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Procès de réhabilitation
V-2 - Déposition de Jean Waterin |
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Jean Waterin de Domremy, demeurant au village de Greux
près dudit Domremy, laboureur, âgé de quarante-cinq ans environ, quinzième témoin produit dans cette cause, juré et interrogé audit Domremy, l'an et le vendredi avant-dernier
jour de janvier susdits, requis par son serment [...]*.
A savoir sur le premier des articles de l'interrogatoire commençant
par « Premièrement au sujet du lieu d'origine, etc. »,
et aussi sur les deuxième et troisième articles suivant, requis
déclara que Jeanne la Pucelle naquit à Domremy, dans la
paroisse de ce lieu ; ses parents furent Jacques d'Arc et Isabet,
mariés, qui étaient bons catholiques et de bonne réputation,
en tant que laboureurs, comme il le vit. Il connaît aussi Jean
Morel, le parrain, Jeannette Roze et Jeanne de Vittel, les
marraines de cette Jeannette. N'a rien d'autre à ajouter à
sa déposition.
Sur l'article suivant, le quatrième, commençant par « De
même si dans son plus jeune âge, etc. », et aussi sur les cinquième,
sixième, septième et huitième articles suivant, à lui
exposés avec soin, requis déclara avoir vu plusieurs fois Jeannette la Pucelle ; dans sa jeunesse il alla avec elle à la
charrue du père de cette Jeanne, ou avec d'autres jeunes filles
et elle dans les pâtures et les prés ; et souvent, pendant que
les autres jouaient ensemble, Jeanne se tirait à part et parlait à Dieu, comme il lui semblait ; et lui avec les autres se moquait
d'elle. Elle était bonne et franche, fréquentait les églises et les lieux saints ; parfois aussi quand elle était dans
les champs et entendait la cloche sonner, elle se mettait à
genoux; elle travaillait volontiers, filait, accomplissait ce
qui était nécessaire et utile à la maison, allait à la charrue
avec son père et parfois gardait le troupeau, à son tour ; elle
se confessait volontiers, aux dires du prêtre du village ; elle
portait souvent des cierges et allait au pèlerinage de Notre-Dame de Bermont. Ne saurait ajouter autre chose à sa déposition.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De
même qu'en est-il, etc. », requis déclara par serment que
l'arbre en question est communément appelé « l'arbre des
dames »; il entendit dire qu'anciennement des femmes,
appelées ordinairement « fées », allaient sous cet arbre ; cependant
n'entendit jamais dire que quelqu'un les ait vues
sous cet arbre. Déclara en outre que les jeunes filles et les
jeunes gens du village de Domremy, chaque année au temps
de l'été et au dimanche appelé « des Fontaines », ont coutume
d'aller sous cet arbre, apportent de petits pains, et là mangent,
dansent sous l'arbre ; en revenant ils vont à la fontaine des
Rains, parfois à d'autres fontaines, et boivent. Déclara que
Jeanne autrefois et au même dimanche, comme il le vit, se
rendit à cet arbre avec d'autres jeunes filles, pour jouer et se
promener comme elles. N'eut rien à ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De
même qu'on enquête, etc. », requis déclara l'avoir vu partir
du village de Greux, et elle disait aux gens : « Adieu ! » L'entendit
en effet plusieurs fois dire qu'elle relèverait la France
et le sang royal. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le onzième, commençant par « De
même si dans ledit pays, etc. », requis déclara ne rien savoir.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De
même si Jeanne, etc. », requis déclara que cette Jeannette,
pendant son séjour à Neufchâteau, fut toujours dans la
compagnie de ses père et mère ; le témoin parla en connaissance
de cause, car lui-même fut alors à Neufchâteau avec
les autres du village.
Ne sait rien de plus. Cité il vint, déposa sans passion ni
haine, sans être sollicité ni payé, sans partialité. Et il lui fut
enjoint, etc.
Iohannes Waterin, de Dompno
Remigio, in villa de Greu, iuxta dictam villam dicti Dompni Remigii,
commorans, laborator, etatis XLV annorum vel circa, quintus decimus
testis in hac causa productus, iuratus et examinatus in dicto Dompno
Remigio, anno et die veneris penultima mensis ianuarii, predictis,
requisitus, per suum iuramentum [...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum, sive interrogatoriorum, articulo,
incipiente : "Primo, de loco originis, etc..." ; eciam
super II° et III° sequentibus articulis, requisitus,
"Dixit quod Iohanna la Pucelle fuit oriunda de
dicto Dompno Remigio et parrochia eiusdem loci. Et fuerunt eius
progenitores Iacobus Darc et Ysabelleta, coniuges, qui erant
boni catholici et bone fame, ut laboratores, prout vidit. Cognoscit
Iohannem Morelli, patrinum et Iohannetam Roze, ac Iohannam de Vitello,
matrinas, ut dicitur, lohannete articulate. Nec alias deposuit."
Super IV° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in primitiva, etc...", eciam super V°, VI°, VII°
et VIII° sequentibus articulis sibi diligenter expositis, requisitus,
"Dixit quod vidit pluries Iohannetam la Pucelle
; et fuit in iuventute sua cum ipsa ad aratrum patris ipsius Iohanne,
et cum aliis puellis et ipsa in pasturiis sive pascuis. Et sepe,
dum iocarent insimul, ipsa Iohanna se trahebat ad partem et loquebatur
Deo, ut situ videbatur. Et ipse et alii deridebant eam. Bona erat
et simplex ; frequentabat ecclesias et loca sacra, ita quod aliquociens,
dum erat in campis et ipsa audiebat campanam pulsare, flectebat
genua. Libenter operabatur, nebat, neccessaria et utilia domus preparabat
; ad aratrum cum patre ibat ; et aliquando animalia ad turnum custodiebat;
confitebaturque libenter, ut tunc dicebat presbiter dicte ville
; portabat sepe candelas et ibat ad Nostram Dominam de Bermont,
in peregrinacionem. Nec aliter sciret deponere."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
habet fama etc...", requisitus, per dictum suum iuramentum,
"Dixit quod arbor articulata vocatur communiter l'obre dominarum. Et audivit dici quod antiquitus mulieres,
que fees vulgariter vocabantur, ibant subtus illam arborem
; tamen non audivit dici quod aliquis unquam subtus illam arborem
viderit eas. Tamen dixit insuper quod puelle et iuvenes dicte ville
de Dompno Remigio, anno quolibet, estatis tempore, ac in die dominico
dicto des Fontaines, solent ire subtus illam arborem. Portant
parvos panes, comeduntque ; tripudiant subtus illam arborem ; et
redeundo veniunt ad fontem rannorum ; et aliquociens ad alios fontes,
et bibunt. Dixit quod Iohanna alias dicto dominico fuit, ut sibi
visum fuit, cum dictis puellis subtus illam arborem, ad iocandum
et spaciandum, sicut cetere filie. Nec alias deposuit."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur,
etc...",
"Dixit requisitus, quod vidit eam recedere a villa de Greu, et dicebat gentibus : "Ad Deum !" Audivit
enim pluries sibi dici quod relevaret Franciam et sanguinem regalem.
Nec aliud scit."
Super XI° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in dicta patria, etc...", requisitus,
"dixit se nichil scire".
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando lohanna, etc...", requisitus,
"Dixit quod ipso Iohanneta, dum fuit in Novo Castro
semper fuit in comitiva patris et matris ; reddens causam, quia
ipse testis tunc fuit in Novo Castro, cum aliis dicte ville."
Plura nescit. Citatus venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc...
Sources :
- Texte latin : "la rédaction épiscopale du procès de 1455-1456", Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers, 1961
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p.264 à 266.
- Articles du questionnaire
Notes :
* Voir serment Jean Morel.
1 note de J.B.J. Ayroles : "Jean Watterin a travaillé dans la maison de Jacques d'Arc. Ne serait-ce pas le jeune homme qui se prêta au stratagème de la famille pour arrêter Jeanne, et la fit citer devant l'officialité de Toul, afin de la contraindre à tenir de prétendues fiançailles ? La confidence qu'il nous dira avoir reçue de Jeanne n'était-elle pas arrachée par les obsessions dont il a dû la poursuivre ?"
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