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Procès de réhabilitation
V-1 - Déposition de Nicolas Taquel en 1452 |
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Discrète personne, messire Nicolas Taquel, prêtre, recteur soit curé de l'église paroissiale de Basqueville, au diocèse de Rouen, âgé de cinquante deux ans ou environ, juré et entendu le lundi huitième jour du mois de mai.
1. Sur le Ier article, il déclare croire au contenu de l'article au sujet non seulement de cette Jeanne, mais aussi de tous les partisans du seigneur notre roi.
2. Sur le IIe, il déclare croire comme dessus, et la commune renommée dans la cité était conforme.
3. Sur le IIIe article, il déclare que, vers le milieu du procès (1), il fut appelé par les deux notaires du procès pour être présent avec eux, et il vit ladite Jeanne dans la prison du château de Rouen, dans une tour vers la campagne. Et ce procès était fait aux frais du roi d'Angleterre, à ce qu'on disait, mais sur les craintes et les pressions mentionnées dans l'article il n'a rien remarqué.
4. Sur le IVe article, il déclare n'avoir pas remarqué quelque crainte, ni vu les défenses ou les contraintes dont l'article fait mention.
5. Sur le Ve, il déclare n'avoir pas vu ni remarqué les pressions, ni les menaces ou craintes dont il est fait mention dans l'article.
6. Sur le VIe, il déclare n'avoir rien remarqué, comme dessus ; au contraire il lui paraît que les notaires écrivaient fidèlement.
7. Sur le VIIe, il déclare ne pas se souvenir qu'elle ait demandé ou obtenu un conseil, ni qu'on lui en ait procuré un, parce qu'il ne fut pas présent dès le début du procès. Ne sait rien sur le reste de l'article.
8. Sur le VIIIe, il déclare qu'il sait bien que Jeanne était en prison comme dessus ; et il l'a vue quelquefois entravée et non obstant sa maladie ; et il y avait un Anglais qui avait la garde de l'entrée de la chambre ou cachot, sans l'autorisation duquel personne ne pouvait l'approcher, même les juges.
9. Sur le IXe, il déclare qu'il lui semble bien que Jeanne était âgée d'environ dix-neuf ans, d'après son aspect ; elle était ingénue comme une fille de cet âge, parfois parlant bien sur le sujet, et parfois incertaine et ne répondant pas aux questions. Ne sait rien d'autre.
10. Sur le Xe, il déclare avoir entendu dans la ville que les Anglais, de nuit, en l'absence des juges, l'inquiétaient, disant parfois qu'elle mourrait, parfois qu'elle serait tirée d'embarras ; mais ne sait si cela est vrai.
11. Sur le XIe, il déclare qu'il fut présent quand certains juges lui posaient des questions bien difficiles ; elle leur répondait qu'il ne lui appartenait pas de répondre, et qu'elle s'en rapportait à eux. Et quelques-uns des docteurs assistant lui disaient parfois : « Vous avez bien parlé, Jeanne ».
12. Sur le XIIe, il déclare que Jeanne, quelquefois fatiguée par de nombreux interrogatoires, demandait un délai jusqu'au lendemain, et on le lui accordait. Sur le reste ne sait rien.
13. Sur le XIIIe, il déclare avoir entendu plusieurs fois de Jeanne même le contenu de cet article, à savoir qu'elle ne voulait rien dire ni faire contre la foi. Et il croit que cela fut écrit dans le procès.
14. Sur le XIVe, il déclare avoir en effet entendu de ladite Jeanne les paroles contenues dans cet article.
15. Sur le XVe, il déclare ne pas se rappeler avoir vu un Anglais lors de l'audition de ladite Jeanne, excepté le garde ; ne se rappelle pas quelque interdiction prononcée au sujet de ce qui se faisait au procès, quoiqu'on eût interdit d'insérer certaines choses qui, au dire du témoin, ne concernaient pas la cause.
16. Sur le XVIe, il déclare ignorer si ces mots du seizième article furent insérés au procès ; ne se rappelle pas que Jeanne dans tout le procès ait dit refuser de se soumettre au jugement de l'Église, bien qu'il l'ait vue parfois troublée ; et alors, au dire du témoin, les docteurs qui étaient présents la dirigeaient ; et parfois on remettait jusqu'au lendemain.
17. Sur le XVIIe article, il déclare que fut parfois exposé par les docteurs à Jeanne ce qu'était l'Église ; et alors elle disait ce qu'elle croyait et se soumettait au jugement de l'Église. Ne sait rien d'autre du contenu de l'article.
18. Sur le XVIIIe article, il déclare croire que les notaires écrivirent fidèlement, parfois en français, parfois en latin, suivant ce qu'exigeaient le sujet et les paroles prononcées. Pour la traduction, il entendit que maître Thomas de Courcelles fut chargé de traduire le procès du français en latin ; mais ignore si quelque chose fut changé, ajouté ou retranché.
19. Sur le XIXe article, il déclare avoir déposé ci-dessus ce qu'il sait ; pour le reste s'en rapporte au droit.
20. Sur le XXe, il déclare comme dessus.
21. Sur le XXIe, il déclare que le procès mentionne la capture de Jeanne dans le diocèse et le territoire de Beauvais ; pour le reste s'en rapporte au droit.
22. Sur le XXIIe, il répond comme dessus, dans le septième article.
23. Sur le XXIIIe, il déclare qu'il ne fut pas présent lors de la réception du corps du Christ ; mais il fut notoire que Jeanne, avant sa mort, le jour même, reçut le corps du Christ ; et c'est après la réception du corps que le témoin vint dans la chambre où avait lieu l'interrogatoire. De même déclare n'avoir jamais rien remarqué dans Jeanne qui ne fût d'une bonne catholique ; et l'autorisation de recevoir le corps du Christ fut donnée à Jeanne en présence du témoin, bien qu'il n'eût pas été présent à la réception. Et ensuite on lui a dit que, peu avant de venir au lieu du supplice, elle fit de belles et dévotes prières à Dieu, à la bienheureuse Marie et aux saints ; aussi plusieurs personnes présentes en furent touchées aux larmes, et surtout maître Nicolas Loiselleur, promoteur de la cause (2), qui partit de la compagnie de Jeanne en pleurant, et qui, rencontrant une troupe d'Anglais dans la cour du château, fut insulté par eux, menacé et appelé traître ; à ces mots il eut grand peur, et, sans se détourner vers d'autres occupations, il alla voir le sire comte de Warwick pour être protégé ; et si le comte n'avait pas été là, le témoin croit que ledit Loiselleur aurait été tué.
24. Sur le XXIVe, il déclare qu'une fois la sentence rendue, les ecclésiastiques s'en allèrent du lieu où elle avait été prononcée ; et le témoin aussi s'en alla. Et ne sait rien d'autre.
25. Sur le XXVe, il déclare qu'il ne fut pas présent lorsque Jeanne subit le supplice ; mais il entendit que Jeanne était morte pieusement et en catholique, invoquant le nom de Jésus et de la sainte Vierge Marie.
26. Sur le XXVIe, il déclare bien croire que si ladite Jeanne n'avait pas fait la guerre aux Anglais, ceux-ci n'auraient pas procédé contre elle aussi diligemment et durement ; et croit aussi qu'ils désiraient exalter leur parti et abaisser le roi de France.
27. Sur le XXVIIe, il déclare que ce qu'il a dit est vrai, qu'il y a là-dessus rumeur publique et renommée dans la cité de Rouen.
Discretus vir, dominus Nicolaus Taquel, presbyter, rector
seu curatus ecclesiæ parochialis de Basquevilla, Rothomagensis
dioecesis, ætatis quinquaginta duorum annorum, vel circa,
juratus et examinatus die lunæ,
octava mensis maii.
Super I. articulo, dicit quod credit contenta in articulo,
nedum de ipsa, imo etiam de omnibus tenentibus partem domini nostri
Regis.
Super II., dicit quod credit sicut supra, et quod fama vulgaris
civitatis talis erat.
Super III. articulo, dicit quod, circa mediura processus,
fuit vocatus per duos notarios processus ad assistendum cum eis,
et quod vidit eamdem Johannam in carceribus castri Rothomagensis,
in quadam turri versus campos. Et fiebat processus hujusmodi expensis
regis Angliæ, ut dicebatur; sed de metu et impressione, de
quibus fit mentio in articulo, nihil percepit.
Super IV., dicit quod non vidit neque percepit impressionem,
neque minas aut terrores, de quibus in eodem articulo fit mentio.
Super V., dicit quod non percepit, ut supra ; imo sibi
videtur quod notarii fideliter scripserunt.
Super VI. articulo dicit quod non percepit aliquem metum,
nec vidit prohibitiones seu coactiones de quibus in articulo fit
mentio.
Super VII., dicit quod non est memor quod petierit aut habuerit
consilium, aut fuerit sibi oblatum, quia non fuit ab initio processus.
Nec aliud scit de
residuo articuli.
Super VIII., dicit quod bene scit quod dicta Johanna erat
in carceribus, ut supra ; et vidit eam aliquando in compedibus,
et aliquando non obstante infirmitate sua ; et quod erat unus Anglicus
qui habebat custodiam ostii cameræ et carceris, sine cujus
licentia nemo poterat, nec etiam judices poterant, ad eam accedere.
Super IX., dicit quod bene sibi videtur quod dicta Johanna
erat ætatis XIX annorum, vel circa, ex inspectione ejusdem
; quodque erat simplex sicut mulier talis ætatis, aliquando
bene loquens in materia, et aliquotiens varians et ad quæsita
non respondens. Nec aliud scit.
Super X., dicit quod bene audivit per villam quod Anglici
de nocte, in absentia judicum, conturbabant eam, dicendo aliquando
quod moreretur, aliquando quod expediretur ; sed si fuerit verum,
nescit.
Super XI., dicit quod fuit præsens quando aliqui
judicum faciebant ei interrogatoria bene difficilia ; quibus respondebat
quod ad eam non spectabat respondere, et quod ad eos se referebat.
Et aliqui doctorum assistentium aliquando sibi dicebant : «
Vos dicitis bene, Johanna. »
Super XII., dicit quod ipsa Johanna, aliquando attædiata
pluribus interrogationibus, petebat dilationem usque in crastinum
; et concedebatur ei. Super residuo, nihil scit.
Super XIII., dicit quod pluries audivit ab eadem Johanna
contenta in articulo, et quod nollet aliquid dicere aut facere contra
fidem. Et credit hoc scriptum esse in processu.
Super XIV., dicit quod credit audivisse a dicta Johanna,
in effectu, verba contenta in ipso articulo.
Super XV., dicit quod non recordatur vidisse aliquem Anglicum
in examine dictæ Johannæ, nisi dictum custodem ; nec
recordatur de aliqua prohibitione lacta super his quæ faciebant
ad processum, quamvis prohiberentur aliqua conscribi quæ,
judicio loquentis, non faciebant ad causam.
Super XVI., dicit quod nescit quod illa verba decimi
sexti articuli fuerunt inserta in processu, nec recordatur ipsam
Johannam in toto processu dixisse se nolle subjicere judicio Ecclesiæ,
quamvis eam viderit aliquando perturbatam ; et tunc, prout dicit
loquens, doctores, qui ibidem assistebant, dirigebant eam ; et dimittebatur
aliquando usque ad crastinum diem sequentem.
Super XVII. articulo, dicit quod aliquando expositum fait
per doctores dictæ Johannæ quid erat Ecclesia ; et tunc
dicebat quod credebat, et se submittebat judicio Ecclesiæ.
Nec aliud scit de contentis in articulo.
Super XVIII. articulo, dicit quod credit quod notarii fideliter
scripserunt, interdum in gallico, interdum in latino, secundum quod
materia et verba requirebant. Et de translatione, audivit quod magister
Thomas de Courcelles fuit oneratus de transferendo processum de
gallico in latinum ; sed si aliquid fuerit mutatum, additum aut
diminutum, nescit.
Super XIX. articulo, dicit quod supra deposuit quidquid
scit ; et de residuo, se refert ad jus.
Super XX., dicit ut supra.
Super XXI., dicit quod processus habet quod dicta Johanna
fuit capta in dioecesi et territorio Belvacensibus. De residuo se
refert ad jus.
Super XXII., respondit prout supra, in septimo articulo.
Super XXIII., dicit quod non fuit præsens in receptione
corporis Christi, sed fuit notorium quod ipsa Johanna, ante ejus
mortem, eadem die, recepit corpus Christi ; et venit loquens, post
susceptionem, in camera, qua fuerunt interrogationes factæ.
Item, dicit quod nunquam percepit in eadem Johanna quin esset bona
catholica ; fuitque eidem Johannæ data licentia recipiendi
corpus Christi, ipso loquente præsente, licet non fuerit præsens
ad perceptionem. Et postquam fuit sibi dictum, parum antequam veniret
ad locum dicti supplicii, fecit pulchras et devotas orationes ad
Deum, beatam Mariam et Sanctos, unde plures præsentes fuerunt
provocati ad lacrymas, et præsertim magister Nicolaus Loyselleur,
promotor in causa; qui dum flendo recederet a societate dictæ
Johannæ, et obviaret cuidara turbæ Anglicorum exsistentium
in curte castri, increpaverunt eumdem Loyselleur, minando sibi et
vocando eum proditorem ; de quibus verbis valde timuit, et, sine
divertendo ad alios actus, adiit dominum comitem de Warvik, ut præservaretur
; et, nisi fuisset ipse comes, credit ipse loquens quod dictus Loiselleur
fuisset interfectus.
Super XXIV., dicit quod, sententia Ecclesiæ lata, viri
ecclesiastici a loco ubi fuit lata hujusmodi sententia recesserunt
; et ipse loquens etiam recessit. Et nihil aliud scit.
Super XXV., dicit quod non fuit præsens dum passa fuit
supplicium ; sed audivit quod ipsa Johanna pie et catholice obiit,
invocando nomen Jhesu [et] beatæ Mariæ Virginis.
Super XXVI., dicit quod bene credit quod, si dicta Johanna
non portasset guerram Anglicis, non ita diligenter et acriter contra
eam processissent ; et cum [hoc], credit quod tendebant ad exaltationem
partis suæ et depressionem regis Franciæ.
Super XXVII., dicit quod illa quæ dixit vera sunt,
et de illis est publica vox et fama in civitate Rothomagensi.
Sources :
- Texte latin : Quicherat, t.II p.317 à 321.
- Traduction: Pierre Duparc, t.III, p.185 à 189.
Notes :
1 Ayant été institué greffier pour le compte du vice-inquisiteur, il ne fut effectivement admis dans la cause
qu'à partir du 14 mars 1431.
2 Nicolas Loiseleur n'était pas le promoteur du procès. Il s'agissait de Jean d'Estivet. L'un comme l'autre étaient
d'ailleurs deux méprisables personnages.
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