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Procès
de réhabilitation
Déposition
de maître François Garivel. |
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L'an susdit le septième jour du mois de mars noble homme
maître François Garivel, conseiller général de notre sire le roi
sur le fait de la justice des aides, âgé d'environ quarante ans,
Et d'abord sur lesdits articles déclare se rappeler qu'au moment
où Jeanne la Pucelle arriva, le roi l'envoya à Poitiers,
où elle fut logée dans la maison de feu maître Jean Rabatiau,
alors avocat du roi au Parlement ; et furent délégués en cette
cité de Poitiers, par ordre du roi, des docteurs et des maîtres
célèbres, à savoir dom Pierre de Versailles, alors abbé de
Talmond, ensuite évêque de Meaux, Jean Lambert, Guillaume
Aimeri, de l'ordre des frères précheurs, Pierre Seguin, de l'ordre des frères du Carmel, tous docteurs en Écriture sainte,
Mathieu Mesnaige, Guillaume Le Marié, bacheliers en théologie,
avec plusieurs autres conseillers du roi, licenciés en
l'un et l'autre droit, qui, à plusieurs reprises réitérées et
pendant presque trois semaines, examinèrent ladite Jeanne,
en inspectant et considérant ses dits et ses faits. Finalement,
attendu son attitude et ses réponses, ils dirent que cette
Pucelle était une fille honnête ; interrogée par eux, elle persévérait
dans ses réponses, à savoir qu'elle était envoyée
par le Dieu du ciel au secours du noble dauphin, pour le
rétablir en son royaume, pour faire lever le siège d'Orléans,
et pour conduire le dauphin à Reims afin qu'il y fût sacré.
Mais auparavant il fallait qu'elle écrivît aux Anglais, en
leur enjoignant de s'en aller, car c'était la volonté de Dieu.
Dit aussi ledit déposant, interrogé sur ce, qu'on avait
demandé à Jeanne pourquoi elle appelait le roi « dauphin »
et non « roi » ; et elle répondit qu'elle l'appellerait roi seulement
lorsqu'il aurait été couronné et sacré à Reims, ville où elle
avait l'intention de le conduire. De plus, des clercs lui demandèrent
qu'elle montrât un signe, leur permettant de croire
qu'elle était envoyée par Dieu ; mais elle leur répondit que
ce signe, donné à elle par Dieu, était la levée du siège d'Orléans
; elle ne doutait pas d'y arriver, si le roi voulait lui
donner une troupe, même petite.
Dit en outre le déposant que c'était une simple bergerette,
aimant Dieu extrêmement, car elle se confessait souvent
et recevait fréquemment le sacrement de l'eucharistie. Enfin,
après un long examen, mené avec circonspection par des
clercs de divers collèges, tous, selon la déposition du témoin,
furent d'avis pour conclure que le roi pouvait la recevoir à
juste titre, et qu'elle pouvait conduire une troupe en armes
devant Orléans assiégée, car ils ne trouvaient en elle rien
qui ne fût conforme à la foi et à la raison. Ne sait rien d'autre.
Armo superius descripto, die VII. mensis martii, nobilis
vir, magister Franciscus Garivel, consiliarius generalis domini
nostri regis super facto justitiæ subsidiorum, ætatis
XL armorum, vel circa.
Et primo, super dictis articulis, dicit quod est memor
quod, tempore adventus dictæ Johannæ la Pucelle, rex
misit eam Pictavis, et fuit hospitata in domo defuncti magistri
Johannis Rabatiau, tunc advocati regis in Parlamento ; et in illa
civitate Pictavensi, per ordinationera regis, fuerunt deputati solemnes
doctores et magistri, scilicet, dominus Petrus de Versailles, tunc
abbas de Tallemont, postea episcopus Meldensis ; Johannes Lambert
; Guillelmus Aimeri, ordinis Fratrum Prædicatorum ; Petrus
Seguin, ordinis fratrum Carmelitarum, doctores in sacra pagina ;
Matthaeus Mesnaige, Guillelmus Le Marie, baccalarii in theologia,
una cum pluribus aliis consiliariis regis, licentiatis in utroque
jure, qui pluribus et iteratis vicibus, et quasi spatio trium septimanarum,
examinaverunt dictam Johannam, visitando et considerando dicta et
facta sua ; sed finaliter, considerato suo statu suisque responsionibus,
dixerunt quod ipsa Puella erat una simplex filia, quæ interrogata
ab eis perseverabat in ista responsione, videlicet quod erat missa
ex parte Dei coeli in favorem nobilis Dalphini, pro reponendo eum
in suo regno, pro levando obsidionem Aurelianensem, et conducendo
ipsum Remis ad consecrandum ; sed oportebat primitus quod ipsa summaret
et scriberet Anglicis quatenus ipsi recederent, et quod erat voluntas
Dei.
Dicit præterea idem deponens, super hoc interrogatus,
quod, dum peteretur ab eadem Johanna quare appellabat regem Dalphinum,
et non nomine regis : respondebat quod non vocaret eum regem usquequo
esset Remis coronatus et sacratus, in qua civitate ipsa intendebat
eum ducere. Ulterius per dictos clericos dictum fuit ipsi Johannæ,
quod ipsa debebat ostendere signum per quod credendum esset ei quod
esset missa ex parte Dei ; sed ipsa respondit illis, quod signum
sibi datum a Deo erat levare obsidionem Aurelianensem, et quod non
dubitabat quin ita fieret, si rex vellet dare sibi quantulamcumque
societatem armatorum.
Dicit ultra dictus deponens quod ipsa erat una simplex
bergereta, summe diligens Deum, quia sæpe confitebatur, et
recipiebat frequenter sacramentum Eucharistiæ. Tandem, post
longam examinationem per clericos diversarum facultatum longo tempore
factam, dicit dictus deponens quod omnes deliberaverunt et concluserunt
quod rex poterat eam licite recipere, et quod duceret societatem
armatorum ante obsidionem Aurelianensem, quia nihil invenerunt in
ea nisi catholicum et omni rationi consonum.
Nec aliud scit.
Sources :
- Texte latin : Quicherat, Procès t.III p.19.
Traduction : Pierre Duparc, t.IV, p.13 et suiv.
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