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22 novembre 2024  

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V-3 - Déposition de Jean d'Orléans, comte de Dunois.

  En premier, l'an du Seigneur mille quatre cent cinquante-six, le 22e jour de février, de la part desdits Isabelle, Pierre et Jean d'Arc, fut produit devant nous, reçu, juré et entendu, et absous quant à sa déposition, le sire Jean, comte de Dunois, qui a déposé tant sur les articles que sur les questions en la manière suivante, en présence de maîtres Guillaume Bouillé, doyen de Noyon, et Jean Patin, sous-inquisiteur de la perversité hérétique, de l'ordre des frères précheurs, professeur de théologie sacrée.

  Sur les quatrième et huitième articles, et sur le septième de l'interrogatoire du promoteur au sujet de son arrivée auprès du roi, de sa conduite avec les hommes d'armes et de ses talents militaires, de même au sujet de sa dévotion, de sa charité et de ses autres vertus — les autres articles étant omis à la demande du promoteur — le très illustre seigneur Jean, comte de Dunois et de Longueville, lieutenant général de notre seigneur le roi pour le fait des guerres, âgé d'environ cinquante et un ans,

  Interrogé s'il croit vraiment que Jeanne fut envoyée par Dieu pour accomplir des faits de guerre, plutôt que poussée par une habileté humaine, répond croire que Jeanne fut envoyée par Dieu, et que ses faits de guerre viennent d'une inspiration divine plutôt que d'un talent humain.

  Interrogé sur ce qui le pousse à parler ainsi, répond que c'est pour plusieurs conjectures dont l'énoncé suit. D'abord, quand il était dans la cité d'Orléans alors assiégée par les Anglais, des nouvelles et des rumeurs parvinrent — il l'affirme — suivant lesquelles une certaine jeune fille, qu'on appelait communément la Pucelle, venait de passer à Gien et prétendait aller vers le noble dauphin, afin de faire lever le siège d'Orléans et de conduire le dauphin à Reims pour le sacre ; et comme le seigneur déposant avait la garde de la cité, parce qu'il était lieutenant général pour le fait des guerres et qu'il voulait être plus amplement informé sur le compte de cette Pucelle, il envoya au roi le sire de Villars, sénéchal de Beaucaire, et Jamet de Tillay, qui fut ensuite bailli de Vermandois ; à leur retour ceux-ci rapportèrent au seigneur déposant et déclarèrent en public, devant tout le peuple d'Orléans, fort désireux de savoir la vérité sur l'arrivée de cette Pucelle, qu'ils l'avaient vue quand elle aborda le roi dans la ville de Chinon. Ils dirent aussi que le roi, de prime abord, ne voulait pas la recevoir ; ladite Pucelle attendit deux jours avant qu'on lui permît de se présenter au roi, bien qu'elle déclarât avec persévérance venir pour faire lever le siège d'Orléans, et pour conduire le noble dauphin à Reims, où il serait sacré ; et elle demandait instamment une troupe d'hommes de guerre, des chevaux et des armes. Il se passa un délai de trois semaines ou un mois, pendant lequel, sur l'ordre du roi, ladite Pucelle fut examinée par des clercs, prélats et docteurs en théologie sur ses dits et ses faits, afin de savoir si elle pouvait être reçue sans risque, et pendant lequel le roi fit réunir quantité d'hommes d'armes pour conduire un convoi de ravitaillement à cette cité d'Orléans. Mais après avoir entendu l'avis desdits prélats et docteurs, qui n'avaient rien trouvé de mal en cette Pucelle, le roi l'envoya en compagnie du seigneur archevêque de Reims, alors chancelier de France, et du sire de Gaucourt, alors grand maître de l'hôtel du roi, vers la ville de Blois, où étaient arrivés les seigneurs qui conduisaient le ravitaillement, à savoir les seigneurs de Rais et de Boussac, maréchaux de France, avec lesquels étaient le seigneur de Culan, amiral de France, La Hire, et le seigneur Ambroise de Loré, nommé par la suite prévôt de Paris. Tous ensemble, avec Jeanne la Pucelle, et les hommes d'armes conduisant le ravitaillement, vinrent en armée ordonnée, par la Sologne, directement jusqu'au bord de la Loire, en face de l'église appelée Saint-Loup, dans laquelle se trouvaient des Anglais nombreux et courageux. Aussi parut-il audit seigneur déposant et aux autres capitaines que les troupes royales, c'est-à-dire ces hommes d'armes accompagnant le ravitaillement, n'étaient pas suffisantes pour faire face et conduire les vivres jusque dans la cité ; et surtout il leur parut que les nefs ou bateaux, nécessaires pour aller chercher le ravitaillement, et difficiles à obtenir, devraient remonter le courant de l'eau avec un vent tout à fait contraire. Alors Jeanne s'adressa au seigneur déposant en ces termes : « Êtesvous le bâtard d'Orléans ? » Il répondit : « Oui, je le suis, et je me réjouis de votre arrivée ». Elle reprit : « Est-ce vous qui avez donné le conseil de me faire venir ici, de ce côté de la rivière, et de ne pas aller directement où se trouvent Talbot et Anglais ? » Il répondit que lui, et d'autres plus sages encore, avaient donné ce conseil, croyant agir au mieux et plus sûrement. Jeanne reprit alors en ces termes : « En nom Dieu, les conseils de Dieu, mon Seigneur, sont plus sûrs et plus sages que les vôtres. Vous avez cru m'abuser, et vous vous êtes bien plus abusés vous-mêmes, car je vous apporte le meilleur secours qui aura jamais été donné à un combattant ou à une cité, c'est le secours du Roi des cieux. Il ne vient pas cependant pour l'amour de moi : il vient de ce Dieu qui, à la requête de saint Louis et de saint Charlemagne, eut pitié de la ville d'Orléans, et ne souffrit pas que les ennemis eussent et le corps du seigneur d'Orléans et sa ville ».

  Dit en outre ledit déposant qu'aussitôt, comme à l'instant, le vent qui était contraire, et très opposé à la montée des bateaux chargés de ravitaillement pour Orléans, changea et devint favorable ; aussi les voiles furent immédiatement tendues ; ledit déposant monta sur les bateaux, accompagné de frère Nicolas de Géresme, maintenant grand prieur de France, et ils passèrent au-delà de l'église Saint-Loup en dépit des Anglais. Dès lors le déposant eut grand confiance en Jeanne, plus qu'auparavant ; il la supplia de bien vouloir traverser le fleuve de Loire et entrer dans la ville d'Orléans, où elle était fort réclamée. Elle fit la-dessus des difficultés déclarant ne pas vouloir abandonner sa troupe, des hommes d'armes bien confessés, pénitents et de bonne volonté ; aussi refusait-elle de venir. Le déposant alla auprès des capitaines qui avaient la charge de mener ces hommes d'armes ; il les supplia et requit, pour les besoins du roi, d'accepter que Jeanne entrât dans la cité d'Orléans, et quand à eux d'aller à Blois, avec leurs troupes, où ils traverseraient la Loire pour se rendre à Orléans ; il n'y avait en effet aucun passage plus proche. Les capitaines acquiescèrent à cette requête et consentirent à traverser à Blois. Alors Jeanne partit avec le sire déposant, ayant en mains son étendard, qui était blanc, avec l'image de Notre Seigneur tenant une fleur de lys ; avec elle La Hire traversa aussi le fleuve Loire, et ils entrèrent ensemble dans la ville d'Orléans. De toute cette relation il paraît audit sire déposant que Jeanne, dans sa conduite de la guerre, était menée plus par Dieu que par un esprit humain, attendu le changement de vent arrivé subitement après ses paroles donnant l'espoir d'un secours, attendu l'entrée du ravitaillement malgré les Anglais, beaucoup plus forts que l'armée royale, compte tenu en outre que cette jeune fille affirmait avoir eu la vision de saint Louis et de Charlemagne priant Dieu pour le salut du roi et de cette cité.

  De même par autre conjecture il croit qu'elle agissait inspirée par Dieu. En effet, lorsque ledit sire déposant voulut aller chercher les hommes d'armes pour traverser à Blois et porter secours à ceux de la cité [d'Orléans], Jeanne ne voulut plus attendre et donner au déposant son accord pour le départ ; elle voulait au contraire soit faire sommation aux Anglais assiégeant la cité pour la levée du siège, soit donner l'assaut. Ce qu'elle fit. Elle somma les Anglais, par une lettre rédigée dans sa langue maternelle, en des termes très simples, dont la substance était qu'ils eussent à lever le siège et à partir pour le royaume d'Angleterre ; sinon elle leur ferait si grand assaut qu'ils seraient forcés de partir. Cette lettre fut envoyée au sire Talbot ; et alors qu'auparavant, au dire du déposant, des Anglais au nombre de deux cents faisaient fuir huit cents ou mille hommes de l'armée royale, à partir de ce moment quatre ou cinq cents hommes du roi, livrant combat à presque toutes les forces anglaises, pressaient les Anglais du siège au point que ceux-ci n'osaient pas sortir de leurs abris et bastilles.

  De même par autre conjecture croit qu'elle agissait de par Dieu : en effet le [7] mai, de bon matin, au début de l'assaut contre les ennemis établis sur le boulevard du pont, Jeanne fut blessée d'une flèche ; celle-ci pénétra dans les chairs entre le cou et l'épaule d'un demi-pied. Néanmoins, malgré cela, elle n'abandonna pas la bataille, ni ne prit de remède pour la blessure. L'assaut cependant dura depuis matines jusqu'à la huitième heure du soir, si bien qu'on n'espérait plus une victoire ce jour là ; aussi ledit sire déposant en avait assez et voulait que l'armée revînt vers la ville. Alors la Pucelle s'approcha, lui demandant d'attendre encore un peu ; elle-même, montant à cheval, se retira vers une vigne, assez loin des troupes ; elle se tint en prière dans cette vigne pendant un demi quart d'heure. Puis elle revint, prit aussitôt en main son étendard, le plaça sur le bord du fossé ; à l'instant où elle fut là, les Anglais tremblèrent et prirent peur ; les soldats du roi reprirent courage et commencèrent à monter, livrant assaut au boulevard, sans rencontrer aucune résistance. Le boulevard fut alors pris, et les Anglais qui s'y trouvaient mis en fuite et tous moururent. Ledit sire déposant dit entre autres que Classidas et les principaux autres capitaines anglais de cette bastille, croyant faire retraite dans la tour du pont d'Orléans, tombèrent dans le fleuve et se noyèrent. Or, ce Classidas avait été celui qui parlait de la Pucelle le plus injurieusement, avec le plus de mépris et d'ignominie. Une fois la bastille prise, le déposant et la Pucelle retournèrent avec les autres Français dans la cité d'Orléans, où ils furent reçus avec grande joie et reconnaissance ; et Jeanne fut conduite à son logement pour que sa blessure reçût des soins. Une fois les soins donnés par un chirurgien, elle se restaura en prenant quatre ou cinq rôties dans du vin, coupé de beaucoup d'eau, et elle ne prit aucune autre nourriture ou boisson de tout le jour. Le lendemain, de bon matin, les Anglais sortirent de leurs tentes et se rangèrent en bataille pour le combat. A cette vue, la Pucelle se leva de son lit et mit seulement un habit appelé en français jasseran ; elle décida cependant que personne n'attaquerait les Anglais, ni leur réclamerait rien, mais qu'on les laisserait partir. Et ils partirent en fait, sans que personne alors les poursuivît. Dès ce moment la ville fut délivrée des ennemis.

  De même dit le sire déposant qu'après le siège de la ville d'Orléans la Pucelle, accompagnée du déposant et autres capitaines, se rendit auprès du roi au château de Loches, pour lui demander d'envoyer des gens de guerre reprendre les châteaux et villes situés sur la Loire, à savoir Meung, Beaugency et Jargeau ; ce qui permettrait de poursuivre plus librement et plus sûrement au-delà jusqu'à Reims, pour le sacre. Elle pressait le roi à ce sujet avec beaucoup d'insistance et fréquemment, pour qu'il se hâtât, qu'il n'attendît pas davantage. Alors le roi fit toute la diligence possible, envoya le duc d'Alençon, ledit seigneur déposant et les autres capitaines avec Jeanne afin de reprendre villes et châteaux ; de fait on les remit dans l'obéissance royale en peu de jours, grâce à la Pucelle, comme le croit le seigneur déposant, interrogé sur cela et entendu.

  De même déclare ledit seigneur, sur ce interrogé, qu'après la levée du siège d'Orléans les Anglais rassemblèrent une grande armée pour défendre les localités et châteaux susdits, qu'ils tenaient. Le château et le pont de Beaugency étant assiégés [par les Français], l'armée anglaise se dirigea vers le château de Meung-sur-Loire, encore dans l'obéissance des Anglais ; mais elle ne put secourir les assiégés du château de Beaugency. Lorsque les Anglais apprirent que le château avait été pris et placé dans l'obéissance du roi [de France], ils se réunirent en une seule armée, si bien que les Français crurent qu'ils allaient fixer un jour pour la bataille. Aussi les Français ordonnèrent leur armée et se rangèrent en bataille, en attendant les Anglais. Alors le sire duc d'Alençon, en présence du seigneur connétable, du sire déposant et de plusieurs autres, demanda à Jeanne ce qu'il devait faire. Elle lui répondit à haute voix : « Avez-vous de bons éperons ? » A ces mots les assistants demandèrent à Jeanne : « Que dites-vous ? Devrions-nous tourner les talons ? » Alors Jeanne répondit : « Non ! Ce seront les Anglais qui ne se défendront pas et seront vaincus et il vous faudra des éperons pour leur courir sus ». Il en fut ainsi : les Anglais s'enfuirent et, tant morts que prisonniers, il y en eut plus de quatre mille.

  De même déclare ledit seigneur bien se rappeler, en vérité, que, le roi se trouvant au château de Loches, le déposant et la Pucelle allèrent le voir après la levée du siège d'Orléans ; le roi était dans sa chambre, en français, de retrait, avec le sire Christophe d'Harcourt, évêque de Castres, confesseur du roi et le sire de Trêves, autrefois chancelier de France ; avant de pénétrer dans cette chambre, elle frappa à la porte ; et, aussitôt entrée, elle se mit à genoux, tint embrassées les jambes du roi en disant ces mots ou d'autres semblables : « Noble dauphin, ne tenez plus davantage de délibérations, et si longues ; venez au plus tôt à Reims pour prendre une digne couronne ». Alors le susdit Christophe d'Harcourt, s'adressant à elle, lui demanda si elle tenait cela de son conseil ; et Jeanne répondit oui, elle avait été fort poussée à cela. Ledit Christophe s'adressa de nouveau à Jeanne : « Ne voulez-vous pas dire ici, en présence du roi, de quelle façon se manifeste votre conseil, quand il vous parle ? » Elle lui répondit en rougissant : « Je sais assez ce que vous voulez savoir, et je vous le dirai volontiers ». Le roi lui dit alors : « Jeanne, vous plairait-il bien de faire une déclaration sur ce qu'il demande, ici, en présence des assistants ? » Elle répondit au roi oui, et s'exprima en ces termes, ou en d'autres semblables : quand elle était mal contente de quelque manière, parce qu'on ne la croyait pas en ce qu'elle disait de la part de Dieu, elle se tirait à part et priait Dieu, se plaignant à lui de ce que ses interlocuteurs ne la croyaient pas facilement ; et une fois sa prière à Dieu faite, elle entendait alors une voix lui dire : « Fille Dé, va, va, va, je serai à ton aide, va » ; et quand elle entendait cette voix, elle se réjouissait fort, et désirait en outre rester toujours dans le même état ; et, ce qui est encore plus fort, en répétant les paroles de ses voix elle avait des élans de joie admirables, en levant les yeux vers le ciel.

  De même le déposant, interrogé, déclare se rappeler qu'après lesdites victoires les princes du sang royal et les capitaines voulaient que le roi allât en Normandie et non à Reims ; mais la Pucelle fut toujours d'avis qu'il fallait aller à Reims pour faire sacrer le roi ; et elle en donnait la raison, disant que, une fois le roi couronné et sacré, la puissance de ses ennemis irait toujours en diminuant, et que ceux-ci à la fin ne pourraient plus nuire ni au roi, ni au royaume. Tous se rallièrent à cet avis. Le premier endroit où le roi s'arrêta et prit position avec son armée fut devant la cité de Troyes. Là il tint conseil avec les princes du sang et les autres capitaines pour aviser si on s'arrêterait devant ladite cité, pour l'assiéger et la prendre ou s'il était préférable de passer au-delà, en allant droit, à Reims, et en abandonnant la cité de Troyes. Le conseil du roi se partagea en divers avis, hésitant sur ce qui serait le plus utile. La Pucelle vint, entra au conseil, et dit ces paroles ou d'autres semblables : « Noble dauphin, ordonnez à vos troupes d'assiéger la ville de Troyes, sans poursuivre de plus longues délibérations, car, en nom Dieu, avant trois jours je vous ferai entrer dans cette cité, par amour ou par puissance et force ; et la Bourgogne, pleine de fausseté, sera très stupéfaite ». Alors la Pucelle avança aussitôt avec l'armée royale, fixa les tentes au long des fossés, et prit telles admirables précautions que n'auraient pas prises deux ou trois chefs de guerre plus exercés et plus fameux. Elle travailla tant cette nuit-là que le lendemain l'évêque et les citoyens de la cité, effrayés et tremblants, se placèrent dans l'obéissance royale. Comme on le sut plus tard, à partir du moment où Jeanne donna son avis au roi de ne pas abandonner la cité, ces citoyens perdirent courage et ne cherchèrent qu'à fuir et se réfugier dans les églises. Une fois cette cité rentrée dans l'obéissance au roi, celui-ci partit pour Reims, où il trouva une entière soumission et où il fut sacré et couronné.

  De même le déposant, interrogé sur la vie et les mœurs de la Pucelle, déclare qu'elle avait l'habitude, tous les jours, à l'heure des vêpres ou crépuscule, de se retirer dans une église et d'y faire sonner les cloches pendant une demi heure ; elle rassemblait les religieux mendiants qui suivaient l'armée royale, se mettait alors en prière et faisait chanter par ces frères mendiants une antienne à la sainte Vierge, mère de Dieu.

  Dit en outre ledit déposant, interrogé sur ce, que le roi arrivant à La Ferté et à Crépy en Valois, le peuple vint au devant de lui, plein d'allégresse et criant : « Noël ». Alors la Pucelle, qui chevauchait entre l'archevêque de Reims et ledit déposant, dit ces paroles : « Voici un bon peuple ! Je n'ai jamais vu autre peuple qui tant se réjouît à la venue d'un si noble roi ; et puissé-je être assez heureuse, à la fin de mes jours, d'être inhumée en cette terre ! » Entendant cela, ledit seigneur archevêque dit : « O Jeanne ! en quel lieu avez-vous espoir de mourir ? » Elle répondit : « Où cela plaira à Dieu, car je ne sais pas plus que vous ni le temps, ni le lieu. Et puisse-t-il plaire à Dieu, mon créateur, que je me retire, abandonnant les armes, et que j'aille servir mon père et ma mère, en gardant leurs moutons, avec ma soeur et mes frères, qui se réjouiraient beaucoup de me voir ».

  De même ledit sire, interrogé sur la vie, les vertus et la conduite de Jeanne au milieu des hommes d'armes, déclare et atteste qu'elle dépassait en tempérance toute autre personne vivante ; et il entendit souvent les propos du sire Jean d'Aulon, chevalier, maintenant sénéchal de Beaucaire, placé et désigné par le roi pour accompagner la Pucelle et la protéger, parce qu'il était sage chevalier et d'une honnêteté exemplaire. Ce chevalier disait ne pas croire qu'il existât femme plus chaste qu'elle. Affirme en outre ledit déposant que lui et d'autres de même, se trouvant en la compagnie de cette Pucelle, n'avaient aucune intention ni désir d'avoir commerce avec une femme ou d'en fréquenter une ; ce qui paraît au déposant comme chose venant presque de Dieu. Dit enfin que quinze jours après qu'il eût fait prisonnier le comte de Suffolk, lors de la reddition de Jargeau, on envoya à ce comte un petit papier contenant quatre vers : ils faisaient mention d'une Pucelle devant venir du Bois Chenu, chevauchant sur le dos des archers et contre eux.

  Pour terminer, dit entre autres ledit déposant, sur ce interrogé, que Jeanne, afin de stimuler les soldats, plaisantait sur des faits d'armes, ou beaucoup de choses touchant à la guerre, qui peut-être n'avaient pas été exécutés ; cependant quand elle parlait sérieusement de la guerre, de ses propres actions et de sa vocation, jamais elle n'affirmait autre chose que ceci : elle avait été envoyée pour faire lever le siège d'Orléans, pour secourir le peuple opprimé de cette ville et des lieux avoisinants, et pour conduire le roi à Reims afin qu'il fût sacré.

                               

Et primo, de anno Domini M CCCC LV., die XXIIa februarii, pro parte predictorum Ysabellis, Petri et Iohannis Darc, coram Nobis fuit productus, receptus, iuratus et examinatus, atque quoad actum deponendi absolutus, dominus Iohannes, comes Dunensis, qui, tam super articulis, quam interrogatoriis, deposuit in modum qui sequitur, presentibus magistris Guillermo Boullé, decano noviomensi, et Iohanne Patin, subinquisitore heretice pravitatis, ordinis fratrum predicatorum, sacre theologie professoribus.

Super IV° et VIII° articulis, et super VII° interrogatorio promotoris, de adventu apud regem, de conversacione dicte Iohanne cum armatis et in artibus bellicis, similiter de devocione, pietate et ceteris virtutibus ipsius, aliis de voluntate producentis omissis, illustrissimus princeps, dominus Iohannes, cornes Dunensis et de Longavilla, locumtenens generalis domini nostri regis in facto guerre, etatis LI annorum, vel eocirca,

Interrogatus si ipsam Iohannam verissimiliter credat missam a Deo fuisse ad actus bellicosos exercendos, magis quam ab industria humana ?

  "Respondet quod crédit ipsam Iohannam esse a Deo missam, et actus eius in bello esse pocius divino aspiramine quam spiritu humano."

Interrogatus quid movet eum ?

  "Dicit quod propter multas coniecturas, que secuntur.

  Et primo, asserit quod, ipso existente in civitate aurelianensi, tunc obsessa ab Anglicis, venerunt nova seu rumores quod per villam de Gyen transierat quedam iuvencula, vulgariter dicta Puella, asserens se accedere ad nobilem Dalphinum, pro levando obsidionem aurelianensem et pro conducendo ipsum Dalphinum Remis, ad sacrandum ; et, quia ipse dominus deponens habebat custodiam dicte civitatis, eratque locumtenens regis in facto guerre generalis, ut amplius informaretur de veritate illius Puelle, misit ad regem dominum de Villars, senescallum de Beaucaire, et Iametum de Tillay, qui postea fuit baillivus viromandensis ; qui, revertentes a rege, retulerunt domino deponenti et dixerunt publiée, in presencia tocius populi aurelianensis, multum desiderantis scire veritatem adventus eiusdem Puelle, quod ipsi viderant ipsam Puellam applicari apud regem, in villa de Chinon. Dicebantque quod ipse rex prima fronte noluit eam recipere ; ymo fuit dicta Puella per spacium duorum dierum exspectans antequam accedere permicteretur ad presenciam ipsius regis ; licet ipsa Puella perseveranter diceret quod veniebat ad levandum obsidionem aurelianensem, et conducendum dictum nobilem Dalphinum Remis, ut consecraretur ; requirens instanter societatem hominum, equos et arma. Transacto autem trium ebdomadarum aut unius mensis spacio, quo pendente tempore rex iusserat dictam Puellam examinari per clericos, prelatos et doctores théologie, super dictis suis et factis, ad sciendum si secure posset eam recipere, rex ipse fecit congregari multitudinem armatorum, pro conducendo victualia apud dictam civitatem aurelianensem. Sed, audita opinione dictorum prelatorum ; et doctorum, scilicet quod nichil erat mali in dicta Puella, misit eamdem ; in societate domini archiepiscopi remensis, tunc cancellarii Francie, ac domini de Gaucourt, nunc magni magistri hospicii regis, ad villam de Bloys, in qua venerunt domini qui conducebant victualia, scilicet domini de Res et de Boussac, marescalli Francie cum quibus erant dominus de Culen, admiraldus Francie, la Hire, et dominus Ambrosius de Loré postea factus prepositus parisiensis ; qui omnes insimul, cum armatis conducentibus victualia et Iohanna Puella, venerunt a parte de la Sauloigne, in excercitu ordinato, usque ad ripam de Ligeris, de directo, usque et iuxta ecclesiam que dicitur Sancti Lupi, in qua erant Anglici multi et fortes. Et, quia excercitus regis, seu armatorum conducencium huiusmodi victualia, non videbatur dicto domino deponenti et aliis dominis capitaneis suffîciens ad resistendum, et conducendum ipsa victualia infra civitatem, ymo maxime, quia opus erat habere naves seu bastellos, quas seu quos cum difficultate habere poterant, pro eundo quesitum dicta victualia, quia opportebat ascendere contra cursum aque, et ventus erat totaliter contrarius, tunc ipsa Iohanna dixit verba que sequuntur : "Estis vos bastardus aurelianensis ?" Qui respondit : "Ita sum, et letor de adventu vestro". Tunc ipsa dixit eidem domino deponenti : "Estis vos qui dedistis consilium quod venerim huc, de isto latere riparie ; et quod non iverim de directo ; ubi erat Tallebot et Anglici ?" Qui deponens respondit quod ipse et alii, sapienciores eo, dederant illud consilium, credentes melius facere et securius. Tunc ipsa Iohanna dixit in isto modo : "En nom Dieu, consilium Dei Domini nostri est securius et sapiencius quam vestrum. Vos credidistis me decipere ; et vos vosmetipsum plus decipitis, quia ego adduco vobis meliorem succursum quam venerit unquam cuicumque militi aut civitati ; quia est succursus a Rege celorum. Non tamen amore mei, sed procedit ab ipso a Deo, qui, ad requestam sancti Ludovici et sancti Karoli Magni, habuit pietatem de villa aurelianensi, nec voluit pati quod inimici haberent corpus domini aurelianensis et eius villam". Dicitque preterea dictus deponens quod statim, et quasi in momento, ventus, qui erat contrarius et maxime impediens ne ascenderent naves, in quibus erant victualia, ad civitatem aurelianensem, mutatus est et factus ei propicius. Quare statim tensa sunt vela, et dictus deponens intravit bastellos seu naves ; et cum eo frater Nicolaus de Geresme, nunc magnus prior Francie ; et transiverunt ultra ecclesiam Sancti Lupi, invitis Anglicis. Extunc dictus deponens habuit bonam spem de ea, et plus quam ante, sibique tunc supplicavit quod ipsa vellet transire fluvium Ligeris, et intrare villam aurelianensem, ubi plurimum erat desiderata. De qua re fecit difficultatem, dicens quod nollebat dimictere gentem suam, seu armatos homines, qui erant bene confessi, penitentes et bone voluntatis ; et propterea recusabat venire. Dictus deponens ivit ad capitaneos guerre, qui habebant onus conducendi dictos armatos, quibus supplicavit et requisivit quod, pro utilitate regis, ipsi vellent contentari quod dicta Iohanna intraret civitatem aurelianensem, et quod ipsi capitanei cum societate sua irent apud Blesis, ubi transirent Ligerim, pro veniendo aurelianensem, quia alibi non reperiebatur passagium propinquius. Quam requestam dicti capitanei receperunt, et consenserunt transire Blesis. Et tunc ipsa Iohanna venit cum dicto domino déponente, portans in manu sua suum vexillum, quod erat album, et in quo erat figura Domini nostri, tenens florem in manu sua lilii. Transivitque cum ea fluvium Ligeris la Hire. Intraverunt simul in villa aurelianensi. Ex quibus iam recitatis, videtur dicto domino deponenti quod dicta Iohanna, et eius facta in excercitu bellico erant pocius a Deo quam ab homine, actentis mutacione venti subito facta, postquam locuta est, dando spem succursus, et introductione victualium, invitis Anglicis, qui longe forciores erant excercitu regio ; considerato preterea quod illa iuvencula asserebat in visione habuisse quod sancti Ludovicus et Karolus magnus orabant Deum pro salute regis et illius civitatis.

  Item, per aliam coniecturam credit facta sua esse a Deo : quia dictus dominus deponens, dum vellet ire quesitum armatos qui transibant Blesis, ad prebendum adiutorium illis de civitate predicta, ipsa Iohanna vix volebat exspectare, et dare consensum eidem deponenti, ut iret ad eos ; ymo volebat summare Anglicos obsidentes illam civitatem, antequam intentarent levare illam obsidionem, aut dare eis insultum. Quod et fecit, quia summavit dictos Anglicos, per unam licteram suo materno ydyomate confectam, verbis bene simplicibus ; continentem in substancia quod ipsi Anglici recedere vellent de obsidione, et irent ad regnum Anglie ; alias ipsa daret eis ita magnum insultum quod cogerentur recedere. Et fuerunt misse dicte lictere domino de Tallebot ; et ab illa hora ille dominus qui deponit asserit quod Anglici, qui prius in numero ducenti fugabant octo centum aut mille de excercitu regis, a post et extunc quatuor centum aut quinque armatorum seu pugnancium pugnabant in conflictu quasi contra totam potestatem Anglicorum ; et sic cogebant Anglicos existentes in obsidione aliquociens, quod non audebant exire de suis fefugiis et bastilliis.

  Item, per aliam coniecturam crédit facta sua a Deo esse, quia die septima maii, bene mane, dum inchoaretur insultus contra adversarios existentes infra bollevardum Pontis, dicta Iohanna fuit vulnerata ex una sagicta, que penetravit carnem suam inter collum et spatulas, de quantitate dimidii pedis. Nichilominus, hoc non obstante, non cessavit a conflictu, nec cepit medicamentum contra vulnus. Duravitque insultus ab hora matutina usque ad octavam de vespere, sic quod non erat quasi spes de victoria illo die. Propter quod dictus dominus deponens satagebat et volebat quod excercitus retraheretur ad civitatem. Et tunc dicta Puella venit ad eum, et requisivit quod adhuc paulisper exspectaret. Ipsaque ex illa hora ascendit equum, et sola recessit in unam vineam, satis longe a turba hominum ; in qua vinea fuit in oracione quasi per spacium dimidii quarti hore. Ipsa autem, regressa ab illo loco, statim cepit suum vexillum in manibus eius, posuitque se supra bordum fossati ; et in instanti, ipsa ibi existente, Anglici fremuerunt et pavidi effecti sunt. Armati vero regis resumpserunt animum, et ceperunt ascendere, dando insultum contra boullevardum, non reperientes quamcumque resistenciam. Et ex tunc dictum boullevardum fuit captum, et Anglici existentes in illo conversi sunt in fugam ; omnes autem mortui. Et inter cetera dicit dictus dominus deponens quod Classidas, et alii principales capitanei Anglicorum dicte bastillie, credentes se retrahere in turri pontis aurelianensis, ceciderunt in fluvium et submersi sunt. Ipse autem Classidas fuerat ille qui plus iniuriose et cum maiori ignominia seu vilipensione loquebatur de dicta Puella. Capta vero ipsa bastillia, reversi sunt dictus deponens et ipsa Puella, cum aliis Gallicis, infra civitatem aurelianensem, in qua recepti sunt cum ingenti gaudio et pietate. Fuitque ipsa Iohanna ducta ad hospicium suum, ut prepararetur vulnus eius. Qua preparacione facta per cirurgicum, ipsa cepit refectionem suam, sumendo quatuor vel quinque vipas in vino mixto multa aqua, nec alium cibum aut potum sumpsit pro toto die. In crastino vero, summo mane, Anglici exierunt de suis tentoriis, et ordinaverunt se in excercitu pro pugnando. Quo viso, dicta Puella surrexit de lecto, et armavit se solum uno habitu, gallice jasseren, Non tamen voluit tunc quod aliquis invaderet dictos Anglicos, nec aliquid peteretur ab eis ; sed quod permicterentur abire ; sicut et de facto abierunt, nemine eos tunc persequente. Ex qua hora dicta villa fuit ab hostibus liberata.

  Item, dicit dominus deponens quod, post obsidionem ville aurelianensis levatam dicta Puella, cum dicto domino deponente et aliis capitaneis guerre, accessit ad regem existentem in Castro de Loches, pro requirendo eum ut mandaret armatos ad recuperandum castra et villas supra fluvium Ligeris situatas, videlicet Meun, Baugency et Gergueau, ad finem ut liberius et securius procederet ultra, ad suam consecracionem Remis. De qua re ipsa instantissime et frequenter instigabat regem, ut festinaret, nec tardaret amplius. Ex tunc, rex fecit omnem diligenciam possibilem, misitque ducem Alenconii, dictum dominum deponentem et alios capitaneos, cum dicta Iohanna, pro recuperacione dictarum villarum et castrorum. Que ville et castra fuerunt reducte de facto ad obedienciam regis, infra paucos dies, per medium ipsius Puelle, ut credit dictus dominus deponens, super hoc interrogatus et examinatus.

  Item, deponit dictus dominus, super hoc interrogatus, quod, post liberacionem ville aurelianensis ab obsidione Anglicorum, ipsi Anglici congregaverunt magnum excercitum armatorum, pro defendendo villas et castra predictas, quas tenebant. Et obsidione existente ante castrum et pontem de Baugency, excercitus Anglicorum applicuit apud castrum de Meun supra Ligerim, quod erat adhuc in obediencia Anglicorum. Sed, quia ipsi Anglici non potuerunt tunc succurrere illis Anglicis qui erant obsessi in Castro de Beaugency, postquam venit ad eorum noticiam quod dictum castrum fuit captum et reductum ad obedienciam regis, dicti Anglici posuerunt se et univerunt in uno excercitu, taliter quod Gallici credebant ipsos Anglicos velle presentare dietam ad pugnandum. Propter quod et ipsi Gallici ordinaverunt excercitum suum, et disposuerunt se in bello ad exspectandum dictos Anglicos. Tunc dominus dux Alenconii, in presencia domini conestabularii, dicti domini deponentis, et aliorum plurium, peciit a dicta Iohanna quid ipse deberet facere. Ipsa vero respondit prefato domino alta voce sic : "Habeatis omnes bona calcaria !" Quo audito, assistentes pecierunt eidem Iohanne : "Quid dicitis ? Nos ergo terga vertemus ?" Tunc ipsa Iohanna respondit : "Non ; sed erunt Anglici qui se non defiendent sed devincentur ; eruntque vobis neccessaria calcaria ad currendum post eos." Sicut et ita fuit, quia ipsi fugerunt ; et fuerunt, tam mortui, quam captivi, plus quam quatuor milia.

  Item, deponit dictus dominus quod bene recordatur et est verum quod, rege existente in Castro de Loches, dictus deponens et ipsa Puella iverunt ad eum, post levacionem obsidionis aurelianensis. Et, dum rex esset in camera sui secreti, gallice de retrait, in qua erant secum dominus Christoforus de Harecourt, episcopus castrensis, confessor ipsius regis, et dominus de Treves, qui alias fuerat cancellarius Francie, dicta Puella, antequam intraret cameram, percussit ad hostium ; et, quam cito ingressa fuit, posuit se genibus flexis, et amplexata est tibias regis, dicens talia verba, vel similia : "Nobilis Dalphine, non teneatis amplius tot et tam prolixa consilia ; sed venite quam cicius ad capiendum Remis dignam coronam !" Et tunc prefatus dominus Christoforus de Harecourt, colloquendo cum ea, petivit si suum consilium sibi dicebat hec. Ipsa vero Iohanna respondit : "sic ; quodque erat plurimum stimulata de huiusmodi re". Et tunc prefatus Christoforus dixit ipsi Iohanne : "Non velletis vos dicere hic, in presencia regis, modum vestri consilii, quando loquitur vobis ?" Cui illa respondit, rubescendo : "Ego concipio", inquit, "satis illud quod vos vultis scire ; et ego libenter dicam vobis". Ad quam Iohannam rex ait : "Iohanna, an placeat bene vobis declarare illud quod petit, in presencia assistencium hic ?" Et ipsa respondit régi quod sic ; et dixit talia verba, aut similia : quod, quando erat displicens aliquo modo, quia faciliter non credebatur ei de hiis que dicebat ex parte Dei, retrahebat se ad partem et orabat Deum, conquerendo sibi quia faciliter ei non credebant illi quibus loquebatur. Et oracione facta sua ad Deum, tunc audiebat unam vocem dicentem sibi : "Fille Dé, Va ! Va ! Va ! Je seray a ton aide ! Va !" Et quando audiebat dictam vocem, multum gaudebat ; ymo desiderabat semper esse in illo statu ; et, quod forcius est, recitando huiusmodi verba suarum vocum, ipsa miro modo exsultabat, levando suos oculos ad celum.

  Item, dicit et recordatur dictus deponens interrogatus, quod, post predictas victorias, domini de sanguine regis et capitanei volebant quod rex iret ad Normanniam et non Remis. Sed dicta Puella semper fuit opinionis quod opportebat ire Remis, ad consecrandum regem ; addebatque racionem sue opinionis, dicens quod, dum rex esset coronatus et sacratus, potencia adversariorum diminueretur semper, nec possent finaliter nocere sibi neque regno. Cuius opinioni omnes consenserunt. Et primo, locus in quo rex stetit et fixit gradum, cum suo excercitu, fuit ante civitatem trecensem. Quo ibidem existente, et tenente consilium cum dominis de suo sanguine, ceterisque capitaneis guerre, pro advisando si staret ante dictam civitatem, et poneret obsidionem ad capiendum eam, vel si esset expediens transire ultra, eundo de directo Remis et dimictendo ipsam civitatem trecensem ; dicto vero consilio regis in diversas opiniones diviso, et dubitante quodnam esset utilius, dicta Puella venit et intravit consilium, dicens talia verba, vel similia : "Nobilis Dalphine, iubeatis venire gentem vestram et obsidere villam trecensem ; nec protrahatis amplius longiora consilia, quia, in nomine Dei, ante tres dies, ego vos intro ducam infra civitatem trecensem, amore vel potencia, seu fortitudine ; et erit falsa Burgundia multum stupefacta." Et tunc dicta Puella statim eum excercitu regis transivit, et fixit tentoria sua iuxta fossata ; fecitque mirabiles diligencias, quas eciam non fecissent duo vel tres usitati et magis famati homines armorum, et taliter laboravit in nocte illa quod, in crastino, episcopus et cives illius civitatis dederunt obedienciam regi, frementes et trementes ; ita quod postea repertum est quod, a tempore illo quo dedit consilium regi de non recedendo a civitate, ipsi cives perdiderunt animum, nec querebant refugium nisi fugere ad ecclesias. Illa autem civitate ad obedienciam regis reducta, rex ivit Remis, ubi reperiit totam obedienciam ; fuitque ibi sacratus et coronatus."

  Item, interrogatus ipse deponens de vita et conversacione ipsius Puelle,
  "Deponit quod ipsa habebat illum morem, in hora vesperorum seu crepusculi noctis, omnibus diebus, quod se retrahebat ad ecclesiam, et faciebat pulsari campanas quasi per dimidiam horam ; congregabatque religiosos mendicantes, qui sequebantur exercitum regis ; et illa hora se ponebat in oracione, faciebatque decantari per illos fratres mendicantes unam antiphonam de Virgine beata matre Dei.
  Dicit ultra super hoc interrogatus dictus deponens quod, rege veniente apud la Ferté et apud Crespy en Valoys, veniebat populus obviam regi, exsultans et damans ; "Noël !" tunc ipsa Puella, equitando inter archiepiscopum remensem et dictum dominum deponentem, dixit verba que sequuntur : "Ecce bonus populus ! Nec vidi quemeumque alium populum qui tantum letaretur de adventu tam nobilis regis. Et utinam ego essem ita felix, dum ego finirem dies meos, quod ego possem inhumari in ista terra !" Quo audito, prefatus dominus archiepiscopus dixit : "O Iohanna, in quo loco habetis vos spem moriendi ?" Ad quod respondit : "Ubi placebit Deo ; quia ego non sum secura, neque de tempore, neque de loco, amplius quam vos scitis ; et utinam placeret Deo Creatori meo, quod ego nunc recederem, dimictendo arma, et irem ad serviendum patri et matri in custodiendo oves ipsorum, cum sorore et fratribus meis, qui multum gauderent videre me"."

  Item, interrogatus dictus dominus de vita, virtutibus et conversacione ipsius Iohanne inter armatos,
  "Dicit et deponit quod, de sobrietate a nullo vivente superabatur ; et multociens audivit dictus deponens a domino Iohanne d'Olon, milite, nunc senescallo de Beaucaire, quem rex posuerat et constituerat quasi pro custodia ipsius, sicut sapienciorem et probitate recommendatum militem, in societate dicte Puelle, quod non credit aliquam mulierem plus esse castam quam ipsa Iohanna Puella erat. Affirmat preterea dictus deponens quod ipse similiter et alii, dum erant in societate ipsius Puelle, nullam habebant voluntatem seu desiderium communicandi seu habendi societatem mulieris ; et videtur ipsi deponenti quod erat res quasi divina.

  Dicit denique quod, post quindecim dies a tempore quo dominus comes de Chuffort effectus est prisionnarius eius, in capcione de Gergueau, fuit transmissa dicto comiti de Chuffort una cedula papirea, in qua continebantur quatuor versus, facientes mencionem quod una Puella ventura est du Boys Chanu, et equitaret super dorsum architenencium et contra ipsos.

  Denique inter cetera dicit dictus deponens, super hoc interrogatus, quod, licet dicta Iohanna aliquociens iocose loqueretur de facto armorum, pro animando armatos, de multis spectantibus ad guerram, que forte non fuerunt ad effectum deducta ; tamen, quando loquebatur seriose de guerra, de facto suo et sua vocacione, nunquam affirmative asserebat, nisi quod erat missa ad levandum obsidionem aurelianensem ac succurrendum populo oppresso in ipsa civitate et locis circumiacentibus, et ad conducendum regem Remis, pro consecrando eumdem regem.


Sources :

- Texte latin : "La rédaction épiscopale d procès de 1455-1456" - Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers, 1961

- Traduction : Pierre Duparc, t.II, p.2 et suiv.

Présentation du témoin :
  Les informations commencèrent à Orléans par le comte de Dunois. C'était justice. Il avait reçu l'envoyée du Ciel à Orléans en qualité de lieutenant général du roi pour le fait de la guerre. La brillante rescousse de Montargis avait déjà révélé son talent. Le bâtard d'Orléans, comme on l'appelait et comme il s'appelait alors lui-même, combattit à côté de la Libératrice jusques à la tentative contre Paris. Il lui était réservé d'accomplir ce que les intrigues de cour empêchèrent la Pucelle de réaliser, recouvrer Paris et chasser les Anglais. C'était fait lorsque, le 22 février 1456, le bâtard d'Orléans, devenu le comte de Dunois, vint lui rendre le bel hommage que l'on va lire. Le conquérant de la Normandie et de la Guyenne était au comble de la gloire, et le personnage le plus influent auprès de Charles VII. Dunois était homme de foi. On voit au château de Beaugency un cabinet de retrait, d'environ 3 ou 4 mètres de côté, où ses armes sont plusieurs fois reproduites. On y lit en gros caractères trois fois répétée cette prière du psalmiste : Cor mundum crea in me, Deus; créez en moi Seigneur, un cœur pur.
  Il voulut être enterré à Notre-Dame de Cléry où l'on montre son tombeau. Puisque Dunois était âgé de cinquante et un ans en 1456, il devait en avoir de vingt-six à vingt-sept en 1429.


 

Procès de réhabilitation
Témoins d'Orléans

Les dépositions :

Comte de Dunois
Seigneur de Gaucourt
François Garivel
Guillaume de Ricarville
Réginald Thierry
Jean Luillier
Jean Hilaire
Gilles de Saint-Mesmin
Jacques L'Esbahy
Guillaume Le Charron
Come de Commy
Martin de Mauboudet
Jean Volant
Guillaume Postiau
Denis Roger
Jacques de Thou
Jean Carrelier
Aignan de Saint-Mesmin
Jean de Champeaux
Pierre Jougant
Pierre Hue
Jean Aubert
Guillaume Rouillart
Gentien Cabu
Pierre Vaillant
Jean Coulon
Jean Beauharnays
Me Robert de Sarciaulx
Me Pierre Compaing
MM. Pierre de La Censure...
M. André Bordes
Jeanne, f. de St-Mesmin
Jeanne, f. de Boyleaue
Guillemette, f. de Coulons
Jeanne, vve de Mouchy
Charlotte, f. de Havet
Renaude, vve de Huré
Pétronille Beauharnays et  Macée, Fagoue




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