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Procès
de réhabilitation
V-4 - Déposition
de Jean Pasquerel |
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Vénérable et religieuse personne frère Jean Pasquerel, de l'ordre des frères ermites de saint Augustin au couvent de Bayeux, produit hier, reçu et juré devant les seigneurs commissaires, et aujourd'hui, quatrième du mois de mai, interrogé par les notaires sur l'ordre des seigneurs commissaires,
Et d'abord interrogé sur le contenu des Ier, IIe,
IIIe et IVe articles à lui lus, dit et déclare sous
serment avoir eu les premières nouvelles de Jeanne, et avoir
su comment elle était venue auprès du roi, alors qu'il était
dans la ville [du Puy] (1); dans cette ville se trouvaient la mère
de Jeanne et quelques uns de ceux qui l'avaient conduite
auprès du roi ; et parce qu'ils connaissaient un peu le témoin,
ils lui dirent qu'il fallait venir avec eux voir cette Jeanne,
et qu'ils ne le quitteraient pas avant de l'avoir conduit
jusqu'à elle. Le témoin vint donc avec eux jusqu'à la ville
de Chinon, et de là jusqu'à la ville de Tours, où il était lecteur
dans un couvent de la ville. En cette même ville de Tours,
Jeanne était alors logée dans la maison d'un bourgeois, Jean
Dupuy (2); ils y trouvèrent Jeanne, et ceux qui avaient amené
le témoin s'adressèrent à elle en ces termes : « Jeanne, nous vous amenons ce bon père ; quand vous le connaîtrez bien,
vous l'aimerez beaucoup ». Jeanne leur répondit qu'elle était
bien contente de voir le témoin, qu'elle avait déjà entendu
parler de lui, et qu'elle voulait se confesser à lui le lendemain. Le lendemain, il l'entendit en confession et chanta
la messe en sa présence ; dès lors le témoin l'a toujours suivie,
et l'accompagna jusqu'à la ville de Compiègne, où elle fut
prise.
Il a entendu dire que Jeanne, lorsqu'elle vint près du roi,
fut inspectée deux fois par des femmes, pour savoir ce qu'il
en était d'elle, si elle était un homme ou une femme, si elle était vierge ou non ; et on la trouva femme, mais jeune fille
et vierge. L'inspectèrent, à ce qu'il apprit, la dame de Gaucourt
(3) et la dame de Trêves (4). Ensuite elle fut conduite à Poitiers, pour y être examinée par les clercs de l'Université
présents et pour savoir ce qu'il en était d'elle ; l'examinèrent,
alors maître Jourdain Morin, maître Pierre de Versailles
qui est mort évêque de Meaux, et plusieurs autres ; après
cet examen ils conclurent, attendu la nécessité pressante
où se trouvait tout le royaume, que le roi pouvait avoir
recours à elle, et qu'en elle ils n'avaient rien trouvé de contraire à la foi catholique. Ceci fait, elle fut ramenée à Chinon et crut pouvoir parler au roi ; ce qu'elle ne put cette fois là.
Cependant, après une délibération du conseil du roi, elle
put lui parler. Ce jour là, lorsqu'elle entra chez le roi pour
lui parler, un homme qui était à cheval dit ces paroles : « Est-ce pas là la Pucelle ? » en jurant Dieu que s'il la tenait une nuit, elle ne repartirait pas pucelle. Jeanne répondit
alors à cet homme : « Ah ! en nom Dieu, tu le renies, et tu es
si près de ta mort ! » Cet homme ensuite, dans l'heure, tomba à l'eau et se noya. Cela, il l'a entendu de la bouche de Jeanne
et de plusieurs autres, qui avaient été présents.
Le sire comte de Vendôme conduisit Jeanne auprès du roi
et la fit entrer dans la chambre royale. Lorsqu'il la vit, le
roi demanda à Jeanne son nom ; elle répondit : « Gentil
dauphin, j'ay nom Jehanne la Pucelle; et le Roy des cieux
vous mande par moi que vous serez sacré et couronné dans
la ville de Reims, et vous serez le lieutenant du Roi des
cieux, qui est roi de la France ». Après plusieurs questions
posées par le roi, Jeanne dit à nouveau : « Moi je te dis, de
la part de Messire, que tu es vray héritier de France et fils
du roy ; et Il m'envoie à toi pour te conduire à Reims, où
tu recevras la couronne et le sacre, si tu veux ». L'ayant
entendue, le roi déclara aux assistants que Jeanne lui avait
dit certains secrets, que personne ne connaissait ou ne pouvait
savoir, si ce n'est Dieu ; aussi avait-il grande confiance en
elle. Toutes ces choses le témoin les a entendues de Jeanne elle-même, car il ne fut pas alors présent.
Il apprit aussi d'elle qu'elle n'était pas contente de tant
d'interrogatoires, que cela l'empêchait d'accomplir le travail
qui lui avait été confié, qu'il fallait, et qu'il était temps, de
se mettre au travail ; elle disait en outre avoir demandé aux
envoyés de son Seigneur, à savoir de Dieu, qui lui apparaissaient, ce qu'elle devait faire, et ils lui répondirent de prendre
l'étendard de son Seigneur ; pour cette raison Jeanne fit
faire son étendard, sur lequel était peint l'image de notre
Sauveur, siégeant en juge sur les nuées du ciel ; et il y avait
aussi un ange peint, tenant dans ses mains une fleur de lys, que bénissait l'image du Sauveur. Le témoin arriva à Tours
au moment où on peignait cet étendard.
Peu après Jeanne partit, avec les autres hommes d'armes,
pour faire lever le siège mis devant Orléans ; et le témoin
resta en sa compagnie et ne la quitta pas, jusqu'à ce qu'elle
eût été prise devant Compiègne ; il lui servait de chapelain,
l'entendant en confession et chantant la messe.
Le témoin déclare aussi que Jeanne était très pieuse envers
Dieu et la Sainte Vierge, se confessait presque chaque jour
et communiait fréquemment. Quand elle se trouvait dans un
lieu où était un couvent de Mendiants, elle demandait au
témoin qu'il lui rappellât les jours où les petits clercs des
Mendiants recevaient le sacrement de l'eucharistie, de façon à le recevoir avec eux; ce qu'elle demandait souvent, de
façon à recevoir ce sacrement avec les petits clercs. Déclare
aussi que lorsqu'elle se confessait, elle pleurait.
Le témoin dit en outre qu'au départ de Tours, pour venir à Orléans, Jeanne lui demanda de ne pas la quitter, mais de rester toujours avec elle comme son confesseur ; ce qu'il
lui promit. Ils restèrent dans la ville de Blois environ deux
ou trois jours, en attendant que là fussent chargés les vivres
sur les bateaux ; elle dit alors au témoin de faire confectionner
un étendard pour rassembler les prêtres, en français une
bannière, sur lequel il ferait peindre une image de notre
Seigneur crucifié; ce qu'il fit. Ensuite Jeanne, chaque jour à deux reprises, à savoir le matin et le soir, faisait rassembler
tous les prêtres par le témoin ; rassemblés, ils chantaient des
antiennes et des hymnes à la bienheureuse Vierge ; et Jeanne était avec eux. Elle ne permettait pas aux hommes d'armes
d'être présents parmi ces prêtres, à moins qu'ils ne se fussent
confessés le jour même, les exhortant tous à se confesser
pour venir à ce rassemblement ; en effet, dans ce rassemblement même, tous les prêtres étaient prêts à confesser
ceux qui le voulaient.
Lorsque Jeanne quitta la ville de Blois pour Orléans,
elle fit réunir tous les prêtres avec cet étendard, et ils précédaient les hommes d'armes. Ainsi rassemblés, ils sortirent du côté de la Sologne, en chantant le Veni creator Spiritus et
beaucoup d'antiennes ; ils campèrent ce jour-là dans les
champs, et aussi le jour suivant. Le troisième jour ils s'approchèrent d'Orléans, où les Anglais avaient mis le siège le long
du fleuve Loire ; l'armée royale vint assez près des Anglais,
pour qu'Anglais et Français pussent s'observer, alors que les troupes du roi conduisaient le ravitaillement. Le fleuve était alors si bas que les bateaux ne pouvaient pas remonter,
ni aborder à la rive où se trouvaient les Anglais ; mais presque
subitement l'eau monta, de telle sorte que les bateaux purent
venir jusqu'à l'endroit où se trouvaient les troupes royales. Jeanne monta dans ces bateaux, avec quelques hommes
d'armes, et entra dans la ville d'Orléans. Le témoin, sur
l'ordre de Jeanne, retourna avec les prêtres et la bannière à Blois, puis, peu de jours après, il vint en la cité d'Orléans
par la Beauce, avec beaucoup d'hommes d'armes, avec la
bannière et les prêtres, sans aucune difficulté ; quand Jeanne
apprit leur arrivée, elle alla à leur rencontre et ils entrèrent
tous ensemble dans Orléans, sans obstacle, et introduisirent
le ravitaillement à la vue des Anglais. Cela était surprenant,
car tous ces Anglais, très nombreux et puissants, armés et prêtsà combattre, voyaient passer les hommes d'armes du roi,
troupe assez faible par rapport à eux ; ils voyaient aussi et
entendaient les prêtres qui chantaient, parmi lesquels se
trouvait le témoin, portant la bannière ; et cependant aucun
Anglais n'attaqua ces hommes d'armes et ces prêtres.
Après cette entrée dans Orléans, les gens du roi sortirent
de nouveau de la ville, à la demande de Jeanne, pour aller
contre les Anglais et assaillir ceux qui se trouvaient dans le
fortin soit bastille de Saint-Loup. Quant au témoin, avec
d'autres prêtres, il se rendit après le repas au logis de Jeanne ;
lorsqu'ils y arrivèrent celle-ci s'écriait : « Où sont ceux qui
doivent m'armer ? Le sang de nos gens coule sur la terre »
Et aussitôt armée, elle sortit rapidement de la ville et se
rendit audit lieu du fortin Saint-Loup, où étaient l'attaque
et l'assaut ; en chemin elle rencontra beaucoup de blessés
et en eut une très grande douleur ; elle partit avec les autres à l'assaut, si bien que par force et violence le fortin fut pris,
et les Anglais qui s'y trouvaient faits prisonniers. Ce fut, le
témoin se le rappelle, la veille de l'Ascension du Seigneur,
et il y eut beaucoup d'Anglais tués ; Jeanne en eut grande
douleur, car elle disait qu'ils étaient morts sans confession,
elle les plaignait beaucoup, et aussitôt elle se confessa au
témoin. Elle lui demanda aussi d'exhorter tous les hommes
d'armes à confesser leurs péchés, et à rendre grâce à Dieu
pour la victoire obtenue, sinon elle ne resterait pas avec eux, mais abandonnerait leur compagnie. Elle ajouta, en cette
veille de l'Ascension du Seigneur, que dans les cinq jours le
siège mis devant la ville d'Orléans serait levé, et qu'il ne
resterait pas un Anglais devant la ville ; il en fut ainsi, car,
comme le témoin l'a déjà dit, le mercredi fut pris le fortin
soit bastille de Saint-Loup, où sont les moniales (5); dans ce
fortin il y avait plus de cent hommes choisis et bien armés,
dont nul ne resta qui ne fût prisonnier ou mort. Le même
jour, au soir, Jeanne étant à son logis déclara au témoin que
le lendemain était la fête de l'Ascension du Seigneur, qu'il
n'y aurait pas de combat, qu'elle ne s'armerait pas, par
respect pour cette fête, mais qu'elle voulait ce jour-là se
confesser et recevoir le sacrement de l'eucharistie ; ce qu'elle
fit. Elle ordonna que nul n'eût l'audace, le lendemain, de
sortir de la ville et d'aller à l'attaque ou à l'assaut, à moins
de s'être confessé auparavant ; qu'on prît garde aussi à ce
que des femmes de mauvaise vie ne la suivissent pas, car
Dieu permettrait alors, à cause des péchés, que la guerre
fût perdue. Et il fut fait comme Jeanne l'avait ordonné.
Dit aussi le témoin qu'en cette fête de l'Ascension du
Seigneur, Jeanne écrivit aux Anglais se trouvant dans les
fortins ou bastilles en ces termes :
« Vous, hommes d'Angleterre, qui n'avez aucun droit en
ce royaume de France, le Roi des cieux vous avertit et vous
mande par moi, Jeanne la Pucelle, d'abandonner vos fortins
et de rentrer dans votre pays, sinon je vous ferai tel hahu
(6) dont on se souviendra toujours. Et cela je vous l'écris pour la troisième et dernière fois ; je n'écrirai plus davantage ». Ainsi signé : « Jhesus Maria. Jehanne la Pucelle ». Et en outre : « Je vous aurais bien envoyé ma lettre
d'une manière plus honnête ; mais vous détenez prisonniers
mes messagers, hérauts en français ; vous avez retenu mon
héraut dénommé Guyenne. Si vous voulez me le renvoyer,
moi je vous renverrai quelques-uns de vos gens, pris au fortin
de Saint-Loup, car ils ne sont pas tous morts ».
Ensuite elle prit une flèche, attacha la lettre au bout de
la flèche avec un fil, et ordonna à un arbalétrier de la lancer
aux Anglais, en criant : « Lisez ce sont des nouvelles ». Les
Anglais reçurent la flèche avec la lettre ; ils la lurent, puis
commencèrent à s'exclamer à grands cris en disant : « Voici
des nouvelles de la putain des Armagnacs ! » Entendant ces
mots, Jeanne se mit à soupirer et à pleurer abondamment,
en invoquant le secours du Roi des cieux. Elle fut ensuite
consolée, à ce qu'elle disait, car elle avait eu des nouvelles
de son Seigneur ; le soir, après dîner, elle demanda au témoin
de se lever, le lendemain matin, plus tôt qu'il ne l'avait fait
le jour de l'Ascension, pour la confesser de bon matin ; ce
qu'il fit.
Ce jour-là, un vendredi, lendemain de la fête de l'Ascension, le témoin se leva de bon matin, entendit Jeanne en
confession et chanta la messe devant elle et ses gens en la
ville d'Orléans ; ensuite ils allèrent à l'assaut, qui se prolongea du matin jusqu'au soir. Le même jour fut pris le fortin
des Augustins, à grand assaut ; Jeanne, qui avait coutume
de jeûner tous les vendredis, ne put jeûner ce jour-là, car
elle était trop fatiguée et elle dîna. Après le repas arriva un
vaillant et célèbre chevalier — le témoin ne se rappelle plus
son nom — et il dit à Jeanne que les capitaines et les gens
du roi s'étaient réunis pour tenir conseil ; ils s'étaient vus
trop peu nombreux hommes d'armes par rapport aux Anglais,
et Dieu leur avait déjà fait une grande grâce des succès
obtenus, en ajoutant : « Considérant que la ville est pleine
de vivres, nous pourrons bien la garder en attendant un
secours du roi ; il ne paraît pas expédient au conseil que
demain les troupes sortent ». Jeanne leur répondit : « Vous êtes allés à votre conseil, et moi au mien ; et croyez que le
conseil de mon Seigneur trouvera son accomplissement et
tiendra, mais l'autre périra », ajoutant pour le témoin, qui
alors était près d'elle : « Levez-vous de bon matin, et plus
tôt qu'aujourd'hui, et faites le mieux que vous pourrez.
Tenez-vous toujours près de moi, car demain j'aurai beaucoup à faire, et des choses plus considérables que j'en eus
jamais ; demain le sang coulera au-dessus de mon sein ».
Le samedi venu, le témoin se leva de bon matin, célébra
la messe, et Jeanne partit à l'assaut du fortin du Pont où était l'anglais Clasdas ; l'assaut dura depuis le matin jusqu'au
coucher du soleil, sans interruption. Dans cet assaut, après
le déjeuner, Jeanne, comme elle l'avait prédit, fut atteinte
d'une flèche au-dessus du sein ; lorsqu'elle se sentit blessée,
elle eut peur et pleura, puis fut consolée, à ce qu'elle disait.
Quelques-uns des hommes d'armes, la voyant ainsi blessée,
voulurent la soigner par une incantation, la charmer, en
français, mais elle refusa en déclarant : « Je préfèrerais mourir,
plutôt que faire une chose que je saurais être un péché ou être contre la volonté de Dieu »; ajoutant qu'elle savait bien qu'il lui fallait mourir, mais elle ne savait pas quand, où et
comment, ni à quelle heure ; cependant si on pouvait porter
remède à sa blessure sans péché, elle acceptait d'être soignée.
On mit alors sur sa blessure de l'huile d'olive avec du lard,
et après cette application Jeanne se confessa au témoin,
pleurant et se lamentant. Elle retourna de nouveau à l'attaque et à l'assaut, en disant et criant : « Clasdas, Clasdas !
Ren-ti, ren-ti au Roi des cieux. Tu m'as appelée putain ;
moi j'ai grand pitié de ton âme et de celle des tiens ». Alors
ce Clasdas, armé de pied en cap, tomba dans le fleuve de
Loire et se noya ; aussi Jeanne, mue par la pitié, se mit à
pleurer abondamment pour l'âme de ce Clasdas et des autres,
noyés là en grand nombre. En ce jour tous les Anglais qui
se trouvaient au-delà du pont furent faits prisonniers ou
moururent.
Ensuite, le dimanche, avant le lever du soleil, tous les
Anglais qui restaient en campagne se rassemblèrent, vinrent jusqu'aux fossés de la ville d'Orléans et partirent pour la
ville de Meung-sur-Loire, où ils restèrent quelques jours.
Ce dimanche aussi il y eut dans la ville d'Orléans procession
solennelle avec sermon ; puis on décida de se rendre auprès
du roi, et Jeanne se mit en route ; les Anglais se réunirent
et allèrent à Jargeau, ville qui fut prise d'assaut. Puis les
Anglais furent battus et vaincus près de la ville de Patay.
Jeanne voulant ensuite, comme elle l'avait dit, s'employer
au couronnement du roi, conduisit celui-ci à Troyes en Champagne, de Troyes à Châlons, et de Châlons à Reims, où le
roi fut comme par miracle couronné et sacré, ainsi que Jeanne
l'avait prédit dès son arrivée. Souvent le témoin entendit
Jeanne dire qu'elle avait reçu la charge d'agir ainsi ; et quand
on lui disait : « Jamais on n'a vu des choses semblables à
celles qu'on voit à propos de vos actions ; en aucun livre on
ne lit de tels faits », elle répondait : « Mon Seigneur a un livre
dans lequel aucun clerc n'a jamais lu, si parfait fût-il en son état de clerc ».
Le témoin dit en outre que chaque fois qu'elle avait chevauché en campagne et approché d'une place forte, elle se
logeait toujours à part avec des femmes ; il la vit plusieurs
fois la nuit s'agenouiller à terre, priant Dieu pour la prospérité du roi, et l'accomplissement de la mission que Dieu lui avait confiée.
Déclare en outre que, dans l'armée en campagne, parfois
on ne trouvait pas les vivres nécessaires ; mais elle ne voulait
jamais manger de denrées provenant de pillages. Le témoin
croit fermement qu'elle était envoyée par Dieu, car elle
faisait de bonnes actions et était pleine de toutes les vertus ; elle avait grand pitié des pauvres gens d'armes, même s'ils étaient du côté des Anglais, et quand elle les voyait à toute
extrémité ou blessés, elle les faisait confesser. Elle craignait
beaucoup Dieu, car, pour rien au monde elle n'aurait voulu
faire chose qui déplût à Dieu ; et lorsqu'elle fut blessée à
l'épaule d'un trait de baliste au point que ce trait apparaissait
de l'autre côté, certains voulurent la soigner par incantation,
lui promettant qu'elle serait immédiatement guérie ; mais elle répondit que c'était un péché, et qu'elle préférait mourir
plutôt que d'offenser notre Seigneur par de telles incantations.
Il déclare aussi être bien stupéfait que de si grands clercs,
comme ceux qui la vouèrent à la mort en la ville de Rouen,
aient osé attaquer cette Jeanne et faire mourir une chrétienne, aussi modeste et simple, d'une manière si cruelle
et sans cause, du moins sans cause suffisante pour la faire
mourir ; ils auraient pu la garder en prison ou ailleurs ; mais
elle les avait mécontentés, et surtout ils étaient ses ennemis
mortels. Il semble donc au témoin qu'ils rendirent un jugement injuste.
De ses faits et gestes ont pleine connaissance le roi notre
sire et le duc d'Alençon, qui sont aussi au courant de quelques
choses secrètes, qu'ils peuvent révéler, s'ils le veulent. Le
témoin ne sait rien d'autre, si ce n'est ceci, que Jeanne lui
a dit plusieurs fois : à savoir que, si elle mourait, le roi notre
sire fît faire des chapelles, afin de prier le Très Haut, pour le
salut de l'âme de tous ceux morts dans la guerre, pour la
défense du royaume.
Ainsi signé : « Moi, frère Jean Pasquerel, j'ai ainsi écrit
et déposé, l'an du Seigneur mille quatre cent cinquante-six,
le vendredi, au lendemain de l'Ascension du Seigneur. J. PASQUEREL »
Venerabilis et religiosus vir, frater Johannes Pasquerel,
ordinis Fratrum Heremitarum Sancti Augustini,
de conventu Bajocensi, die hesterna productus,
receptus et juratus per dominos commissarios, et hodie
iv. mensis maii, per notarios, de mandato dominorum
commissariorum, examinatus.
Et primo, interrogatus de contentis in I., II., III., et IV. articulis eidem lectis : dieit et deponit, ejus medio
juramento quod, dum ipse primo habuit nova de
ipsa Johanna et qualiter venerat versus regem, ipse
loquens erat in villa Aniciensi, in qua villa erat mater
ipsius Johannæ, et quidam de eis qui eamdem
Johannam adduxerant versus regem ; et quia habebant
aliquam notitiam cum loquente, dixerunt eidem loquenti quod conveniens erat quod veniret cum eisdem
ad dictam Johannam, et quod eumdem loquentem nunquam
dimitterent quousque eum adipsam Johannam
perduxissent. Et cum eisdem venit usque ad villam de
Chinon et dehinc usque ad villam Turonensem, in cujus
conventu villæ Turonensis ipse loquens erat lector. Et
in eadem villaTuronensi ipsa Johanna pro tunc erat hospitata
in dommo Johannis Dupuy, burgensis Turonensis,
et eamdem Johannam invenerunt in eadem domo, et
eamdem Johannam allocuti fuerunt illi quieumdem loquentem
adduxerant, dicendo : « Johanna, nos adduximus vobis istum bonum patrem ; si eum bene cognosceretis, vos eum multum diligeretis. » Quibus ipsa
Johanna respondit quod bene contentabatur de loquente,
et quod jam de eo audiverat loqui, quodque in crastino volebat eidem loquenti confiteri. Et in crastino
audivit eam in confessione, et coram ea cantavit missam,
et ex illa hora ipse loquens semper secutus est eam, et cum ea moram traxit usque ad villam Compendii,
dum ibidem fuit capta.
Et audivit dici quod ipsa Johanna, dum venit versus
regem, fuit visitata bina vice per mulieres quid erat de
ea, et si esset vir vel mulier, et an esset corrupta vel
virgo ; et inventa fuit mulier, virgo tamen et puella.
Et eam visitaverunt, ut audivit, domina de Gaucourt
et domina de Trèves. Et postmodum
ducta fuit Pictavis, ad examinandum per clericos ibidem
in universitate exsistentes, et ad sciendum quid
de ea erat agendum ; et eam examinaverunt magister
Jordanus Morin et magister Petrus de Versailles, qui
mortuus est episcopus Meldensis, et plures alii ; et, ipsa
per eos examinata, concluserunt quod, attenta necessitate
quæ tunc toti regno imminebat, rex de eadem
se poterat juvare, et quod in ea nihil invenerant fidei
catholicæ contrarium. Et hoc facto, fuit reducta ad
villam de Chinon, et credidit loqui cum rege : quod
non potuit illa vice. Tandem ex deliberatione Consilii,
eum rege locuta est ipsa Johanna ; et illa die, dum ipsa
Johanna intraret domum regis ad loquendum sibi,
quidam homo exsistens super equum dixit ista verba : « Esse pas là la Pucelle ? » negando Deum quod si haberet
eam nocte, quod ipsam non redderet puellam.
Ipsa autem Johanna tunc eidem homini dixit ; « Ha ! en nom Dieu, tu le renyes, et tu es si près de ta mort ! »
Postmodum ipse homo, infra horam, cecidit in aquam
et submersus est. Et hoc dicit ut audivit a dicta Johanna
et pluribus aliis qui dicebant in hoc se fuisse præsentes.
Ipsam autem Johannam duxit erga regem dominus comes de Vendosme, et introduxit eam in camera regis.
Et dum eamdem vidit, petivit eidem Johannæ nomen
suum ; quæ respondit : « Gentil Daulphin, j'ay nom Jehanne la Pucelle ; et vous mandele Roy des cieulx per me, quod vos eritis sacratus et coronatus in villa Remensi, et eritis locum tenens Regis coelorum, qui est rex Franciæ. » Et post multas interrogationes
factas per regem, ipsa Johanna iterum dixit. « Ego dico tibi ex parte de Messire, que tu es vray héritier de France, et filz du roy ; et me mittit ad te pro te ducendo Remis, ut ibi recipias coronationem et consecrationem tuam, si volueris. » Et his auditis,
rex dixit adstantibus quod ipsa Johanna aliqua secreta
sibi dixerat quæ nullus sciebat aut scire poterat nisi
Deus ; quare multum confidebat de ea. Et omnia præmissa
audivit ab ipsa Johanna, quia in præmissis non
fuit præsens.
Audivit etiam ab ipsa quod non contentabatur de
tantis interrogationibus, et quod impediebant eam ad
peragendum negotium ad quod missa erat, et quod
opus erat et tempus negotiandi ; dicens ulterius quod
inquisiverit nuntiis domini sui, scilicet Dei, sibi apparentibus
quid ipsa agere debebat, et eidem Johannæ
dixerunt quod acciperet vexillum domini sui ; et propter hoc ipsa Johanna fecit fieri vexillum suum, in quo
depingebatur imago Salvatoris nostri sedentis in judicio,
in nubibus coeli, et erat quidam angelus depictus
tenens in suis manibus florem lilii quem benedicebat
imago. Et applicuit ipse loquens Turonis illo tunc
quod depingebatur illud vexillum.
Et paulo post ipsa Johanna ivit cum aliis armatis
ad levandum obsidionem Aurelianis exsistentem ; et erat ipse loquens in societate ipsius Johannæ, a qua non
recessit donec ipsa fuit capta ante Compendium ; et sibi
serviebat ut cappellanus, audiendo eam in confessione
et missam cantando. Et dicit loquens quod ipsa Johanna erat multura
devota erga Deum et beatam Mariam, et quasi quotidie
confitebatur et communicabat frequenter. Dicebat enim
eidem loquenti, quando erat in aliquo loco ubi erant
conventus Mendicantium, quod sibi daret memoriæ
dies in quibus parvi pueri Mendicantium recipiebant
sacramentum Eucharistiæ, ut illa die reciperet cum eisdem
pueris, sicut multotiens faciebat ; nam cum parvis pueris Mendicantium recipiebat sacramentum Eucharistiæ.
Dicit etiam quod dura ipsa confitebatur, ipsa
flebat.
Insuper dicit loquens quod, dum ipsa Johanna exivit
villam Turonensem ad veniendum Aurelianis, ipsa
rogavit loquentem quatenus eam non dimitteret, sed
semper cum ea staret ut suus confessor : quod sibi promisit loquens. Et fuerunt in villa Blesensi circiter per
duos vel tres dies, exspectando victualia quæ ibidem
onerabantur in navibus ; et ibidem dixit loquenti quatenus
faceret fieri unum vexillum pro congregandis
presbyteris, gallice une bannière, et quod in eodem
vexillo faceret depingi imaginem Domini nostri crucifixi
: quod et fecit ipse loquens. Et hujusmodi vexillo
facto, ipsa Johanna, omni die bina vice, mane videlicet
et sero, faciebat per ipsum loquentem congregari
omnes presbyteros ; quibus congregatis, cantabant antiphonas
et hymnos de beata Maria, et cum eis erat ipsa
Johanna ; nec inter illos presbyteros permittere volebat
aliquos armatos, nisi fuissent confessi illa die, monendo omnes armatos quatenus confiterentur, ut venirent
ad hujusmodi congregationem ; nam in ipsa
congregatione omnes presbyteri erant parati ad confitendum
quoscumque qui eisdem confiteri volebant.
Et dum ipsa Johanna exivit villam Blesensem ad
eundum Aurelianis, ipsa fecit congregari omnes presbyteros
cum illo vexillo, et antecedebant ipsi presbyteri
armatos. Qui exiverunt per latus de la Saulongne
sic congregati, cantando Veni creator spiritus et quam
plures antiphonas, et jacuerunt illa die in campis, et
etiam alia die sequente. Et tertia die applicuerunt prope villam Aurelianensem, ubi Anglici tenebant obsidionem
juxta ripam fluvii Ligeris ; et armati regis applicuerunt
satis prope Anglicos, ita quod oculatim poterant
Anglici et Gallici se videre, ducebantque armati
regis victualia. Erat autem tunc riparia ita modica
quod naves ascendere non poterant, nec venire usque
ad ripam ubi erant Anglici ; et quasi subito crevit aqua,
ita quod naves applicuerunt versus armatos ; in quibus
navibus ipsa Johanna cum aliquibus armatis introivit,
et ivit intra villam Aurelianensem. Et ipse loquens de
jussu dictæ Johannæ, cum presbyteris et vexillo reversus
est apud villam Blesensem ; et deinde, paucis diebus
transactis, ipseloquens cum multis armatis venit ad civitatem
Aurelianensem per latus Belsiæ, cura dicto vexillo
et presbyteris, sine quocumque impedimento ; et dum
ipsa Johanna scivit eorum adventum, ipsa ivit eis obviam
et insimul intraverunt villam Aurelianensem sine
impedimento, et introduxerunt victualia, videntibus
Anglicis. Et mirum erat, quia omnes Anglici cum multitudine magna et potentia, armati et parati ad bellum,
videbant armatos regis in comitiva modica, respectu Anglicorum ; videbant etiam et audiebant presbyteros
cantantes, inter quos erat loquens, portans vexillum ;
et tamen nullus Anglicus commotus est, nec in eosdem
armatos et presbyteros nullam fecerunt invasionem.
Et ipsis sic in civitate Aurelianensi receptis, armati
iterum exiverunt villam Aurelianensem, ipsa Johanna
instante, et iverunt ad invadendum et insultum faciendum
in Anglicos exsistentes in fortalitio seu bastilda
Sancti Lupi. Ipse autem loquens cum aliis presbyteris,
post prandium, accesserunt ad hospitium dictæ Johannæ,
et dum ibidem venerunt, ipsa Johanna clamabat : « Ubi sunt illi qui me debent armare ? Sanguis nostrarum gentium decurrit per terram. » Et ipsa armata,
subito exivit civitatem, et ivit ad dictum locum fortalitii
Sancti Laudi, ubi erat invasio seu insultus ; et in
itinere invenit multos vulneratos, unde maxime condoluit,
et applicuit cum aliis ad insultum, taliter quod vi
et violentia ipsum fortalitium fuit captum, et Anglici in
eodem exsistentes capti. Et recordatur ipse loquens quod
fuit in vigilia Ascensionis Domini, fueruntque ibidem
multi Anglici interfecti : unde multum dolebat ipsa
Johanna ex eo quod dicebat eos interfectos sine confessione,
et eos multum plangebat, et illico ipsa eidem loquenti confessa est. Eidem etiam loquenti præcepit
quod publice moneret omnes armatos quod confiterentur
peccata sua et redderent gratias Deo de victoria
obtenta ; alias ipsa cum eis non interesset, imo ipsorum
societatem relinqueret ; dicendo ulterius, dicta die vigiliæ
Ascensionis Domini, quod infra quinque dies obsidio
exsistens ante villam Aurelianensem levaretur, nec
remaneret aliquis Anglicus coram civitate : quod ita accidit, quia, ut jam dixit, dicta die mercurii, fuit captum
fortalitium seu bastilda Sancti Laudi, ubi sunt
moniales, et in quo fortalitio erant plus quam centum
homines electi et bene armati, de quibus nullus remansit
quin fuerit captus aut mortuus. Et illa die de sero,
dum esset in suo hospitio, dixit eidem loquenti quod
in crastinum, quod erat dies festi Ascensionis Domini,
non faceret bellum nec se armaret, ob reverentiam
dicti festi, et quod illa die volebat confiteri et recipere
sacramentum Eucharistiae : quod et fecit ; et illa die ordinavit
quod nullus præsumeret in crastino exire villam
et ire ad invasionem seu insultum, nisi per prius ivisset
ad confessionem ; et quod caverent ne mulieres diffamatæ
eam sequerentur, quia propter peccata Deus
permitteret perdere bellum. Et ita factura fuit, sicut
ipsa Johanna ordinaverat.
Dicit etiam ipse loquens quod illa die festi Ascensionis
Domini, ipsa Johanna scripsit Anglicis exsistentibus
in fortalitiis seu bastildis in hunc modum :
« Vos, homines Angliæ, qui nullum jus habetis in hoc regno Franciæ, Rex coelorum vobis præcepit et mandat per me, Johannam la Pucelle, quatenus dimittatis vestra fortalitia et recedatis in partibus vestris, velego faciam vobis tale hahu de quorum erit perpetua memoria. Et hæc sunt quæ pro tertia et ultima vice ego vobis scribo, nec amplius scribam. » Sic signatum : « JHESUS MARIA, Jehanne la Pucelle. » Et ultra : « Ego misissem vobis meas litteras honestius ; sed vos detinetis meos præcones, gallice mes heraulx ; quia retinuistis meum hérault, vocatum Guyenne. Quem mihi mittere velitis, et ego mittam vobis aliquos de gentibus vestris captis in fortalitiis Sancti Laudi, quia non sunt omnes mortui. »
Et postmodum accepit unam sagittam, et ligavit
cum filo dictam litteram in buto dictæ sagittæ,
et præcepit cuidam balistario quod traheret hujusmodi sagittam ad Anglicos, clamando : « Legatis, sunt nova ! » Et eamdem sagittam receperunt Anglici
cum littera, et eamdem legerunt. Qua lecta, inceperunt
clamare maximo clamore, dicendo : « Assunt nova de la putain des Armignacz ! » Ex
quibus verbis ipsa Johanna incepit suspirare et flere
cum abundantia lacrimarum, invocando Regem cœlorum
in suo juvamine. Et postmodum fuit consolata, ut
dicebat, quia habuerat nova a domino suo ; et sero,
post coenam, ordinavit loquenti quod ipse surgeret in
crastino citius quam fecisset die Ascensionis, et quod
eam confiteretur summo mane : quod et fecit.
Et dicta die, videlicet veneris, in crastino dicti festi
Ascensionis, ipse loquens surrexit summo mane, eamdemque
Johannam audivit in confessione, et cantavit
missam coram ipsa et suis gentibus, in villa Aurelianensi ;
et postmodum iverunt ad insultum, qui duravit a mane
usque ad vesperam. Et eadem die fuit captum fortalitium
Augustinense cum magno insultu, et ipsa Johanna
quæ consueverat jejunare diebus veneris, illa die non
potuit jejunare, quia fuerat nimis vexata, et coenavit
ipsa Johanna. Post ejus coenam, venit ad eamdem Johannam
unus valens et notabilis miles, de cujus nomine
non recordatur ipse loquens, et dixit eidem Johannæ
quod capitanci et armati regis fuerant ad invicem ad
consilium, et quod ipsi videbant quod erant pauci armati respectu Anglicorum, quodque eisdem Deus fecerat
magnam gratiam de contentis obtentis, [addendo] : « considerantes quod villa est plena victualibus, nos poterimus bene custodire civitatem exspectando succursum regis ; nec videtur consilio expediens quod cras armati exeant. » Ipsa Johanna respondit : « Vos fuistis in vestro consilio, et ego fui in meo ; et credatis quod consilium Domini mei perficietur et tenebit, et consilium hujusmodi peribit ; » dicendo eidem loquenti,
qui tunc erat prope eam : « Surgatis crastina die summo mane, et plus quam hodie feceritis, et agatis melius quam poteritis. Teneatis vos semper prope me, quia die crastina ego habebo multum agere et ampliora quam habui unquam, et exibit crastina die sanguis a corpore meo supra mammam. »
Die autem sabbati adveniente, ipse loquens surrexit
summo mane, missam celebravit ; et ivit ad insultum
ipsa Johanna in fortalitio Pontis, ubi erat Clasdas Anglicus
; et duravit ibidem insultus a mane usque ad occasum
solis sine intermissione. In quo insultu et post
prandium, ipsa Johanna, sicut prædixerat, fuit percussa
de una sagitta supra mammam, et dum sensit se vulneratam,
timuit et flevit, et fuit consolata, ut dicebat.
Et aliqui armati videntes eam taliter læsam, voluerunt
eam charmare, gallice charmer ; sed ipsa noluit, dicendo
: « Ego prædiligerem mori quam facere aliquid quod scirem esse peccatum, vel esse contra voluntatem Dei ; » et bene sciebat quod semel debebat mori ; non
tamen sciebat quando, ubi, aut qualiter, nec qua hora ;
sed, si ejus vulneri posset poni remedium sine peccato,
quod ipsa bene volebat sanari. Et apposuerunt eidem vulneri oleum olivarum cum lardo, et post hujusmodi
appositionem, ipsa Johanna confessa est eidem loquenti,
flendo et lamentando. Et iterum reversa est ad invasionem seu insultum, clamando et dicendo : « Clasdas, Clasdas, ren-ti, ren-ti Regi coelorum. Tu me vocasti putain ; ego habeo magnam pietatem de tua anima et tuorum. » Tunc ipse Clasdas armatus a capite
usque ad pedes cecidit in fluvium Ligeris et submersus
est ; unde ipsa Johanna pietate mota, incepit fortiter
flere pro anima ipsius Clasdas et aliorum ibidem magno numero submersorum. Et illa die omnes Anglici
qui erant ultra pontem fuerunt capti aut mortui.
Et deinde, die dominica, ante ortum solis, omnes
Anglici qui remanserant incampis, se ad invicem congregaverunt,
et venerunt usque supra fossata villæ Aurelianensis,
et iverunt in villa de Magduno supra Ligerim
; et ibidem remanserunt aliquibus diebus. Et dicta
die dominica, fuit facta in villa Aurelianensi processio
solemnis cum sermone ; et concluserunt ire ad regem,
et ivit ipsa Johanna versus regem, et Anglici se congregaverunt et iverunt ad villam de Jargueau, quæ fuit
capta insultu. Et deinde Anglici fuerunt debellati et
victi juxta villam de Patay.
Et deinde ipsa Johanna volens procedere ulterius,
sicut dixerat, ad coronationem regis, duxit regem ad
villam Trecensem in Campania, et de villa Trecensi
apud villam Catalaunensem, et de Catalauno in villa Remensi, ubi rex ibidem miraculose fuit coronatus et consecratus,
prout in principio sui accessus ipsa Johanna
prædixerat. Et pluries audivit dicere dictæ Johannæ
quod de facto suo erat quoddam ministerium ; et quum
sibi diceretur : « Nunquam talia fuerunt visa sicut videntur de facto vestro ; in nullo libro legitur de talibus factis ; » ipsa respondebat : « Dominus meus habet unum librum in quo unquam nullus clericus legit, tantum sit perfectus in clericatura. »
Dicit insuper ipse loquens quod, totiens quotiens
equitabat per campos et appropinquabat fortalitia,
semper hospitabatur ad partem cum mulieribus ; et
vidit eam pluribus noctibus quod se ponebat genibus
flexis ad terram, orando Deum pro prosperitate regis
et complemento suæ legationis sibi commissæ a Deo.
Dicit insuper quod, in exercitu et dum erat in campis,
quod aliquando non inveniebantur victualia necessaria
; ipsa tamen nunquam voluisset comedere de victualibus
ablatis. Et credit loquens firmiter quod erat
a Deo missa, quia exercebat bonas operationes et erat
plena omnibus virtutibus ; nam de pauperibus armatis,
esto quod essent de parte Anglicorum, ipsa multum
compatiebatur, quia, dum videbat eos in extremis vel
vulneratos, faciebateos confiteri. Timebat etiam multum
Deum, quia, pro nulla re, voluisset agere aliquid quod
Deo displicuisset ; nam, dum fuit vulnerata in spatula
de quodam tractu balistæ, taliter quod tractus apparebat
ex utroque latere, aliqui voluerunt eam charmare,
promittentes sibi quod sanaretur immediate. Respondit
quod erat peccatum, et quod mallet mori quam offendere
Dominum nostrum per tales incantationes.
Dicit insuper quod bene miratur quod tanti clerici,
sicut erant illi qui eam morti tradiderunt in villa Rothomagensi,
ausi fuerunt attentare in ipsam Johannam,
et facere mori talem pauperem et simplicem christianam,
tam crudeliter et sine causa (saltem quæ esset
sufficiens ad mortem), et quam poterant custodire in carceribus aut alibi, absque eo quod eisdem fecisset
displicitura ; et maxime quod erant ejus inimici capitales ;
et sibi videtur quod injuste assumpserunt judicium.
De suis autem actis et factis sciunt plenissime et sunt
informati de aliquibus secretis dominus noster rex et
dux Alenconii, qui aliqua secreta possent declarare, si
vellent. Nec aliud scit, nisi quod ipsa Johanna pluries
dixit eidem loquenti quod, si contingeret eam vitam
finire, quod dominus rex faceret fieri cappellas ad deprecandum
Altissimum pro salute animarum illorum
qui obierant In guerra pro defensione regni.
Sic signatum : « Ego frater Joannes Pasquerelli, ita scripsi et deposui, anno Domini MCCCCLVI, die veneris, in crastino Ascensionis Domini. J. PASQUERELLI. »
Sources :
- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p.100 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc, t.IV, p.70 à 79.
Notes :
1. Quicherat a du mal à accepter que la mère de Jeanne d'Arc pouvait être au Puy, pélerinage célèbre au moyen-âge, surtout en cette année 1429. C'est pourtant l'hypothèse la plus probable.
2. Jean Dupuy, conseiller du roi en sa cour des comptes, était de plus chargé à Tours des intérêts de la reine Yolande, à laquelle il était attaché depuis1413. Il était marié à dame de Paul, ou de La Pau.
3. Jeanne de Preuilly.
4. Jeanne de Mortemer.
5. La Bastille de Saint-Loup était effectivement établie sur l'emplacement d'un couvent de femmes que les Orléanais avait démoli au mois de décembre précédent. (Journal du siège).
6. Assaut (hahay dans sa lettre aux Anglais, un terme qu'elle semble aimer).
NDLR : le personnage le plus proche de Jeanne, qui la confessait et qui la connait le mieux, un témoignage inestimable, sans doute le meilleur du procès de réhabilitation.
Remarques de J.B.J. Ayroles sur Pasquerel :
Fixé au couvent de Bayeux, quand il rendait à Paris ce beau témoignage à sa pénitente, il était lecteur au
couvent de son ordre à Tours, lorsque la Providence rattacha aux pas de la Pucelle.
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