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Procès
de réhabilitation
V-4 - Déposition de Jean Massieu en 1456 |
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Maître Jean Massieu, prêtre, curé de l'église paroissiale
de Saint-Cande-le-Vieux (1) à Rouen, âgé d'environ cinquante
ans, comme le précédent auparavant cité, juré et entendu
le dix-septième jour du mois de décembre, et ensuite, le
douzième jour du mois de mai, juré de nouveau et entendu sur les articles des demandeurs,
Et d'abord interrogé sur ce qu'il sait, pour déposer et
témoigner, à propos des articles désignés ci-dessous, les autres
articles étant omis soit en raison de leur longueur, soit du
consentement des parties, il dit et déclare sous serment savoir
seulement ce qui suit du contenu des IIe, IIIe et IVe articles des demandeurs et plaignants. Sur
les père et mère, les parents, la vie et la conduite de Jeanne,
avant le début du procès fait contre elle, il ne saurait rien
dire, sinon d'après les réponses de Jeanne, qui fut interrogée
là-dessus pendant le procès mené contre elle ; il connut
d'ailleurs Jeanne seulement après qu'elle eût été conduite à Rouen et détenue dans la prison du château, pour un certain procès qu'on engagea ensuite contre elle ; dans ce procès le témoin, qui était alors doyen de chrétienté à Rouen, fut
exécuteur des mandements portés contre elle. Il avait aussi
la charge de convoquer les conseillers, de conduire Jeanne
devant ses juges et de la ramener ; il la conduisit plusieurs
fois de la prison au tribunal et la ramena ; il exécuta plusieurs mandements contre elle, en la citant en justice ; pour
cette raison il avait des relations très familières avec elle.
A son avis c'était une fille bonne, simple et pieuse ; car il
arriva, une fois qu'il la conduisait devant ses juges, qu'elle
demanda au témoin s'il y avait sur son trajet quelque chapelle ou quelque église où fût le Corps du Christ ; et le témoin
répondit par l'affirmative, en lui montrant une chapelle
située sous le château où était le Corps du Christ. Jeanne alors, avec beaucoup d'insistance, demanda qu'il la conduisît, en passant, devant cette chapelle, pour qu'elle pût
y révérer Dieu et prier ; ce que le témoin fit volontiers, et
laissa devant cette chapelle Jeanne prier à genoux ; elle y
fit, agenouillée, une oraison très dévote. De cela cependant
le seigneur évêque de Beauvais fut mécontent, et il ordonna au témoin de ne plus lui permettre à l'avenir de prier ainsi.
De même sur le contenu des Ve et VIe articles
interrogé, il répond ignorer si on fit quelque information
contre elle, car il n'en vit jamais aucune. Il sait cependant
que d'assez nombreuses personnes l'avaient en grande haine,
et surtout les Anglais, qui la craignaient beaucoup, car, avant
sa capture, ils n'auraient osé venir en un lieu où ils l'auraient
cru présente. Il a entendu dire que l'évêque de Beauvais
faisait tout à l'instigation du roi d'Angleterre et de son conseil, établi alors à Rouen ; et il croit que cet évêque agissait, non
pas poussé par un zèle de justice, mais par la volonté de ces
Anglais, en grand nombre à l'époque dans la ville de Rouen,
où se trouvait le roi d'Angleterre. Certains conseillers disaient en effet que Jeanne devait être remise aux mains de l'Église ;
l'évêque cependant n'en avait cure, et il la remit aux mains
des Anglais. Car cet évêque était très attaché au parti des
Anglais, et beaucoup de conseillers avaient très peur, et ne
jouissaient pas de leur libre arbitre, comme maître Nicolas
de Houppeville qui, s'en étant rendu compte, ne voulut pas
participer aux délibérations et fut banni avec plusieurs
autres, dont il ne se rappelle pas les noms.
Dit aussi que maître Jean Le Fèvre, de l'ordre des frères
ermites de Saint-Augustin, actuellement évêque de Démétriade,
s'aperçut qu'on tourmentait beaucoup Jeanne, en
lui demandant si elle était en état de grâce ; et bien qu'à
son avis elle fît des réponses satisfaisantes, cependant, les
interrogateurs la harcelant sur ce point, il déclara qu'on la
persécutait trop. Alors les interrogateurs lui dirent de se
taire ; mais il ne se rappelle pas leur nom. Il sait cependant
que l'abbé de Fécamp, à son avis, procédait en cette affaire
plus par haine de Jeanne et partialité en faveur des Anglais que par zèle de justice. Dit en outre que maître Jean de Châtillon,
alors archidiacre d'Évreux, déclara auxdits évêque
et assesseurs que le procès, tel qu'on le faisait, lui paraissait
nul, mais ne se rappelle plus pour quelle raison ; on interdit
alors au témoin, qui convoquait, comme il a été dit, les
assesseurs et les conseillers, de convoquer désormais ce Châtillon
pour le procès ; et dès lors ce Châtillon ne fut plus
présent.
Dit aussi pareillement que maître Jean de La Fontaine
fut désigné pour l'interroger pendant quelques jours ; et,
après avoir assisté à la procédure, il s'en alla, car il avait
dénoncé dans ce procès certaines choses qui ne lui paraissaient
pas devoir être faites. Sait aussi que maître Jean Le Maistre,
introduit dans le procès comme inquisiteur, se récusa plusieurs fois pour ne pas participer à la procédure, et fit son
possible pour ne plus être présent au procès ; mais on lui
fit savoir, par certaines personnes qu'il connaissait, que s'il
n'y assistait pas, il serait en danger de mort ; il vint, contraint
par les Anglais, et le témoin entendit plusieurs fois ce Le
Maistre lui dire : « Je vois que si on ne procède pas en cette
matière suivant la volonté des Anglais, la mort est proche ».
Et le témoin lui-même fut en grand danger, parce qu'en conduisant Jeanne, à l'aller ou au retour, il rencontra un
Anglais, chantre de la chapelle du roi d'Angleterre, nommé
Anquetil, qui lui demanda ce qu'il pensait de cette Jeanne.
Le témoin ayant répondu qu'il ne voyait rien en elle que de
bon, et qu'elle lui paraissait être une femme de bien, le chantre
rapporta ce propos au comte de Warwick ; ce dernier fut
très mécontent du témoin, qui dut beaucoup s'agiter à ce
propos et s'en tira finalement avec des excuses.
Interrogé ensuite sur ce qu'il peut attester ou déclarer
sur le contenu du VIIe article, il dit et déclare, outre ce
qu'il a déjà dit, se souvenir qu'un jour, pendant le procès
et vers le début, Jeanne reprocha à l'évêque de Beauvais
d'être son adversaire ; et l'évêque lui répondit : « Le roi m'a
ordonné de faire votre procès et je le ferai ».
De même interrogé sur ce qu'il peut attester ou déclarer sur le contenu des VIIIe et IXe articles, il déclare, au
sujet de la prison, savoir vraiment que Jeanne se trouvait
au château de Rouen, dans une chambre à mi-étage, où l'on
montait par huit marches ; il y avait un lit où elle couchait ;
il y avait une grosse pièce de bois, dans laquelle était fixée
une chaîne de fer servant à attacher Jeanne, placée dans les
entraves, et qu'on fermait à l'aide d'une serrure fixée sur
la pièce de bois. Il y avait aussi pour la garder cinq Anglais de la plus misérable condition, des houssepaillers en français,
qui désiraient beaucoup sa mort et la tournaient très souvent
en dérision ; et elle leur en faisait reproche.
Déclare aussi avoir entendu Étienne Castille, forgeron,
dire qu'il avait construit pour elle une cage de fer, dans
laquelle Jeanne était détenue debout, attachée par le cou,
les mains et les pieds, et qu'elle avait été dans cette situation
dès le moment où elle avait été amenée dans la ville de Rouen,
jusqu'au début du procès engagé contre elle. Cependant il
ne la vit pas dans cette situation, car, lorsqu'il l'emmenait
ou la ramenait, elle était toujours hors des entraves.
De même, interrogé sur ce qu'il peut déclarer ou attester à propos du contenu du dixième article, dit et déclare bien
savoir qu'elle fut examinée, pour savoir si elle était vierge
ou non, par des matrones ou accoucheuses, sur l'ordre de la
duchesse de Bedford, en particulier par Anne Bavon et une autre matrone dont il ne se rappelle pas le nom. Après examen
ils rapportèrent qu'elle était vierge et intacte ; et cela il l'a
entendu raconter par ladite Anne ; pour cette raison la duchesse de Bedford fit défense aux gardiens et autres de lui
faire violence.
Interrogé ensuite sur le contenu des XIe, XIIe,
XIIIe et XIVe articles, il dit et déclare que, lors des
interrogatoires de Jeanne, il y avait six assesseurs avec les
juges pour l'interroger ; et parfois, quand l'un l'interrogeait et qu'elle répondait à sa question, un autre interrompait sa
réponse, si bien qu'elle dit plusieurs fois à ceux qui l'interrogeaient ces paroles : « Beaux seigneurs, faites l'un après
l'autre ».
Sur le contenu des XVe et XVIe articles, il ne sait
rien d'autre que ce qu'il a déclaré plus haut.
Sur le contenu du XVIIe article, il déclare avoir entendu
qu'on demandait à Jeanne si elle voulait se soumettre à
l'Église triomphante ou militante ; elle répondit qu'elle
voulait se soumettre aux décisions du pape. Déclare aussi qu'on racontait couramment qu'un certain maître Nicolas
Loiseleur fit semblant d'être un prisonnier, et entra dans sa
prison ; par ce moyen il poussa Jeanne à dire et à faire des
choses qui lui étaient nuisibles, concernant ladite soumission.
De même interrogé sur le contenu des XXe et XXIe articles, il déclare ne rien savoir et ignore qui présenta les [douze] articles.
Interrogé ensuite sur ce qu'il peut déclarer ou attester à
propos du contenu des XXIIe, XXIIIe, XXIVe
et XXVe articles, il déclare ce qui suit
touchant l'abjuration mentionnée dans ces articles. Lors de
la prédication faite à Saint-Ouen par maître Guillaume Érard,
celui-ci tenait une certaine cédule d'abjuration et il dit à
Jeanne : « Tu abjureras et signeras cette cédule ! » La cédule
fut alors remise au témoin pour lecture, et il la lut devant
Jeanne. Dans cette cédule, il se le rappelle bien, il était prévu
qu'à l'avenir elle ne porterait plus les armes, ni l'habit
d'homme, ni les cheveux courts, avec beaucoup d'autres
choses dont il ne se souvient plus. Il sait bien aussi que la
cédule contenait environ huit lignes et non davantage ; et
il sait avec certitude que ce n'était pas celle mentionnée
dans le procès, car le témoin en a lu une différente de celle
insérée dans le procès et que Jeanne signa.
Dit en outre que, lorsque Jeanne fut requise de signer
ladite cédule, il s'éleva un grand murmure dans l'assistance,
si bien qu'il entendit l'évêque dire à quelqu'un : « Vous me
ferez des excuses ! », assurant qu'on l'avait outragé, qu'il ne
continuerait pas la procédure avant d'avoir reçu des excuses.
Pendant ce temps le témoin avertissait Jeanne du péril qui
la menaçait, au sujet de la signature de la cédule ; car il
voyait bien que Jeanne ne comprenait pas la cédule, ni le danger qui la menaçait. Alors Jeanne, pressée de signer la
cédule, répondit : « Que cette cédule soit examinée par l'Église
et les clercs, entre les mains de qui je dois être placée ; s'ils
me donnent le conseil de la signer et de faire ce qu'on me
dit, je le ferai volontiers ». Aussitôt maître Guillaume Érard
déclara : « Fais-le maintenant ! sinon tu mourras par le feu
aujourd'hui ». Jeanne répondit alors qu'elle préférait signer
plutôt que d'être brûlée ; à ce moment il se fit un grand tumulte dans l'assistance, et beaucoup de pierres furent lancées, mais il ne sait par qui. Une fois la cédule signée, Jeanne
demanda au promoteur si elle allait être placée entre les
mains de l'Église, et en quel lieu elle devait se rendre. Le
promoteur répondit : au château de Rouen ; elle y fut conduite, revêtue d'habits féminins.
Interrogé en outre sur le contenu du XXVIe article
déclare que, le jour de la Sainte Trinité, Jeanne, accusée de
relapse, répondit qu'étant couchée dans son lit, les gardiens
lui enlevèrent les habits féminins qui se trouvaient sur le lit
et y mirent son habit d'homme, et, bien qu'elle eût demandé à ces gardiens de lui rendre ses habits de femme, pour pouvoir
se lever et soulager son ventre, ils refusèrent de les rendre en
disant qu'elle n'aurait rien d'autre que ledit habit d'homme.
Et comme elle ajoutait que ses gardiens devaient bien savoir
l'interdiction faite par les juges de porter cet habit, néanmoins ces gardiens refusèrent de lui rendre l'habit de femme qu'ils avaient enlevé. Poussée cependant par un besoin naturel, elle mit l'habit d'homme, et ne put de toute la journée
obtenir de ces gardiens un autre habit, si bien que plusieurs
personnes la virent en habit d'homme, et pour cela elle fut
jugée relapse ; en effet ce jour de la Sainte Trinité plusieurs personnes furent envoyées, pour la voir en cette tenue,
auxquelles Jeanne exposait ses motifs d'excuse. Entre autres
elle vit maître André Marguerie, qui fut en grand danger,
car, ayant déclaré : « Il est bon de savoir d'elle pour quelle
raison elle a repris l'habit d'homme », un Anglais leva alors
la lance qu'il tenait et voulut frapper ledit maître André ;
aussi ce dernier et plusieurs autres, terrifiés, se retirèrent.
Interrogé ensuite sur le contenu des autres articles, il
déclare, pour l'abjuration, ne savoir rien qu'il puisse ajouter à sa déposition ci-dessus. Pour la sentence et la mort de
Jeanne, il sait ce qui suit : le mercredi matin, jour de la mort
de Jeanne, frère Martin Ladvenu entendit Jeanne en confession, et ensuite il envoya le témoin qui parle au seigneur évêque de Beauvais, pour lui faire savoir comment elle avait été entendue en confession et qu'elle demandait à recevoir
le sacrement de l'eucharistie. L'évêque réunit quelques personnes à ce sujet et, après en avoir délibéré, déclara au témoin
qu'il dît à frère Martin de lui porter le sacrement de l'eucharistie et tout ce qu'elle demanderait. Le témoin revint alors au château et rapporta cela à frère Martin. Frère Martin donna à Jeanne, en présence du témoin, le sacrement de l'eucharistie. Cela fait, elle fut amenée en habit de femme et conduite, par le témoin et frère Martin, jusqu'au lieu où elle fut brûlée. En chemin Jeanne faisait de si pieuses lamentations que le témoin et frère Martin ne pouvaient retenir
leurs larmes. Elle recommandait en effet son âme si dévotement à Dieu et aux saints qu'elle provoquait les larmes de
ceux qui l'entendaient. Elle fut amenée au Vieux Marché
où se trouvait maître Nicolas Midi, qui devait faire la prédication. Celle-ci achevée, ce Midi déclara à Jeanne : « Jeanne,
va en paix ! L'Église ne peut plus te défendre et te remet en
mains séculières ». A ces paroles Jeanne, à genoux, fit à Dieu
des prières très dévotes et demanda au témoin à avoir une
croix ; alors un Anglais se trouvant sur les lieux fit une petite croix avec un bâton, qu'elle baisa et posa sur sa poitrine
avec la plus grande dévotion.
Cependant elle voulut avoir encore une croix d'église ;
elle l'obtint, l'embrassait, la serrant dans ses bras, et pleurait
en se recommandant à Dieu, à saint Michel, à sainte Catherine
et à tous les saints ; à la fin elle étreignit la croix en saluant
les assistants. Puis elle descendit de l'estrade en compagnie
du frère Martin et alla jusqu'au lieu du supplice, où elle
mourut très pieusement.
Il entendit aussi à l'époque Jean Fleury, clerc du bailli et greffier, dire que, au rapport du bourreau, une fois son
corps brûlé et réduit en cendres, son cœur resta intact et
plein de sang. Et on enjoignit au bourreau de rassembler
les cendres et tout ce qui restait d'elle et de les jeter dans
la Seine ; ce qu'il fit. Ne sait rien d'autre.
Dominus Johannes Massieu, presbyter, curatus
ecclesiæ parochialis Sancti Candidi Senioris Rothomagensis, ætatis L annorum, vel circiter, alias ut præcedens testis, die xvii. mensis decembris, ut testis
affuturus, citatus, juratus et examinatus, ac postmodum
die XII. mensis maii, super articulis ipsorum
actorum iterum juratus et examinatus.
Et primo, interrogatus quid ipse sciat deponere seu attestari super contentis in articulis infra scriptis,
aliis propter eorum prolixitatem, et aliis de consensu
producentium omissis ; videlicet super contentis in II.,
III. et IV. articulis ipsorum actorum et conquerentium :
dicit et deponit, ejus medio juramento, se scire solura
ea quæ sequuntur. Videlicet quod, de patre et matre,
parentibus, vita ac conversatione ipsius Johannæ, ante
tempus incepti processus contra eamdem Johannam,
nihil sciret deponere, nisi ex auditu ipsius Johannæ,
quæ super his interrogata [fuit] durante dicto processu
contra eam agitato ; nec de ea aliquam habuit
notitiam nisi a tempore quo fuit adducta ad villam Rothomagensem,
in qua fuit detenta in carceribus castri
Rothomagensis, ut contra eam fieret certus processus postmodum factus, et in quo processu ipse loquens, qui
tunc erat decanus christianitatis Rothomagensis, fuit
exsecutor mandatorum contra eamdem Johannam. Habebat
etiam onus convocandi consiliarios, et ducendi et reducendi dictam Johannam coram judicibus ; quam
pluries duxit et reduxit de carcere ad judicium, pluraque
mandata contra eamdem exsecutus fuit, eam ad
judicium evocando ; et habebat hac de causa magnam
familiaritatem cum ea. Et, videre suo, erat bona, simplex et devota filia ; nam contigit quadam vice, dum
eam duceret coram judicibus, quod ipsa requisivit loquentem
si eratne in itinere suo aliqua cappella, aut
aliqua ecclesia, in qua esset corpus Christi ; et cui ipse
loquens dixit quod sic, ostendendo sibi quamdam cappellam
exsistentem infra castrum, in qua erat corpus
Christi. Tunc ipsa eumdem instantissime requisivit ut
eam duceret per ante cappellam, ut posset ibidem salutare
Deum et orare ; quod libenter fecit ipse loquens, dimisitque eamdem Johannam ante illam cappellam
genibus flexis orare ; quæ ibidem flexis genibus multum
devote fecit orationem suam. De quo tamen dominus
episcopus Belvacensis fuit male contentus, et eidem
loquenti inhibuit ne de cætero eamdem permitteret sic orare. De sua conversatione alias nesciret deponere.
Item interrogatus super contentis in V. et VI. articulis,
deponit quod nescit si aliquam informationem
contra eamdem fecerint, quia nullam unquam vidit.
Scit tamen quod quam plures habebant magnum odium
contra eamdem, et maxime Anglici, qui eam multum
timebant, quia ante ejus captionem non fuissent ausi
comparere in loco in quo credidissent eam fore. Et audivit
tunc dici quod omnia quæ episcopus Belvacensis,
faciebat ad instigationem regis Angliæ et sui consilii,
tunc exsistentis Rothomagi ; et credit quod ipse episcopus
non faciebat zelo justitiæ motus, sed ad ipsorum Anglicorum voluntatem, qui erant tunc in magno
numero in villa Rothomagensi, in qua erat tunc rex
Angliæ. Et inter consiliarios tunc fuit murmur de eo
quod ipsa Johanna erat inter manus Anglicorum. Dicebant enim aliqui consiliarii quod ipsa Johanna debebat
esse in manibus Ecclesiæ ; ipse tamen episcopus
non curabat, sed eam in manibus Anglicorum dimisit. Erat enim ipse episcopus multum affectatus parti Anglicorum
; nam et multi de consiliariis multum timebant,
nec erant in suo libero arbitrio, quia magister
Nicolaus de Houppeville, qui, viso hujusmodi modo,
noluit interesse in consiliis, fuit bannitus cum pluribus
aliis, de quorum nominibus non recordatur.
Dicit etiam quod magister Johannes Fabri, de ordine
Fratrum Heremitarum Sancti Augustini, nunc episcopus Dimitriensis, videns eamdem Joharmam quam
plurimum fatigari super eo quod inquirebatur ab ea an
esset in statu gratiæ, et licet responsiones fecisset suo
videre competentes, tamen super hoc eam multum infestabant
interrogantes : dixit quod nimis erat vexata.
Tunc interrogantes sibi dixerunt quod taceret ; nescit
tamen nec recordatur qui fuerunt illi. Scit tamen quod
abbas Fiscampnensis, videre [suo], potius procedebat
in illa materia ex odio ipsius Johannæ et favore Anglicorum,
quam zelo justitiæ. Dicit insuper quod, quum
magister Johannes de Castellione, tunc archidiaconus
Ebroicensis, eisdem episcopo et assistentibus diceret
quod processus, eo modo quo fiebat, sibi videbatur
esse nullus ; sed qua de causa non recordatur : fuit inhibitum eidem loquenti, qui, ut praemittitur, assistentes
et consiliarios convocabat, ne ipsum de Castellione
amplius in hujusmodi processu convocaret ; nec
ab illa hora ipse de Castellione interfuit.
Dicit etiam similiter quod magister Johannes de
Fonte fuit commissus per aliquos dies ad eam interrogandum
; et qui eidem processui interfuit, se absentavit,
quia aliqua dixerat quæ in dicto processu
non sibi videbantur facienda. Scit etiam quod magister
Johannes Magistri, inquisitor in processu insertus,
pluries recusavit interesse hujusmodi processui, et fecit suum posse ne adesset processui ; sed
per aliquos sibi notos fuit ei dictum quod nisi interesset,
ipse esset in periculo mortis ; et hoc fecit
compulsus per Anglicos, ut pluries audivit a dicto Magistri,
qui sibi dicebat : « Video quod, nisi procedatur in hujusmodi materia ad voluntatem Anglicorum, quod imminet mors. » Et ipsemet loquens fuit in magno periculo, ex eo quod, conducendo et reducendo
eamdem Johannam, ipse loquens obviasset cuidam
Anglico, cantori cappellæ regis Angliæ, vocato
Anquetil, qui quidem Anglicus interrogavit loquentem
quid sibi videbatur de eadem Johanna. Et quum
ipse loquens respondisset quod in ea nesciebat nisi bonum, et quod sibi videbatur bona mulier : ipse
cantor hoc retulit comiti de Warvic, qui de loquente
male fuit contentus, et habuit ob hoc multa agere ; sed
tamen se excusando evasit.
Deinde interrogatus quid sciat attestari seu deponere
de contentis in VII. articulo : dicit et deponit,
ultra ea quæ deposuit, quod ipse est memor quod, quadam die, durante processu et circa ipsius initium,
ipsa Johanna dixit episcopo Belvacensi quod ipse erat
suus adversarius ; et tunc dictus episcopus respondit : « Rex ordinavit quod ego faciam processum vestrum, et ego faciam. »
Item, interrogatus quid ipse sciat attestari seu deponere
super contentis in VIII. et IX. articulis : deponit
quod, de carcere, scit veraciter quod ipsa Johanna
erat in castro Rothomagensi, in quadam camera media,
in qua ascendebatur per octo gradus ; et erat ibidem
lectus in qua cubabat ; et erat ibidem quoddam
grossum lignum in quo erat quædam catena ferrea, cum qua ipsa Johanna exsistens in compedibus ferreis
ligabatur, et claudebatur cum serra apposita eidem
ligno. Et habebat quinque Anglicos miserrimi status,
gallice houcepaillers, qui eam custodiebant, et multum
desiderabant ipsius Johannæ mortem, et de eadem
sæpissime deridebant ; et ipsa eosdem de talibus reprehendebat.
Dicit etiam quod audivit a Stephano Castille, fabro,
quod ipse construxerat pro eadem quamdam gabiam
ferri, in qua detinebatur correcta, et ligata collo,
manibus et pedibus ; et quod fuerat in eodem statu a
tempore quo adducta fuerat ad villam Rothomagensem,
usque ad initium processus contra eam agitati. Eam
tamen non vidit in eodem statu, quia, dum eam ducebat
et reducebat, erat semper extra compedes.
Item, interrogatus quid ipse sciat deponere seu attestari
de contentis in X. articulo : dicit et deponit
quod bene scit quod fuit visitata an esset virgo vel non
per matronas seu obstetrices, et hoc ex ordinatione
ducissæ Bedfordiæ, et signanter per Annam Bavon
et aliam matronam de cujus nomine non recordatur.
Et post visitationem, retulerunt quod erat virgo et
integra, et ea audivit referri per eamdem Annam ; et
propter hoc, ipsa ducissa Bedfordiæ fecit inhiberi custodibus
et aliis ne aliquam violentiam sibi afferrent.
Deinde interrogatus de contentis in XI., XII., XIII.
et XIV. articulis : dicit et deponit quod, dum ipsa Johanna
interrogaretur, erant sex assistentes cum judicibus,
qui interrogabant eam, et aliquando, quando
unus interrogabat et ipsa respondebat ad quæsitum,
alius interrumpebat responsionem suam, ita quod
ipsa pluries eisdem interrogantibus dixit his verbis : « Beaux seigneurs, faictes l'un après l'autre. »
De contentis in XV. et XVI, articulis nihil scit, nisi
ut supra deposuit.
De contentis in XVII., deponit quod audivit ab eadem
Johanna peti an se vellet submittere Ecclesiæ
triumphanti aut militanti : quæ respondit quod volebat
se submittere ordinationi Papæ. Et dicit quod vulgariter dicebalur quod quidam magister Nicolaus
Aucupis finxit se esse prisionarium, et intravit carcerem
cum ea, et quod eam hoc medio induxit ad dicendum
et faciendum aliqua contraria ipsi Johannæ, tangentia
dictam submissionem.
Item, interrogatus super contentis in XX. et XXI.
articulis : dicit quod de illis articulis nihil scit, nec quis
eos exposuit.
Deinde interrogatus quid sciat deponere seu attestari
de contentis in XXII., XXIII., XXIV. et XXV.
articulis : deponit quod de contentis in eisdem, quantum
ad abjurationem de qua in articulis fit mentio,
quod quando fuit facta prædicatio per magistrum Nicolaum
Erardi in Sancto Audoeno, quod ipse Erardi
tenebat quamdam schedulam abjurationis, et dixit
Johannæ : « Tu adjurabis et signabis istam schedulam. » Et tunc illa schedula fuit loquenti tradita ad legendum,
et eam legit loquens coram eadem Johanna. Et est bene memor quod in eadem schedula cavebatur
quod de cætero non portaret arma, habitum virilem,
capillos rasos, et multa alia de quibus non recordatur.
Et bene scit quod illa schedula continebat circiter
octo lineas, et non amplius ; et scit firmiter quod non
erat illa de qua in processu fit mentio, quia aliam ab
illa quæ est inserta in processu legit ipse loquens, et signavit ipsa Johanna.
Ulterius dicit quod, dura ipsa Johanna requireretur
de signando dictara schedulam, ortum fuit magnum
murmur inter præsentes, adeo quod audivit
quod episcopus dixit cuidam : « Vos emendabitis mihi, » asserens sibi fuisse illatam injuriam, et
quod non procederet ultra quousque sibi fuisset facta emenda. Et interim ipse loquens advertebat eamdem
Johannam de periculo sibi imminente, super signatura
dictæ schedulæ ; et bene videbat loquens quod
ipsa Johanna non intelligebat dictam schedulam,
nec periculum quod sibi imminebat. Et tunc ipsa Johanna,
oppressa ut signaret dictam schedulam, respondit
: « Videatur ipsa schedula per clericos et Ecclesiam, in quoram manibus debeo poni ; et si mihi consilium dederint quod habeam eam signare, et agere quæ mihi dicuntur, ego libenter faciam. » Tunc
ipse magister Guillelmus Erardi dixit : « Facias nunc, alioquin tu per ignem finies dies tuos hodie. » Et tunc
ipsa Johanna respondit quod malebat signare quam
cremari ; et illa hora fuit magnus tumultus populorum adstantium, et fuerunt projecti multi lapides ;sed a quibus
nescit. Et illa schedula signata, ipsa Johanna inquisivit
a promotore nonne poneretur in manibus Ecclesiæ, et in quo loco debebat redire. Tunc promotor
sibi respondit quod in castro Rothomagensi, in quo
fuit ducta, induta vestibus mulieris.
Interrogatus ulterius de contentis in XXVI, articulo,
deponit quod die Sanctæ Trinitatis, dum ipsa
Johanna accusaretur de relapsu, respondit quod, ipsa
jacente in lecto, custodes sui removerunt vestes mulieris a lecto in quo jacebat, et apposuerunt vestem suam virilem ; et, licet eosdem custodes requisivisset
ut sibi habitum muliebrem restituerent, ut surgeret a lecto, intendens ventrem purgare, denegaverunt
sibi tradere, dicendo sibi quod aliud a dicto habitu
virili non haberet. Et quum ultra dixisset quod bene
sciebant custodes quod judices sibi prohibuerant ne
illa veste indueretur, nihilominus habitum muliebrem quem abstulerant, eidem tradere denegaverunt ;
et tandem, necessitate naturali compulsa, ipsum habitum
virilem assumpserat, nec alium habitum ab
ipsis custodibus tota illa die habere potuerat, ita quod
a pluribus visa est in illo habitu virili, et propter hoc
judicata relapsa ; nam illa die Sanctæ Trinitatis fuerunt
plures mandati ut eam in illo statu viderent, quibus
ipsa dicebat hujusmodi excusationes ; et inter quos vidit
magistrum Andream Marguerie, qui fuit in magno
periculo quia, quum diceret : « Bonum est inquirere ab ea qua de causa resumpsit habitum virilem, »
tunc unus Anglicus levavit quamdam hastam quam
tenebat, et voluit eumdem magistrum Andream percutere. Et tunc ipse magister Andreas et quam plures
perterriti recesserunt.
Deinde interrogatus de contentis in cæteris articulis,
deponit quod de abjuratione nescit aliud nisi ea
quæ supra deposuit. De sententia et morte ipsius Johannæ
scit ea quæ sequuntur : videlicet quod, die
mercurii de mane, qua die obiit ipsa Johanna, frater
Martinus Ladvenu audivit eamdem Johannam in confessione,
et, audita confessione ipsius Johannæ, ipse frater Martinus Ladvenu misit ipsum loquentem ad
dominum Belvacensem, ad sibi notificandum qualiter
fuerat audita in confessione, et quod petebat sibi tradi
sacramentum Eucharistiæ. Qui episcopus aliquos super
hoc congregavit ; ex quorum deliberatione ipse episcopus
eidem loquenti dixit quod diceret fratri Martino
quod sibi traderet Eucharistiæ sacramentum, et omnia
quæcumque peteret. Et tunc ipse loquens rediit
ad castrum, et hoc retulit dicto fratri Martino. Qui quidem
frater Martinus sibi tradidit in præsentia loquentis sacramentum Eucharistiæ. Et hoc facto, fuit adducta in habitu mulieris, et fuit ducta per dictum loquentem
et fratrem Martinum usque ad locum ubi ipsa Johanna
fuit cremata. In quo itinere ipsa Johanna tam pias
lamentationes faciebat, ut ipse loquens et frater
Martinus a lacrimis continere non poterant. Recommendabat
enim animam suam tam devote Deo et
Sanctis quod audientes ad lacrimas provocabat. Ipsa autem in Veteri Foro adducta [fuit], ubi erat magister
Nicolaus Midi, qui prædicationem facere debebat.
Qua prædicatione facta, ipse Midi eidem Johannæ
dixit : « Johanna vade in pace, Ecclesia non potest plus te defendere, et te dimittit in manu sæculari. »
Quibus auditis ipsa Johanna, genibus flexis, fecit suas
orationes ad Deum multum devotissiraas, et rogavit
eumdem loquentem quatenus haberet crucem ; et tunc
quidam Anglicus ibidem exsistens fecit quamdam parvam crucem ex quodam baculo, quam deosculata est,
et eam posuit in sinu suo cum maxima devotione.
Adhuc tamen habere voluit crucem ecclesiæ, et eam
habuit, et eam amplexando et lacrimando deosculabatur,
se etiam recommendando Deo, beato Michaeli,
beatæ Catharinæ, et omnibus sanctis ; et in fine, amplexata est eamdem crucem, salutando adstantes. Et
descendit de ambone, sibi comitante dicto fratre
Martino usque ad locum supplicii, ubi vitam finivit multum devote.
Audivit etiam tunc dici a Johanne Fleury, clerico
baillivi et graphario, quod tortor retulerat
quod, corpore igne cremato et in pulvere redacto, remansit cor illæsum et sanguine plenum. Et sibi
fuit dictum quod pulveres et quidquid ex ea remaneret,
congregaret et in Sequanam projiceret ; quod et fecit. Nec aliud scit.
Sources
:
- Texte latin original : Quicherat - Procès t.III p.150 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc, t.IV, p.109 à 116.
Notes :
1 Église de Rouen aujourd'hui détruite.
Voir autres dépositions :
- déposition de 1450
- déposition de 1452
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