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Procès
de réhabilitation
V-2 - Déposition
de Béatrice Estellin |
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Béatrice veuve d'Estellin, laboureur dudit village de Domremy,âgée de quatre-vingts ans ou environ, troisième témoin
produit dans cette cause d'inquisition, jurée et interrogée à Domremy, l'an et le jeudi susdits, requise par serment [...]*.
A savoir sur le premier article de l'interrogatoire, commençant
par « Premièrement au sujet du lieu d'origine, etc. »,
aussi sur les deuxième et troisième articles suivant, requise
déclara par serment que ladite Jeannette est née dans ledit
village de Domremy, de Jacques d'Arc et Isabet, mariés,
laboureurs, vrais et bons catholiques, honnêtes et solides,
selon leurs facultés, mais non pas très riches ; cette Jeannette
fut baptisée sur les fonts de l'église Saint-Remy du village,
et ses parrains furent Jean Morel de Greux, Jean le Langart
et feu Jean Rainguesson ; ses marraines furent Jeannette,
veuve de Thiesselin le Clerc, Jeannette, femme de Thévenin
le Royer, dudit village, et elle-même, témoin qui dépose.
Sur l'article suivant, le quatrième, commençant par « De
même si dans son plus jeune âge, etc. », et aussi sur les cinquième,
sixième, septième et huitième articles suivant, à elle
diligemment exposés, requise déclara par serment que cette
Jeannette était bien et suffisamment instruite dans la foi catholique,
comme les filles semblables de son âge, et depuis
l'enfance ou l'adolescence jusqu'à son départ de la maison
paternelle élevée dans les bonnes moeurs, fille chaste, d'un
bon comportement, visitant fréquemment et avec dévotion
les églises et lieux saints ; ainsi quand le village de Domremy
fut incendié (1), Jeannette allait tous les jours de fête entendre
la messe au village de Greux ; elle se confessait volontiers aux
jours convenables, surtout le très saint jour de Pâques ou
de la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et, à ce qu'il lui paraît, il n'y avait pas meilleure qu'elle dans les deux
villages. Elle s'occupait à divers travaux dans la maison paternelle,
car parfois elle filait le chanvre et la laine, allait à
la charrue, à la moisson, quand c'était le temps, et parfois
gardait les animaux et le troupeau du village, quand c'était
le tour de son père. Ne sait rien d'autre pour sa déposition.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De
même qu'en est-il, etc. », requise déclara que l'arbre en question était appelé « l'arbre des dames »; et le témoin alla
autrefois avec les seigneurs temporels dudit village et leurs
femmes sous cet arbre pour se promener, à cause de sa beauté.
Déclara aussi que cet arbre se trouve à côté du grand chemin
par lequel on va à Neufchâteau ; et autrefois entendit dire
qu'anciennement les « dames fatales », en français les « fées »,
allaient sous cet arbre ; mais à cause des péchés (2), à ce qu'elle
dit, maintenant elles n'y vont plus. Déclara en outre que les
jeunes gens et les jeunes filles du village de Domremy, tous
les ans, le dimanche du Letare Jerusalem, qu'on appelle dimanche « des Fontaines », et au printemps, vont à cet arbre, et Jeannette y allait avec eux, et sous l'arbre chantent et font
des chœurs, déjeunent ; en revenant vont à la Fontaine aux
Rains et boivent de l'eau de cette fontaine. Déclara en outre
que, quand le curé à la veille de l'Ascension porte les croix par les champs (3), il va lui aussi sous cet arbre et y chante
l'évangile, et va aussi à la fontaine aux Rains et aux autres
fontaines pour chanter l'évangile, comme il l'a vu.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De
même qu'on enquête, etc. », requise déclara que cette Jeanette
alla à Vaucouleurs quand elle quitta la maison paternelle
; ne saurait rien dire d'autre.
Sur l'article suivant, le onzième, commençant par « De
même si dans ledit pays, etc. », déclara avoir entendu dire
qu'il y eut des frères mineurs dans ladite ville qui devaient
faire une enquête ; ne sait rien de plus, car on ne lui a rien
demandé.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De
même si Jeanne, etc. », requise déclara que quand Jeanne était à Neufchâteau, tous les habitants de son village s'y étaient réfugiés ; et, comme elle le vit, la Jeannette pendant
son séjour là et au retour resta toujours dans la compagnie
de ses parents ; et jusqu'à son départ pour la France elle ne
fut au service que de son père.
Ne sait rien de plus.
Citée elle vint ; et a déposé sans passion
ni partialité, sans être sollicitée ni payée. Et il lui fut
enjoint, etc.
Beatrix,
relicta Estellini, laboratoris dicte ville de Dompno Remigio, etatis
LXXX annorum vel circa, tercia testis in hac inquisicionis causa
producta, iurata, et examinata in dicto Dompno Remigio, anno et
die iovis predictis, requisita per suum iuramentum, [...] Videlicet
Super I° articulo, sive interrogatorio, incipiente : "Primo
de loco originis, etc..." ; eciam super II° et III°
sequentibus articulis, requisita,
"Dixit per suum iuramentum quod dicta Iohanneta
fuit oriunda de villa de dicto Dompno Remigio, ex Iacobo Darc et
Ysabelleta coniugibus, laboratoribus veris catholicis et bonis christianis,
probis et valentibus secundum eorum facultates, sed non multum divites.
Fuitque ipsa Johanneta baptizata in fonte ecclesie beati Remigii
eiusdem ville, et fuerunt eius patrini Johannes Morelli, de Greu,
ac Iohannes le Langart, et Iohannes Rainguesson, quondam
; et eius matrine Iohanneta, relicta Thiescellini, clerici, Iohanneta,
uxor Thevenini Rotarii, dicte vine. Ac ipsa testis deponens."
Super IV° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in primitiva, etc..." ; eciam super V°, VI°, VII°
et VIII° sequentibus articulis, sibi diligenter expositis, requisita,
"Dixit per dictum suum iuramentum, quod ipsa Iohanneta
erat bene et sufficienter in fide catholica, ut similes filie eius
etatis, instructa ; et ab eius infancia seu adolescencia usque ad
recessum illius a domo paterna, bonis moribus imbuta, casta filia,
bone conversacionis, ecclesias et loca sacra devote frequenter,
conversans ; ita quod quando villa de Dompno Remigio iam dicto fuit
combusta, ipsa Iohanneta diebus festivis semper ibat auditum missam
ad villam de Greu ; et libenter confitebatur diebus congruis
; et presertim die festi sanctissimi Pasche, sive Resurrectionis
Domini Nostri Ihesu Christi ; et, ut sibi visum fuit, non erat in
duabus villis melior. Ipsa occuppabat se diversis negociis in domo
paterna ; quia aliquociens nebat canapum, lanam ; ibat ad aratrum,
ad messes, dum tempos occurrebat, et aliquociens, secundum turnum,
patris animalia et pecus dicte ville custodiebat. Nec aliud sciret
deponere."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
habet, etc...", requisita,
"Dixit quod illa arbor vocatur l'obre dominarum
; et ipsa testis alias fuit, cum dominabus et dominis temporalibus
dicte ville, subtus illam arborem, ad spaciandum propter pulchritudinem
arboris. Dixit eciam quod illa arbor est iuxta iter magnum, per
quod itur ad Novum Castrum ; et alias audivit dici quod antiquitus
domine fatales, gallici fees, subtus eamdem arborem ibant.
Sed propter eorum peccata, ut dixit, nunc non vadunt. Dixit insuper
quod puelle et iuvenes dicte ville de dicto Dompno Remigio, annis
singulis, in dominico Letare Iherusalem, que dicitur des Fontaines,
ac tempore veris, inter quas dicta Iohanneta ibat, vadunt ad illam
arborem, et subtus eamdem cantant et coreas faciunt, comedunt ibidem,
et redeundo veniunt ad fontem ad rannos ; et de aqua eiusdem fontis
bibunt. Dixitque quod curatus, in vigilia Ascensionis, portat cruces
per campos, ipse vadit subtus illam arborem, et ibidem cantat evangelium,
et eciam vadit ad fontem rannorum et alios fontes ad cantandum evangelium,
prout vidit. Nec aliud scit."
Super X° sequente articulo incipiente : "Item, inquiratur
de modo, etc...", requisita,
"Dixit quod ipsa Iohanneta ivit ad Valliscolorem,
dum recessit de domo patris. Nec
alias sciret deponere."
Super XI° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in dicta, etc...", requisita,
"Dixit quod audivit dici quod fuerunt fratres minores
in dicta villa, ad faciendum informaciones, ut dicebatur. Nec aliud
scit, quia nichil petitum sibi fuit."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc...", requisita,
"Dixit quod, quando ipsa Iohanna fuit ad Novum
Castrum, omnes habitatores dicte vine ibidem fugerant ; et, prout
vidit, ipsa Iohanna ibidem stando et ab eodem recedendo, semper
in comitiva patris et matris suorum fuit ; nec unquam alicui nisi
patri, usque ad recessum eius ad Franciam, servivit."
Plura nescit. Citata venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc...
Sources :
- "La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456" - Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers - 1961
Traduction : source Pierre Duparc.
- Articles du questionnaire
Notes :
* Voir serment Jean Morel.
1 Attaque bourguignonne de juillet 1428 au cours de laquelle l'église Saint-Rémi fut brûlée.
2 Le clerc note ici : "dixit le témoin".
De quels péchés s'agit-il ? ceux des fées ou ceux des habitants du village ?
3 Cérémonie des "rogations".
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