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Le
manuscrit d'Orléans |
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n
1787, L'Averdy, au nom de la science, prie ses correspondants de
lui communiquer toutes les pièces originales qu'ils pourraient
lui communiquer et particulièrement la "minute"
du procès de condamnation. Il fit lui-même des recherches
à Paris, Londres, Rome, Rouen.
C'est L'Averdy lui-même qui remis au goût
du jour le fameux manuscrit de
"d'Urfé" qui, en fait, avait déjà
fait l'objet de copies dans le passé mais retomba dans l'oubli.
Néanmoins d'Orléans, un certain M. Laurent
annonçait une copie de la minute française contenue
dans un manuscrit de la bibliothèque de la cathédrale.
Avant de parler de ce manuscrit, il convient de dire que cet ouvrage
avait déjà été dans le passé
la source d'autres auteurs, notamment une chronique de Normandie
qui, transcrite en 1522, s'inspirait déjà de ce manuscrit
d'Orléans. Un certain M. Léon Tripault en 1576 connaissait
aussi ce livre... déjà amputé de ses premiers
feuillets. Paul Doncoeur estime cet ouvrage aux environ de l'an
1500, en tout cas entre 1498 et 1515.
Voici ce que contient cet ouvrage : une abbréviation des
chroniques de la vie de Jeanne la Pucelle, la "déduction"
du procès de condamnation et enfin un abrégé
sommaire du procès de condamnation.
Ce manuscrit existait dans la bibliothèque de
la cathédrale d'Orléans. C'est la deuxième
partie de cet ouvrage qui est bien sûr la plus intéressante.
Le baron de Breteuil demandat un supplément d'information.
Il fit écrire au doyen de l'Eglise d'Orléans "pour
l'engager à lui donner une connaissance détaillée
de ce manuscrit, afin de pouvoir mettre le Comité en état
de juger s'il était nécessaire d'en faire une vérification
expresse."
Le doyen du Chapitre a répondu au ministre à
propos de ce manuscrit, il en fait une description purement matérielle.
M. Laurent, qui ajouta ses propres observations, porte un jugement
catégorique sur la nature du document inséré
dans le manuscrit : "Ce n'est point à proprement
parler le procès de cette héroïne, c'est un abrégé
de ses faits et gestes composé par ordre de Louis XII et
de l'amiral de Graville. Les deux procès... font, il est
vrai, partie du manuscrit. Mais ils sont l'un et l'autre incomplets
; le procès est plutôt rapporté en forme historique
qu'en forme judiciaire..." et ajoute : "le texte
français du manuscrit est dans le style naturel, et non dans
le style gêné d'un traducteur ; ... mais l'examen soigneux
du manuscrit prouve qu'il ne contient autre chose qu'une espèce
de version historique du latin arrangée au gré de
l'auteur."
L'abbé Moutié
ayant travaillé avec M. Laurent sur ce manuscrit pensait
différemment et soupçonnait que le manuscrit du Chapitre
contenait la minute française du procès. Il faut noter
que personne à Orléans à cette époque
ne connaissait le manuscrit de d'Urfé.
Si la partie de la minute que celui-ci contient (à partir
du 3 mars, une copie du texte français des interrogatoires),
avait pu être comparée avec celle du ms d'Orléans
les plus sceptiques auraient été convaincus de l'authenticité
du ms d'Orléans.
Il semble que, sur l'avis de Mr Laurent, ou du fait des circonstances
politiques, le baron de Breteuil ne donna pas suite à l'enquête.
Quant à L'Averdy, il se rallia sans doute à l'avis
de ce Mr Laurent. ll n'a pas examiné lui-même le manuscrit
d'Orléans.
L'abbé Dubois, connu pour de nombreux travaux
sur la Pucelle d'Orléans, revint sur la question et fit copier,
en 1821, le manuscrit d'Orléans et, comme l'abbé Moutié
qu'il connaissait bien, il est convaincu que le manuscrit contient
une copie de la minute française.
En 1827, Buchon publia dans sa Collection des chroniques
nationales françaises, au t. IX des Chroniques d'Enguerrand
de Monstrelet, (p. 1-119) toute la partie du manuscrit relative
au procès de condamnation, suivie (p. 191-220), de la dissertation
de Dubois de 1821. Buchon évite de prendre parti et souligne
cependant "tout l'intérêt que doit offrir l'ensemble".
Mais c'est surtout Jules Quicherat qui dans une analyse
trop sommaire et trop rapide donnera mauvaise réputation
au manuscrit d'Orléans. Cet avis fera trop longtemps autorité,
y compris auprès des auteurs suivants. Reprenons ici l'analyse
de Paul Doncoeur : "Quicherat avance que le doyen du Chapitre
(Dauteroche de Talsy) d'abord frappé du style naturel des
interrogatoires, n'y vit ensuite "qu'une espèce de version
historique arrangée au gré de l'auteur." En quoi
il prête par erreur au doyen d'Orléans les vues de
Laurent." En fait Jules Quicherat juge la minute française
du ms d'Orléans comme une copie de la minute du manuscrit
de d'Urfé, complété pour les séances
du 21 février au 3 mars d'une mauvaise traduction de l'officiel
latin. Pierre Champion ira dans le même sens que Quicherat
en 1920 et adoptera le manuscrit de d'Urfé mais pas celui
d'Orléans.
Le principal argument de Champion étant le début
de l'ouvrage : "Cy commence la déduction du procès
faict par Monseigneur Pierre Cauchon, évêque et comte
de Beauvais, en matière de la foy, contre une femme nommée
Jehanne, vulgairement appelée la Pucelle, translatée
de latin en françois par le commandement du roy Louis douziesme
de ce nom, et à la prière de Monseigneur l'admiral
de Graville." Pierre Champion dira : "qu'aux yeux
de tout critique, cette rubrique devrait suffire". Elle
est troublante pour qui n'a pas examiné de près les
textes (P.Doncoeur). Les témoignages et le manuscrit d'Urfé
mentionnent tous que la minute est partie en latin (compte-rendu
de séance) et partie en français (interrogatoires).
Le manuscrit d'Urfé se présente d'ailleurs ainsi.
Le rédacteur du manuscrit d'Orléans a donc
"translaté" ce qui était à "translater"
c'est à dire les parties latines et n'a fait que transcrire
les parties déjà en français. L'analyse critique
de cette minute par Paul Doncoeur dans son ouvrage "La minute
française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle"
ne laisse aucun doute quant à la validité des "minutes" du procès de condamnation de Jeanne. La source est la même que les "minutes" contenues dans le Manuscrit d'Urfé, et sans doute le rédacteur du ms d'Orléans a fait une copie de ces minutes dans le manuscrit d'Urfé à une époque où il était encore complet.
D'autre part, Paul Doncoeur a aussi trouvé une sentence finale du procès en nullité de la condamnation dans une version radicalement différente de la sentence contenue dans les trois exemplaires officiels dudit procès de 1456. Quicherat et Champion n'en parle pas n'ayant jamais lu ce manuscrit d'Orléans.
Source
: "La minute française des interrogatoires de Jeanne
la Pucelle" de Paul Doncoeur - 1952 et "Condamnation de
Jeanne d'Arc" de Pierre Champion - tome I - 1920.
Illustration :
- Page du manuscrit dit d'Orléans - texte de la cédule
d'abjuration de Jeanne à St Ouen (La
minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle"
de Paul Doncoeur - 1952).
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