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Procès
de réhabilitation
Déposition de Guillaume Duval en 1450 |
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Reverendus pater et inclite religionis vir frater Guillermus De Valle, ordinis et conventus predicatorum, videlicet sancti
Jacobi Rothomagensis, sacre theologie egregius professor, etatis LV
annorum vel circa, juratus et examinatus dicta die, deponit
quod, dum processus ejusdem Johanne actu fieret, fuit semel in
quadam sessione cum fratre Ysambardo de Petra, superius nominato ;
et, cum ipsi duo non invenirent alium locum ad sedendum, sederunt
juxta Johannam, in medio consistorii [super] stramentum aule ; et,
dum sepedicta Johanna interrogaretur, quandoque predictus Ysambardus
secreto tactu, seu pulsu manus, aut aliquo nutu, eam advisabat.
Qua sessione facta, idem loquens et dictus frater Ysambardus,
cum magistro Johanne de Fonte, fuerunt per judices deputati ad
ipsam visitandum, illa die post prandium, et ad eam exhortandam. Qui pariter ad castrum Rothomagense venientes, ut illam visitarent
et hortarentur, invenerunt comitem de [Warwick] in eodem castro.
Qui quidem comes, cum multa indignatione et acrimonia, contumeliosis verbis est aggressus dictum fratrem Ysambardum, dicendo sibi :
Cur ita de mane tangebat ipsam Johannam ; et quare tales nutus sibi
faciebat. Et cum terribili furore et juramento addidit quod, si deinceps
perciperet quod laboraret ad eam liberandum seu eripiendum,
quod faceret eum proici in Secanam. Et ita ambo predicti, cum
maximo timore fugerunt, et ad suum conventum cum festinatione
magna redierunt. Ista audivit et vidit ; et nichil aliud, quia in
processu, ut asserit, non fuit.
Révérend père et très religieuse personne, frère Guillaume Duval, de l'ordre et du couvent des prêcheurs, de saint Jacques de Rouen,
illustre professeur de sacrée théologie, âgé de cinquante-cinq ans
ou environ, juré et examiné ce même jour.
Dépose que, tandis que se débattait le procès de Jeanne, il se trouva
une fois avec ledit frère Ysambart de la Pierre, à une session. Ne
trouvant tous les deux autre lieu pour s'asseoir, ils s'assirent près de
Jeanne, au milieu de l'assemblée, et sur le tapis de la salle.
Or, quand on interrogeait Jeanne, ledit Ysambart l'avertissait en
secret, en la touchant de la main ou par d'autres signes. Après cette
session, celui qui parle et ledit frère Ysambart furent députés par les
juges avec maître Jean de la Fontaine pour la visiter ce même jour,
après dîner, et l'admonester. Or, arrivant ensemble au château de
Rouen pour la visiter et l'exhorter, ils trouvèrent le comte de Warwick
dans le château. Et cedit comte, plein de fureur et d'indignation,
assaillit le frère Ysambart avec des injures en lui disant : Pourquoi
ce matin touchais-tu ainsi cette Jeanne ? Et pourquoi lui faisais-tu de
tels signes ? Et avec une fureur terrible, il ajouta en jurant, que, si
désormais il s'apercevait qu'il cherchât à la délivrer ou la sauver, il
le ferait jeter dans la Seine. Aussi tous deux s'enfuirent-ils épouvantés,
et en toute hâte coururent à leur couvent. Tout cela il l'a vu et entendu ; et n'en sait pas davantage, parce que, dit-il, il ne parut plus au procès.
Sources :
- Texte original latin, traduction : Paul Doncœur, Documents et recherches sur la Pucelle, tome III, p.34 et suiv.
Notes :
1 Appelé Jean Duval dans les documents du procès de condamnation.
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