam, dici, proferri
et sententiari dictum prætensæ inquisitionis seu fidei
materiæ processum, adversus defunctam Johannam d'Arc, virginem et puellam, atque prætensas exinde
sententias subsecutas, per dictum Petrura Cauchon,
episcopum Belvacensem, et Johannem Magistri, subinquisitorem,
ut præfertur, præsumptum et præsumptas,
factum et factas ac pronuntiatas, cum sua abjuratione,
exsecutione, et omnibus inde secutis, vitio nullitatis,
doli, falsitatis, mendacii et manifestæ violentiæ et
iniquitatis subjacere ; ipsumque et ipsas, cum dictis
exsecutione et sequelis eisdem, nullum et nullas, dolosum
et dolosas, falsum et falsas, mendosum et mendosas,
ac violentiæ et manifestæ iniquitatis macula infectum
et infectas, declarari expresse, cassasque et irritas
ipso jure ; aut saltem [quod] eum et eas, cum suis dependentiis
et exsecutionibus quibuseumque, cassaretis
et irritaretis, revocaretis et adnullaretis omnino, decernendo,
sub gravibus poenis et censuris ecclesiasticis,
eisdem nullam amodo per Christi fideles fidem præberi
qualemcumque ; et, ne aliter fiat, inhibere velletis, sub
anathematis censura perpetuo duratura ; et nihilominus,
dictæ Johannæ defunctæ, eodem vestro judicio et
diffinitiva sententia, innocentiam expurgando, ipsam
usque ad obitum inclusive, permansisse fidelem atque
catholicam, ac ab omni sibi [imposita] labe hæresis
perversæque credulitatis, vel fidei errore, ac ecclesiasticæ
unitatis discessu, omnique alio crimine sibi
per reos imputato, liberam ac immunem fuisse et esse,
plenissime diffiniendo, decernere curaretis ; ipsamque et dictos actores, ab omni infamiæ et culpæ nota,
quas ex dicti processus, sententiarum et exsecutionum
inde secutarum, occasione possent argui quomodolibet,
vel notam assequi, liberando ; et liberos, et suæ
famæ pronuntiaretis plenissime, quantum opus foret,
restitutos ; utque vestræ sententiæ judiciique diffinitivi
veritas, dictæ etiam defunctæ Johannæ innocentia, et
ipsorum actorum justitia, præcedentisque processus,
sententiarum et exsecutionum [iniquitas] cunctis memoriter
pateant præsentibus et futuris : per idem vestrum
judicium dignemini decernere dictum processum
iniquum, sententias et sequelas, palam et publice, in loco
ubi ipsa Johanna diem clausit extremum, aut alibi, per
sæcularem justitiam igne cremandum ac cremandas,
seu per vos lacerandum et lacerandas ; et ibidem, ac
in aliis insignibus civitatibus hujus regni, per prædicationes
solemnes, hujusmodi vestram sententiam et
exsecutionem ejusdem, facere manifestari et publicari,
cum erectione crucis, imaginum et epitaphiorum in
ipsa civitate Rothomagensi, et alibi ubi decuerit ; et,
si qua solemnis cappellæ fundatio erigi valeat, etiam
eam decernendo, ad perpetuas defunctorum fidelium
exorandas salutes, ibidem fore ædificandam ; quodque
vestra sententia chronicis Franciæ, si domino nostro
Regi placuerit, et sui Thesauri Chartarum cameræ inseratur
etiam decernere velitis et ordinare ; et tandem
quod, pro injuriis, emendis, jacturis, damniset expensis,
reos ipsos in graves pecumarum sumraas, ipsis actoribus
solvendas, quales vestra discretio provide[re]t,
condempnetis. Requirentes instanter ipsi actores vestri
promotoris adjunctionem sibi impartiendam, per
vos decerni ; aut saltcem tales tantasque conclusiones, reparationes et emendas ad fines debitos, justos et canonicos,
eisdem actoribus per vos adjudicari et decerni,
quales ordo dictaret rationis, et canonicæ decernunt
sanctiones ; implorantes humiliter officium
vestrum judiciale, et de præmissis, quantum opus
foret, probare offerentes dicti actores, cum cæteris
debitis protestationibus et consuetis, et omni etiam
juris beneficio sibi salvo.
« Datum anno Domini MCCCCLV., die XVIII. mensis
decembris. »
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.163 et suiv.
y- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p. 66 et suiv.
Notes :
1. Sic. Lisez decima septima.
2. Manuscrits Notre-Dame et 5970, quod. Manuscrit de D'Urfe, dixerunt et
proposuerunt.
3. Telle est la leçon, évidemment incomplète, de tous les manuscrits.
4. Sic.
5. Les manuscrits, bellorum.
6. Faut-il lire : vel etsi contrarium res dixerunt aliquando ?
7. Les manuscrits deliberate. Voyez t. I, p. 463 et suiv.
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