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Procès
de réhabilitation
Déposition
de Colette Milet. |
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Colette, femme de Pierre Milet, greffier de l'élection de
Paris, âgée d'environ cinquante-six ans, par nous archevêque
sus-mentionné, en présence dudit frère Thomas et du notaire,
reçue, jurée et interrogée l'an du Seigneur mille quatre cent
cinquante-six, le onzième jour du moi de mai,
Interrogée d'abord sur le contenu des Ier, IIe,
IIIe et IVe articles produits en cette cause,
elle déclare qu'elle eut connaissance de cette Jeanne quand celle-ci
vint à Orléans. Dit qu'elle fut logée dans la maison de Jacques
Bouchier, où le témoin alla la voir. Cette Jeanne parlait toujours et sans arrêt de Dieu, disant : « Messire m'a envoyée
pour secourir la bonne ville d'Orléans ».
Elle déclare aussi qu'elle vit plusieurs fois Jeanne entendre
la messe avec très grande dévotion, comme une bonne chrétienne et catholique.
Elle dit en outre que Jeanne, à l'époque où elle vint à Orléans
pour faire lever le siège, dormait dans la maison de son hôte,
appelé Jacques le Bouchier, la veille de l'Ascension du Seigneur, et soudain s'éveilla, appela son valet d'armes, un
dénommé Mugot (1), et lui dit : « En nom Dé, c'est mal fait.
Pourquoi ne m'a-t-on pas réveillée plus tôt ? Nos gens ont beaucoup à besogner » ; et elle demanda ses armes, se fit
armer, et son valet lui amena son cheval ; elle monta à cheval,
armée, tenant une lance au poing ; elle se mit à galoper par
la Grand Rue, si vite que le feu jaillissait du pavé ; elle alla droit à Saint-Loup, et fit proclamer par son de trompe qu'on
ne s'emparât de rien dans l'église.
Dit aussi et déclare que le jour de la prise du fortin ou
bastille du pont, le matin, elle était dans la maison de sondit
hôte, quand quelqu'un lui apporta une alose ; voyant cela
Jeanne dit à son hôte : « Gardez-la jusqu'à ce soir, car je
vous amènerai ce soir un godon
et je repasserai par dessus le pont ».
Elle dit en outre que Jeanne était très sobre, au boire et au
manger ; elle avait un comportement honnête dans ses gestes
et dans son maintien ; et le témoin croit fermement que ses
faits et ses œuvres étaient plus de Dieu que de l'homme.
Dûment interrogée, elle ne sait rien d'autre.
Coleta, uxor Petri Milet, grapharii electorum Parisiensium, ætatis LVI annorum, per nos, archiepiscopum
præfatum, in dictorum fratris Thomæ et notarii
præsentia, recepta, jurata et examinata anno Domini
MCCCCLVI, die XI. mensis maii.
Et primo, interrogata de contentis in I., II., III. et
IV. articulis articulorum in hac causa productorum : deponit ipsa loquens quod primo habuit notitiam de
eadem Johanna quando venit Aurelianis. Et dicit quod
fuit hospitata in domo Jacobi Bouchier, ubi ipsa loquens
eamdem Johannam ivit visum. Quæ Johanna
semper et continue loquebatur de Deo, dicendo : « Messire m'a envoyée pour secourir la bonne ville d'Orléans. »
Dicit etiam quod pluries vidit eidem Johannæ audire
missam cum maxima devotione, ut bona christiana et
catholica.
Dicit insuper quod ipsa Johanna, tempore quo accessit
Aurelianis pro levando obsidionem, dormiebat in
domo sui hospitis, vocati Jacobi Le Bouchier, in vigilia
Ascensionis Domini, et repente evigilata, vocavit suum mangonem, vocatum Mugot, et eidem dixit : « En nom Dé, est malefactum. Quare non fui citius evigilata ? Gentes nostræ habent multum agere ; » petiitque
arma sua, et fecit se armari, mangoque suus eidem
adduxit equum suum ; et ascendit supra equum armata,
tenens lanceam in pugno ; et incepit currere per Magnum
Vicum taliter quod ex pavimento exibat ignis, et
ivit directe usque ad Sanctum Laudum, et fecit præconisari cum sono tubæ quod nulli in ecclesia aliquid acciperent.
Dicit etiam et deponit quod, die qua fortalitium seu
bastilia Pontis fuit captum seu capta, de mane, ipsa
exsistente in domo dicti hospitis sui, quidam attulit eidem
unam alosam ; quam videns ipsa Johanna dixit
hospiti suo : « Custodiatis eam usque sero, quia ego « adducam vobis hoc sero ung godon, et rapasseray pardessus le pont. »
Dicit ulterius quod ipsa Johanna erat multum sobria
in cibo et potu, honesteque se habebat in conversatione,
gestu ei manutenentia ; et credit firmiter ipsa
loquens quod factum suum et operationes suæ potius
erant opus Dei quam hominis.
Nec aliud scit debite interrogata.
Sources :
- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p. 123 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc.
Notes :
1 Déformation d'Immerguet, le surnom de Louis de Coutes page de Jeanne d'Arc.
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