|
Procès de réhabilitation
V-1 - 1ère déposition de Pierre Miget en 1452 |
|
Vénérable et religieuse personne frère Pierre Miget, professeur de théologie sacrée, prieur de Longueville-Giffard, âgé de soixante-dix ans ou environ, juré et entendu ledit mardi, second jour du mois de mai.
1. Sur le Ier article déclare qu'il est véridique et notoire.
2. Sur le IIe article dit que Jeanne fut détenue au château de Rouen. Interrogé sur la source de cette connaissance,
il dit qu'il l'en vit extraire.
3. Sur le IIIe article, il déclare assez évident, par la conduite du procès, que les Anglais procédèrent plus par un stimulant de haine que par le zèle de la justice ; ils cherchaient à prouver qu'elle était hérétique, pour ainsi déshonorer le roi de France ; et, à ce qu'il croit, c'était leur intention essentielle.
4. Sur le IVe article, il déclare que l'évêque de Beauvais soutenait le parti des Anglais. Et il entendit dire que ladite Jeanne était traitée cruellement dans la prison, qu'elle avait des fers aux pieds comme aux mains ; cela cependant il ne l'a pas vu, quoiqu'il eût aperçu Jeanne lors d'un interrogatoire. Il dit en outre que si elle n'avait pas été dangereuse pour les Anglais, elle n'aurait jamais été traitée ainsi et condamnée ; mais ceux-ci la craignaient plus qu'une grande armée.
5. Sur le Ve, il déclare que pour la compétence du juge il s'en rapporte au droit ; dit cependant qu'elle n'était pas originaire du diocèse de Beauvais.
6. Sur le VIe, il déclare qu'en cette Jeanne il ne vit ni n'apprit rien de contraire à la foi ; et la majeure partie de ceux qui virent son exécution la plaignirent, disant qu'on avait procédé contre elle avec la passion de la haine et injustement.
7. Sur le VIIe, il s'en rapporte au procès.
8. Sur le VIIIe, il déclare que dans les réponses de Jeanne il n'a rien vu qui ne fût catholique, si l'on excepte les révélations, qu'elle disait avoir eues de saints et avoir à dire ; mais il entendit d'elle que son coeur était tourné vers Dieu, et qu'elle voulait obéir à Dieu et à l'Église.
9. Sur le IXe, il déclare que les juges saisirent l'occasion de la condamner comme relapse, parce qu'elle avait repris l'habit d'homme qu'elle avait enlevé.
10. Sur le Xe, il déclare que ne désigne pas comme hérétique le fait, pour une femme, de porter un vêtement d'homme ; au contraire, semble-t-il, celui qui pour cette seule raison la déclarerait hérétique devrait être puni de la peine du talion.
11. Sur le XIe, il croit que l'article est véridique.
12. Sur le XIIe, il dit qu'en faveur de ses dépositions il y a la voix publique et la renommée.
Venerabilis et religiosus vir, frater Petrus Migecii, sacræ theologiæ professor, prior de Longavilla-Giffardi, ætatis septuaginta annorum, vel eo circa, juratus et examinatus dicta die martis, secunda mensis maii.
Super I. articulo, dicit articulum esse verum et notorium.
Super II. articulo, dicit quod ipsa Johanna fuit detenta infra castrum Rothomagense. Interrogatus de causis scientiæ, dicit quod vidit eam extrahi.
Super III. articulo, dicit quod, per deductionem
processus, satis constat quod Anglici magis procedebant
ex odii fomite quam zelo justitiæ, et quærebant
eam probare hæreticam ut infamarent ad hoc dominum
regem Franciæ ; et, ut credit, erat eorum potissime
intentio.
Super IV. articulo, dicit quod episcopus Belvacensis
fovebat partem Anglicorum. Et audivit dici quod
dicta Johanna dire tractabatur in carceribus, et quod
habebat ferra tam in pedibus, quam in manibus ; hoc tamen non vidit, quanquam in examine eam viderit. Dicit præterea quod, nisi fuisset nociva Anglicis, nunquam fuisset sic tractata aut condemnata, cum timerent eam plus quam magnum exercitum.
Super V., dicit quod, de competentia judicis se refert
ad jus ; tamen dicit ipsam non fuisse oriundam
de dioecesi Belvacensi.
Super VI., dicit quod in ipsa Johanna non vidit aut
novit aliquid quod esset contra fidem, quodque major
pars illorum qui viderunt exsecutionem ejus, eam lamentabantur,
dicentes quod esset contra eam ex odii
fomite et injuste processum.
Super VII. articulo, se refert ad processura.
Super VIII., dicit quod in responsis ipsius Johannæ
non novit aliquid quod non esset catholicum, præter
illas revelationes, quas dicebat se habuisse a Sanctis,
et dictum habere ; sed audivit ab ea quod habebat
cor ad Deum, et ipsi Deo et Ecclesiæ volebat obedire.
Super IX., dicit quod judices sumpserunt occasionem
condemnandi cam tanquam relapsam, ex eo quod
resumpserat habitum virilem, ab ea ablatum.
Super X., dicit quod non reputat esse hæreticum
mulieri deferre habitum virilem ; imo videtur sibi
quod, qui sola illa occasione judicaret illam hæreticam,
deberet puniri poena talionis.
Super XI., credit articulum esse verum.
Super XII., dicit quod, super depositis per eum,
est publica vox et fama.
Sources :
- Texte orignal latin : Jules Quicherat, t.II, p.300 à 302.
- Traduction: Pierre Duparc, t.III, p.173 à 174.
|