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24 novembre 2024  

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par Henri Wallon

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Le manuscrit d'Orléans

n 1787, L'Averdy, au nom de la science, prie ses correspondants de lui communiquer toutes les pièces originales qu'ils pourraient lui communiquer et particulièrement la "minute" du procès de condamnation. Il fit lui-même des recherches à Paris, Londres, Rome, Rouen.
   C'est L'Averdy lui-même qui remis au goût du jour le fameux manuscrit de "d'Urfé" qui, en fait, avait déjà fait l'objet de copies dans le passé mais retomba dans l'oubli.
  Néanmoins d'Orléans, un certain M. Laurent annonçait une copie de la minute française contenue dans un manuscrit de la bibliothèque de la cathédrale. Avant de parler de ce manuscrit, il convient de dire que cet ouvrage avait déjà été dans le passé la source d'autres auteurs, notamment une chronique de Normandie qui, transcrite en 1522, s'inspirait déjà de ce manuscrit d'Orléans. Un certain M. Léon Tripault en 1576 connaissait aussi ce livre... déjà amputé de ses premiers feuillets. Paul Doncoeur estime cet ouvrage aux environ de l'an 1500, en tout cas entre 1498 et 1515.

Voici ce que contient cet ouvrage : une abbréviation des chroniques de la vie de Jeanne la Pucelle, la "déduction" du procès de condamnation et enfin un abrégé sommaire du procès de condamnation.

  Ce manuscrit existait dans la bibliothèque de la cathédrale d'Orléans. C'est la deuxième partie de cet ouvrage qui est bien sûr la plus intéressante. Le baron de Breteuil demandat un supplément d'information. Il fit écrire au doyen de l'Eglise d'Orléans "pour l'engager à lui donner une connaissance détaillée de ce manuscrit, afin de pouvoir mettre le Comité en état de juger s'il était nécessaire d'en faire une vérification expresse."
   Le doyen du Chapitre a répondu au ministre à propos de ce manuscrit, il en fait une description purement matérielle. M. Laurent, qui ajouta ses propres observations, porte un jugement catégorique sur la nature du document inséré dans le manuscrit : "Ce n'est point à proprement parler le procès de cette héroïne, c'est un abrégé de ses faits et gestes composé par ordre de Louis XII et de l'amiral de Graville. Les deux procès... font, il est vrai, partie du manuscrit. Mais ils sont l'un et l'autre incomplets ; le procès est plutôt rapporté en forme historique qu'en forme judiciaire..." et ajoute : "le texte français du manuscrit est dans le style naturel, et non dans le style gêné d'un traducteur ; ... mais l'examen soigneux du manuscrit prouve qu'il ne contient autre chose qu'une espèce de version historique du latin arrangée au gré de l'auteur."
  L'abbé Cédule d'abjuration de St Ouen dans le manuscrit d'OrléansMoutié ayant travaillé avec M. Laurent sur ce manuscrit pensait différemment et soupçonnait que le manuscrit du Chapitre contenait la minute française du procès. Il faut noter que personne à Orléans à cette époque ne connaissait le manuscrit de d'Urfé. Si la partie de la minute que celui-ci contient (à partir du 3 mars, une copie du texte français des interrogatoires), avait pu être comparée avec celle du ms d'Orléans les plus sceptiques auraient été convaincus de l'authenticité du ms d'Orléans.
Il semble que, sur l'avis de Mr Laurent, ou du fait des circonstances politiques, le baron de Breteuil ne donna pas suite à l'enquête. Quant à L'Averdy, il se rallia sans doute à l'avis de ce Mr Laurent. ll n'a pas examiné lui-même le manuscrit d'Orléans.
  L'abbé Dubois, connu pour de nombreux travaux sur la Pucelle d'Orléans, revint sur la question et fit copier, en 1821, le manuscrit d'Orléans et, comme l'abbé Moutié qu'il connaissait bien, il est convaincu que le manuscrit contient une copie de la minute française.
  En 1827, Buchon publia dans sa Collection des chroniques nationales françaises, au t. IX des Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet, (p. 1-119) toute la partie du manuscrit relative au procès de condamnation, suivie (p. 191-220), de la dissertation de Dubois de 1821. Buchon évite de prendre parti et souligne cependant "tout l'intérêt que doit offrir l'ensemble".
  Mais c'est surtout Jules Quicherat qui dans une analyse trop sommaire et trop rapide donnera mauvaise réputation au manuscrit d'Orléans. Cet avis fera trop longtemps autorité, y compris auprès des auteurs suivants. Reprenons ici l'analyse de Paul Doncoeur : "Quicherat avance que le doyen du Chapitre (Dauteroche de Talsy) d'abord frappé du style naturel des interrogatoires, n'y vit ensuite "qu'une espèce de version historique arrangée au gré de l'auteur." En quoi il prête par erreur au doyen d'Orléans les vues de Laurent." En fait Jules Quicherat juge la minute française du ms d'Orléans comme une copie de la minute du manuscrit de d'Urfé, complété pour les séances du 21 février au 3 mars d'une mauvaise traduction de l'officiel latin. Pierre Champion ira dans le même sens que Quicherat en 1920 et adoptera le manuscrit de d'Urfé mais pas celui d'Orléans.
  Le principal argument de Champion étant le début de l'ouvrage : "Cy commence la déduction du procès faict par Monseigneur Pierre Cauchon, évêque et comte de Beauvais, en matière de la foy, contre une femme nommée Jehanne, vulgairement appelée la Pucelle, translatée de latin en françois par le commandement du roy Louis douziesme de ce nom, et à la prière de Monseigneur l'admiral de Graville." Pierre Champion dira : "qu'aux yeux de tout critique, cette rubrique devrait suffire". Elle est troublante pour qui n'a pas examiné de près les textes (P.Doncoeur). Les témoignages et le manuscrit d'Urfé mentionnent tous que la minute est partie en latin (compte-rendu de séance) et partie en français (interrogatoires). Le manuscrit d'Urfé se présente d'ailleurs ainsi.
  Le rédacteur du manuscrit d'Orléans a donc "translaté" ce qui était à "translater" c'est à dire les parties latines et n'a fait que transcrire les parties déjà en français. L'analyse critique de cette minute par Paul Doncoeur dans son ouvrage "La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle" ne laisse aucun doute quant à la validité des "minutes" du procès de condamnation de Jeanne. La source est la même que les "minutes" contenues dans le Manuscrit d'Urfé, et sans doute le rédacteur du ms d'Orléans a fait une copie de ces minutes dans le manuscrit d'Urfé à une époque où il était encore complet.
  D'autre part, Paul Doncoeur a aussi trouvé une sentence finale du procès en nullité de la condamnation dans une version radicalement différente de la sentence contenue dans les trois exemplaires officiels dudit procès de 1456. Quicherat et Champion n'en parle pas n'ayant jamais lu ce manuscrit d'Orléans.



Source : "La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle" de Paul Doncoeur - 1952 et "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion - tome I - 1920.

Illustration :
- Page du manuscrit dit d'Orléans - texte de la cédule d'abjuration de Jeanne à St Ouen (La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle" de Paul Doncoeur - 1952
).



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