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Procès
de réhabilitation
Déposition
d'Aignan Viole.
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Maître
Aignan Viole, licencié ès lois, avocat à la vénérable cour de Parlement, âgé
d'environ cinquante ans, juré et interrogé par nous archevêque en présence des sous-inquisiteur
et notaire,
Sur le contenu des articles sus-mentionnés interrogé, il déclare avoir eu seulement
connaissance de cette Jeanne la Pucelle à l'époque du siège d'Orléans ; pendant ce siège Jeanne
vint dans la ville d'Orléans et fut logée dans la maison de Jacques Bouchier. Il se rappelle
bien qu'un jour, après le repas, le jour où le fortin de Saint-Loup fut pris, elle dormait, et
subitement s'éveilla et dit : « En nom Dé, nos gens ont bien à besoigner. Apportez mes armes
et amenez le cheval ». Aussitôt le cheval amené et les armes prises, elle alla en
campagne avec les autres hommes d'armes, qui se trouvaient près du fortin Saint-Loup, et peu
après ce fortin fut pris et les Anglais vaincus.
Il dit aussi qu'avant la prise du fortin du pont, elle avait déclaré que ce fortin
serait pris et qu'elle reviendrait par le pont ; ce qui paraissait à tous impossible, ou du
moins très difficile. Bien plus, elle avait déclaré à l'avance qu'elle serait blessée, et il en
fut ainsi.
Il dit en outre qu'un certain dimanche, après la prise de ces fortins du pont et de
Saint-Loup, les Anglais se rangèrent en bataille devant la ville d'Orléans ; aussi beaucoup, et
même la plus grande partie des hommes d'armes, voulaient les attaquer, et ils sortirent de la
ville, alors que Jeanne, blessée, se trouvait avec ses hommes d'armes, vêtue d'un jaseran (1) ; elle rangea ses hommes en bataille, tout en leur interdisant
d'attaquer les Anglais, car, disait-elle, le désir et la volonté de Dieu étaient de les laisser
partir, s'ils voulaient s'en aller. Et pour cette fois les hommes d'armes revinrent dans la
ville d'Orléans. On disait alors qu'elle était aussi habile qu'il était possible dans
l'ordonnance de ses troupes pour le combat ; même un capitaine exercé et savant en matière de
guerre n'aurait su faire mieux ; aussi les capitaines en étaient-ils surpris et pleins
d'admiration.
Il déclare en outre, interrogé sur ce, qu'elle se confessait fréquemment, qu'elle
recevait très souvent le sacrement de l'eucharistie, et se comportait d'une manière très honnête
en tous ses actes et propos ; pour le reste, en dehors du fait de la guerre, elle était si
simple que c'était merveille. Aussi à cause de cela, attendu ce qu'elle a fait et ce qui a
suivi, le témoin croit qu'elle était conduite par l'esprit de Dieu, qu'en elle il y avait une
force divine, et non pas humaine.
Ne sait rien d'autre.
Magister Anianus Viole, in legibus licentiatus, advocatus in
venerabili curia Parlamenti, ætatis L annorum, vel circa, per nos, archiepiscopum, in
præsentia ipsorum subinquisitoris et notarii, juratus et examinatus.
De contentis in præscriptis articulis interrogatus deponit quod, de notitia ipsius
Johannæ la Pucelle, solum habuit notitiam a tempore obsidionis Aurelianensis ; qua durante,
ipsa Johanna applicuit villam Aurelianensem, et fuit hospitata in domo Jacobi Bouchier. Et
bene recordatur quod quadam die, post prandium, die qua fortalitium Sancti Laudi fuit captum,
ipsa dormiente, subito evigilavit se et dixit : « En nom Dé, nos gens ont bien à
besoigner. Afferatis arma mea, et adducatis equum. » Et illico adducto equo et assumptis
armis, ivit ad carapos cum aliis armatis qui erant apud fortalitium Sancti Laudi, et paulo
post fuit captum hujusmodi fortalitium et Anglici devicti.
Dicit etiam quod, ante captionem fortalitii Pontis, ipsa dixerat quod illud
fortalilium caperetur, et rediret ipsa supra Pontem : quod videbatur omnibus impossibile,
saltem multum difficile. Imo dixerat ipsa per antea quod læderetur ante dictum fortalitium
Pontis, et ita accidit.
Dicit ulterius quod, quadam die dominica, post captionem dictorum fortalitiorum
Pontis et Sancti Laudi, Anglici se ordinaverunt ad bellum ante villam Aurelianensem ; unde
plures et major pars armatorum volebant eos debellare, et exiverunt villam, ipsa Johanna læsa
exsistente cum armatis, induta quodam jaseran ; et ordinavit armatos ; eisdem tamen inhibuit
ne invaderent Anglicos, quia, ut dicebat, placitum Domini et voluntas erat quod, si vellent
recedere, quod permitterent abire. Et pro illa hora reversi sunt armati ad villam
Aurelianensem. Et tunc dicebatur quod ipsa erat ita expers in ordinatione armatorum ad bellum,
quantum poterat ; imo capitaneus tmtritus et eruditus in bello ita experte nescivisset facere,
unde capitanei erant mirabiliter admirati.
Dixit ulterius, super hoc interrogatus, quod ipsa frequenter confitebatur,
sæpissime recipiebat sacramentum Eucharistiæ, et in omni gestu et conversatione se portabat
honestissime ; et in aliis, extra factum guerræ, erat ita simplex quod mirum erat. Et ob hoc
credit, attentis eis quæ facta et subsecuta sunt, quod ipsa Dei spiritu ducebatur, et quod in
ea erat virtus
divina, non humana.
Nec aliud scit.
Sources
:
- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p. 126 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc.
Notes :
1 Jaseran : cotte de mailles
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