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Procès
de réhabilitation
V-2 - Déposition de Nicolas Bailly |
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Honorable personne Nicolas Bailly, d'Andelot, diocèse de Langres, tabellion et substitut royal en la prévôté dudit Andelot, âgé d'environ soixante ans, vingt-neuvième témoin produit dans cette cause d'inquisition, en la cité de Toul, par ledit Jean Dalie (1) (2), le prévôt, devant nous, et par nous et ledit notaire reçu, Juré et interrogé, l'an susdit, le sixième jour du mois de février, requis par serment [...].
A savoir sur le premier des articles de l'interrogatoire, commençant par « Premièrement au sujet du lieu d'origine, etc. », et aussi sur le deuxième article suivant, requis déclara par serment que la Jeanne en question est née à Domremy, dans la paroisse de ce lieu, et son père fut Jacques d'Arc, bon et honnête laboureur, qu'il a vu et connu. Il le sait aussi pour l'avoir entendu relater par plusieurs personnes, car lui, témoin, fut autrefois tabellion commis par sire Jean de Torcenay, chevalier, alors bailli de Chaumont, tenant ses pouvoirs du prétendu roi de France et d'Angleterre, avec un certain Gérard dit Petit, défunt, alors prévôt dudit Andelot, et commis tous deux pour faire une enquête sur le cas de Jeanne la Pucelle, alors détenue, disait-on, dans la prison de la cité de Rouen. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le troisième, commençant par « De même qui furent ses parrains, etc. », requis déclara ne rien savoir.
Sur l'article suivant, le quatrième, commençant par « De même si dans son plus jeune âge, etc. », et aussi sur les cinquième, sixième, septième et huitième articles suivant, à lui exposés avec soin, requis déclara par serment avoir vu plusieurs fois ladite Jeanne dans son jeune âge et jusqu'à son départ de la maison paternelle : c'était et ce fut toujours une bonne fille, de bon comportement, bonne catholique ; elle aimait fréquenter les églises et les lieux saints, allait en pèlerinage à Notre-Dame de Bermont, et presque chaque mois
se confessait, comme il l'a entendu dire par beaucoup des habitants de Domremy ; ce qu'elle était, le témoin l'a découvert aussi par l'enquête qu'il fit avec ledit prévôt d'Andelot. Ne saurait rien ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De même qu'en est-il, etc. », requis déclara par serment avoir souvent entendu dire qu'au printemps ou en été les jeunes filles du village de Domremy ont coutume d'aller aux jours de fête sous cet arbre ; elles y font des rondes et cueillent des fleurs ; ladite Jeanne allait avec elles et faisait comme les autres. Déclara aussi avoir vu une fois ces filles du village, qui revenaient joyeusement de cet arbre. Ne sait rien d'autre sur ce qui est contenu dans l'article.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De même qu'on enquête, etc. », requis déclara ne rien savoir, si ce n'est par ouï-dire.
Sur l'article suivant, le onzième, commençant par « De même si dans ledit pays, etc. », requis déclara par serment que lui, témoin, comme il l'a déjà dit, étant tabellion, fit à l'époque une enquête comme délégué par le susdit sire Jean de Torcenay, bailli de Chaumont, qui avait reçu des lettres de commission du prétendu roi de France et d'Angleterre. Déclara aussi que quand lui et feu le prévôt Gérard firent cette enquête sur Jeanne, ils réussirent grâce à leur diligence à avoir les dépositions de douze ou quinze témoins, pour authentifier l'enquête qu'ils avaient faite devant Simon de Charmes, écuyer, agissant alors comme lieutenant du capitaine de Monteclère ; ils étaient soupçonnés en effet de n'avoir pas fait méchamment cette enquête ; les témoins déclarèrent alors devant le lieutenant avoir déposé comme il est indiqué ou contenu dans l'enquête ; le lieutenant écrivit donc audit Jean, bailli de Chaumont, que ce qui avait été écrit dans
l'enquête par les tabellions et prévôt était vrai ; et lorsque le bailli vit le rapport dudit lieutenant il déclara que ces commissaires étaient des Armagnacs déguisés. Interrogé s'il possède le texte de cette enquête ou une copie, déclara que non. N'ajouta rien à sa déposition.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De même si quand, etc. », requis déclara avoir appris par les témoins de l'enquête, lorsqu'il fut commis à cet effet, que Jeanne s'enfuit une fois avec père et mère à Neufchâteau et, toujours en la compagnie de son père, y resta dans la maison d'une certaine la Rousse pendant trois ou quatre jours, puis revint avec ses père et mère au village de Domremy. Ne sait rien d'autre.
N'en sait pas plus. Cité il est venu, et a déposé sans passion ni haine, sans être sollicité ni payé, sans partialité. Et il lui fut enjoint, etc.
Honorabilis vir Nicolaus Bailly,
de Andeloco, lingonensis diocesis, tabellio regalis ac substitutus
regalis, in prepositura predicti loci de Andeloco, etatis LX annorum,
vel circa, vicesimus nonus testis, in huiusmodi inquisicionis causa,
in civitate tullensi, per dictum lohannem Dalie, prepositum, coram
nobis productus, et per nos et dictum notarium receptus, iuratus
et examinatus, anno predicto, die sexta mensis februarii, requisitus,
per suum iuramentum [ ...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum, sive interrogatoriorum, articulo,
incipiente : "Primo, de loco originis, etc..." ; eciam
super II° sequente articulo, requisitus,
"Dixit per suum iuramentum, quod Iohanna articulata
fuit oriunda de Dompno Remigio et parrochia eiusdem loci ; fuitque
eius pater Iacobus Darc, bonus et probus laborator, prout
vidit et cognovit. Scit eciam ex auditu et relacione plurium, quia
testis loquens alias fuit tabellio commissus ex parte domini Iohannis
Torcenay, militis, tunc baillivi Calvimontis, potestatem
habentis ab asserto rege tunc Francie et Anglicorum, una cum quodam
Gerardo, dicto Petit, quondam, tunc preposito dicti loci
de Andeloco, ad faciendam informacionem super facto dicte Iohanne
dicte to Pucelle, tunc, ut dicebatur, in carceribus in civitate
rothomagensi detente. Nec aliud scit de contentis in eisdem articulis."
Super III° sequente articulo, incipiente : "Item, qui
fuerunt eius patrini, etc...", requisitus,
"Dicit se nichil scire."
Super IV° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in primitiva etate, etc..." ; eciam super V°, VI°,
VII° et VIII° sequentibus articulis, sibi diligenter expositis,
requisitus,
"Dixit per dictum suum iuramentum, quod vidit pluries
dictam Iohannam, in sua iuvenili etate, et usque ad recessum a domo
paterna, que erat et fuit bona filia, bone conversacionis, bona
catholica, libenter frequentans ecclesiam et loca sacra. Ibatque
ad ecclesiam de Bermont, in peregrinacionem ; et quasi quolibet
mense confitebatur, ut hec a multis ex habitatoribus dicti loci
de Dompno nemigio dici audivit. Et eciam eam in inquisicione per
eum cum predicto preposito Andeloci facta, pro tali reperiit. Nec
alias sciret deponere."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
fama habet, etc...", requisitus,
"Dixit per dictum suum iuramentum, quod audivit
pluries dici quod, tempore veris et estatis, iuvencule dicte ville
de Dompno Remigio, diebus festivis, solent ire subtus illam arborem.
Ibidem coreant et flores colligunt. Et dicta Iohanneta ibat cum
eis, et faciebat sicut una de aliis puellis. Dixit eciam quod semel
vidit ipsas filias dicte ville redire iocose de illa arbore. Nec
aliud scit de contentis in eodem articulo."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur
de modo, etc...", requisitus,
"Dixit se nichil scire, nisi per auditum."
Super XI° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in dicta patria, etc...", requisitus,
"Dixit per suum iuramentum, quod ipsemet testis
fuit tabellio, ut iam dixit, qui tunc temporis fecit informacionem,
tanquam commissus ex parte predicti domini Iohannis Torcenay,
baillivi Calvimontis, habentis, ut dicebat, licteras commissorias
ex parte asserti regis tunc Francie et Anglorum. Dixit eciam quod,
quando ipse et dictus Gerardus, prepositus quondam, fecerunt dictam
informacionem de dicta Iohanna, propter eorum diligenciam, procuraverunt
habere de examinatis quasi duodecim aut quindecim testes ad testificandum
informacionem, quam fecerunt coram Symone de Chermis scutiffero,
se gerente tunc pro locumtenente capitanei Montis Clari, de ipsa
Iohanna la Pucelle, eo quod ipsi non essent suspicati male
fecisse dictum informacionem. Qui testes, coram tunc dicta locumtenente,
dixerunt testificasse prout in eorum examinacione continebatur.
Et tunc dictus locumtenens rescripsit predicto domino Iohanni, baillivo
Calvimontis, quod illa que scripta erant in illa examinacione, per
dictos tabellionem et prepositum facta, erant vera. Et dum dictus
baillivus vidit relacionem dicti locumtenentis, dixit quod dicti
commissarii erat falsi armignaci.
Interrogatus si haberet illam informacionem, aut eius
copiam, dixit quod non. Nec alias deposuit."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc...", requisitus,
"Dixit quod, dum ipse fecit dictam informacionem,
reperiit per testes dicte commissionis quod, propter armatos, semel
dicta Iohanna, cum patre et matre suis, ad Novum Castrum fugerunt
; et semper fuit in comitiva patris, in domo cuiusdam dicte la
Rousse, per tres aut quatuor dies ; et postea rediit cum eisdem
patre et matre, ad dictam villa de Dompno Remigio. Nec aliud scit.
Plura nescit. Citatus venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc...
Sources
:
- "La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456", Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers, 1961.
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p.288 à 291.
Notes :
1. Jean Du Lys (Jean d'Arc), propre frère de la Pucelle alors Prévôt de Vaucouleurs à cette époque.
2. NDLR : On ne peut que vivement regretter pour l'Histoire de Jeanne d'Arc, que sa famille (ses frères et sa mère) n'aient pu être interrogés lors de cette enquête, de par leur position dans le Procès.
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