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Procès de réhabilitation
V-1 - 1ère déposition d'Ysambard de La Pierre en 1452 |
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Frère Bardin de La Pierre, de l'ordre des frères prêcheurs, âgé de cinquante cinq ans ou environ, juré et entendu le mercredi, troisième jour du mois.
1. Sur le Ier article, il dit qu'il est véridique, car il la vit captive aux mains des Anglais.
2. Sur le IIe article déclare qu'il est véridique, car il la vit dans la prison du château de Rouen, dans une pièce
assez obscure, parfois enchaînée et entravée.
3. Sur le IIIe article, il déclare, vu le procès et tout le reste fait pendant le procès, croire et juger que les Anglais agissaient par haine et rancune contre elle et ne cherchaient rien d'autre que sa mort. Dit de même qu'il assista à la première prédication faite par maître Guillaume Erard ; celui-ci prit comme thème : « Le sarment ne peut donner de fruit s'il ne reste attaché à la vigne », déclarant qu'en France il n'y avait jamais eu de monstre pareil à cette Jeanne, qu'elle était adonnée aux sortilèges, hérétique, schismatique, que le roi en la soutenant était semblable et voulait visiblement recouvrer son royaume grâce à une telle femme hérétique. En outre croit que ses adversaires furent poussés, entre autres, par le désir de déshonorer la majesté royale.
4. Sur le IVe article, il déclare que l'évêque de Beauvais tenait le parti des Anglais ; croit que cet évêque au début du procès ordonna de la tenir entravée et désigna lui-même les Anglais pour la garder, interdisant que personne ne pût lui parler sans son autorisation, ou celle du promoteur appelé Benedicite.
5. Sur le Ve article, il déclare avoir entendu que ledit évêque installa ici son ressort ; mais elle fut prise dans le ressort de cet évêque. Pour le reste s'en rapporte au droit.
6. Sur le VIe article, et pour sa première partie, il déclare croire que Jeanne était bonne et vraie catholique, parce que lui qui parle fut avec elle à son dernier jour : dans les flammes elle avait toujours à la bouche Jésus, disait qu'elle n'était ni hérétique, ni schismatique, comme on le lui reprochait dans un libelle qui lui avait été remis ; et elle supplia le témoin, au moment où le feu serait allumé, de venir avec la croix et de la lui présenter ; ce qu'il fit. Et ensuite elle cria Jésus ; aussi les assistants furent portés aux larmes.
7. Sur le VIIe article, il déclare qu'au cours du procès elle a dit beaucoup de choses ; quand elle parlait du royaume et de la guerre, elle paraissait mue par le Saint Esprit ; mais, quand elle parlait de sa personne, elle imaginait parfois ; en tout cas il ne croit pas que pour ses dits elle devait être condannée comme hérétique. Sur le reste s'en rapporte au procès.
8. Sur le VIIIe article, il déclare que l'évêque lui demanda une fois si elle voulait se soumettre à l'Église ; elle répondit : « Qu'est-ce que l'Église ? Quant à vous, je ne veux pas me soumettre à votre jugement, car vous être mon ennemi mortel. » Ensuite le témoin lui ayant dit qu'il se tenait un concile général, auquel assistaient de nombreux prélats, même de son parti, elle répondit qu'elle se soumettait à ce concile. L'évêque entendant ce propos dit au témoin de se taire, au nom du diable. En outre le témoin se plaignit que l'évêque refusait qu'on inscrivît ce qu'elle disait pour sa défense ; mais ce qu'on faisait contre elle, il voulait qu'on l'inscrivît. On lui demanda si elle voulait se soumettre au jugement du pape ; elle répondit qu'on la conduisît au pape et qu'elle serait contente.
9. Sur le IXe, il déclare qu'elle fut jugée relapse parce qu'elle avait repris un habit d'homme.
10. Sur le Xe, il déclare qu'il ne jugerait pas hérétique une femme parce qu'elle aurait revêtu un habit d'homme. En outre dit qu'après son abjuration elle revêtit un habit de femme et demanda d'être conduite dans une prison d'Église ; cela ne lui fut pas accordé. Bien plus, comme il l'apprit de Jeanne même, un personnage ayant grande autorité essaya de la violer ; aussi c'est pour être plus capable de résister qu'elle reprit un vêtement d'homme déposé avec préméditation près d'elle. De même, après avoir repris ce vêtement, il vit et entendit l'évêque, transporté de joie, avec d'autres Anglais, dire devant tous, devant le sire de Warwick et les autres : « Elle est prise ».
11. Sur le XIe article, il déclare croire ce que contient l'article.
12. Sur le XIIe, il déclare que pour la capture, la prédication, la condamnation, l'exécution, l'invocation du nom de Jésus, il y eut et il y a renommée publique.
Frater Bardinus de Petra, ordinis Fratrum Prædicatorum, ætatis quinquaginta quinque annorum, vel circa, juratus et examinatus die mercurii, tertia maii.
Super I. articulo, dicit ipsum articulum esse verum,
quia vidit eam captam in manibus Anglicorum.
Super II. articulo, dicit ipsum articulum esse verum,
quia vidit eam in carceribus castri Rothomagensis, in quadam camera
satis tenebrosa, ferratam et compeditam aliquando.
Super III., dicit quod, viso processu et aliis quæ
gesta fuerunt in processu, ipse credit et judicat quod ipsi Anglici
ex odio et rancore processerunt adversus eam, et nihil aliud quæsiverunt
nisi mortem ejus. Item dicit quod ipse fuit in prima prædicatione
facta per magistrum Guillelmum Erardi, qui cepit pro themate : «
Palmes non potest facere fructum, nisi manserit in vite »,
dicendo quod in Francia nunquam fuerat tale monstrum, sicut tunc
de eadem Johanna erat, quæ erat sortilega, hæretica,
schismatica, et quod Rex qui fovebat illam, talis erat, et quod
vellet recuperare regnum per talem mulierem hæreticam. Et
propterea credit quod fuerunt moti, inter alia, causa infamandi
majestatem regiam.
Super IV. articulo, dicit quod episcopus Belvacensis
tenebat partem Anglicorum ; et credit quod ipse episcopus, dum incepit
processum, jussit eam teneri in compedibus, et ipse episcopus Anglicos
ad custodiendam eam deputavit, prohibuitque idem episcopus quod
nullus loqueretur cum ea, nisi de licentia ipsius, aut promotoris,
vocati Benedicite.
Super V. articulo, dicit quod ipsemet audivit quod dictus
episcopus accommodavit hic territorium ; sed fuit capta in territorio
ipsius episcopi. De aliis se refert ad jus.
Super VI. articulo, dicit, pro prima parte articuli,
se credere quod ipsa Johanna erat bona et vera catholica, quia ipse
loquens fuit cum ea in fine dierum, inter flammas, et in ore ejus
habuit semper JHESUS, dicebatque quod non erat hæretica neque
schismatica, prout sibi imputabatur in libello sibi tradito ; supplicavitque
loquenti quod, accenso igne, descenderet loquens cum cruce quam
sibi exhiberet : quod ita fecit. Et post, loquendo exclamabat Jhesum
; unde assistentes fuerunt provocati ad lacrymas.
Super VII. articulo, dicit quod in processu, ipsa multa
dicebat ; et, quando loquebatur de regno et guerra, videbatur mota
a Spiritu Sancto ; sed dum loquebatur de persona sua, fingebat plura
; sed non credit quod illa quæ dicebat deberent eam condemnare
hæreticam. Super residuo, se refert ad processum.
Super VIII., dicit quod ipse episcopus aliquando interrogavit
eam si vellet se submittere Ecclesiæ ; quæ respondebat
: « Quid est Ecclesia ? Quantum est de vobis, nolo me submittere
judicio vestro, quia estis inimicus meus capitalis ». Et deinde,
postquam per loquentem fuit sibi dictum quod celebrabatur Concilium
generale, in quo assistebant plures prælati, etiam de parte
sua, respondit quod se submittebat ipsi Concilio. Quo audito fuit
dictum ipsi loquenti, per ipsum episcopum, quod taceret in nomine
diaboli. Et ulterius conquerebatur quod ipse cpiscopus nolebat quod,
illa quæ faciebant pro excusatione sua, scriberentur ; sed
ea quæ contra eam faciebant volebat scribi. Fuitque interrogata
an vellet se submittere judicio Papæ ; quæ respondit
quod duceretur ad eum, et quod erat contenta.
Super IX., dicit quod judicata fuit relapsa quia resumpsit
habitum virilem.
Super X., dicit quod non judicaret aliquara mulierem
hæreticam ex eo quod induat habitum virilem.Et ulterius dicit
quod, postquam revocavit, induit habitum muliebrem, et petiit duci
ad carceres Ecclesiæ : quod non fuit sibi permissum. Imo,
sicut ab eadem Johanna audivit, fuit per unum magnæ auctoritalis
tentata de violentia ; propter quod, ut illa esset agilior ad resistendum,
dixit se habitum virilem, qui in carcere fuerat juxta eam caute
dimissus, resumpsisse. Item quod, post resumptionem dicti habitus,
vidit et audivit dictum episcopum, cum aliis Anglicis, exsultantem
et dicentem, palam omnibus, domino de Warvik et aliis : «
Capta est ! »
Super XI. articulo, dicit quod credit sicut in articulo
continetur.
Super XII., dicit quod [de] captione, prædicatione,
condemnatione, exsecutione, invocatione nominis Jhesu, fuit et est
publica vox.
Sources :
- Texte original latin : Quicherat - t.II p.302.
- Traduction: Pierre Duparc, t.III, p.174 à 176.
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