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Procès
de réhabilitation
V-4 - Déposition de Jean Marcel |
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Jean Marcel, citoyen et bourgeois de Paris, âgé de cinquante-six ans environ, produit par lesdits seigneurs commissaires l'an et jour susdits, juré et interrogé, etc...
Et d'abord interrogé sur le contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles présentés en cette cause,
il dit et déclare sous serment n'avoir aucunement connu cette
Jeanne à l'époque où elle fut amenée dans la ville de Rouen ;
il la vit pour la première fois lorsqu'elle fut admonestée à la prédication de Saint-Ouen.
De même interrogé sur le contenu des Ve, VIe, VIIe, VIIIe et IXe articles, il déclare savoir seulement ce qui suit : à savoir que le témoin demeurait dans la ville de Rouen à l'époque où Jeanne fut prise, près de Compiègne, et conduite à Rouen. Maître Pierre Cauchon était
alors évêque de Beauvais, et, à ce qu'on disait, il la réclama
pour faire son procès ; mais par quelle passion fut-il poussé
ou comment procéda-t-il le témoin l'ignore.
Sur le contenu du Xe article le témoin déclare avoir
entendu dire que la dame de Bedford fit inspecter Jeanne,
pour savoir si elle était vierge ou non, et on la trouva vierge ;
de même il a entendu dire par Jeannot Simon, tailleur de
tuniques, que cette dame duchesse de Bedford lui avait fait
faire pour Jeanne une tunique de femme, dont il voulut la
revêtir, en la prenant doucement par la poitrine. Elle en fut
indignée et gifla ledit Jeannot.
Interrogé ensuite sur le contenu des XIe, XIIe,
XIIIe et XIVe articles, il déclare seulement avoir
entendu dire par maître Jean Le Sauvage, de l'ordre des
frères précheurs, questionné plusieurs fois sur Jeanne, qu'il
avait assisté au procès mené contre elle ; mais il ne voulait en parler qu'avec beaucoup de réticence. Il lui confia cependant une chose, à savoir qu'il n'avait jamais vu une femme
de cet âge donner tant de peine à ceux qui l'interrogeaient ;
et il admirait beaucoup ses réponses et sa mémoire, car elle
se souvenait de ce qu'elle avait dit. Et une fois, comme le notaire, après avoir rédigé, relisait ce qu'il avait écrit, Jeanne
lui dit qu'elle n'avait pas répondu ainsi, et s'en rapporta
aux assistants ; ceux-ci dirent tous que Jeanne avait raison,
et on apporta une correction à sa réponse.
Sur le contenu de tous les autres articles le témoin déclare,
comme il l'a dit plus haut, qu'il fut présent au sermon fait à Saint-Ouen, et qu'il vit là Jeanne pour la première fois ;
il se rappelle que maître Guillaume Érard, docteur en théologie, fit la prédication en présence de Jeanne, laquelle était, à son avis, en habit d'homme ; mais ce qu'on a fait ou dit au
cours de ce sermon, il n'en sait rien, car il était très loin du
prédicateur ; le témoin a cependant entendu maître Laurent
Calot et quelques autres dire à maître Pierre Cauchon qu'il tardait trop à prononcer sa sentence, qu'il jugeait mal ; et
Pierre Cauchon répondit qu'on en mentait.
Il déclare en outre qu'il assista à la seconde prédication,
le jour où Jeanne fut brûlée, et il la vit dans le feu proclamant et disant plusieurs fois à haute voix : Jésus. Il croit
très fermement qu'elle mourut en catholique, qu'elle eut une bonne fin, comme une bonne chrétienne. Cela, il le sait par
la relation des religieux qui l'accompagnaient à l'heure de
sa mort ; et il en vit beaucoup, et même la plupart des assistants, qui pleuraient, pleins de douleur et de pitié, car on
disait que Jeanne avait été injustement condamnée.
Le témoin, dûment interrogé sur le contenu desdits articles,
ne sait rien d'autre.
Johannes Marcel, civis et burgensis Parisiensis, ætatis
LVI annorum, vel circiter, per eosdem dominos
commissarios anno et die prædictis productus, juratus
et examinatus, etc...
Et primo, interrogatus de contentis in I., II., III.
et IV. articulis articulorum in hujusmodi causa productorum
: dicit et deponit, ejus medio juramento,
quod eamdem Johannam nullo modo noverat tempore
quo fuit adducta in villa Rothomagensi ; et eam primo
vidit quando fuit prædicata in Sancto Audoeno.
Item interrogatus de contentis in V., VI., VII., VIII.
et IX. articulis, deponit se scire solum ea quæ sequuntur
: videlicet quod ipse loquens moram trahebat
in villa Rothomagensi, pro tempore quo ipsa Johanna fuit capta prope Compendium et adducta in villa
Rothomagensi. Et dicit quod magister Petrus Cauchon
erat tunc episcopus Belvacensis, qui, ut audivit dici, eam requisivit, ut faceret suum processum ; sed
quo zelo et aut qualiter processit, nihil scit.
De contentis in X. articulo deponit ipse loquens quod audivit dici quod domina de Bedfort (1) eamdem
Johannam fecit visitari an esset virgo vel non, et quod
inventa fuit virgo ; et audivit dici cuidam Johannotino
Simon sutore tunicarum, quod domina ducissa Bedfordiæ
fecerat fieri pro eadem Johanna quamdam
tunicam ad usum mulieris, quam quum eidem induere vellet, eam accepit dulciter per mammam. Quæ fuit
pro hoc indignata, et tradidit dicto Johannotino
unam alapam.
Deinde, interrogatus de contentis in XI., XII. et
XIII., deponit solum quod audivit dici a quodam magistro
Johanne Le Sauvaige (2), ordinis Fratrum Prædicatorum, qui pluries cum loquente loculus fuit
de eadem Johanna, quod ipse fuerat in processu deducto
contra eam, de quo cum magna difficultate loqui
volebat. Unum tamen sibi dixit, quod nunquam
viderat mulierem talis ætatis, quæ tantam dedisset poenam
examinantibus ; et multum mirabatur de responsionibus
ipsius Johannæ et de sua memoria, quia habebat
memoriam de his quæ dixerat. Et una vice,
dum notarius aliquid scripsisset et quod scripserat
retulisset, dixit ipsa Johanna notario quod non ita
responderat, et adstantibus se retulit ; qui adstantes
dixerunt omnes quod ipsa Johanna bene dicebat ; et
fuit facta correctio illius responsionis.
De contentis in omnibus cæteris articulis deponit
ipse loquens quod, ut supra dixit, ipse fuit in sermone facto apud Sanctum Audoenum, et ibidem primitus
eamdem Johannam vidit ; et recordatur quod
magister Guillelmus Erard, doctor in theologia, fecit
prædicationem in præsentia dictæ Johannæ, quæ, ut
videtur loquenti, erat in habitu viri ; sed quid actum aut dictum fuit in eodem sermone nihil scit, quia,
ut dicit, distabat multum a prædicatione, et licet
audiverit ipse loquens quod magister Laurentius Calot
et aliqui alii dixerunt magistro Petro Cauchon quod
nimis tardabat de proferendo suam sententiam, et
quod male judicabat, et ipse magister Petrus Cauchon
respondit quod mentiebatur.
Dicit insuper quod ipse fuit in secunda prædicatione,
in die qua ipsa Johanna fuit igne cremata, et
vidit eamdem Johannam in igne clamantem et dicentem
pluries Jhesus alta voce. Et credit firmissime quod
obierit catholice, et finivit bene dies suos, et in statu
bonæ christianæ. Et hoc scit ex relatu religiosorum
qui eam associabant in hora mortis suæ ; et vidit plures,
et quasi majorem partem de adstantibus, flentes
et dolentes pro pietate, quia dicebatur ipsam Johannam
fuisse injuste condemnatam.
Nec aliud scit ipse loquens, super contentis in dictis
articulis debite interrogatus.
Sources :
- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p.88 à 90.
- Traduction : Pierre Duparc, t.IV p.62 et suiv.
Notes (Quicherat) :
1 Anne de Bourgogne, fille de Jean-sans-Peur, mariée en 1423 au duc de Bedford.
2 Il est appelé dans les procès-verbaux de la condamnation Radulphus Silvestris.
Remarques de J.B.J. Ayroles sur ce témoignage :
Un seul Le Sauvage est signalé dans le procès de condamnation.
Puisque celui dont parle Jean Marcel fut un des assesseurs, il semble
que l'on doit conclure à l'identité du personnage, malgré la différence des
prénoms. Celui qui est ici appelé Jean est appelé Rodolphe dans le premier
procès. Ce serait donc un Dominicain qui aurait émis les suffrages
dont il sera question dans la suite; il n'aimait pas à parler du procès,
vraisemblablement par crainte d'être traité comme son confrère Pierre
Bosquier.
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