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Procès de réhabilitation
V-4 - Déposition de Louis de Coutes |
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Noble et prudente personne Louis de Coutes, écuyer, seigneur de Nouvion et de Rugles (1), âgé de quarante-deux ans environ, témoin produit, reçu, juré et interrogé sur le contenu
des articles présentés en ce procès de nullité, le troisième jour du mois d'avril, après Pâques,
Interrogé d'abord sur le contenu des Ier, IIe,
IIIe et IVe articles, tous les autres étant écartés,
car il ne sait rien sur eux, il dit et déclare sous serment ce qui
suit : l'année où Jeanne vint près du roi, en la ville de Chinon,
lui, témoin, avait alors quatorze ou quinze ans ; il était au
service du sire de Gaucourt et passait son temps avec lui,
qui, était capitaine dudit lieu de Chinon. En ce temps arriva
Jeanne audit lieu de Chinon, en compagnie de deux hommes ;
elle fut conduite au roi ; le témoin qui parle la vit plusieurs fois, qui allait auprès du roi et en revenait ; et on assigna à
Jeanne un logement dans une tour du château du Coudray.
Dans cette tour le témoin resta avec Jeanne, et, pendant
tout le temps qu'elle y fut, il resta continuellement en sa
compagnie, pendant la journée ; mais, de nuit, elle avait des
femmes avec elle. Il se rappelle bien qu'en ce temps, où elle
fut dans ladite tour du Coudray, des hommes de haute condition vinrent plusieurs jours pour s'entretenir avec Jeanne ;
mais ce qu'ils faisaient ou disaient, il l'ignore, car toujours,
quand il voyait arriver ces hommes, le témoin se retirait ;
il ne sait qui étaient ces hommes.
Il dit en outre qu'en ce temps où Jeanne et lui se trouvaient
dans la tour, il la vit souvent à genoux, priant, à ce qu'il
lui semblait ; il ne put cependant saisir ce qu'elle disait, bien
qu'elle pleurât parfois. Ensuite Jeanne fut conduite en la
ville de Poitiers, puis ramenée en la ville de Tours, dans la maison d'une dénommée Lapau ; là le duc d'Alençon donna à Jeanne un cheval, que le témoin vit dans la maison de
cette Lapau. En cette ville de Tours, on dit et ordonna au
témoin d'être valet d'armes de Jeanne avec un certain Raymond ; et dès lors il fut toujours avec Jeanne, alla avec elle
toujours, en sa charge de valet d'armes, en la servant, tant à Blois qu'à Orléans, et jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus
devant la ville de Paris.
Il dit en outre que Jeanne étant dans la ville de Tours on
lui donna une armure, et elle reçut alors du roi un état. De
la ville de Tours elle alla à celle de Blois, avec une compagnie
d'hommes d'armes du roi, et cette compagnie eut dès lors
grande confiance en elle. Jeanne resta avec les hommes d'armes dans cette ville pendant un certain temps, dont le
témoin ne se souvient pas ; on décida alors de quitter Blois
et d'aller dans la ville d'Orléans par la Sologne ; Jeanne
partit toute armée, avec la compagnie d'hommes d'armes, auxquels elle recommandait toujours d'avoir grande confiance en Dieu et de confesser leurs péchés. Et dans cette
compagnie le témoin vit Jeanne recevoir le sacrement de
l'eucharistie.
Il dit en outre qu'étant arrivés à proximité d'Orléans, du
côté de la Sologne, Jeanne, le témoin et plusieurs autres
furent conduits au-delà de l'eau, du côté de la cité d'Orléans
et de là entrèrent dans la ville. Le témoin ajoute que Jeanne
fut très meurtrie en venant jusqu'à Orléans, car elle avait
couché toute armée la nuit précédant son départ de Blois.
A Orléans Jeanne fut hébergée dans la maison du trésorier (2),
devant la porte Bannier ; et dans cette maison, comme le
vit le témoin, elle reçut le sacrement de l'eucharistie.
Il dit aussi que, le lendemain de son entrée à Orléans, Jeanne
alla voir le seigneur bâtard d'Orléans, et s'entretint avec lui ;
au retour elle était très irritée, car, disait-elle, il avait été
décidé pour ce jour-là de ne pas partir à l'assaut. Néanmoins
elle se rendit à un retranchement, que les gens d'armes du
roi tenaient contre le retranchement des Anglais ; et là Jeanne
parla aux Anglais se trouvant dans l'autre retranchement,
leur disant de s'en aller, au nom du Christ, sinon elle les
chasserait ; un dénommé le bâtard de Grandville lança alors
plusieurs injures à Jeanne, lui demandant si elle voulait
qu'ils se rendissent à une femme, et appelant les Français
se trouvant avec Jeanne « maqueraux mécréants ». Cela fait,
Jeanne revint à son logis et monta dans sa chambre, et le
témoin qui parle croyait qu'elle allait dormir. Mais très peu
après elle descendit et dit ces paroles au témoin : « Ah ! sanglant
garçon, vous ne me diriez pas que le sang de France fût
répandu! », en lui ordonnant d'aller chercher son cheval;
entre-temps elle se fit armer par la maîtresse de maison et sa
fille ; lorsque le témoin revint, ayant préparé son cheval, il
trouva Jeanne déjà armée ; elle dit alors au témoin d'aller
chercher son étendard, qui était resté en haut ; et le témoin
le lui remit par la fenêtre. Ayant saisi son étendard, Jeanne
se précipita vers la porte de Bourgogne ; l'hôtesse dit alors
au témoin de la suivre, ce qu'il fit. Il y avait à ce moment
une attaque, ou escarmouche, du côté de Saint-Loup, et au
cours de cette attaque le retranchement fut pris ; Jeanne
rencontra quelques Français blessés, ce qui l'indigna. Les
Anglais se préparaient à la défensive, lorsque Jeanne arriva en hâte contre eux ; aussitôt que les Français virent Jeanne, ils se mirent à crier et s'emparèrent de la bastille, ou fortin,
de Saint-Loup. Il a entendu dire que certains hommes
d'Église, ayant revêtu leurs habits ecclésiastiques, vinrent au devant
de Jeanne ; celle-ci les reçut, ne souffrit pas qu'on
leur fît le moindre mal et les fit conduire à son logis, les
autres Anglais étant tués par les gens de la ville d'Orléans.
Le soir Jeanne vint pour dîner à son logis ; elle était très
sobre, car plusieurs fois, de toute la journée elle ne mangeait
qu'un morceau de pain ; et on s'étonnait qu'elle mangeât
si peu. Et, quand elle était à son logis, elle ne mangeait que deux fois dans la journée.
Il déclare en outre que le jour suivant, vers la troisième
heure (3) les troupes de notre roi traversèrent la
rivière dans des bateaux pour aller contre la bastille, soit
fortin de Saint-Jean-le-Blanc ; les Français la prirent et de
même la bastille des Célestins (4). Jeanne, accompagnée du témoin, franchit le fleuve Loire avec ces troupes, puis revint dans la ville d'Orléans où elle coucha dans son
logis avec quelques femmes, comme elle avait coutume de le faire ; car toujours la nuit elle avait une femme couchant
avec elle, si elle pouvait en trouver une ; et si elle ne pouvait
en trouver, lors de la guerre et en campagne, elle couchait
tout habillée. Dès le jour suivant Jeanne, contre l'avis de
plusieurs seigneurs estimant que sa décision allait mettre
les gens du roi en grand danger, fit ouvrir la porte de Bourgogne et une petite porte située près de la grosse tour ; puis
elle passa l'eau avec quelques hommes d'armes, pour attaquer la bastille soit fortin du Pont, que tenaient encore les Anglais. Attaquant en ce lieu, les gens du roi y tinrent depuis la première heure (5) jusqu'à la nuit ; là Jeanne fut
blessée, et on lui ôta son armure pour soigner sa blessure ;
aussitôt après avoir été soignée, elle se réarma et alla avec
les autres à l'attaque et à l'assaut, qui se prolongea de la
première heure jusqu'au soir, sans arrêt. Le retranchement
fut enfin pris, et Jeanne, restant toujours avec les hommes
d'armes pour l'assaut, les exhortait à avoir bon courage, à ne pas se retirer, car ils auraient le fortin sous peu ; elle disait,
lui semble-t-il, qu'ils auraient le fortin quand ils verraient
le vent pousser son étendard dans sa direction. Toutefois
vers le soir les gens du roi, voyant qu'ils n'arrivaient à rien,
que la nuit approchait, désespéraient de s'emparer de ce
fortin. Cependant Jeanne persistait toujours, leur promettant
qu'ils auraient sans faute le fortin le jour même. Les gens du roi préparèrent alors un nouvel assaut ; ce que voyant, les
Anglais ne firent aucune défense, mais, terrifiés, furent
presque tous noyés ; et au cours de cette dernière attaque ou dernier assaut les Anglais ne firent aucune défense. Le lendemain tous les Anglais se trouvant autour de la ville partirent pour Beaugency et Meung. L'armée du roi, où se trouvait Jeanne, les suivit ; et là, on se mit d'accord sur la reddition de la ville de Beaugency ou sur le combat. Mais le jour du combat arrivé, les Anglais quittèrent Beaugency, suivis par les gens du roi et Jeanne ; l'avant-garde était conduite par La Hire, ce qui irrita beaucoup Jeanne, car elle désirait beaucoup avoir la charge de l'avant-garde. Les gens du roi firent si bien que La Hire, qui conduisait cette avant-garde, tomba sur les Anglais ; les troupes du roi eurent la victoire et presque tous les Anglais furent tués.
Il déclare aussi que Jeanne était très pieuse, et elle avait
grand pitié de tant de massacres ; en effet une fois un Français, qui conduisait certains prisonniers anglais, frappa l'un
d'eux sur la tête, si fort qu'il le laissa comme mort ; Jeanne
voyant cela descendit de cheval, fit confesser l'Anglais, lui soutenant la tête et le consolant comme elle pouvait. Ensuite, en compagnie des gens du roi, elle alla devant la ville
de Jargeau, qui fut prise d'assaut, et là nombre d'Anglais
furent faits prisonniers, parmi lesquels Suffort et
La Poule. Ensuite, après la levée du siège d'Orléans
et les victoires remportées, Jeanne alla avec les troupes
auprès du roi, alors installé dans la ville de Tours, et on décida que le roi irait à Reims pour le sacre. Le roi partit avec son armée, dans laquelle se trouvait Jeanne, se dirigeant
vers la ville de Troyes, qui se rendit au roi, et de là vers la ville de Châlons, qui pareillement se remit aux mains du
roi ; il alla ensuite à Reims, où notre sire le roi fut couronné
et sacré, en présence du témoin qui parle ; car il était, comme
on l'a dit, valet d'armes de Jeanne et se trouvait toujours avec elle. Et il resta avec elle jusqu'à ce que Jeanne vint
devant la ville de Paris.
Il déclare en outre, autant qu'il a pu en avoir connaissance,
que Jeanne était bonne et honnête femme, vivant en catholique ; elle entendait la messe avec grand plaisir, et jamais ne
manquait de le faire, si cela lui était possible. Elle était fort
courroucée quand elle entendait blasphémer le nom de notre
Seigneur et quand elle entendait quelqu'un jurer ; car, et
il en fut plusieurs fois le témoin, quand le seigneur duc d'Alençon
jurait ou disait quelque blasphème, elle le reprenait ;
et en général personne de l'armée n'aurait osé jurer ou blasphémer devant elle, de peur d'être repris.
Il dit en outre qu'elle ne voulait pas qu'il y eût des femmes
dans l'armée ; une fois en effet, près de la ville de Château-Thierry, voyant une femme, la concubine d'un homme
d'armes, qui était à cheval, elle la poursuivit l'épée dégainée ;
elle ne frappa cependant pas cette femme, mais lui conseilla
avec douceur et bonté de ne plus se trouver en compagnie
des hommes d'armes, sinon elle lui ferait du désagrément.
Le témoin ne sait rien d'autre, car, il l'a dit, à partir du
moment où Jeanne vint devant la ville de Paris, il ne la vit
plus.
Nobilis vir et prudens Ludovicus de Coutes, scutifer,
dominus de Novyon et de Reugles, ætatis XLII
annorum, vel circiter, testis productus, receptus,
juratus et examinatus super contentis in articulis in
processu hujusmodi nullitatis productis, die III. mensis
aprilis, post Pascha.
Et primo, interrogatus de et super contentis in I.,
II., III. et IV. articulis, cæteris omnibus omissis
quia de illis nihil scit : dicit et deponit, ejus medio
juramento, quod, anno quo ipsa Johanna venit apud regem, in villa de Chinon, ipse loquens erat quasi
XIV vel XV annorum, el serviebat et morarn trahebat
cum domino De Gaucourt, qui erat capitaneus dicti
loci de Chinon. Et illo tempore applicuit ipsa Johanna
ad dictum locum de Chinon, associata duobus viris ;
quæ fuit ducta ad regem ; ipseque loquens pluries eamdem
Johannam vidit ire et redire versus regem, et fuit
assignatum eidem Johannæ hospitium in quadam turri
castri du Couldray. In qua quidem turri ipse loquens
mansit cum eadem Johanna, et per tempus quo ibidem
stetit, continue conversando cum ea de die ; sed de
nocte habebat mulieres cum ea. Et bene recordatur
quod, illo tempore quo stetit in dicta turri du Couldray,
per plures dies veniebant homines magni status
locutum cum eadem Johanna ; sed quid faciebant aut
dicebant nescit, quia semper, dum ipse loquens videbat
eosdem homincs accedere, recedebat ; nec scit qui
erant illi homines.
Dicit insuper quod, illo tempore quo ipsa Johanna
et loquens erant in eadem turri, multotiens vidit
eamdem Johannam genibus flexis, ut sibi videbatur,
orantem ; non tamen potuit percipere quid dicebat,
licet aliquando fleret. Et postmodum ipsa Johanna
fuit ducta ad villam Pictavensem, et postmodum reducta
ad villam Turonensem, in domo cujusdam vocatæ
Lapau ; et in quo loco dominus dux Alenconii
dedit eidem Johannæ unum equum, quem vidit loquens
in dicta domo ipsius Lapau. Et in dicta villa
Turonensi fuit dictum et intimatum loquenti quod
ipse esset mango ipsius Johannæ, una cum quodam Raymundo ; et ab illa hora semper stetit cum eadem
Johanna, et ivit semper cum ea, eidem serviendo in
officio mangonis, tam Blesis quam Aurelianis, et usquequo
pervenerunt ante villam Parisiensem.
Dicit insuper quod, ipsa Johanna exsistente in villa
Turonensi, fuerunt eidem Johannæ datæ armaturæ,
et habuit ipsa Johanna tunc statum a rege. Et a villa
Turonensi accessit ad villam Blesensem, in comitiva
virorum armorum regis, et quæ comitiva illotunc
habebat magnam fiduciam in eadem Johanna. Et
stetit ipsa Johanna cum armatis in dicta villa Blesensi per aliqua tempora, de quibus non recordatur ; et
tunc fuit conclusum recedere a villa Blesensi et ire ad
villam Aurelianensem, per latus de la Saulongne ; et
recessit ipsa Johanna armata suis armis, cum coraitiva
armatorum, monendo semper armatos quod haberent
magnam fiduciara in Domino et quod confiterentur
peccata sua. Et in hujusmodi comitiva ipse loquens vidit eamdem Johannam recipere sacramentum
Eucharistiæ.
Dicit insuper quod, ipsis applicatis juxta villam
Aurelianensem, de latere de la Saulongne, ipsa Johanna,
testis loquens, et plures alii fuerunt ducti ultra aquam, de latere civitatis Aurelianensis, et dehinc
intraverunt villam Aurelianensem. Et dicit ipse
loquens quod ipsa Johanna multum fuit læsa veniendo
usque ad villam Aurelianensem, quia ipsa cubuit cum
armis suis, in nocte sui recessus a villa Blesensi. Fuit
autem ipsa Johanna hospitata in villa Aurelianensi, in domo thesaurarii, ante portam Bannier; et in qua domo, ut videtur loquenti, ipsa Johanna recepit
sacramentum Eucharistiae.
Et dicit quod in crastino die, quo intraverunt villam
Aurelianensem, ipsa Johanna ivit versus dominum
bastardum Aurelianensem, et cum eo locuta est,
et in regressu erat multum irata quod, ut dicebat,
fuerat appunctamentum quod pro illa die non iretur
ad insultum. Nihilominus ipsa Johanna ivit ad quoddam
boulvardum quod habebant armati regis contra
boulvardum Anglicorum, et ibidem ipsa Johanna
locuta est cum Anglicis exsistentibus in alio boulvardo,
eisdem dicendo quod recederent in nomine Dei : alias ipsa eos expelleret ; cui Johannæ quidam
vocatus le Bastard de Granville dixit plures injurias,
quærendo ab eadem Johanna si vellet quod se redderent
uni mulieri, vocando Gallicos cum eadem Johanna
exsistentes « maquereaulx mescréans. » His
actis, regressa est ipsa Johanna in suo hospitio et
ascendit in cameram suam, et credebat loquens quod
iret dormitum. Illico et paulo post descendit inferius,
et dixit eidem loquenti ista verba : « Ha, sanglant garson, vous ne me dyriez pas que le sanc de France feust repandu ! » præcipiendo eidem loquenti quod
iret quæsitum suum equum ; et fecit interdum se armari
per dominam domus et ejus filiam, et dum venit
loquens de parando suum equum, invenit eamdem
Johannam jam armatam ; dixitque testi loquenti quod iret quæsitum suum vexillum, quod erat superius ; et
illud tradidit ipse loquens eidem Johannæ per fenestram.
Quo vexillo accepto, ipsa Johanna festinanter
incurrit versus portam Burgundiæ ; et tunc ipsa hospita
dixit loquenti quod iret post eam ; quod et fecit.
Et erat tunc quædam invasio seu escharmouche versus
Sanctum Lupum, et in illa invasione fuit captum
boulvardum, et obviavit ipsa Johanna quibusdam
Gallicis vulneratis, de quo fuit irata. Anglici autem se
parabant ad defensionem, dum ipsa Johanna cum
festinatione ad eos applicuit, et illico quod Gallici viderunt
eamdem Johannam, incepei unt clamare, et fuit
capta bastilda seu fortalitium Sancti Lupi. Et audivit dici
quod quidam viri ecclesiastici assumpserunt indumenta
ecclesiastica, venientes obviam eidera Johannæ ; quos
ipsa Johanna recepit, nec passa est quod eisdem aliquod
malum fieret, et ipsos fecit cum ea adduci ad suum
hospitium, cæteris Anglicis per gentes villæ Aurelianensis
occisis. Et illo sero venit ipsa Johanna coenatum
in suo hospitio ; quæ multum erat sobria, quia
pluries per totam diem non comedit nisi morsum panis
; et mirabatur quod ita modicum comedebat. Et
dum erat in suo hospitio, solum bis in die comedebat.
Dicit insuper quod die sequente, circa horam tertiam,
armati domini nostri regis transiverunt ripariam
in navibus, pro eundo contra bastildam seu fortalitium
Sancti Johannis Albi, et Gallici eamdem ceperunt, et etiam bastildam Coelestinorum; et passavit
ipsa Johanna cum eisdem armatis fluvium Ligeris,
et ipsemet loquens cum ea, et regressi sunt ad
villam Aurelianensem, in qua ipsa Johanna cubuit in
suo hospitio cum aliquibus mulieribus, prout facere
consueverat, quia semper in nocte habebat mulierem
cum ea cubantem, si invenire posset ; et dum non poterat
invenire, quando erat in guerra et campis, cubabat
induta suis vestibus. Die autem postmodum
immediate sequente, ipsa Johanna, contradicentibus
pluribus dominis, quibus videbatur quod ipsa volebat
ponere gentes regis in roagno periculo, fecit aperiri
portam Burgundiæ, et quamdam parvam portam
exsistentem juxta grossam turrim, et passavit aquam
cum aliis gentibus armatis, ad invadendum bastildam
seu fortalitium Pontis, quam adhuc tenebant Anglici.
In quo loco ad invadendum steterunt gentes regis ab
hora prima usque ad noctem, et ibidem ipsa Johanna
fuit læsa et dearmata suis armis, ad eam præparandum
de suo vulnere ; postquam autem fuit præparata, iterum
se armis induit, et ivit cum aliis ad invasionem et
insultum, qui duraverat ab hora primæ usque sero
indesinenter. Et tandem boulvardum fuit captum, ipsa
Johanna semper stante cum armatis ad insultum, eosdem
exhortando quod haberent bonum cor, et quod
non recederent, quia haberent illud fortalitium in
brevi ; dicendo, ut sibi videtur, quod, quando perciperent
quod ventus perduceret vexilla versus fortalitium, quod haberent illud. Et in tantum quod, circa
sero, cum viderent gentes regis quod nihil faciebant,
et quod jam nox erat in propinquo, desperabant de
captione illius fortalitii. Ipsa tamen Johanna semper
persistebat, eisdem promittendo infallenter quod illud
fortalitium illa die haberent. Et paraverunt gentes regis
iterum insultum ; quod videntes Anglici nullam
defensionem adhibuerunt, sed fuerunt perterriti, et fuerunt quasi omnes submersi ; nec fuit ex parte Anglicorum
in illa ultima invasione seu insultu aliqua
defensio. Et in crastino omnes Anglici exsistentes circa
villam recesserunt apud villam de Baugency et villam de Mehun. Quos secuta fuit armata regis, in qua
erat ipsa Johanna ; et ibidem fecerunt compositionem
de reddendo villam de Baugency, aut pugnando. Et
adveniente die pugnæ, recesserunt Anglici a dicta
villa de Baugency ; quos secutæ fuerunt gentes regis,
cum ipsa Johanna ; et habuit l'avant-garde La Hire ; de
quo ipsa Johanna fuit multum irata, quia ipsa multum
affectabat habere onus de l'avant-garde. Ita etiam se
habuerunt gentes regis quod La Hire, qui conducebat
l'avant-garde, percussit super Anglicos, et habuerunt
gentes regis victoriam, fueruntque quasi omnes Anglici
interfecti.
Dicit insuper quod ipsa Johanna erat multum pia, et
habebat magnam pietatem de tanta occisione, quia,
cum quadam vice unus Gallicus duceret certos Anglicos
captivos, ipse qui eos ducebat percussit unum
aliorum Anglicorum in capite, in tantum quod ipsum
reddidit quasi mortuum. Ipsa Johanna hoc videns descendit de equo, et fecit eumdem Anglicum confiteri,
tenendo eum per caput, et consolando eum pro posse.
Postmodum ipsa Johanna, in comitiva gentium regis,
ivit ante villam de Jargeau, quæ fuit in insultu capta,
et ibidem plurimi Anglici captivi, inter quos erant
Suffort et La Poule. Et deinde, post levationem
obsidionis Aurelianensis et victorias obtentas, ipsa
Johanna cum armatis ivit versus regem exsistentem
tunc in villa Turonensi, et fuit conclusum quod rex
iret Remis pro sua consecratione. Et exivit rex cum
suo exercitu, in quo erat ipsa Johanna, tendens ad
villam Trecensem, quæ fuit reddita regi, et dehinc
ad villam Catalaunensem, quæ similiter fuit reducta
in manibus regis ; et deinde ad villam Remensem, in
qua ipse dominus noster rex fuit coronatus et sacratus,
in ipsius loquentis præsentia ; qui erat, ut dictum
est, mango ipsius Johannæ, et cum qua ipse
semper erat. Et stetit cum eade in usque dum ipsa Johanna
venit ante villam Parisiensem.
Dicit insuper quod, quantum de ea habere potuit
notitiam, ipsa Johanna erat bona et proba mulier,
catholice vivens ; quæ multum libenter audiebat missam,
quia nunquam deficiebat ad audiendum missam
si possibile sibi esset. Erat etiam multum irata quando
audiebat blasphemari nomen Domini nostri et quando
audiebat aliquem jurantem ; nam et pluries audivit quod, quando dominus dux Alenconii jurabat aut dicebat aliquid blasphemiæ, ipsa eum reprehendebat ; et generaliter nullusde exercitu coram ea fuisset ausus jurare aut blasphemare, quin fuisset ab eadem reprehensus.
Dicit quod non volebat quod in exercitu essent mulieres,
nam quadam vice, juxta villam Castri-Theoderici,
cum vidisset quamdam mulierem amasiam cujusdam
hominis armorum, quæ erat eques, eamdem
mulierem insecuta est cum gladio evaginato ; quam
tamen mulierem non percussit, sed eam dulciter et
caritative monuit ne se inveniret amodo in societate
armatorum, alias eidem mulieri faceret displicitum.
Nec aliud scit ipse loquens, quia, ut dicit, a tempore
quo ipsa Johanna venit ante villam Parisiensem,
eamdem Johannam non vidit.
Sources :
- Texte original latin : Quicherat - Procès t.III p.65 et suiv.
- Traduction: source Pierre Duparc, t.IV, p. 46 à 51.
Notes :
1. Plus tard beaufrère de Jean Beauharnais, ce bourgeois d'Orléans dont la déposition a été rapportée. Dans le temps qu'il était page de la Pucelle, les gens de guerre lui donnaient le surnom d'Imerguet. (Quicherat)
2. Jacques Boucher.
3. Neuf heures.
4. Augustins.
5. Six heures.
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