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Procès
de réhabilitation
V-4 - Déposition de Pierre Milet. |
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Pierre Milet, clerc soit greffier de l'élection de Paris (1), âgé
d'environ soixante-douze ans, témoin produit, reçu, juré et par nous interrogé, en présence desdits sous-inquisiteur et notaire, le onzième jour du mois de mai,
Et d'abord interrogé sur le contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles produits en cette cause, il déclare sous serment qu'il fit la connaissance de cette Jeanne la Pucelle seulement au moment du siège mis par les Anglais devant la ville d'Orléans, ville où se trouvait le témoin avec les autres assiégés. Pendant cette période Jeanne se tint à Orléans et fut logée dans la maison de Jacques Bouchier ;
elle y vivait avec sagesse, saintement et sobrement et de la
manière la plus honnête, entendait la messe chaque jour
avec grande dévotion, recevait très souvent le sacrement
de l'eucharistie.
Dit en outre que peu après son arrivée à Orléans, elle
envoya des messagers aux Anglais qui mettaient le siège, les somma par écrit et leur fit parvenir une petite lettre bien
simplement rédigée ; le témoin en a lu le contenu, qui notifiait aux Anglais la volonté de Dieu, en ces mots, suivant son langage : « Messire vous mande que vous en alliez en votre
pays; car c'est son plaisir, ou sinon je vous ferai un tel hahay... » (2)
A propos de la prise de la bastille ou fortin de Saint-Loup,
il déclare que Jeanne dormait dans la maison de son hôte,
lorsque, s'éveillant subitement, elle dit que ses gens avaient à faire ; elle se fit armer et sortit de la ville, et fit proclamer
que personne ne devait prendre des biens de l'église.
Pour la bastille du pont il dépose de la même façon que
sa femme.
Dit en outre que Jeanne reprenait ceux des délinquants
qu'elle connaissait, et surtout les gens d'armes quand ils
blasphémaient ou juraient, ou disaient quelque blasphème.
Elle renvoyait aussi les femmes qui étaient avec les hommes
d'armes, et leur faisait beaucoup de menaces, pour les obliger à quitter ces hommes d'armes.
Il croit fermement que ses œuvres et ses faits tenaient
plutôt du divin que de l'humain. Il a aussi entendu le sire
de Gaucourt et d'autres capitaines dire qu'elle était très
savante en matière de faits d'armes ; et chacun admirait son habileté.
Ne sait rien d'autre.
Petrus Milet, clericus seu grapharius Electorum Parisiensium, ætatis LXXII annorum, vel circiter, testis productus, receptus et per nos juratus et examinatus, in præsentia dictorum subinquisitoris et notarii, die XI. mensis maii.
Et primo, interrogatus de contentis in I., II., III.
et IV. articulis articulorum in hac causa productorum :
deponit, ejus medio juramento, quod de eadem Johanna
la Pucelle solum habuit nolitiam durante obsidione
posita per Anglicos ante villam Aurelianensem, in qua
villa ipse loquens cum aliis erat obses. Et illo tempore
durante, ipsa Johanna applicuit Aurelianis, et
fuit hospitata in domo Jacobi Bouchier, in qua domo
juste, sancte et sobrie et cum maxima honestate frequentabat,
missam quotidie devotissime audiebat, recipiebat
sæpissime sacramentum Eucharistiæ.
Dicit ulterius quod paulo post accessum suum Aurelianis,
ipsa misit ad Anglicos tenentes obsidionem ante villam, et eos summavit in scriptis, et misit quamdam
schedulam bene simpliciter factam, quam legit
ipse loquens, quæ in effectu continebat quod ipsa notificabat
Anglicis quod voluntas Dei erat, dicendo ista
verba in suo idiornate : « Messire vous mande que vous en aliez en vostre pays ; car c'est son plaisir, ou sinon je vous feray ung tel hahay..».
De captione bastiliæ seu fortalitii Sancti Laudi, deponit
quod ipsa erat dormiens in domo sui hospitis, et
illico evigilans se, dixit quod gentes habebant se agere ;
et fecit se armari, et exivit villam, fecitque proclamari quod nulli acciperent in ecclesia bona.
Et pariformiter deponit de bastilia Pontis sicut uxor
sua.
Dicit ulterius quod ipsa reprehendebat illos quos
cognoscebat delinquentes, et maxime armatos quando
blasphemabant vel jurabant, aut blasphemias aliquas
dicebant. Repellebat etiam mulieres quæ cum armatis erant, et plures minas eis inferebat ut recederent ab
armatis.
Et credit firmiter quod ejus opera et facta potius fuerunt
divinitatis quam humanitatis. Audivit etiam dici
a domino de Gaucourt et aliis capitaneis quod ipsa erat
multum docta in armis ; et mirabantur singuli de sua
industria.
Nec aliud scit.
Sources :
- Texte original latin : Quicherat - Procès t.III p. 125 et suiv.
- Traduction: Pierre Duparc, t.IV, p.89 et 90.
Notes :
1. Clerc ou greffier des Elus de Paris.
2. Phrase restée inachevée dans tous les manuscrits.
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