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22 novembre 2024  

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par Henri Wallon

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Déposition de Guillaume de la Chambre

  Vénérable personne maître Guillaume de la Chambre, maître ès arts et en médecine, âgé d'environ quarante-huit ans, à ce qu'il dit, témoin produit, reçu, juré et interrogé au même jour, de la même manière et dans la même forme que le témoin précédent,

  Et d'abord interrogé sur le contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles produits dans cette cause de nullité, il dit et déclare sous serment n'avoir connu Jeanne que pendant le procès mené contre elle, auquel il assista plusieurs fois avec d'autres docteurs et praticiens. A son avis, c'était une bonne jeune fille ; car il apprit ensuite de maître Pierre Maurice qu'il avait entendu cette Jeanne en confession, et qu'il n'avait jamais entendu pareille confession, qu'elle fût d'un docteur ou de quiconque ; attendu cette confession, Jeanne, à son avis, marchait selon la justice et saintement avec Dieu.
  De même interrogé sur le contenu des Ve, VIe, VIIe et VIIIe articles, il dit et déclare, comme il l'a déjà dit, qu'il assista au procès pendant plusieurs jours. Au sujet de la passion des juges, il s'en rapporte à leur conscience ; il sait cependant qu'il [n'] a [jamais] donné son opinion au cours du procès, bien qu'il eût souscrit : car cela, il l'a fait forcé par le seigneur évêque de Beauvais ; et à ce propos il avait plusieurs fois présenté des excuses à l'évêque, disant que ce n'était pas de son métier d'opiner sur un tel sujet. Finalement on lui dit que, s'il ne souscrivait pas comme les autres, il lui arriverait malheur dans cette ville de Rouen ; et pour cette raison il souscrivit. Il dit aussi que maître Jean Lohier et maître Nicolas de Houppeville furent menacés de la peine de noyade, s'ils refusaient d'assister au procès.
  Interrogé sur le contenu du IXe article, il déclare que cette Jeanne se trouvait dans la prison du château de Rouen, et qu'il l'y vit.
  Sur le contenu du Xe, il déclare avoir entendu dire que Jeanne avait été examinée pour savoir si elle était vierge, et elle fut trouvée telle. Le déposant sait aussi, comme il put le constater selon la science médicale, qu'elle était intacte et vierge car il la vit presque nue en la visitant pour une maladie ; il la palpa aux reins et, autant qu'il put voir, elle était très étroite.
  Sur le contenu des XIe, XIIe, XIIIe et XIVe, il dit et déclare, à propos des interrogatoires, avoir vu une fois le sire abbé de Fécamp qui interrogeait Jeanne ; et maître Jean Beaupère intervenait avec beaucoup d'autres questions diverses, auxquelles Jeanne ne voulut pas répondre en même temps ; à tel point qu'elle leur dit qu'ils lui faisaient une grande injustice en la poursuivant ainsi, et qu'elle avait déjà répondu à ces questions.
  Quant à la maladie dont il est question dans ces articles, le déposant déclare que le cardinal d'Angleterre et le comte de Warwick l'envoyèrent chercher, lui qui parle, et devant eux il comparut, ainsi que Guillaume Desjardins, maître en médecine, et d'autres médecins. Alors ce comte de Warwick leur dit que Jeanne avait été malade, d'après ce qu'on lui avait rapporté, et il leur ordonna de s'en enquérir, car le roi ne voulait à aucun prix qu'elle mourût de mort naturelle ; le roi en effet tenait à elle, il l'avait achetée cher, et ne voulait pas qu'elle mourût sans être jugée et brûlée ; qu'ils fassent en sorte de l'examiner avec soin, afin de la guérir. Le témoin et maître Guillaume Desjardins, avec d'autres, allèrent alors la voir. Le témoin et ledit Desjardins la palpèrent sur le flanc droit et la trouvèrent fiévreuse ; aussi conclurent-ils qu'il fallait une saignée, et ils en firent rapport au comte de Warwick ; celui-ci leur dit : « Gardez-vous de la saigner, car elle est rusée et pourrait se faire mourir ». Néanmoins elle fut saignée, et aussitôt après fut guérie. Après cette guérison arriva un certain maître Jean d'Estivet, qui eut des paroles injurieuses contre Jeanne, l'appelant putain, paillarde ; elle en fut si fort irritée qu'elle eut de nouveau la fièvre et retomba malade. Ceci étant venu à la connaissance du comte, il interdit à cet Estivet d'injurier à l'avenir Jeanne.
  Sur le contenu du XVe article le déposant déclare bien se rappeler qu'une fois, pendant un interrogatoire par l'évêque et par d'autres assistants, elle dit que cet évêque et les autres n'étaient pas ses juges.
  Sur le contenu du XVIe dit de même avoir entendu Jeanne déclarer qu'elle se soumettait à notre seigneur le pape.
  Sur le contenu des XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe, XXIe et XXIIe articles, il déclare, quant aux chefs d'accusation, mentionnés dans les vingtième et vingt et unième articles, ne pas savoir qui les a forgés ; et sur eux ne croit pas avoir donné son avis.
  Quant aux autres articles, il ne sait rien.
  Sur le contenu des XXIIIe, XXIVe et XXVe articles, il déclare avoir été présent lors du sermon fait par maître Guillaume Évrard ; il ne se rappelle pas cependant ce qui est rapporté du sermon ; mais se souvient bien de l'abjuration que fit Jeanne, bien qu'elle eût beaucoup hésité ; elle était poussée à la faire par ce maître Guillaume Évrard, qui lui disait d'agir comme il lui conseillait, et qu'elle serait libérée de sa prison. Elle le fit sous cette condition, et non autrement, lisant ensuite une petite cédule contenant six ou sept lignes sur une feuille de papier double ; et le témoin était si près qu'il pouvait vraiment voir les lignes et leur forme.
  De même interrogé sur le contenu du XXVIe article, il déclare avoir entendu dire que les Anglais la poussèrent à reprendre son habit [d'homme], que les vêtements féminins lui furent enlevés et remplacés par les habits d'homme ; et à cause de cela on disait que Jeanne avait été injustement condamnée.
  De même interrogé sur le contenu des autres articles déclare seulement à leur sujet qu'il fut présent lors de la dernière prédication, faite au Vieux Marché de Rouen par maître Nicolas Midi ; après la fin de ce sermon Jeanne fut brûlée. Le bois pour la brûler était déjà en place, et elle faisait si pieuses lamentations et exclamations que plusieurs pleuraient ; mais quelques Anglais riaient. Il l'entendit aussi dire ces paroles, ou d'autres semblables pour le sens : « Ah! Rouen! j'ay grant paour que tu n'ayes à souffrir de ma mort ! » Et ensuite elle se mit à crier : Jésus, et à invoquer saint Michel, puis enfin disparut dans le feu. Ne sait rien d'autre.

                    

  Venerabilis vir, magister Guillelmus de Camera, in artibus et medicina magister, ætatis XLVIII annorum, vel circiter, ut dicit, testis productus, receptus, juratus et examinatus diebus, modo et forma ut testis præcedens.

  Et primo interrogatus de contentis in I., II., III. et IV. articulis articulorum in hac causa nullitatis productorum : dicit et deponit, ejus medio juramento, quod de ipsa Johanna habuit notitiam solum durante processu contra eam agitato, in quo pluries interfuit cum aliis doctoribus et practicis. Et, videre suo, erat bona juvenis, quia, ut dicit, audivit postmodum dici a magistro Petro Mauricii quod eamdem Johannam audiverat in confessione, et quod nunquam talem confessionem, nec a doctore, nec a quocumque audiverat, et quod credebat quod juste et sancte ambulabat cum Deo, attenta sua confessione.
  Item, interrogatus de contentis in V., VI., VII. et VIII. articulis, dicit et deponit quod, ut jam dixit, fuit in processu per plures dies. De zelo autem quem habebant judicantes, se refert eorum conscientiis ; scit tamen quod antequam (1) dedit opinionem in processu, licet se subscripserit, quia hoc fecit coactus per dominum episcopum Belvacensem ; et de hoc pluries se erga eumdem episcopum excusavit, dicendo quod non erat sua professio in tali materia opinari ; finaliter sibi fuit dictum quod, nisi se subscriberet sicut alii fecerant, quod male accesserat ad villam Rothomagensem ; et hac de causa se subscripsit. Dicit etiam quod minæ fuerunt illatæ magistro Johanni Lohier et magistro Nicolao de Houppevilla, sub poena submersionis, quia noluerunt interesse processui.
  Interrogatus de contentis in IX. articulo, dicit quod ipsa Johanna erat in carcere in castro Rothomagensi, in quo eam vidit.
  Super contentis in X. deponit quod audivit tunc dici quod ipsa Johanna fuerat visitata an esset virgo vel non, et talis fuit inventa ; et scit ipse loquens, prout percipere potuit secundum artem medicinæ, quod erat incorrupta et virgo, quia eam vidit quasi nudam, cum visitaret eam de quadam infirmitate ; et eam palpavit in renibus, et erat multum stricta, quantum percipere potuit ex aspectu.
  Super contentis in XI., XII., XIII. et XIV., dicit et deponit, quantum tangit interrogatoria, quod semel vidit dominum abbatem Fiscampnensem, qui eamdem Johannam interrogabat ; et magister Johannes Pulchripatris [cum eo] multa et diversa interrogatoria interponebant, ad quæ insimul non voluisset respondere ipsa Johanna, taliter quod eisdem dixit quod sibi faciebant magnam injuriam eam taliter vexare, et quod jam super illis interrogatoriis responderat.
  Et quantum ad infirmitatem, de qua in dictis articulis tangitur, deponit ipse loquens quod Cardinalis Angliæ et comes de Warwic miserunt eumdem loquentem quæsitum ; coram quibus ipse loquens, cum magistro Guillelmo Desjardins, magistro in medicina, et aliis medicis comparuit. Et tunc ipse comes de Warwic dixit eisdem quod ipsa Johanna fuerat infirma, ut sibi fuerat relatum, et quod eos mandaverat ut de ea cogitarent, quia pro nullo rex volebat quod sua morte naturali moreretur ; rex enim eam habebat caram, et care emerat, nec volebat quod obiret, nisi cum justitia, et quod esset combusta ; et quod taliter facerent, et cum sollicitudine visitarent eam, quod sanaretur. Et ad eam accesserunt ipse loquens et magister Guillelmus Desjardins cum aliis. Quam Johannam ipse loquens et Desjardins palpaverunt in latere dextro, et invenerunt eam febricitantem ; quare concluserunt phlebotomiam (2); et hoc retulerunt comiti de Warwic, qui eisdem dixit : « Caveatis a phlebotomia, quia cauta est, et posset se interficere. » Et nihilominus habuit phlebotomiam, post quam immediate fuit sanata. Qua sic sanata, supervenit quidam magister Johannes de Estiveto, qui habuit certa verba injuriosa cum dicta Johanna, et eam vocavit putanam, paillardam ; de quo multum fuit irata ipsa Johanna, in tantum quod denuo fuit febricitans, et in infirmitate priori. Et hoc deducto ad notitiam dicti comitis, inhibuit eidem de Estiveto ne de cætero haberet eamdem Johannam injuriari.
  De contentis in XV. deponit ipse loquens quod bene recordatur quod, quadam vice, dum interrogaretur per episcopum et aliquos de adstantibus, quod ipsa dixit quod ipse episcopus et alii non erant sui judices.
  De contentis in XVI. similiter dicit quod audivit eamdem Johannam dicentem quod se submittebat domino nostro Papæ.
  De contentis in XVII., XVIII., XIX., XX., XXI. et XXII., quantum ad articulos de quibus in XX. et XXI., dicit quod nescit qui eos confecit, nec credit super eisdem dedisse opinionem suam. De aliis nihil scit.
  De contentis in XXIII., XXIV. et XXV. dicit quod fuit præsens in sermone facto per magistrum Guillelmum Evrardi ; non recordatur tamen de prolatis
in sermone ; sed bene recordatur de abjuratione quam fecit ipsa Johanna, licet multum distulerit ad eam faciendum ; ad quam tamen faciendum ipse magister Guillelmus Evrardi eam induxit, eidem dicendo quod faceret quod sibi consulebatur, et quod ipsa esset a carceribus liberata. Et sub hac conditione et non alias hoc fecit, legendo post aliam quamdam parvam schedulam, continentem sex vel septem lineas, in volumine folii papyrei duplicati ; et erat ipse loquens ita prope quod verisimiliter poterat videre lineas et modum earumdem.
  Item, interrogatus de contentis in XXVI. articulo, deponit quod audivit dici quod Anglici induxerunt eamdem ad resumendum suum habitum, et quod sibi fuerant amotæ suæ vestes muliebres, et dati viriles habitus ; et propter hoc dicebatur quod ipsa Johanna fuerat injuste condemnata.
  Item interrogatus de et super contentis in cæteris articulis, deponit solum de contentis eorumdem, quod ipse fuit præsens in ultima prædicatione facta in Veteri Foro Rothomagensi, per magistrum Nicolaum Midi ; post cujus sermonis finem, ipsa Johanna fuit combusta ; et erant jam parata ligna ad eam comburendum, et faciebat ita pias lamentationes et exclamationes quod plures flebant ; aliqui autem Anglici ridebant. Audivit etiam eam dicentem ista verba vel in effectu similia : « Ha ! Rouen ! j'ay grant paour que tu ne ayes à souffrir de ma mort ! » Et postmodum incepit clamare : JHESUS! et invocare Sanctum Michaelem, et tandem igne exstincta est. Nec aliud scit.


Sources :
- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p.46.
- Traduction : Pierre Duparc.

Notes (Quicherat) :
1 Il faudrait neutiquum pour le sens général de la phrase qui n'en a pas avec antequam.

2 Manuscrit ND, fleubolomiam ; 5970, fleutobomiam.
 

Procès de réhabilitation
Témoins de Paris

Les dépositions :

Jean Tiphaine
Guillaume de la Chambre
Mgr Jean de Mailly
Me Thomas de Courcelles
Me Jean Monnet
Louis de Coutes
Gobert Thibault
Simon Beaucroix
Jean Barbin
Marguerite de La Touroulde
Jean Marcel
Mgr le Duc d'Alençon
Fr. Jean Pasquerel
Fr. Jean de Lenizeul
Simon Charles

Le Sire de Termes
M. Haimond de Macy
Colette Milet
Pierre Milet
Me Aignan Viole





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