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Procès de réhabilitation
V-4 - Déposition de Maugier Leparmentier |
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Honnête personne Maugier Leparmentier, clerc non marié, appariteur de la cour archiépiscopale de Rouen, âgé d'environ
cinquante-six ans, antérieurement entendu et, le douzième
jour de mai, entendu et interrogé sur les articles,
Et d'abord sur les Ier, IIe, III et IV articles, il déclare avoir connu cette Jeanne seulement
après qu'elle eût été amenée dans la ville de Rouen ; il la
vit au château de la ville, où le témoin fut mandé avec son
aide, pour mettre Jeanne à la torture. Elle fut interrogée
quelque temps. Elle se comportait avec beaucoup de sagesse
dans ses réponses, si bien que les assistants s'en émerveillaient.
Cependant le témoin et son aide se retirèrent sans avoir
attenté à sa personne.
Sur le contenu des Ve et VIe articles, il déclare
que le procès contre Jeanne fut mené à la demande des
Anglais et par l'évêque de Beauvais ; car, disait-on, elle
avait été prise dans le territoire de Beauvais. Il dit cependant
que cet évêque était très attaché au parti anglais. Il ajoute
que des frères de l'ordre des précheurs eurent beaucoup à
faire, parce qu'ils conseillaient à Jeanne de se soumettre à
l'Église, comme il l'a entendu dire ; et la commune renommée était que tout ce que l'on faisait contre Jeanne était fait
par haine du roi de France et de son parti, et que Jeanne
avait subi une grande injustice.
Sur le contenu des VIIe, VIIIe et IXe articles, il
sait seulement qu'elle était au château dans la grosse tour ; il l'y vit quand il fut mandé, comme il l'a dit, pour la soumettre à la torture, bien qu'il n'en fût rien fait.
Interrogé en outre sur le contenu du XXIIIe au
XXXIIIe article, les autres étant omis, car il n'a rien à en dire, il déclare qu'il fut présent lors de la première prédication faite à Saint-Ouen, et de même à la dernière, faite
au Vieux Marché, le jour où Jeanne fut brûlée ; et le bois
pour la brûler y avait été placé avant même la fin de la prédication et avant le prononcé de la sentence. Et aussitôt
la sentence rendue par l'évêque, sans aucun intervalle, elle
fut conduite au feu ; il n'a pas remarqué qu'une sentence
eût été rendue par un juge laïc, car elle fut aussitôt conduite
au feu ; placée dans ce feu, elle cria plus de six fois « Jésus »
et surtout dans son dernier souffle elle cria à haute voix« Jésus », si bien que tous les assistants purent l'entendre.
Il ajoute que presque tous les assistants pleuraient de pitié.
Il déclare enfin avoir entendu dire que les cendres, après la
crémation, furent recueillies et jetées dans la Seine.
Ne sait rien d'autre sur le contenu desdits articles.
Honestus vir Maugerius Leparmentier, clericus non
conjugatus, apparitor curiæ archiepiscopalis Rothomagensis, ætatis LVI annorum vel circiter, alias examinatus
et, die XII. maii, super articulis recollectus
et interrogatus.
Et primo super I., II., III. et IV. articulis, deponit
quod eamdem Johannam novit a tempore quo fuit
adducta ad villam Rothomagensem, et eam vidit in castro Rothomagensi, in quo loco fuerunt mandati ipse
loquens et suus socius ad ponendum eamdem Johannam
in torturis. Et fuit tunc aliqualiter interrogata.
Quæ multum prudenter in suis responsionibus se habebat,
ita quod assistentes mirabantur. Tandem ipse
loquens et suus socius recesserunt, nec ad ejus personam
attentaverunt.
De contentis in V. et VI., deponit quod processus
contra eamdem Johannam fuit deductus ad instantiam
Anglicorum, et per episcopum Belvacensem ; et, ut
dicebatur, quod fuerat capta in territorio Belvacensi.
Dicit tamen quod ipse episcopus erat multum affectatus
ad partem Anglicorum. Dicit insuper quod quidam
fratres ordinis Prædicatorum habuerunt multa agere
eo quod eidem Johannæ consutebant quod se submit teret Ecclesiæ, prout hoc a pluribus audivit ; et erat
vox communis quod omnia quæ fiebant contra eamdem
Johannam, fuerunt sibi illata in odium regis Franciæ
et partis quam tenebat, et quod eidem Johannetæ fiebat magna injuria.
De contentis in VII., VIII. et IX., scit solum quod
erat in castro, in grossa turri, et ibi eam vidit quando
fuit mandatus, ut prædixit, ad ponendum eam in torturis,
licet non fuerit posita.
Interrogatus insuper de contentis in XXIII. usque
ad XXXIII., aliis omissis, de quibus nihil scit deponere
: super hoc interrogatus, deponit quod ipse fuit
præsens in prima prædicatione facta in Sancto Audoeno
et similiter in ultima prædicatione facta in Veteri
Foro, die qua ipsa Johanna combusta est ; et erant
ibi parata ligna ad eam comburendum, antequam prædicatio
finiretur et antequam sententia proterretur. Et
illico sententia lata per episcopum, sine quocumque
intervallo, fuit ducta ad ignem nec percepit quod aliqua
sententia per judicem laicum fuerit lata ; imo fuit
illico ducta ad ignem ; applicata in quo igne clamavit
plus quam sex vicibus Jhesus! et maxime in ultimo
flatu clamavit magna voce Jhesus! adeo quod ab omnibus adstantibus potuit audiri. Et dicit quod quasi
omnes flebant præ pietate. Dicit etiam quod audivit
dici quod cineres, post ejus combustionem, fuerunt
recollecti et projecti in Sequanam.
Nec aliud scit de contentis in eisdem articulis.
Sources :
- Texte latin original : Quicherat - Procès t.III p.185 et suiv.
- Traduction : Pierre Duparc, t.IV, p.136 & 137.
Notes :
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