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Procès
de réhabilitation
V-1 - 2ème déposition de Martin Ladvenu en 1452 |
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Religieuse et honnête personne, frère Martin Lavenu, prêtre, de l'ordre des frères prêcheurs, qui fut lecteur en théologie dans plusieurs couvents, âgé de cinquante-deux ans ou environ, témoin produit, reçu, juré et entendu ledit jour de mardi, neuvième du mois de mai.
1. Sur le Ier article, il déclare avoir été présent à la plus grande partie du procès de Jeanne, avec frère Jean Le Maistre, alors sous-inquisiteur, et croit véridique ce premier article.
2. Sur le IIe article, il croit qu'il contient la vérité.
3. Sur le IIIe article, il déclare bien savoir que Jeanne fut conduite dans cette cité de Rouen et détenue dans la prison du château de Rouen, et que le procès fut fait et conduit contre Jeanne pour une cause de foi, à la demande et aux frais des Anglais ; mais sur la crainte et les pressions, dont il est fait mention dans l'article, ne sait rien.
4. Sur le IVe article, il déclare avoir vu maître Nicolas de Houppeville conduit à la prison royale, parce qu'il ne voulait pas assister au procès. Pour le reste de l'article ne sait rien de sûr, mais croit qu'une partie des assistants au procès avait peur et une autre était partiale.
5.
6. Sur les Ve et VIe articles, il s'en rapporte aux notaires ; croit cependant qu'ils écrivirent fidèlement ce qu'ils virent et entendirent.
7. Sur le VIIe article, il déclare bien savoir que Jeanne n'eut aucun directeur, conseiller ou défenseur jusque vers la fin du procès, et que personne n'aurait osé se mêler de la conseiller, de la diriger ou de la défendre par peur des Anglais ; et il entendit dire que certains qui allèrent au château, sur l'ordre des juges, pour conseiller ou diriger Jeanne, avaient été durement repoussés et menacés.
8. Sur le VIIIe, il déclare que l'article, dans la forme, contient la vérité.
9. Sur le IXe, pour l'âge, il est d'accord avec l'article ; mais pour sa simplicité, il déclare qu'elle était très ignorante et savait à peine le Pater noster, quoiqu'il l'ait entendue parfois répondre avec foi et sagesse.
10. Sur le Xe article, il déclare qu'il ne sait rien personnellement pour en déposer. Interrogé s'il a su ou entendu dire que quelqu'un serait allé la voir secrètement de nuit, il dépose ainsi : de la bouche même de Jeanne il a entendu qu'un grand seigneur anglais était entré dans sa prison et avait essayé de la violer ; et c'était la raison pour laquelle, à son dire, elle avait repris les vêtements d'homme.
11. Sur le XIe article, il déclare qu'on posait à Jeanne des questions difficiles, qui ne convenaient pas à une telle femme, si simple ; mais pour l'intention de ceux qui l'interrogeaient, n'a rien à déposer.
12. Sur le XIIe article, il déclare assez savoir qu'on la tourmentait beaucoup dans les interrogatoires, qui duraient trois heures ou environ ; on les faisait avant le déjeuner et après. Mais il ignore l'intention de ceux qui l'interrogeaient et leurs fins.
13. Sur le XIIIe article, il déclare ne pas se rappeler avoir entendu au procès, mais il l'a bien entendu de Jeanne même hors du procès, ce qui est contenu dans cet article ou des choses semblables.
14. Sur le XIVe article, il déclare avoir souvent entendu de la bouche de Jeanne qu'elle se soumettait au souverain pontife, demandant qu'on la conduisît à lui.
15. 16. Sur les XVe et XVIe articles, il déclare ne rien savoir et s'en rapporte au procès.
17. Sur le XVIIe, il déclare ne rien savoir.
18. Sur le XVIIe, il déclare bien savoir que le procès fut rédigé et écrit en français. Mais sur la traduction ne sait rien.
19. Sur le XIXe article, il déclare que pour ce qui est du droit il s'en rapporte au droit ; et pour ce qui est du fait il s'en rapporte à ce qu'il a déposé ci-dessus.
20. Sur le XXe, il déclare s'en rapporter aux notaires.
21. Sur le XXIe, il s'en rapporte au droit.
22. Sur le XXIIe, la nullité du procès et de la sentence, il s'en rapporte au droit. Sait cependant qu'elle n'eut pas de défenseurs ou conseillers, bien qu'elle en eût demandé.
23.
Sur le XXIIIe article, il déclare qu'il était évident pour les juges qu'elle s'était soumise à la décision de l'Église et qu'elle était fidèle catholique et pénitente ; et lui qui parle, avec l'autorisation des juges et sur leur ordre, donna le corps du Christ à Jeanne. Il dit en outre qu'elle fut abandonnée, comme relapse, à la justice séculière ; et croit que, si elle avait tenu le parti des Anglais, on n'aurait pas ainsi procédé contre elle.
24. Sur le XXIVe, il déclare être certain que, après son abandon par l'Église, elle fut saisie par des soldats anglais, présents là en grand nombre, sans aucune sentence de juge séculier, et malgré la présence du bailli de Rouen et du conseil de la cour séculière ; il le sait, car il resta toujours avec Jeanne depuis le château jusqu'à la fin ; et il lui administra, lui qui parle, sur l'ordre des juges, les sacrements de pénitence et d'eucharistie.
25. Sur le XXVe article, il déclare que l'article contient la vérité, car il a vu et entendu ce contenu ; et le bourreau soit exécuteur témoigna, en présence de lui qui parle, qu'elle avait été condamnée à mort d'une manière abusive.
26. Sur le XXVIe article, il déclare croire qu'il en fut comme l'article l'indique. Et, interrogé, il ajoute que maître Guillaume Erard, dans le sermon qu'il fit au cimetière de Saint-Ouen de Rouen, s'écria en quelque endroit et dit en effet ces paroles : « O maison de France ! tu as toujours été exempte de monstres jusqu'à présent ; mais maintenant, en adhérant à cette femme, une sorcière, hérétique et superstitieuse, tu t'es déshonorée ! »
27. Sur le XXVIIe article, il déclare que ce qu'il a déposé est vrai et notoire dans cette cité de Rouen et ailleurs.
Religiosus et honestus vir, frater Martinus Ladvenu, presbyter, ordinis Fratrum Prædicatorum, qui in pluribus conventibus fuit lector theologiæ, ætatis LII annorum, vel circa, testis productus et examinatus dicta die martis, nona mensis maii.
Super I. articulo, dicit quod fuit præsens in majori parte processus dictæ Johannæ, cum fratre Johanne Magistri, tunc subinquisitore, et credit ipsum primam articulum esse verum.
Super II. articulo, credit etiam ipsum articulum veritatem continere.
Super III. articulo, dicit quod bene scit quod fuit dicta Johanna adducta ad hanc civitatem Rothomagensem et in carceribus castri Rothomagensis detrusa ;
quodque fuit processus factus et deductus in causa fidei contra eamdem Johannam, ad procurationem et expensis Anglicorum ; de metu vero et impressione de quibus in eodem articulo mentionatur, nihil scit.
Super IV. articulo, dicit quod vidit magistrum Nicolaum de Houppevilla ad carceres regios duci, eo quod nolebat assistere processui. Residuum articuli nescit pro certo, quamvis credat quod pars assistentium in processu timebat, et alia favebat.
Super V. et VI. articulis, se refert notariis ; tamen credit quod fideliter scripserunt ea quæ viderunt et audiverunt.
Super VII. articulo, dicit quod bene scit quod dicta Johanna nullum habuit directorem, consiliarium aut defensorem usque circa finem processus, et quod nullus ausus fuisset se ingerere ad eam consulendum, dirigendum aut defendendum, propter metum Anglicorum ; audivitque dici quod aliqui qui iverunt ad castrum, ex ordinatione judicum, ad consulendum et dirigendum eamdem Johannam, fuerant dure repulsi et comminati.
Super VIII., dicit articulum continere verum, in forma.
Super IX., quoad ætatem, concordat cum articulo ; de simplicitate vero dicit quod erat valde ignorans et vix sciebat Pater noster, quamvis audierit eam quandoque fideliter et prudenter respondentem.
Super X. articulo, dicit quod de se nescit deponere. Interrogatus utrum sciverit vel audiverit quod aliquis accesserit ad eam occulte, de nocte : deponit quod, ex ore ejusdem Johannae audivit quod quidam magnus dominus Anglicus introivit carcerem dictæ Johannæ, et tentavit eam vi opprimere ; et hæc erat causa, ut asserebat, quare resumpserat habitum virilem.
Super XI. articulo, dicit quod fiebant eidem Johannæ difficiles interrogationes, quæ non competebant tali et simplici mulieri ; sed de intentione interrogantium nescit deponere.
Super XII. articulo, dicit quod satis scit quod multum eam vexabant in interrogationibus, durabantque interrogationes per tres horas, vel eo circa ; et fiebant ante prandium et post. De intentione vero interrogantium, et ad quem finem eam sic interrogarent, ignorat.
Super XIII. articulo, dicit quod non recordatur se audivisse in judicio, sed bene audivit, extra judicium, ab eadem Johanna, contenta in eodem articulo, vel consimilia.
Super XIV. articulo, dicit quod sæpe ab ore dictæ Johannæ audivit quod se submittebat Summo Pontifici, et quod duceretur ad eum.
Super XV. et XVI. articulis, dicit quod nihil scit, et se refert ad processum.
Super XVII., dicit quod nihil scit.
Super XVIII., dicit quod bene scit quod fuit processus receptus et conscriptus in gallico. De translatione vero processus nihil scit.
Super XIX. articulo, dicit quod de his quæ sunt juris, se refert ad jus ; et, quoad ea quæ sunt facti, se refert ad ea quæ supra deposuit.
Super XX., dicit quod se refert notariis.
Super XXI. se refert ad jus.
Super XXII., de nullitate processus et sententiæ, se refert ad jus. Bene scit tamen quod non habuit defensores aut consiliarios, quamvis petierit.
Super XXIII. articulo, dicit quod constabat judicibus quod se submiserat determinationi Ecclesiæ, et quod fidelis et catholica atque poenitens erat, quodque, ex licentia et ordinatione judicum, corpus Christi eidem Johannæ ministravit loquens. Dicit ulterius quod fuit derelicta, tanquam relapsa, judici sæculari ; et credit quod, si tenuisset partem Anglicorum, non
fuisset sic contra eam processum.
Super XXIV., dicit quod certus est quod, postquam fuit derelicta ab Ecclesia, fuit capta per Anglicos armatos, ibi in magno numero exsistentes, et absque quacumque sententia judicis sæcularis, quamvis Ballivus Rothomagensis et Consilium. Curiæ sæcularis assisterent ibidem ; et hoc scit quia semper fuit cum eadem Johanna, a loco castri usque ad exitum spiritus ; et ministraverat loquens, ex ordinatione judicum, eidem Johannæ sacramenta Poenitentiæ et Eucharistiæ.
Super XXV. articulo, dicit articulum continere veritatem, quia vidit et audivit contenta in eodem ; quodque tortor seu lictor, ipso loquente præsente, perhibuit testimonium quod tyrannice ipsa passa fuerat mortem.
Super XXVI. articulo, dicit quod credit ita esse sicut articulus continet. Et addit loquens interrogatus, quod magister Guillelmus Erard, in sermone quem fecit in coemeterio Sancti Audoeni Rothomagensis, exclamando in quodam passu, dixit in effectu talia verba : « O domus Franciæ! semper caruisti monstris usque nunc ; sed modo, adhærendo isti mulieri sortilegæ, hæreticæ et superstitiosæ, infamata es ! »
Super XXVII. articulo, dicit deposita per eum esse vera et notoria in hac civitate Rothomagensi, et alibi.
Sources :
- Texte original latin : Quicherat - t.II p.363.
- Traduction: source Pierre Duparc, t.III, p.221 à 224.
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