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Procès
de réhabilitation
IX - Teneur de la sentence (7 juillet 1456). |
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'ensuit la forme et la teneur de la sentence, qui est telle (1) :
Au nom de la sainte et indivisible Trinité, du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen. Par la providence de la majesté éternelle, le Christ sauveur, le Seigneur, Dieu et homme, a institué pour le gouvernement de son Église militante le bienheureux Pierre et ses successeurs apostoliques comme messagers principaux, pour enseigner dans la lumière de la vérité à avancer sur les chemins de la justice, rassemblant tous les hommes bons, relevant les opprimés, et ramenant sur le droit chemin grâce à un jugement raisonnable ceux qui s'égarent et dévient. Agissant donc en vertu de cette autorité apostolique en cette cause, nous, Jean, archevêque de Reims, Guillaume et Richard, évêques de Paris et de Coutances, par la grâce de Dieu, et Jean Bréhal de l'ordre des frères précheurs, professeur de théologie sacrée, l'un des inquisiteurs de la perversité hérétique au royaume de France, juges spécialement délégués par le très saint seigneur notre pape actuel,
Vu le procès mené solennellement devant nous, en vertu du mandat apostolique qui nous a été adressé et qui a été reçu respectueusement par nous, intenté par honnête veuve Isabelle d'Arc, la mère, et Pierre et Jean d'Arc, les frères germains, naturels et légitimes de Jeanne d'Arc de bonne mémoire, communément appelée la Pucelle, défunte, et au nom de ses parents, demandeurs, contre le sous-inquisiteur de la perversité hérétique établi au diocèse de Beauvais, contre le promoteur des affaires criminelles de la cour épiscopale de Beauvais, et en outre contre révérend père dans le Christ le seigneur Guillaume de Hellande, évêque de Beauvais, et contre tous et chacun des autres croyant respectivement être intéressés en cette affaire, tant ensemble qu'en particulier, accusés,
Vu d'abord la citation péremptoire avec l'exécution de celle-ci, faite à la requête de ces demandeurs et également de notre promoteur, institué, juré et créé par nous dans cette cause en vertu de nos fonctions, citation décrétée par nous contre lesdits accusés, aux fins de voir mander à exécution ce rescrit, de dire à l'encontre, de répondre et procéder comme la raison l'indiquerait,
Vu la requête de ces demandeurs, et, avec les faits et les raisons, leurs conclusions rédigées par écrit en forme d'articles, concluant et tendant à la déclaration de nullité, de fausseté, d'iniquité et de dol d'un certain prétendu procès en matière de foi, jadis fait et mandé à exécution contre ladite défunte en ladite cité par feu seigneur Pierre Cauchon, alors évêque de Beauvais, Jean Le Maistre, prétendu sousinquisiteur en ce diocèse, et Jean d'Estivet, promoteur ou agissant là pour le promoteur ; ou du moins requête concluant à la cassation de ce procès, à l'annulation des affirmations, sentences, avec toutes les suites, à la justification de cette défunte, et à toute autre fin exprimée dans ces conclusions ;
Vu, et souvent entièrement lus et examinés, les livres originaux, les instruments, pièces probantes, actes, notules et protocoles du procès susdit à nous transmis et présentés par les notaires et autres perssonnes, en vertu de nos lettres compulsoires ; vu les seings et les écritures [des notaires] reconnus en notre présence ; après un long entretien sur ces documents avec lesdits notaires, les chargés d'office constitués en ce procès et les conseillers appelés à ce procès, dont nous avons pu obtenir la venue, et après collationnement et comparaison de ces livres avec les notes brèves ;
Vu aussi les informations préparatoires faites tant par révérendissime père dans le Christ le seigneur Guillaume, cardinal prêtre au titre de Saint-Martin-aux-Monts, alors légat du saint Siège apostolique au royaume de France, qui s'était adjoint un inquisiteur, et avait inspecté ces livres et instruments à lui présentés ; et aussi les informations préparatoires faites par nous et nos commissaires au début de ce procès ;
Ayant examiné et considéré les traités divers de prélats, docteurs et praticiens importants et très expérimentés, qui entreprirent, après avoir longuement inspecté les livres et instruments susdits, d'en élucider les points douteux, et qui firent ces traités et les composèrent sur l'ordre de ce révérendissime père et sur le nôtre ;
Vu les articles et les interrogatoires susdits, à nous présentés de la part des demandeurs et du promoteur, et admis pour faire la preuve après plusieurs citations ; attendu les dépositions des témoins et les attestations, tant sur le comportement en son pays d'origine et sur le départ de ladite défunte, que sur l'examen qu'elle subit à plusieurs reprises, à Poitiers et ailleurs, en présence de plusieurs prélats, docteurs et savants, et surtout de révérendissime père Regnauld, autrefois archevêque de Reims, métropolitain à l'époque dudit évêque de Beauvais, et également sur l'admirable délivrance de la cité d'Orléans, la marche vers la cité de Reims et le couronnement du roi, enfin sur les circonstances de ce procès les personnes, le jugement et la procédure ;
Vu aussi les autres lettres, instruments et pièces probantes, transmis et présentés dans le délai pour produire, en plus des lettres, dépositions et attestations déjà mentionnées ; vu la forclusion pour dire contre ces productions, après audition ensuite de notre promoteur qui, ayant pris connaissance des productions, se joignit aux demandeurs et au nom de notre charge présenta à nouveau pour sa part tout ce qui avait déjà été produit, aux fins déjà exprimées dans les écrits de demandeurs, sous certaines conditions ; d'autres requêtes et réserves, faites de la part du promoteur et des demandeurs, ayant été par nous admises et reçues, ainsi que certains motifs de droit sous forme de brefs écrits capables d'orienter notre esprit ;
Après quoi, ayant au nom du Christ conclu en la cause et le jour présent étant assigné pour entendre notre sentence, ayant vu, mûrement repassé en esprit, et considérant toutes et chacune des choses ci-dessus exposées, ainsi que certains articles commençant par « Une certaine femme », que les juges prétendaient avoir été après le premier procès extraits des déclarations de ladite défunte, qu'ils transmirent à plusieurs personnes importantes pour avoir leur avis, et que lesdits promoteur et demandeurs repoussent comme iniques, faux, étrangers auxdites déclarations et fabriqués mensongèrement ;
Afin que notre présent jugement provienne de la face de Dieu, qui est le mesureur des esprits, le seul parfait connaisseur et très juste appréciateur de ses propres révélations, qui souffle où il veut et parfois choisit la faiblesse pour confondre la force, n'abandonnant pas ceux qui espèrent en lui, mais les soutenant dans les conditions favorables comme dans les tribulations ; après mûre délibération avec des gens d'expérience, et également estimés et craignant Dieu, au sujet des préliminaires et de la solution de la cause ; vu leurs avis solennels exposés dans des traités, avec grande revue de livres, et dans la compilation de beaucoup de ceux-ci ; vu les opinions, transmises et données oralement et également par écrit, tant sur la forme que sur le fond dudit procès, d'après lesquelles les juges estiment que les actions de ladite défunte sont plus dignes d'admiration que condamnables ; en s'étonnant fort du jugement porté contre elle, qui la condamne, en raison de sa forme et du fond ; et en disant qu'il est très difficile de porter un jugement sûr en de telles questions, car le bienheureux Paul a déclaré, au sujet de ses propres révélations, ne pas savoir s'il les eut dans son corps ou en esprit, et s'en rapporter sur ce à Dieu :
Nous déclarons d'abord et, la justice l'exigeant, nous décrétons que ces articles commençant par « Une certaine femme », insérés dans le prétendu procès et dans l'instrument des prétendues sentences portées contre ladite défunte, furent et sont extraits du prétendu procès et des prétendues déclarations de la défunte de manière vicieuse, dolosive, calomnieuse, avec fraude et méchanceté ; la vérité y fut passée sous silence et de fausses assertions y furent introduites en plusieurs points essentiels, de sorte que l'esprit de ceux qui délibéraient et jugeaient pouvait être attiré vers une autre opinion ; de même en ajoutant indûment de nombreuses circonstances aggravantes, non contenues dans le procès et dans les déclarations susdites, et en taisant quelques circonstances qui la déchargeaient et justifiaient sur plusieurs points, enfin en modifiant la forme des propos, ce qui change le fond ; c'est pourquoi nous cassons, rejetons et annulons ces articles, comme faux, extraits par calomnie et dol, différents de la déposition ; nous les avons fait extraire
dudit procès et ordonnons ici en justice qu'ils soient lacérés.
En outre, ayant examiné avec soin les autres parties de ce procès, et surtout les deux prétendues sentences contenues dans ce procès, que les juges appellent sentences de laps et relaps ; ayant aussi longuement étudié la personne des juges et de ceux qui détenaient et avaient la garde de ladite Jeanne ;
Vu les récusations, soumissions, appels, et multiples requêtes par lesquelles Jeanne a demandé souvent et très instamment que fussent remis au saint Siège apostolique et à notre très saint seigneur le pontife suprême elle-même, tous ses dits et faits, et les procès, en se soumettant à lui pour tout ;
Attendu, sur le fond du procès, une certaine prétendue abjuration, fausse, artificieuse, extorquée par force et crainte, en présence du bourreau et sous la menace d'être brûlée par le feu, abjuration très peu vue à l'avance et comprise par ladite défunte ; attendu en outre les susdits traités et avis de prélats et célèbres docteurs, savants en droit divin comme en droit humain, déclarant que les crimes attribués à ladite Jeanne et énoncés dans les prétendues sentences ne peuvent apparaître ni être tirés de l'ensemble du procès, et ajoutant sur ce point et sur d'autres beaucoup de choses de manière
très fine à propos de la nullité et de l'injustice ;
Et attendu avec soin tous les autres et chacun des points qui en cette affaire devaient être considérés et examinés, siégeant en tribunal, ayant Dieu devant nos yeux, par cette sentence définitive qui est la nôtre, et que nous portons, siégeant en tribunal, dans cet écrit,
Nous disons et prononçons, décidons que lesdits procès et les sentences, contenant dol, calomnie, contradiction, et erreur manifeste de droit et de fait, ainsi que la susdite abjuration, l'exécution et toutes les suites, furent et sont nuls, invalides, sans effet et sans valeur.
Et néanmoins, s'il est besoin, et comme la raison l'exige, nous les cassons, supprimons et annulons, en leur ôtant toute force ; nous déclarons que ladite Jeanne et les demandeurs ses parents n'ont subi ou encouru aucune marque ou tache d'infamie en raison de ce qui a été dit, qu'elle a été innocente et qu'elle est justifiée de tout cela et, s'il est besoin, nous l'en justifions entièrement ;
Nous ordonnons de procéder immédiatement à l'exécution de notre sentence et à sa publication solennelle en cette cité, en deux endroits : dans l'un aussitôt, à savoir place Saint-Ouen, avec une procession générale pour commencer et un sermon public ; dans l'autre, le lendemain, au Vieux Marché, à savoir là où ladite Jeanne mourut dans un feu cruel et horrible, avec une prédication solennelle, et la pose d'une croix honorable en mémoire perpétuelle et pour implorer le salut de celle-ci et des autres défunts ; en nous réservant, suivant le cas, exécution ultérieure de notre sentence, publication et, pour future mémoire, signification manifeste dans les cités et lieux insignes de ce royaume, comme nous voudrons le faire, et s'il reste encore quelque chose à faire.
Cette présente sentence a été portée, lue et promulguée par les seigneurs juges, en présence de révérend père dans le Christ le seigneur évêque de Démétriade ; Hector de Coquerel, Nicolas Du Bois, Alain Olivier, Jean Du Bec, Jean de Gouys, Guillaume Roussel, Laurent Surreau, chanoines ; Martin Ladvenu Jean Roussel, Thomas de Fanouillères. De tout cela maître Simon Chapitault, promoteur, Jean d'Arc et Prevosteau, pour les autres, demandèrent un instrument, etc.
Fait au palais archiépiscopal, l'an du Seigneur mille quatre cent cinquante-six, le septième jour du mois de juillet.
Forma et tenor pronuntiationis sententiæ sequitur, et est talis :
« IN NOMINE sanctæ et individuæ Trinitatis, Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Æternæ majestatis providentia, Salvator Christus, Dominus, Deus et homo, beatum Petrum et apostolicos successores ad suæ militantis Ecclesiæ regimen instituit speculatores præcipuos, qui, luce veritatis aperta, justitiæ semitas incedere docerent, universos bonos amplexantes, relevantes oppressos, et declinantes ad devia, per judicium rationis reducentes ad vias rectas. Hac autem auctoritate apostolica fungentes in hac parte, nos Johannes, Remensis, Guillelmus, Parisiensis, Ricardus, Constantiensis, Dei gratia archiepiscopus et episcopi, ac Johannes Brehal, de ordine Fratrum Prædicatorum, sacræ theologiæ professor, hæreticæ pravitatis in regno Franciæ alter Inquisitor ; judices a sanctissimo domino nostro Papa moderno specialiter delegati ;
« Viso processu coram nobis solemniter agitato, in vim suscepti per nos reverenter mandati apostolici nobis directi, pro parte honestæ viduæ Ysabellis d'Arc, olim matris, ac Petri et Johannis dictorum d'Arc, fratrum germanorum, naturalium et legitimorum bonæ memoriæ Johannæ d'Arc, vulgariter dictæ la Pucelle, defunctæ, suorumque parentum nominibus, actorum, contra et adversus subinquisitorem hæreticæ pravitatis in dioecesi Belvacensi constitutum, contra promotorem negotiorum criminalium episcopalis curiæ Belvacensis, nec non contra reverendum in Christo patrem, dominum Guillelmum de Hellanda, episcopum Belvacensem, cæterosque universos et singulos sua in hac parte interesse credentes et respective, tam conjunctim quam divisim, reos ;
« Visa in primis peremptoria evocatione et exsecutione ejusdem, ad ipsorum actorum simulque nostri promotoris ex officio nostro in hac causa per nos instituti, jurati et creati, instantiam, per nos decreta adversus dictos reos, visuros rescriptum ipsum exsecutioni mandari, dicturos in adversus, responsurosque et processuros prout ratio suaderet ;
« Visa petitione ipsorum actorum, factisque, rationibus, conclusionibus eorum in scriptis redactis per formam articulorum concludentium, tendentium ad nullitatis, iniquitatis et doli declarationem cujusdam prætensi processus in fidei materia, olim contra dictam defunctam in hac civitate per defunctos dominum Petrum Cauchon, tunc Belvacensem episcopum, Johannem Magistri, subinquisitorem prætensum in eadem dioecesi Belvacensi, et Johannem de Estiveto, promotorem, aut pro promotore ibidem se gerentem, facti et exsecutioni demandati ; saltem ad ejusdem cassationem, et adnullationem adjurationum sententiarumque ac omuium inde secutorum, et ad ejusdem defunctæ expurgationem, et fines alios ibidem expressos ;
« Visisque, sæpius perlectis et examinatis libris originalibus, instrumentis, munimentis, et actis, notulis et protocollis processus antedicti, nobis in vim nostrarum compulsoriarum litterarum a notariis et aliis traditis et ostensis ; signisque et scripturis eorum in præsentia nostra recognitis ; longaque super eis cum dictis notariis et officiariis in dicto processu constitutis, et consiliariis ad dictum processum evocatis, quorum præsentiam habere potuimus, communicatione, ipsorumque librorum et notarum abbreviatarum collatione et comparatione præhabitis ;
« Visis etiam informationibus præparatoriis, tam per reverendissimum in Christo patrem, dominum Guillelmum, tituli sancti Martini-in-Montibus presbyterum cardinalem, sanctæ Sedis apostolicæ in regno Franciæ tunc legatum, vocato secum, Inquisitore, post visitationem eorumdem librorum et instrumentorum eidem præsentatorum ; quam etiam per nos et commissarios nostros in hujusmodi processus exordio confectis ;
« Inspectis etiam et consideratis variis tractatibus prælatorum, doctorum et practicorum solemnium et probatissimorum, qui, libris et instrumentis antedicti processus ad longum visitatis, dubia elucidanda duxerunt ; et ex ejusdem reverendissimi patris ordinatione et nostra editis et compositis ; « Visisque articulis et interrogatoriis præfatis, pro parte actorum et promotoris nobis præsentatis, et, post plures evocationes, ad probandum admissis ; attentisque testium depositionibus et attestationibus, tam super conversatione et egressu ejusdem defunctæ a loco originis, quam super examinatione ipsius in præsentia plurimorum prælatorum, doctorum et peritorum, et præsertim reverendissimi patris Reginaldi, olim archiepiscopi Remensis, dicti tunc episcopi Belvacensis metropolitani, Pictavis et alibi facta, diebus iteratis ; quam super admiranda liberatione civitatis Aurelianensis, progressuque ad civitatem Remensem et coronationem regiam ; quam circa circumstantias ipsius processus, qualitates, judicium et procedendi modum ;
« Visisque etiam aliis litteris, instrumentis et munimentis, ultra dictas litteras, depositiones et attestiones, in termino ad producendum traditis et productis, præclusioneque dicendi contra hujusmodi producta ; nostroque deinde promotore audito, qui, visis eisdem productis dictisque, actoribus plenarie se adjunxit, ac pro et nomine officii nostri præfata omnia jam producta pro sua parte reproduxit, ad fines in scripturis dictorum actorum jam expressos, sub certis protestationibus ; aliisque requestis et reservationibus, pro parte sua et dictorum actorum factis, et per nos admissis, una cum quibusdam motivis juris, sub brevibus scripturis, valentibus animum nostrum advertere, per nos receptis ;
« Post quæ, in Christi nomine in causa concluso, et die hodierm ad audiendum nostram sententiam assignata ; visis matureque revolutis et attentis omnibus et singulis superius expressis, una cum certis articulis, incipientibus Quædam foemina, quos post dictum primum processum judicantes prætenderunt extractos fore ex confessionibus dictæ defunctæ, et ad quam plurimas solemnes personas, ad opinandum, transmiserunt ; et quos antedicti promotor et actores impugnarunt, tanquam iniquos, falsos et a dictis confessionibus alienos, ac mendose confictos ;
« Ut de Dei vultu nostrum præsens prodeat judicium, qui spirituum ponderator est, et solus revelationum suarum perfectus est cognitor et judicator verissimus ; qui ubi vult spirat, et quandoque infirma eligit, ut fortia quæque confundat, non deserens sperantes in se, sed adjutor eorum in opportunitatibus et tribulatione ; habita matura deliberatione, tam circa præparatoria quam circa decisionem causæ, cum peritis pariter et probatis ac timoratis viris ; visisque solemnibus eorum determinationibus, tam in tractatibus, magna cum revolutione librorum editis, et compositionibus multorum ; visisque opinionibus, verbo pariter atque scripto, tam super forma quam super materia præfati processus, traditis atque datis, quibus facta dictæ defunctæ magis admiratione quara condemnatione digna existimant ; reprobatorium et determinatum (l) contra eam datum judicium, et formæ et materiæ ratione, plurimum admirantes ; et difficillimum dicentes de talibus determinatum præbere judicium, beato Paulo de suis propriis revelationibus dicente, an eas in corpore vel in spiritu habuerit, se nescire, et Deo super hoc se referre :
« In primis dicimus atque, justitia exigente, decernimus articulos ipsos incipientes Quædam foemina in processu prætenso et instrumento prætensarum sententiarum contra dictam defunctam latarum descriptos, fore, fuisse et esse corrupte, dolose, calumniose, fraudulenter et malitiose ex ipsis prætensis processu et confessione dictæ defunctæ extractos ; tacita veritate et expressa falsitate in pluribus punctis substantialibus, et ex quibus deliberantium et judicantium animus poterat in aliam deliberationem pertrahi ; plurimasque circurastantias aggravantes, in processu et confessione præfatis non contentas, indebile adjicientes, et nonnullas circumstantias relevantes et justificantes in pluribus subticendo, formamque verborum, quæ substantiam immutat, alterando. Quapropter ipsos articulos, tanquam falsos, calumniose, dolose extractos, et a confessione eadem difformes, cassamus, irritamus et adnullamus ; ipsosque, quos a dicto processu extrahi fecimus, hic judicialiter decernimus lacerandos.
« Insuper, aliis ejusdem processus partibus diligenter inspectis, et præsertim duabus prætensis in eodem processu contentis sententiis, quas lapsus et relapsus judicantes appellant ; pensata etiam diutius qualitate judicantium prædictorum, et eorum sub quibus et in quorum custodia dicta Johanna detinebatur ;
« Visisque recusationibus, submissionibus, appellationibus ac requisitione multiplici, per quam dicta Johanna ad sanctam Sedem apostolicam et sanctissimum dominum nostrum summum Pontificem se omniaque dicta pariter et facta ipsius, ac processum, transmitti sæpius et instantissime requisivit, se et prædicta omnia eidem submittendo ;
« Attentisque, circa dicti processus materiam, quadam abjuratione prætensa, falsa, subdola, ac per vim et metum, præsentiam tortoris et comminatam ignis cremationem, extorta, et per dictam defunctam minime prævisa et intellecta ; nec non præfatis tractatibus et opinionibus prælatorum ac solemnium doctorum, in jure divino pariter et humano peritorum, crimina dictæ Johannæ imposita in præfatis prætensis sententiis expressa, ex serie processus non dependere aut colligi posse dicentium, et multa elegantissime de nullitate et injustitia in hoc et in aliis determinantium ;
« Cæterisque omnibus et singulis diligenter attentis quæ in hac parte attendenda et videnda erant ; pro tribunali sedentes, solum Deum præ oculis habentes, per hanc nostram diffinitivam sententiam, quam pro tribunali sedentes ferimus in his scriptis,
« Dicimus, pronuntiamus, decernimus et declaramus dictos processus et sententias dolum, calumniam, iniquitatem, repugnantiam, jurisque et facti errorem continentes manifestum, cum abjuratione præfata, exsecutionibus et omnibus inde secutis, fuisse, fore et esse nullos et nullas, invalidos et invalidas, irritas et inanes.
« Et nihilominus, quantum opus est, ratione jubente, ipsos et ipsas cassamus, irritamus et adnullamus, ac viribus omnino vacuamus ; dictamque Johannam, ac ipsos actores et parentes ejusdem, nullam notam infamiæ seu maculam, occasione præmissorum, contraxisse seu incurrisse, immunemque a præmissis et expurgalam fore et esse, declarantes, et, in quantum opus est, penitus expurgantes ;
« Ordinantes nostræ hujusmodi sententiæ exsecutionem seu solemnem intimationem in hac civitate protinus fieri, in locis duobus : allero videlicet in promptu, in platea Sancti Audoeni, generali processione præcedente, et in sermone generali ; et in alio, die crastina, in Veteri Foro, in loco scilicet in quo dicta Johanna crudeli et horrenda crematione suffocata est, cum solemni ibidem prædicatione et affixione crucis honestæ ad memoriam perpetuam, ac ejusdem et aliorum defunctorum exorandas salutes ; ulteriorem dictæ nostræ sententiæ exsecutionem, intimationem, et, pro futura memoria, notabilem significationem in civitatibus et hujus regni locis insignibus, prout viderimus expedire, et si quæ alia supersint peragenda, nostræ dispositioni et ex causa reservantes.
« Lata, lecta et promulgata fuit hæc præsens sententia per dominos Judices, præsentibus reverendo in Christo patre, domino episcopo Dimitriensi ; Hectore de Coquerel, Nicolao du Boys, Alano Olivier, Johanne du Bec, Johanne de Gouys, Guillelmo Roussel y Laurentio Surreau ; canonicis ; Martino Ladvenu, Johanne Roussel, Thoma de Fanoullières. De quibus omnibus magister Simon Chapitault, promotor, Johannes d'Arc, et Prevosteau, pro aliis, petierunt instrumentum, etc.
« Acta fuerunt hæc in palatio archiepiscopali, anno Domini MCCCCLVI, die vii. mensis julii. »
Source : Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.III - Jules Quicherat (1844), p.355 et suiv.
Traduction: Pierre Duparc, "Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc", t.IV, p. 224 et suiv.
1. Ayant étudié de près le manuscrit d'Orléans, Paul Doncoeur y a trouvé une sentence finale du procès de réhabilitation radicalement différente. L'auteur du manuscrit d'Orléans l'a peut-être copiée dans le manuscrit d'Urfé (en même temps que les minutes françaises du procès de 1431) à une époque où ce manuscrit était encore complet. Dans ce cas, elle aurait été la sentence finale de la rédaction "épiscopale". En tout cas, il l'a trouvé quelque part, n'ayant pu inventer un tel document ! A noter que la date donnée du 20 décembre est sans doute une confusion (voir le livre de Doncoeur).
Paul Doncoeur dit : "La sentence "officielle", seulement négative, se borne à casser le jugement de Cauchon
et s'enferme dans un point de vue strictement juridique, indifférente
aux requêtes de la famille Darc, exprimées par ses procureurs, et ne
manifestant pas le moindre intérêt à la personne de Jeanne ; l'autre
déclare solennellement d'une part l'incompétence des juges qui agissent
par ordre des Anglais, mais surtout, faisant écho aux témoignages unanimes
recueillis en faveur de Jeanne, proclame sa fidélité à la foi catholique
et sa soumission à l'autorité du Pape, ayant été « tous les temps
de sa vie bonne et catholique chrétienne sans avoir erré en aulcune
maniere dans la foi ne aultrement".
Voici la teneur de cette sentence (traduite par le rédacteur du manuscrit d'Orléans), en italiques les parties différentes :
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"In nomine Sancte et Individue Trinitatis, Patris et Filii et Spiritus
Sancti. Amen.
Nostre Saulveur et Redempteur Jhesus Christ, Dieu et homme, par sa
divine Providence ordonna sainct Pierre et ses successeurs au régime
et gouvernement de l'Eglise militante, comme les plus clercz et principaulx
speculateurs de verité affin qu'ilz enseignassent chemyner par les
voyes et sentes d'apperte et vraye justice, et soustenant les bons et relevant
les oppressez, et reduisant les declinants a mal par le jugement de raison,
et les reduire a droicte voye.
Nous, Jehan, archevesque de Rains, Guillaume, evesque de Paris,
Richard, evesque de Coustances, et Jehan Brehal, de l'Ordre des freres
Precheurs, docteur en theologie, inquisiteur de la foy eu Royaulme de France ayans puissance appostolique, et juges commis par Nostre Sainct Pere le
Pappe, par especialle delegation pour juger ce present procez :
lequel devant Nous sollempnellement agité et demené, par vertu de ladicte
commission et charge a Nous donnee, par Nous humblement receue, impetree
et obtenue de la part de honneste vefve Ysabeau Darc, mere de la deffuncte
Jehenne, et de Pierre et Jehan, dictz Darc, freres d'icelle Jehenne, et de
plusieurs aultres ses parents et consanguins et amys, demandeurs et complaignants
;
a rencontre du subinquisiteur de la foy eu dyocese de Beauvoys, contre
le promoteur des causes criminelles eudit dyocese, contre reverend pere
Messeigneur Guillaume Hellande, evesque dudit Beauvoys, et contre tous
aultres qui ont ou pevent avoir interest en ceste matiere, respectivement,
tant ensemble que divisez deffendeurs ;
Veu par Nous la peremptoire evocacion et cytacion faicte par ledit
promoteur et acteurs, l'execution faicte contre lesdits deffendeurs pour
venir veoir et ouyr le rescrit et mandement de Nostre Sainct Pere le Pappe,
et dire a l'encontre, s'ilz veoyent que bon fust, et veoir proceder en la matiere
sellon disposicion de droict ;
Veu aussy que la demande desdits acteurs, leurs raisons, fais et conclusions
reduictes par escript, par forme de articles concluans et tendans a la
declaration de nullité, faulseté, iniquité, fraude, dolosité, du procez faict
et demené en la matiere de la foy, contre Jehenne, dicte la Pucelle, tant par
Pierre Cauchon, en son vivant evesque de Beauvoys, Jehan le Maistre,
inquisiteur de la foy eudit dyocese, et Jehan de Lestivet, promoteur en icelle
cause, que aultres leur adherens, du jugement dudit procez, suppliant les
dessusdits demandeurs que par Nous fust procedé a la cassacion, adnullacion
et adjuracion des sentences par eulx faictes, et de toutes les choses qui
en estoyent ensuivies, de la descharge, expurgacion et ignocescence de
ladicte deffuncte ;
Veues pareillement par Nous et souvent lues et relevees, examinez les
livres originaux, instrumens, minumens, actes, notes et prothocoles dudit
procez faict par lesdits deffendeurs, comme dit est, par Nous
recouvrez par lettres de compulsoire, appelez avecq Nous tous les clers, tant
en theologie que es droictz canon et civil, qu'avons pu recouvrer ;
Veues aussy les informacions preparatoires faictes tant par reverend
Pere en Dieu Monseigneur Guillaume d'Estouteville, cardinal du titre
de Sainct Martin es Montaignes, legat du Sainct Siege Appostolique eu
Royaulme de France, archevesque de Rouen, appelé avecq luy l'inquisiteur
de la foy, et mesmes les informacions faictes par maistre Philippes de la
Roze, presbtre, thesaurier et chanoine de Rouen, par commission a luy
baillee par ledit legat, es presences des accesseurs dessus nommez et
notaires appostoliques, apprez laquelle visitacion des livres dessusdits,
instruments, notes, actes et aultres choses concernens ledit procez, tant par
Nous que par Nosdits commissaires, fais dez le commencement de ce present
procez ;
Veues aussy et considerees plusieurs et divers traictés de prelatz, docteurs
et practiciens sollempnels et tres expers, lesquelz, appres qu'ilz ont tres
curieusement et diligemment visité bien au long toutes les actes et escriptures
dudit procez, et lesquelz, par l'ordonnance dudit archevesque de Rouen
et la nostre, les dessusdits docteurs et clercs ont escript en ceste matiere bien
au long et disputé le pro et le contra, et vuidé et elucidé tous les doubtes et argumentz que on pourroit faire en ceste matiere ; Veues aussy les articles et interrogatores a nous presentees de la
part desdits demandeurs et promoteur ; apprez plusieurs evocacions et
cytacions pour prouver leur intencion par Nous admis ;
Actendu la depposicion des tezmoings et actestations faictes, tant sur la
conversacion et vie de ladicte deffuncte, et même du partement de sa nativité,
que sur l'informacion faicte en la presence de plusieurs prelatz et
docteurs, tres expers en toutes sciences ; et specialement l'examen faict par
deffunct messeigneur Regnault, archevesque de Rains, metropolitain dudict
evesque de Beauvoys, tant a Poitiers que ailleurs, ledict examen faict par
plusieurs et diverses journees ; que sur l'admirable delivrance de la cyté
d'Orleans ; que sur le voyage faict par ladicte Jhenne mené le roy a sa coronacion
a Rains ; que aussy sur les circonstances et deppendances de cest
present procez ; les qualitez des juges en ladicte matiere ;
Veues aussy aultres lectres, instruments et munymens, depositions
et actestacions produictes par nostre ordonnance par iceulx demandeurs,
la forclusion de dire contre lesdictes lectres et escriptures ; et apprez ouy
nostre promoteur, lequel apprez qu'il eut veu ladicte production par lesditz
demandeurs, se adjoignent pleinement et absolutement audit procez, en
produisant de sa part lesditz actes et escriptures soubz certaines protestations et aultres requestes et reservation faictes de sa part, par Nous
admises, avecq aulcun motis de droict, soubz brefves escriptures, servantes a esmouvoir nostre couraige, par maniere de advertere, et par Nous receues ;
Apprez lesquelles choses, eu non de Jhesus Christ, la conclusion faicte
en cause, et aujourd'huy assignation a ouyr nostre sentence ;
Veue par Nous tres curieusement, meurement et diligemment toutes les
choses dessusdictes, avecq quelques articles, commencans : Quedam femina,
lesquelz, apprez ledit premier procez, pretendans avoir esté informez des
confessions de ladicte Jhenne, et icelx avoir esté envoyez a plusieurs
personnes et juges sollempnelz, pour oppiner en ceste matiere, lesquelz
touteffoys ont esté impugnez par lesditz promoteur et demandeurs, comme
inicques, faulx, aultres et d'aultre substance que lesdictes confessions ne
contiennent, par malice et menterie, faings et corrompus ;
Affin que nostre jugement procede de Dieu, qui est seul Juge de ses revelations
et parfaict commenceur, lequel donne la grace du Saint Esperit
la ou il veult, et aulcunes foys eslyt les choses debiles et humbles pour confondre
les fortes et orguilleuses ; qui ne laisse jamais ceulx qui ont esperance
en luy, mais leur ayde en tous leurs affaires et tribulations,
Nous, par meure deliberation, tant sur les preparatoires que sur la
decision de la cause ;
Veues et considerees les oppinions de plusieurs clercs lectrez, gens de
bonne vie, craignans Dieu, les traictés et escriptures par eulx faictes ;
apprés la longue revolution des livres, aussy leurs oppinions de bouche de
plusieurs d'iceulx et ce que les absens en ont escript, tant sur la forme que
la matiere dudit procez, auxquelz a semblé et semble les faictz et dictz de
ladicte deffuncte, plustot d'admiration que de condempnacion ; et se esmerveillent
moult les dessusditz du jugement donné contre elle ; disant qu'il
est tres difficile asseoir jugement sur lesdictes revelations, desquelles sainct
Paul dict qu'ilz ne seroyent juger si les revelations qu'il a eues, estoyent
en corps ou en esprit, et s'en rapporte a Dieu a en faire le jugement ;
Tout premierement Nous disons et declairons les articles commencans
eudict procez : « Quedam femina », et en l'Instrument des Sentences donnees
contre elle, estre corrumpus doleusement et calumpnieusement, fraudeleusement, malicieusement extraictes du procez faict contre elle, et de la
confession de ladicte deffuncte, en taisant la vérité en plusieurs pointz
des choses substantielles dudit procez ; desquelles choses le couraige et
deliberation des juges povoit estre changé en aultre jugement ; euquel
extraict il a esté adjousté plusieurs circonstances aggravantes, qui ne
estoyent eu procez ne en la confession de ladicte deffuncte ; en taisant aulcunes
circonstances qui povoyent relever et justifier ladicte Jhenne.
Pourquoy Nous avons cassé et adnullé lesditz articles, comme faulx,
calumpnieusement extraictz de ladicte confession, et difformes a icelle et,
par ces presentes, Nous les irritons, cassons et adnullons ; et ordonnons
qu'ilz seront ostez, lasserez et rejetiez hors dudit procez.
Et oultre les aultres choses dudit procez diligemment veues et principallement
deux precedentes sentences que lesditz juges deffendeurs appellent
et nomment cheoir et rencheoir en heresie, consideré bien longuement la qualité desditz juges et de ceulx qui detenoyent ladicte Jhenne prisonniere ;
Veues aussy les recusations, submissions et appellations, et mesmement
plusieurs requestes par lesquelles ladicte Jhenne estoit appelante au Siege
Appostolicque et Nostre Sainct Pere le Pappe, en supplyant le tout luy
estre renvoyé ; en se submetant a luy de tous les faictz et dictz, ce qui lui a
esté refusé et denyé ;
Actendu aussy que, eu dit procez lesditz deffendeurs se aydent de certaines
adjurations faictes par ladicte Jhenne, lesquelles icelle Jhenne
ne entendit jamais, et, se aulcune chose elle a dit ou escript, ce a esté
par force et par la craincte des tortures, ou par les promesses qu'on luy
avoit faictes de la mectre hors des fers, des chaines et du sept qui luy
estoyent aussy grefves que la mort, et pour ce elle ne savoit qu'elle
disoit ne qu'elle debvoit dire ; et en tant que sont les sentences faictes
par lesditz evesque et inquisiteurs et leurs accesseurs auxdites sentences ;
Nous les avons declarez et declarons nulles, tant pour ce qu'ils ont
esté donnees par juges non ayans puissance ne jurisdicion sur ladicte
Jhenne deffuncte :
premierement, icelle Jhenne n'estoit, ne fust jamais subjecte audit
evesque de Beauvoys ; car elle n'estoit de son dyocese ne de sa jurisdicion ;
elle n'eut jamais domicilie en sa subjection ne jurisdicion ;
secondement, il n'est point porté que les crimes qu'on dit qu'elle
a commis, ayent esté commis au lieu ou il ait auctorité ne puissance ;
tiercement, elle l'a recusé par plusieurs foys ledit evesque, et appelle
de luy a Nostre Sainct Pere le Pappe, en disant ledit evesque estre son
ennemy mortel ; et par ce suspect en ce procez. Et se on veult dire qu'elle
ne ait point appellé de luy expressement, selon disposicion de droict,
elle appeloit tacitement ; car par toute disposicion de droit, recusacion
equippolle appellacion ;
pour toutes lesquelles raisons, la premiere sentence donnee contre la
dicte deffuncte par laquelle elle fut condampnee a demeurer en
chartre perpetuelle, et preschee publicquement eu cymetyere de Sainct
Ouen a Rouen, en la declarant contre verité hereticque, scismaticque,
invocatrice de dyables, encourue en sentence d'excommunyé ; laquelle
sentence Nous avons desclaree et desclarons nulle, inicque, donnee
par juge non ayant puissance, par faulce escriptures et probacions, par
gens suspectz ennemys mortelz de ladicte deffuncte, et par gens affectez
aux Angloys, ennemys cappitaulx d'icelle Jhenne, desirans singulierement
sa mort ;
En tant que est la seconde sentence, qui touche la recidivacion d'icelle
Jhenne, Nous l'avons desclaree et desclairons par ces presentes, dampnee,
inicque et tres cruelle, fondee en menteries, en procez contrefaict, tant en
faulx instruments, faulses escriptures, faulx tesmoings et faulx procedements
en tout et partout.
Mais avons declairé et par ces presentes desclairons ladicte Jhenne
deffuncte avoir esté tous les temps de sa vie bonne et catholicque chrestienne,
sans avoir erré en aulcune maniere, en la foy, ne aultrement, et
jusques au jour qu'elle fut cruellement executee et bruslee, et jusques
a la fin de ses jours ; en laquelle il est bien prouvé ladicte Jhenne avoir
percisté en bon, sainct et catholicque propos, ainsy qu'il est notoire et
bien prouvé par plusieurs et notables tesmoings, et mesmement par ses
confesseurs et tous ceulx qui estoyent presens alors de son decez ;
Et en tant que sont douze articles faulx, plins de menterie, de obmission,
de malice et sinistre intencion, extraictz de son procez, commencant « Quedam femina », dont il est faict mencion, devant envoyees a Paris
et ailleurs, faulcement et inicquement extraictz pour colorer leurs
inicques sentences, en obmettant verité, comme dit est, et les excusacions
de ladicte Jhenne, tant en ses excusacions que es responses de son procez
et mesme la submicion qu'elle obayssoit au Sainct Siege Appostolicque,
a quoy, comme dessus est dict, n'a esté aulcunement receue ; sur lesquelz
faulx articles, plusieurs clers, tant de Paris que d'ailleurs, ont
fondé leurs oppinions, esquelles ilz ont esté deceuz par lesdiz faulx
articles ;
Et par ce, a bonne et juste cause, a esté par Nous dict et a present
disons et declarons ladicte sentence ou sentences donnees par les moyens
dessusditz, sont nulles ; mais a bonne et juste cause, les avons cassez et
adnullez, cassons et adnullons, et desclarons nulles et de nul effect et
valleur ; et en tant que est la sentence donnee a cause de la recidivacion
par laquelle icelle Jhenne a esté desclaree hereticque, excommuniee,
parjure, scismaticque, et par ce privee et rejectee du corps de Nostre
Mere Saincte Eglise, et jugee a estre bruslee par la justice seculiere, et
par icelle cruelle mort executee publicquement en la presence
d'ung grand nombre de peuple, en la place du Vieil Marché a Rouen,
En quoy faisant ladicte Jhenne n'a pas esté seullement grefvee en
recepvant la mort, mais bien fort interessee en sa bonne fame et renommee
et estimation d'elle, pour la presumpcion et fantasie que le peuple a
peu avoir d'elle en la voyant executer si cruellement, en jugeant en eulx
mesmes que telle execucion n'auroit jamais esté faicte sans cause,
laquelle sentence pour les causes dessus desclairees, Nous avons cassee,
revocquee et adnullee, revocquons, cassons et adnullons comme donnee
contre tout ordre de droict mais par faveur et haynes mortelles que les
Angloys avoyent a ladicte Jhenne ;
Et par icelle mesme sentence l'avons restituee et restituons a sa
bonne fame et renommee ;
Et l'avons desclaree et desclarons avoir vescu tous les temps de sa
vie et jusques a la mort inclusivement bonne et catholicque chrestienne,
sans estre encheue en aulcune erreur de la foy de Nostre Seigneur Jhesus
Christ, dont elle a esté accusee.
En reservant toutesfoys promoteur et demandeurs en toutes telles
actions, tant criminelles que civilles, que vouldront et pourront faire
et poursuivre contre lesdits deffendeurs.
Laquelle sentence, Nous avons prononcee et donnee es presence de Maistre Jehan de Carisy, Denis le Conte et Francoys Ferbourg, tous
notaires appostolicques et imperiaulx, et plusieurs aultres, tant notaires
de diverses cours, tant d'Eglise que d'aultres notables cours, tant de France que d'ailleurs.
Le XXe jour de decembre, l'an mil IIIICLV.
Ainsy : Le Conte, Ferbourg et Carisy.
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Pierre Duparc pense que cette version pourrait être un simple projet préparé avec Prévosteau, le procureur de la famille d'Arc et qui n'aurait pas été retenu par les juges car elle dépassait l'objet du procès, des poursuites engagées. De plus, en autorisant des actions judiciaires ultérieures au civil et au criminel, elle ne tenait pas compte des lettres d'abolition accordées par Charles VII.
Pour Pierre Duparc, la rédaction "notariale" du procès en nullité de la condamnation, présente les meilleures garanties d'authenticité (voir son tome III)
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