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22 novembre 2024  

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V-4 - Déposition de Jean Massieu en 1456

  Maître Jean Massieu, prêtre, curé de l'église paroissiale de Saint-Cande-le-Vieux (1) à Rouen, âgé d'environ cinquante ans, comme le précédent auparavant cité, juré et entendu le dix-septième jour du mois de décembre, et ensuite, le douzième jour du mois de mai, juré de nouveau et entendu sur les articles des demandeurs,

  Et d'abord interrogé sur ce qu'il sait, pour déposer et témoigner, à propos des articles désignés ci-dessous, les autres articles étant omis soit en raison de leur longueur, soit du consentement des parties, il dit et déclare sous serment savoir seulement ce qui suit du contenu des IIe, IIIe et IVe articles des demandeurs et plaignants. Sur les père et mère, les parents, la vie et la conduite de Jeanne, avant le début du procès fait contre elle, il ne saurait rien dire, sinon d'après les réponses de Jeanne, qui fut interrogée là-dessus pendant le procès mené contre elle ; il connut d'ailleurs Jeanne seulement après qu'elle eût été conduite à Rouen et détenue dans la prison du château, pour un certain procès qu'on engagea ensuite contre elle ; dans ce procès le témoin, qui était alors doyen de chrétienté à Rouen, fut exécuteur des mandements portés contre elle. Il avait aussi la charge de convoquer les conseillers, de conduire Jeanne devant ses juges et de la ramener ; il la conduisit plusieurs fois de la prison au tribunal et la ramena ; il exécuta plusieurs mandements contre elle, en la citant en justice ; pour cette raison il avait des relations très familières avec elle. A son avis c'était une fille bonne, simple et pieuse ; car il arriva, une fois qu'il la conduisait devant ses juges, qu'elle demanda au témoin s'il y avait sur son trajet quelque chapelle ou quelque église où fût le Corps du Christ ; et le témoin répondit par l'affirmative, en lui montrant une chapelle située sous le château où était le Corps du Christ. Jeanne
alors, avec beaucoup d'insistance, demanda qu'il la conduisît, en passant, devant cette chapelle, pour qu'elle pût y révérer Dieu et prier ; ce que le témoin fit volontiers, et laissa devant cette chapelle Jeanne prier à genoux ; elle y fit, agenouillée, une oraison très dévote. De cela cependant le seigneur évêque de Beauvais fut mécontent, et il ordonna au témoin de ne plus lui permettre à l'avenir de prier ainsi.
  De même sur le contenu des Ve et VIe articles interrogé, il répond ignorer si on fit quelque information contre elle, car il n'en vit jamais aucune. Il sait cependant que d'assez nombreuses personnes l'avaient en grande haine, et surtout les Anglais, qui la craignaient beaucoup, car, avant sa capture, ils n'auraient osé venir en un lieu où ils l'auraient cru présente. Il a entendu dire que l'évêque de Beauvais faisait tout à l'instigation du roi d'Angleterre et de son conseil, établi alors à Rouen ; et il croit que cet évêque agissait, non pas poussé par un zèle de justice, mais par la volonté de ces Anglais, en grand nombre à l'époque dans la ville de Rouen, où se trouvait le roi d'Angleterre. Certains conseillers disaient en effet que Jeanne devait être remise aux mains de l'Église ; l'évêque cependant n'en avait cure, et il la remit aux mains des Anglais. Car cet évêque était très attaché au parti des Anglais, et beaucoup de conseillers avaient très peur, et ne jouissaient pas de leur libre arbitre, comme maître Nicolas de Houppeville qui, s'en étant rendu compte, ne voulut pas participer aux délibérations et fut banni avec plusieurs autres, dont il ne se rappelle pas les noms.
  Dit aussi que maître Jean Le Fèvre, de l'ordre des frères ermites de Saint-Augustin, actuellement évêque de Démétriade, s'aperçut qu'on tourmentait beaucoup Jeanne, en lui demandant si elle était en état de grâce ; et bien qu'à son avis elle fît des réponses satisfaisantes, cependant, les interrogateurs la harcelant sur ce point, il déclara qu'on la persécutait trop. Alors les interrogateurs lui dirent de se taire ; mais il ne se rappelle pas leur nom. Il sait cependant que l'abbé de Fécamp, à son avis, procédait en cette affaire plus par haine de Jeanne et partialité en faveur des Anglais que par zèle de justice. Dit en outre que maître Jean de Châtillon, alors archidiacre d'Évreux, déclara auxdits évêque et assesseurs que le procès, tel qu'on le faisait, lui paraissait nul, mais ne se rappelle plus pour quelle raison ; on interdit alors au témoin, qui convoquait, comme il a été dit, les assesseurs et les conseillers, de convoquer désormais ce Châtillon pour le procès ; et dès lors ce Châtillon ne fut plus présent.
  Dit aussi pareillement que maître Jean de La Fontaine fut désigné pour l'interroger pendant quelques jours ; et, après avoir assisté à la procédure, il s'en alla, car il avait dénoncé dans ce procès certaines choses qui ne lui paraissaient pas devoir être faites. Sait aussi que maître Jean Le Maistre, introduit dans le procès comme inquisiteur, se récusa plusieurs fois pour ne pas participer à la procédure, et fit son possible pour ne plus être présent au procès ; mais on lui fit savoir, par certaines personnes qu'il connaissait, que s'il n'y assistait pas, il serait en danger de mort ; il vint, contraint par les Anglais, et le témoin entendit plusieurs fois ce Le Maistre lui dire : « Je vois que si on ne procède pas en cette matière suivant la volonté des Anglais, la mort est proche ». Et le témoin lui-même fut en grand danger, parce qu'en conduisant Jeanne, à l'aller ou au retour, il rencontra un Anglais, chantre de la chapelle du roi d'Angleterre, nommé Anquetil, qui lui demanda ce qu'il pensait de cette Jeanne. Le témoin ayant répondu qu'il ne voyait rien en elle que de bon, et qu'elle lui paraissait être une femme de bien, le chantre rapporta ce propos au comte de Warwick ; ce dernier fut très mécontent du témoin, qui dut beaucoup s'agiter à ce propos et s'en tira finalement avec des excuses.
  Interrogé ensuite sur ce qu'il peut attester ou déclarer sur le contenu du VIIe article, il dit et déclare, outre ce qu'il a déjà dit, se souvenir qu'un jour, pendant le procès et vers le début, Jeanne reprocha à l'évêque de Beauvais d'être son adversaire ; et l'évêque lui répondit : « Le roi m'a ordonné de faire votre procès et je le ferai ».
  De même interrogé sur ce qu'il peut attester ou déclarer sur le contenu des VIIIe et IXe articles, il déclare, au sujet de la prison, savoir vraiment que Jeanne se trouvait au château de Rouen, dans une chambre à mi-étage, où l'on montait par huit marches ; il y avait un lit où elle couchait ; il y avait une grosse pièce de bois, dans laquelle était fixée une chaîne de fer servant à attacher Jeanne, placée dans les entraves, et qu'on fermait à l'aide d'une serrure fixée sur la pièce de bois. Il y avait aussi pour la garder cinq Anglais de la plus misérable condition, des houssepaillers en français, qui désiraient beaucoup sa mort et la tournaient très souvent en dérision ; et elle leur en faisait reproche.
  Déclare aussi avoir entendu Étienne Castille, forgeron, dire qu'il avait construit pour elle une cage de fer, dans laquelle Jeanne était détenue debout, attachée par le cou, les mains et les pieds, et qu'elle avait été dans cette situation dès le moment où elle avait été amenée dans la ville de Rouen, jusqu'au début du procès engagé contre elle. Cependant il ne la vit pas dans cette situation, car, lorsqu'il l'emmenait ou la ramenait, elle était toujours hors des entraves.
  De même, interrogé sur ce qu'il peut déclarer ou attester à propos du contenu du dixième article, dit et déclare bien savoir qu'elle fut examinée, pour savoir si elle était vierge ou non, par des matrones ou accoucheuses, sur l'ordre de la duchesse de Bedford, en particulier par Anne Bavon et une autre matrone dont il ne se rappelle pas le nom. Après examen ils rapportèrent qu'elle était vierge et intacte ; et cela il l'a entendu raconter par ladite Anne ; pour cette raison la duchesse de Bedford fit défense aux gardiens et autres de lui faire violence.
  Interrogé ensuite sur le contenu des XIe, XIIe, XIIIe et XIVe articles, il dit et déclare que, lors des interrogatoires de Jeanne, il y avait six assesseurs avec les juges pour l'interroger ; et parfois, quand l'un l'interrogeait et qu'elle répondait à sa question, un autre interrompait sa réponse, si bien qu'elle dit plusieurs fois à ceux qui l'interrogeaient ces paroles : « Beaux seigneurs, faites l'un après l'autre ».
  Sur le contenu des XVe et XVIe articles, il ne sait rien d'autre que ce qu'il a déclaré plus haut.
  Sur le contenu du XVIIe article, il déclare avoir entendu qu'on demandait à Jeanne si elle voulait se soumettre à l'Église triomphante ou militante ; elle répondit qu'elle voulait se soumettre aux décisions du pape. Déclare aussi qu'on racontait couramment qu'un certain maître Nicolas Loiseleur fit semblant d'être un prisonnier, et entra dans sa prison ; par ce moyen il poussa Jeanne à dire et à faire des choses qui lui étaient nuisibles, concernant ladite soumission.
  De même interrogé sur le contenu des XXe et XXIe articles, il déclare ne rien savoir et ignore qui présenta les [douze] articles.
  Interrogé ensuite sur ce qu'il peut déclarer ou attester à propos du contenu des XXIIe, XXIIIe, XXIVe et XXVe articles, il déclare ce qui suit touchant l'abjuration mentionnée dans ces articles. Lors de la prédication faite à Saint-Ouen par maître Guillaume Érard, celui-ci tenait une certaine cédule d'abjuration et il dit à Jeanne : « Tu abjureras et signeras cette cédule ! » La cédule fut alors remise au témoin pour lecture, et il la lut devant Jeanne. Dans cette cédule, il se le rappelle bien, il était prévu qu'à l'avenir elle ne porterait plus les armes, ni l'habit d'homme, ni les cheveux courts, avec beaucoup d'autres choses dont il ne se souvient plus. Il sait bien aussi que la
cédule contenait environ huit lignes et non davantage ; et il sait avec certitude que ce n'était pas celle mentionnée dans le procès, car le témoin en a lu une différente de celle insérée dans le procès et que Jeanne signa.
  Dit en outre que, lorsque Jeanne fut requise de signer ladite cédule, il s'éleva un grand murmure dans l'assistance, si bien qu'il entendit l'évêque dire à quelqu'un : « Vous me ferez des excuses ! », assurant qu'on l'avait outragé, qu'il ne continuerait pas la procédure avant d'avoir reçu des excuses. Pendant ce temps le témoin avertissait Jeanne du péril qui la menaçait, au sujet de la signature de la cédule ; car il voyait bien que Jeanne ne comprenait pas la cédule, ni le danger qui la menaçait. Alors Jeanne, pressée de signer la cédule, répondit : « Que cette cédule soit examinée par l'Église et les clercs, entre les mains de qui je dois être placée ; s'ils me donnent le conseil de la signer et de faire ce qu'on me dit, je le ferai volontiers ». Aussitôt maître Guillaume Érard déclara : « Fais-le maintenant ! sinon tu mourras par le feu aujourd'hui ». Jeanne répondit alors qu'elle préférait signer plutôt que d'être brûlée ; à ce moment il se fit un grand tumulte dans l'assistance, et beaucoup de pierres furent lancées, mais il ne sait par qui. Une fois la cédule signée, Jeanne demanda au promoteur si elle allait être placée entre les mains de l'Église, et en quel lieu elle devait se rendre. Le promoteur répondit : au château de Rouen ; elle y fut conduite, revêtue d'habits féminins.
  Interrogé en outre sur le contenu du XXVIe article déclare que, le jour de la Sainte Trinité, Jeanne, accusée de relapse, répondit qu'étant couchée dans son lit, les gardiens lui enlevèrent les habits féminins qui se trouvaient sur le lit et y mirent son habit d'homme, et, bien qu'elle eût demandé à ces gardiens de lui rendre ses habits de femme, pour pouvoir se lever et soulager son ventre, ils refusèrent de les rendre en disant qu'elle n'aurait rien d'autre que ledit habit d'homme. Et comme elle ajoutait que ses gardiens devaient bien savoir l'interdiction faite par les juges de porter cet habit, néanmoins ces gardiens refusèrent de lui rendre l'habit de femme qu'ils avaient enlevé. Poussée cependant par un besoin naturel, elle mit l'habit d'homme, et ne put de toute la journée obtenir de ces gardiens un autre habit, si bien que plusieurs personnes la virent en habit d'homme, et pour cela elle fut jugée relapse ; en effet ce jour de la Sainte Trinité plusieurs personnes furent envoyées, pour la voir en cette tenue, auxquelles Jeanne exposait ses motifs d'excuse. Entre autres elle vit maître André Marguerie, qui fut en grand danger, car, ayant déclaré : « Il est bon de savoir d'elle pour quelle raison elle a repris l'habit d'homme », un Anglais leva alors la lance qu'il tenait et voulut frapper ledit maître André ; aussi ce dernier et plusieurs autres, terrifiés, se retirèrent.
  Interrogé ensuite sur le contenu des autres articles, il déclare, pour l'abjuration, ne savoir rien qu'il puisse ajouter à sa déposition ci-dessus. Pour la sentence et la mort de Jeanne, il sait ce qui suit : le mercredi matin, jour de la mort de Jeanne, frère Martin Ladvenu entendit Jeanne en confession, et ensuite il envoya le témoin qui parle au seigneur évêque de Beauvais, pour lui faire savoir comment elle avait été entendue en confession et qu'elle demandait à recevoir le sacrement de l'eucharistie. L'évêque réunit quelques personnes à ce sujet et, après en avoir délibéré, déclara au témoin qu'il dît à frère Martin de lui porter le sacrement de l'eucharistie et tout ce qu'elle demanderait. Le témoin revint alors au château et rapporta cela à frère Martin. Frère Martin donna à Jeanne, en présence du témoin, le sacrement de l'eucharistie. Cela fait, elle fut amenée en habit de femme et conduite, par le témoin et frère Martin, jusqu'au lieu où elle fut brûlée. En chemin Jeanne faisait de si pieuses lamentations que le témoin et frère Martin ne pouvaient retenir leurs larmes. Elle recommandait en effet son âme si dévotement à Dieu et aux saints qu'elle provoquait les larmes de ceux qui l'entendaient. Elle fut amenée au Vieux Marché où se trouvait maître Nicolas Midi, qui devait faire la prédication. Celle-ci achevée, ce Midi déclara à Jeanne : « Jeanne, va en paix ! L'Église ne peut plus te défendre et te remet en mains séculières ». A ces paroles Jeanne, à genoux, fit à Dieu des prières très dévotes et demanda au témoin à avoir une croix ; alors un Anglais se trouvant sur les lieux fit une petite croix avec un bâton, qu'elle baisa et posa sur sa poitrine avec la plus grande dévotion.
  Cependant elle voulut avoir encore une croix d'église ; elle l'obtint, l'embrassait, la serrant dans ses bras, et pleurait en se recommandant à Dieu, à saint Michel, à sainte Catherine et à tous les saints ; à la fin elle étreignit la croix en saluant les assistants. Puis elle descendit de l'estrade en compagnie du frère Martin et alla jusqu'au lieu du supplice, où elle mourut très pieusement.
  Il entendit aussi à l'époque Jean Fleury, clerc du bailli et greffier, dire que, au rapport du bourreau, une fois son corps brûlé et réduit en cendres, son cœur resta intact et plein de sang. Et on enjoignit au bourreau de rassembler les cendres et tout ce qui restait d'elle et de les jeter dans la Seine ; ce qu'il fit. Ne sait rien d'autre.



  Dominus Johannes Massieu, presbyter, curatus ecclesiæ parochialis Sancti Candidi Senioris Rothomagensis, ætatis L annorum, vel circiter, alias ut præcedens testis, die xvii. mensis decembris, ut testis affuturus, citatus, juratus et examinatus, ac postmodum die XII. mensis maii, super articulis ipsorum actorum iterum juratus et examinatus.

  Et primo, interrogatus quid ipse sciat deponere seu attestari super contentis in articulis infra scriptis, aliis propter eorum prolixitatem, et aliis de consensu producentium omissis ; videlicet super contentis in II., III. et IV. articulis ipsorum actorum et conquerentium : dicit et deponit, ejus medio
juramento, se scire solura ea quæ sequuntur. Videlicet quod, de patre et matre, parentibus, vita ac conversatione ipsius Johannæ, ante tempus incepti processus contra eamdem Johannam, nihil sciret deponere, nisi ex auditu ipsius Johannæ, quæ super his interrogata [fuit] durante dicto processu contra eam agitato ; nec de ea aliquam habuit notitiam nisi a tempore quo fuit adducta ad villam Rothomagensem, in qua fuit detenta in carceribus castri Rothomagensis, ut contra eam fieret certus processus postmodum factus, et in quo processu ipse loquens, qui tunc erat decanus christianitatis Rothomagensis, fuit exsecutor mandatorum contra eamdem Johannam. Habebat etiam onus convocandi consiliarios, et ducendi et reducendi dictam Johannam coram judicibus ; quam pluries duxit et reduxit de carcere ad judicium, pluraque mandata contra eamdem exsecutus fuit, eam ad judicium evocando ; et habebat hac de causa magnam familiaritatem cum ea. Et, videre suo, erat bona, simplex et devota filia ; nam contigit quadam vice, dum eam duceret coram judicibus, quod ipsa requisivit loquentem si eratne in itinere suo aliqua cappella, aut aliqua ecclesia, in qua esset corpus Christi ; et cui ipse loquens dixit quod sic, ostendendo sibi quamdam cappellam exsistentem infra castrum, in qua erat corpus Christi. Tunc ipsa eumdem instantissime requisivit ut eam duceret per ante cappellam, ut posset ibidem salutare Deum et orare ; quod libenter fecit ipse loquens, dimisitque eamdem Johannam ante illam cappellam genibus flexis orare ; quæ ibidem flexis genibus multum devote fecit orationem suam. De quo tamen dominus episcopus Belvacensis fuit male contentus, et eidem loquenti inhibuit ne de cætero eamdem permitteret sic orare. De sua conversatione alias nesciret deponere.
  Item interrogatus super contentis in V. et VI. articulis, deponit quod nescit si aliquam informationem contra eamdem fecerint, quia nullam unquam vidit. Scit tamen quod quam plures habebant magnum odium contra eamdem, et maxime Anglici, qui eam multum timebant, quia ante ejus captionem non fuissent ausi comparere in loco in quo credidissent eam fore. Et audivit tunc dici quod omnia quæ episcopus Belvacensis, faciebat ad instigationem regis Angliæ et sui consilii, tunc exsistentis Rothomagi ; et credit quod ipse episcopus non faciebat zelo justitiæ motus, sed ad ipsorum Anglicorum voluntatem, qui erant tunc in magno numero in villa Rothomagensi, in qua erat tunc rex Angliæ. Et inter consiliarios tunc fuit murmur de eo quod ipsa Johanna erat inter manus Anglicorum. Dicebant enim aliqui consiliarii quod ipsa Johanna debebat esse in manibus Ecclesiæ ; ipse tamen episcopus non curabat, sed eam in manibus Anglicorum dimisit. Erat enim ipse episcopus multum affectatus parti Anglicorum ; nam et multi de consiliariis multum timebant, nec erant in suo libero arbitrio, quia magister Nicolaus de Houppeville, qui, viso hujusmodi modo, noluit interesse in consiliis, fuit bannitus cum pluribus aliis, de quorum nominibus non recordatur.
  Dicit etiam quod magister Johannes Fabri, de ordine Fratrum Heremitarum Sancti Augustini, nunc episcopus Dimitriensis, videns eamdem Joharmam quam plurimum fatigari super eo quod inquirebatur ab ea an esset in statu gratiæ, et licet responsiones fecisset suo videre competentes, tamen super hoc eam multum infestabant interrogantes : dixit quod nimis erat vexata. Tunc interrogantes sibi dixerunt quod taceret ; nescit tamen nec recordatur qui fuerunt illi. Scit tamen quod abbas Fiscampnensis, videre [suo], potius procedebat in illa materia ex odio ipsius Johannæ et favore Anglicorum, quam zelo justitiæ. Dicit insuper quod, quum magister Johannes de Castellione, tunc archidiaconus Ebroicensis, eisdem episcopo et assistentibus diceret quod processus, eo modo quo fiebat, sibi videbatur esse nullus ; sed qua de causa non recordatur : fuit inhibitum eidem loquenti, qui, ut praemittitur, assistentes et consiliarios convocabat, ne ipsum de Castellione amplius in hujusmodi processu convocaret ; nec ab illa hora ipse de Castellione interfuit.
  Dicit etiam similiter quod magister Johannes de Fonte fuit commissus per aliquos dies ad eam interrogandum ; et qui eidem processui interfuit, se absentavit, quia aliqua dixerat quæ in dicto processu non sibi videbantur facienda. Scit etiam quod magister Johannes Magistri, inquisitor in processu insertus, pluries recusavit interesse hujusmodi processui, et fecit suum posse ne adesset processui ; sed per aliquos sibi notos fuit ei dictum quod nisi interesset, ipse esset in periculo mortis ; et hoc fecit compulsus per Anglicos, ut pluries audivit a dicto Magistri, qui sibi dicebat : « Video quod, nisi procedatur in hujusmodi materia ad voluntatem Anglicorum, quod imminet mors. » Et ipsemet loquens fuit in magno periculo, ex eo quod, conducendo et reducendo eamdem Johannam, ipse loquens obviasset cuidam Anglico, cantori cappellæ regis Angliæ, vocato Anquetil, qui quidem Anglicus interrogavit loquentem quid sibi videbatur de eadem Johanna. Et quum ipse loquens respondisset quod in ea nesciebat nisi bonum, et quod sibi videbatur bona mulier : ipse cantor hoc retulit comiti de Warvic, qui de loquente male fuit contentus, et habuit ob hoc multa agere ; sed tamen se excusando evasit.
  Deinde interrogatus quid sciat attestari seu deponere de contentis in VII. articulo : dicit et deponit, ultra ea quæ deposuit, quod ipse est memor quod, quadam die, durante processu et circa ipsius initium, ipsa Johanna dixit episcopo Belvacensi quod ipse erat suus adversarius ; et tunc dictus episcopus respondit : « Rex ordinavit quod ego faciam processum vestrum, et ego faciam. »
  Item, interrogatus quid ipse sciat attestari seu deponere super contentis in VIII. et IX. articulis : deponit quod, de carcere, scit veraciter quod ipsa Johanna erat in castro Rothomagensi, in quadam camera media, in qua ascendebatur per octo gradus ; et erat ibidem lectus in qua cubabat ; et erat ibidem quoddam grossum lignum in quo erat quædam catena ferrea, cum qua ipsa Johanna exsistens in compedibus ferreis ligabatur, et claudebatur cum serra apposita eidem ligno. Et habebat quinque Anglicos miserrimi status, gallice houcepaillers, qui eam custodiebant, et multum desiderabant ipsius Johannæ mortem, et de eadem sæpissime deridebant ; et ipsa eosdem de talibus reprehendebat.
  Dicit etiam quod audivit a Stephano Castille, fabro, quod ipse construxerat pro eadem quamdam gabiam ferri, in qua detinebatur correcta, et ligata collo, manibus et pedibus ; et quod fuerat in eodem statu a tempore quo adducta fuerat ad villam Rothomagensem, usque ad initium processus contra eam agitati. Eam tamen non vidit in eodem statu, quia, dum eam ducebat et reducebat, erat semper extra compedes.
  Item, interrogatus quid ipse sciat deponere seu attestari de contentis in X. articulo : dicit et deponit quod bene scit quod fuit visitata an esset virgo vel non per matronas seu obstetrices, et hoc ex ordinatione ducissæ Bedfordiæ, et signanter per Annam Bavon et aliam matronam de cujus nomine non recordatur. Et post visitationem, retulerunt quod erat virgo et integra, et ea audivit referri per eamdem Annam ; et propter hoc, ipsa ducissa Bedfordiæ fecit inhiberi custodibus et aliis ne aliquam violentiam sibi afferrent.
  Deinde interrogatus de contentis in XI., XII., XIII. et XIV. articulis : dicit et deponit quod, dum ipsa Johanna interrogaretur, erant sex assistentes cum judicibus, qui interrogabant eam, et aliquando, quando unus interrogabat et ipsa respondebat ad quæsitum, alius interrumpebat responsionem suam, ita quod ipsa pluries eisdem interrogantibus dixit his verbis : « Beaux seigneurs, faictes l'un après l'autre. »
  De contentis in XV. et XVI, articulis nihil scit, nisi ut supra deposuit.
  De contentis in XVII., deponit quod audivit ab eadem Johanna peti an se vellet submittere Ecclesiæ triumphanti aut militanti : quæ respondit quod volebat se submittere ordinationi Papæ. Et dicit quod vulgariter dicebalur quod quidam magister Nicolaus Aucupis finxit se esse prisionarium, et intravit carcerem cum ea, et quod eam hoc medio induxit ad dicendum et faciendum aliqua contraria ipsi Johannæ, tangentia dictam submissionem.
  Item, interrogatus super contentis in XX. et XXI. articulis : dicit quod de illis articulis nihil scit, nec quis eos exposuit.
  Deinde interrogatus quid sciat deponere seu attestari de contentis in XXII., XXIII., XXIV. et XXV. articulis : deponit quod de contentis in eisdem, quantum ad abjurationem de qua in articulis fit mentio, quod quando fuit facta prædicatio per magistrum Nicolaum Erardi in Sancto Audoeno, quod ipse Erardi tenebat quamdam schedulam abjurationis, et dixit Johannæ : « Tu adjurabis et signabis istam schedulam. » Et tunc illa schedula fuit loquenti tradita ad legendum, et eam legit loquens coram eadem Johanna. Et est bene memor quod in eadem schedula cavebatur quod de cætero non portaret arma, habitum virilem, capillos rasos, et multa alia de quibus non recordatur. Et bene scit quod illa schedula continebat circiter octo lineas, et non amplius ; et scit firmiter quod non erat illa de qua in processu fit mentio, quia aliam ab illa quæ est inserta in processu legit ipse loquens, et signavit ipsa Johanna.
  Ulterius dicit quod, dura ipsa Johanna requireretur de signando dictara schedulam, ortum fuit magnum murmur inter præsentes, adeo quod audivit
quod episcopus dixit cuidam : « Vos emendabitis mihi, » asserens sibi fuisse illatam injuriam, et quod non procederet ultra quousque sibi fuisset facta emenda. Et interim ipse loquens advertebat eamdem Johannam de periculo sibi imminente, super signatura dictæ schedulæ ; et bene videbat loquens quod ipsa Johanna non intelligebat dictam schedulam, nec periculum quod sibi imminebat. Et tunc ipsa Johanna, oppressa ut signaret dictam schedulam, respondit : « Videatur ipsa schedula per clericos et Ecclesiam, in quoram manibus debeo poni ; et si mihi consilium dederint quod habeam eam signare, et agere quæ mihi dicuntur, ego libenter faciam. » Tunc ipse magister Guillelmus Erardi dixit : « Facias nunc, alioquin tu per ignem finies dies tuos hodie. » Et tunc ipsa Johanna respondit quod malebat signare quam cremari ; et illa hora fuit magnus tumultus populorum adstantium, et fuerunt projecti multi lapides ;sed a quibus nescit. Et illa schedula signata, ipsa Johanna inquisivit a promotore nonne poneretur in manibus Ecclesiæ, et in quo loco debebat redire. Tunc promotor sibi respondit quod in castro Rothomagensi, in quo fuit ducta, induta vestibus mulieris.
  Interrogatus ulterius de contentis in XXVI, articulo, deponit quod die Sanctæ Trinitatis, dum ipsa Johanna accusaretur de relapsu, respondit quod, ipsa jacente in lecto, custodes sui removerunt vestes mulieris a lecto in quo jacebat, et apposuerunt vestem suam virilem ; et, licet eosdem custodes requisivisset ut sibi habitum muliebrem restituerent, ut surgeret a lecto, intendens ventrem purgare, denegaverunt sibi tradere, dicendo sibi quod aliud a dicto habitu virili non haberet. Et quum ultra dixisset quod bene sciebant custodes quod judices sibi prohibuerant ne illa veste indueretur, nihilominus habitum muliebrem quem abstulerant, eidem tradere denegaverunt ; et tandem, necessitate naturali compulsa, ipsum habitum virilem assumpserat, nec alium habitum ab ipsis custodibus tota illa die habere potuerat, ita quod a pluribus visa est in illo habitu virili, et propter hoc judicata relapsa ; nam illa die Sanctæ Trinitatis fuerunt plures mandati ut eam in illo statu viderent, quibus ipsa dicebat hujusmodi excusationes ; et inter quos vidit magistrum Andream Marguerie, qui fuit in magno periculo quia, quum diceret : « Bonum est inquirere ab ea qua de causa resumpsit habitum virilem, » tunc unus Anglicus levavit quamdam hastam quam tenebat, et voluit eumdem magistrum Andream percutere. Et tunc ipse magister Andreas et quam plures perterriti recesserunt.
  Deinde interrogatus de contentis in cæteris articulis, deponit quod de abjuratione nescit aliud nisi ea quæ supra deposuit. De sententia et morte ipsius Johannæ scit ea quæ sequuntur : videlicet quod, die mercurii de mane, qua die obiit ipsa Johanna, frater Martinus Ladvenu audivit eamdem Johannam in confessione, et, audita confessione ipsius Johannæ, ipse frater Martinus Ladvenu misit ipsum loquentem ad dominum Belvacensem, ad sibi notificandum qualiter fuerat audita in confessione, et quod petebat sibi tradi sacramentum Eucharistiæ. Qui episcopus aliquos super hoc congregavit ; ex quorum deliberatione ipse episcopus eidem loquenti dixit quod diceret fratri Martino quod sibi traderet Eucharistiæ sacramentum, et omnia quæcumque peteret. Et tunc ipse loquens rediit ad castrum, et hoc retulit dicto fratri Martino. Qui quidem frater Martinus sibi tradidit in præsentia loquentis sacramentum Eucharistiæ. Et hoc facto, fuit adducta in habitu mulieris, et fuit ducta per dictum loquentem et fratrem Martinum usque ad locum ubi ipsa Johanna fuit cremata. In quo itinere ipsa Johanna tam pias lamentationes faciebat, ut ipse loquens et frater Martinus a lacrimis continere non poterant. Recommendabat enim animam suam tam devote Deo et Sanctis quod audientes ad lacrimas provocabat. Ipsa autem in Veteri Foro adducta [fuit], ubi erat magister Nicolaus Midi, qui prædicationem facere debebat.
  Qua prædicatione facta, ipse Midi eidem Johannæ dixit : « Johanna vade in pace, Ecclesia non potest plus te defendere, et te dimittit in manu sæculari. » Quibus auditis ipsa Johanna, genibus flexis, fecit suas orationes ad Deum multum devotissiraas, et rogavit eumdem loquentem quatenus haberet crucem ; et tunc quidam Anglicus ibidem exsistens fecit quamdam parvam crucem ex quodam baculo, quam deosculata est, et eam posuit in sinu suo cum maxima devotione.
  Adhuc tamen habere voluit crucem ecclesiæ, et eam habuit, et eam amplexando et lacrimando deosculabatur, se etiam recommendando Deo, beato Michaeli, beatæ Catharinæ, et omnibus sanctis ; et in fine, amplexata est eamdem crucem, salutando adstantes. Et descendit de ambone, sibi comitante dicto fratre Martino usque ad locum supplicii, ubi vitam finivit multum devote.
  Audivit etiam tunc dici a Johanne Fleury, clerico baillivi et graphario, quod tortor retulerat quod, corpore igne cremato et in pulvere redacto, remansit cor illæsum et sanguine plenum. Et sibi fuit dictum quod pulveres et quidquid ex ea remaneret, congregaret et in Sequanam projiceret ; quod et fecit. Nec aliud scit.


Sources :
- Texte latin original : Quicherat - Procès t.III p.150 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc, t.IV, p.109 à 116.

Notes :
1 Église de Rouen aujourd'hui détruite.

Voir autres dépositions :
- déposition de 1450
- déposition de 1452



Procès de réhabilitation
Rappel des témoins de Rouen en 1456.

Les dépositions :

Fr. Pierre Miget
Me Guillaume Manchon
Me Jean Massieu
Me Guillaume Colles
Fr. Martin Ladvenu
Me Nicolas de Houppeville
Mgr Jean Lefèvre
M. Jean Lemaire
Me Nicolas Caval
Pierre Cusquel
Me André Marguerie
Mauger Leparmentier
Laurent Guesdon
M. Jean Riquier
Jean Moreau
Me Nicolas Taquel
Husson Lemaistre
Pierre Daron
Frère Seguin


Lyon :
Jean d'Aulon




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