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Procès de réhabilitation
IV - Admission des articles au jugement
(17 février 1456) |
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e lendemain arrivé, le dix-septième du mois de février, terme comme il est dit continué et prolongé depuis hier, comparurent devant les seigneurs juges, Guillaume, évêque de Paris, et frère Jean Bréhal, l'archevêque de Reims et l'évêque
de Coutances étant retenus au loin, lesdits Guillaume Prévosteau
et Jean Le Rebours, d'une part, Regnault Bredouille,
tant comme procureur de révérend père l'évêque de Beauvais
que comme promoteur des causes criminelles de la cour de Beauvais, et frère Jacques Chaussetier au nom du couvent
des frères prêcheurs de Beauvais, d'autre part ; lesdits Prevosteau
et Rebours, pour fonder le jugement et soutenir
l'assignation en justice, exhibèrent devant les seigneurs
juges les lettres de citation que ceux-ci avaient naguère décrétées,
avec la relation de leur exécution, lettres par lesquelles
il était établi et pouvait être établi que les révérends
pères susdits, le promoteur et le sous-inquisiteur et tous les
autres et chacun de ceux croyant y avoir intérêt, avaient été
et étaient cités au seizième jour du mois de février, pour dire
et opposer, en parole ou par écrit, ce qu'ils voudraient, ou
opposer contre les positions et les articles naguère donnés et
produits en cette cause, et pour répondre à ces articles ou
positions. Lesdits Prévosteau et Rebours demandaient donc
et requéraient que lesdits cités fussent obligés et contraints
de répondre suivant que chacun d'eux était touché ou pouvait être touché par lesdits articles ou positions ; afin d'engager le procès sur ces points ou sur la demande déposée
autrefois en leur contumace, si besoin était ; en outre afin
que ces articles fussent admis par les juges comme preuves ;
et afin qu'à nouveau, ceux cités comparaissant, et les autres ne comparaissant pas, ces derniers fussent réputés contumaces et forclos pour dire et opposer en parole ou par écrit
contre ces articles.
Les juges, ceci ouï, ordonnèrent d'abord et avant tout,
que les articles fussent lus publiquement et en présence desdits
cités comparaissant, lecture qui fut faite pour la majeure
partie par maître François Ferrebouc, l'un des notaires de
la cause.
Ces articles une fois lus pour la majeure partie et leur conclusion
pour la totalité, lesdits Prevosteau et Rebours demandèrent
avec insistance qu'il leur fût donné et concédé de
les admettre pour en faire la preuve, et que des commissaires fussent envoyés dans les régions éloignées, tant de Touraine, d'Orléanais que de Poitou ou d'ailleurs, pour interroger les
témoins sur ces articles. Alors ledit maître Regnault Bredouille,
tant au nom du révérend père dans le Christ que
comme promoteur, ayant entendu ces articles et leur contenu,
qu'il avait déjà vus auparavant, à ce qu'il dit, répondit qu'il
ne croyait pas véridique le contenu des articles, ni que feu
seigneur Pierre Cauchon eût agi comme ces articles le racontaient
; bien plus il nia et il nie que ces articles et leur
contenu fussent ou soient vrais, dans la mesure où il est tenu
et était tenu de le faire, par esprit de contestation ; il se référa
entièrement et pour toute défense au procès fait par le seigneur
Pierre Cauchon ; il déclara que désormais il n'avait pas
l'intention de comparaître dans cette cause, acceptant même
que les témoins à examiner par les juges et commissaires
fissent serment en son nom, se rapportant en tout à leur conscience
; il déclara, au nom dessus dit, ne prétendre avoir
aucun intérêt dans la défense à ce procès et ne vouloir rien
opposer ou dire contre ces articles, si ce n'est ce que dessus.
Alors frère Jean Chaussetier dit et affirma que déjà plusieurs
citations et assignations avaient été faites audit couvent
des frères prêcheurs de Beauvais, par lesquelles était
cité un certain prétendu sous-inquisiteur de la perversité
hérétique, et que dans ce couvent il n'y a aucun inquisiteur
ou sous-inquisiteur, ni maintenant ni depuis longtemps ; et pour qu'à l'avenir il n'y ait plus quelque scandale dans ledit
couvent en raison de telles assignations et citations, il demanda
et requit qu'on n'en fît plus, parce que les frères du
couvent en étaient fort troublés. Ces choses faites, les juges
susnommés donnèrent leur ordonnance et appointement sur
ce qui avait été avancé, répondu et requis de part et d'autre, dans cet écrit :
« Vos requêtes ouïes et vu les citations tant générales que
spéciales, attendu les réponses, déclarations et autres allégations
présentées par vénérable homme maître Regnault
Bredouille, comme promoteur des causes criminelles de la
cour de Beauvais, attendu les allégations et les excuses présentées
par vénérable homme le prieur d'Évreux au nom et
titre du couvent des frères prêcheurs de la cité de Beauvais,
vu certaine déclaration faite devant nous depuis longtemps
aux nom et titre des héritiers et exécuteurs de feu révérend
père monseigneur Pierre Cauchon, nous réputons et déclarons
contumaces toutes les autres personnes citées, convoquées
d'une manière spéciale ou générale, qui ne comparaissent pas. Nous avions ordonné de différer l'admission des articles à
nous naguère présentés, soit le vingt décembre, jusqu'à
aujourd'hui, en décrétant que les parties devaient être citées
de manière générale et spéciale, comme elles l'ont été, en leur
remettant copie desdits articles. Aujourd'hui, comme cela
nous a paru et nous paraît bien établi, nous ordonnons que
ces articles doivent être admis, comme nous les admettons ;
nous interdisons désormais aux personnes citées la possibilité
de dire ou d'opposer quoi que ce soit contre lesdits articles
et leur contenu ; nous ordonnons que sur eux et sur les faits
une enquête soit menée, en vous assignant le premier jour
judiciaire après Quasimodo pour rapporter l'enquête devant
nous en cette cité de Rouen. Nous entendons procéder personnellement
au commencement de cette enquête le premier
jour judiciaire après la fête de saint Mathieu, à Paris, en notre
demeure épiscopale ; nous assignons ce jour et les jours suivants à tous et chacun de ceux croyant être intéressés pour
assister au serment devant nous des témoins à produire de la part des plaignants, pour poser des questions, s'ils veulent
en poser ; ordonnant pour le reste de procéder à tous les actes
de cette cause par des édits publics affichés seulement aux
portes de l'église de Rouen, comme il sera de droit et de
raison. »
Lu par nous, évêque de Paris, siégeant en tribunal, l'an
et le jour susdits, en présence de vénérables et savantes
personnes maîtres Hector de Coquerel, vicaire général de
monseigneur l'archevêque de Rouen, Nicolas Du Bois, doyen,
Guillaume Roussel, Jean de Gouys, Jean de Bec, chanoines
de Rouen, Guillaume Fertin, Richard Viart, Guillaume Manchon,
Jean Le Vieux, et de plusieurs autres témoins à ce
appelés spécialement et convoqués.
[Lectio articulorum coram partibus citatis , secundum petitionem promotoris causæ et procuratoris actorum.]
ADVENIENTE autem die crastina, decima septima
mensis februarii, ut præmittitur, a die hesterna continuata seu exspectata ; comparentibus, coram dominis
Judicibus, Guillelmo, Parisiensi episcopo, et fratre
Johanne Brehal, ipsis archiepiscopo Remensi et Constantiensi
episcopo in remotis agentibus, præfatis Guillelmo Prevosteau et Johanne Rebours, ex una ; Reginaldo
Bredouille, tam procuratorio dicti reverendi
patris, domini episcopi Belvacensis, quam promotorio
causarum criminalium curiæ Belvacensis, nominibus,
et fratre Jacobo Calciatoris, nomine conventus Fratrum
Prædicatorum Belvacensium, partibus, ex altera : ipsi
Prevosteau et Rebours, ad fundandum judicium (1) et dicendum de in jus evocatione, exhibuerunt coram dominis
Judicibus litteras citatorias alias ab ipsis decretas,
cum relatione exsecutoris earumdem, et per quas
constabat et constare poterat præfatos reverendum
patrem, promotorem et subinquisitorem nominatim,
omnesque alios et singulos sua interesse credentes,
ad diem decimam sextam mensis februarii, fore et esse
citatos, dicturos et opposituros, verbo vel in scriptis,
quidquid dicere seu proponere voluerint contra positiones
et articulos in hujusmodi causa alias datos et
productos, et eisdem articulis seu positionibus responsuros
; petentes et requirentes, ab ipsis et per ipsos,
dictos citatos et comparentes per ipsos adstringi et
compelli ad respondendum, prout ipsorum quemlibet
tangit et tangere potest, eisdem articulis seu posilionibus
; et litem super ipsis aut petitione ali in eorum
contumacia data, si opus sit, contestandum ; necnon
ipsos articulos per ipsos Judices admitti ad probandum
; vicemque de cætero, eisdem citatis comparentibus
aliisque non comparentibus, in eorum contumaciis et ipsis pro contumacibus reputatis, dicendi et
opponendi verbo vel in scriptis contra hujusmodi articulos,
præcludi et pro præclusa haberi.
His igitur per ipsos auditis, ordinaverunt primo et
ante omnia, articulos hujusmodi, publice et in præsentia
dictorum citatorum comparentium legi debere,
prout et eos legi pro majori parte fecerunt, per magistrum
Franciscum Ferrebouc, alterum notarium
hujus causae.
[Responsiones M. Reginaldi Bredouille et F. Jacobi Calciatoris.]
Quibus pro majori parte ipsorumque conclusione
totaliter lectis, et dictis Prevosteau et Rebours ipsos
admitti ad probandum, cum instantia, commissariosque
in remotis, tam Turonensibus, Aurelianensibus
quam Pictavis et alibi, pro testibus super ipsis articulis
examinandis, dari et concedi petentibus : dictus
magister Reginaldus Bredouille, tam dicti reverendi
in Christo patris, quam promotorio nominibus, his
articulis contentisque in eisdem auditis, et quos jam
viderat per prius, ut dicebat, respondit quod non credebat
contenta in eisdem articulis esse vera, nec ita,
sicut in eisdem narratur, fuisse actum per eumdera
defunctum dominum Petrum Cauchon ; imo ipsos
articulos et in eis contenta, in quantum facere tenebatur
et tenetur, animo litigandi, negavit et negat
fore et esse vera ; se omnino, et pro omni defensione,
referens processui per eumdem dominum Petrum
Cauchon facto ; declaravitque et declarabat quod de
cætero, in hujusmodi causa comparere non intendebat,
consentiens etiam quod testes, per ipsos et commissarios
ipsorum ubicumque deputandos, examinandi, jur[ar]ent ipso nomine evocato, se referens oranino
conscientiæ ipsorum ; dicens, nomine antedicto,
in defensione hujusmodi processus nullum prætendere
interesse, nec velle contra hujusmodi articulos
aliquid opponere aut dicere, nisi ut supra dixit.
Ipse autem frater Jacobus Calciatoris dixit et asseruit
quod, cum jam plures factæ sunt citationes et
evocationes in dicto conventu Fratrum Prædicatorum
Belvacensium, et per easdem citabatur quidam assertus
subinquisitor hæreticæ pravitatis, quod in eodem
conventu, a magnis temporibus citra, prout nec adhuc,
est aliquis inquisitor seu subinquisitor ; et ne de cætero,
per tales evocationes seu citationes, fieret in
eodem conventu aliquod scandalum, petiit et requisivit
quod amplius non fierent, quia fratres ipsius conventus
ex hoc erant multum turbati.
[Admissio articulorum in judicio, præclusa reis via dicendi contra ipsos.]
His igitur actis, ipsi Judices antedicti, super propositis, responsis et requisitis hinc inde, suam ordinationem seu appunctamentum dederunt, in his scriptis :
« AUDITIS REQUISITIONIBUS vestris, visisque citationibus
tam generalibus quam specialibus ; attentis etiam responsionibus, declarationibus et aliis allegatis per venerabilem virum, magistrum Reginaldum (2) Bredouille,
promotorio causarum criminalium curiæ
Belvacensis nomine ; attentis etiam allegationibus et
etiam excusationibus [præsentatis] per venerabilem
virum, Priorem Ebroicensem, vice et nomine conventus Fratrum Prædicatorum civitatis Belvacensis ; visa
etiam certa declaratione, vice et nomine hæredum et exsecutorum defuncti reverendi patris, domini Petri Cauchon, jam pridem facta coram nobis : omnes alios citatos et vocatos tam specialiter quam generaliter, et
non comparentes, reputamus et declaramus contumaces.
Decernimus articulos jamdudum, videlicet
XX. decembris, coram nobis præsentatos, et quorum
admissionem usque ad præsentem diem ordinavimus
differendam, decernendo dictas partes tam generaliter
quam specialiter citandas fore, prout et citatæ fuerunt,
oblata eis copia articulorum prædictorum, sicut nobis
legitime constitit atque constat, esse admissibiles et admittendos
fore, prout et eos admittirans ; viamque de
cætero eisdem citatis dicendi et opponendi aliquid
contra hujusmodi articulos et eorum contenta præcludimus
; ordinantes, super ipsis, in facto consistentibus, vestram inquestam fieri debere ; assignantes vobis diem primam juridicam post Quasimodo (3), ad
referendum inquestam coram nobis, in hac civitate
Rothomagensi. In cujus inquestæ inchoationem personaliter
intendimus procedere, die prima juridica post festum beati Mathiæ (4), Parisius, in domo nostra
episcopali ; quam diem, cum diebus sequentibus, omnibus
et singulis sua interesse credentibus, ad videndum
jurare testes coram nobis, pro ipsorum actorum
parte producendos, et ad dandum interrogatoria, si
quæ tradere voluerint, assignamus ; ordinantes de cætero
in hujusmodi causa procedi debere, per edicta publica in valvis ecclesiæ et Rothomagensis solum
et duntaxat affigenda, ad omnes actus, prout juris fuerit et rationis. »
« Lecta per nos, episcopum Parisiensem, pro tribunali
sedentem. Anno et die prædictis, præsentibus ad
hæc venerabilibus et scientificis viris, magistris Hectore de Coquerel, vicario generali domini archiepiscopi Rothomagensis ; Nicolao de Bosco, decano ; Guillelmo
Roussel, Johanne de Gouys, Johanne de Becco, canonicis Rothomagensibus ; Guillelmo Fertin, Ricardo
Viart, Guillelmo Manchon, Johanne Veteris, cum
pluribus aliis testibus, ad proemissa vocatis specialiter et rogatis. »
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.268 et suiv.
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p.147 et suiv.
Notes :
1. Les manuscrits ajoutent nostrum, comme ci-dessus, p. 262.
2. Johannem dans les manuscrits.
3. Cette date correspond au mercredi 7 avril 1450.
4. Vendredi 27 février 1450.
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