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Procès
de réhabilitation
Déposition de Michel Lebuin |
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Michel
Lebuin, de Domrémy, cultivateur à Burey, diocèse
de Toul, âgé de 44 ans environ, 23ème témoin
produit, interrogé à Vaucouleurs, le samedi 31 janvier
1456 :
I à VIII.
Dans ma jeunesse, j'ai bien connu Jeanne la Pucelle.
Elle était de Domrémy, de la paroisse de l'endroit
; ses parents, Jacques d'Arc et Zabillet, étaient de braves
cultivateurs, catholiques et de bonne renommée ; oui, Jeanne
avait des parrains et des marraines, je l'ai entendu dire. Dans
sa jeunesse, et jusqu'à son départ de chez son père,
elle était bonne catholique, elle aussi, simple et réservée
; elle allait volontiers â l'église et fréquentait
les lieux saints. Je le sais parce que, moi qui vous parle, quand
j'étais jeune, je suis allé plusieurs fois en pélerinage
à l'ermitage de Notre-Dame
de Bermont ; elle y allait elle-même presque chaque samedi
avec sa soeur, porter des cierges ; elle donnait volontiers pour
l'amour de Dieu, ce qu'elle pouvait posséder ; elle s'occupait
bien, avec diligence, des besognes qui conviennent aux femmes et
aux filles, et elle se confessait souvent. Je le sais, parce que
je la fréquentais, je l'ai souvent vue se confesser.
IX.
L'arbre en question s'appelle l'âbre des dames. J'ai entendu dire que des femmes qu'on appelait vulgairement
fées, y venaient jadis ; toutefois, je ne puis le confirmer,
car maintenant elles n'y vont plus. Les filles et les jeunes garçons
de Domrémy, eux, y viennent chaque année, le dimanche
de Lætare Jerusalem ou "des fontaines" ;
ils y dansent, mangent, et vont ensuite boire à la Fontaine
aux Groseilliers. Jeanne, quand elle était petite, y allait
avec eux, faire ses fontaines comme les autres filles. Je ne pense
pas qu'elle y fût allée en d'autres temps ou pour un
autre motif, car elle était toute bonne. Je n'en sais pas
plus.
X.
De son départ, je ne sais rien. Sauf qu'une
fois, la veille de la Saint Jean Baptiste (1),
Jeanne me dit qu'il y avait une pucelle, entre Coussey et Vaucouleurs,
qui avant un an ferait sacrer le Roi de France ; et dans l'année
suivante le Roi fut sacré à Reims (2)
XI.
Du temps où Jeanne était prisonnière,
je vis un nommé Nicolas Bailly, d'Andelot, qui vint avec
d'autres à Domrémy, à la requête de Messire
Jean de Torcenay, alors bailli de Chaumont, au nom du soi-disant
Roi de France et d'Angleterre , pour y faire une enquête sur
la vie et la réputation de Jeanne. A ma connaissance, ils
n'osèrent pas forcer les gens à prêter serment,
à cause de ceux de Vaucouleurs. Je crois que Jean Begot,
de Domrémy, fut interrogé, vu qu'ils logeaient chez
lui. M'est avis que leur enquête n'eut rien à leur
apprendre de mal sur le fait de Jeanne ; c'est tout ce que j'en
sais.
XII.
A l'époque en question, j'étais à
Neufchâteau avec les autres habitants de Domrémy, et
j'y ai vu Jeanne, toujours en compagnie de son père et sa
mère.
Michael le Buin, de Dompno
Remigio, in Bureyo [agricola] tullensis diocesis commorans, laborator,
etatis XLIV annorum vel circa, vicesimus tercius testis in hac causa,
productus, iuratus et examinatus, in dicto Valliscolore, anno et
die sabbati ultima ianuarii, predictis, requisitus, per suum iuramentum
[...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum articulo seu interrogatorio
incipiente : "Primo de loco originis, etc..." ; eciam
super II°, III°, IV°, V°, VI°, VII° et VIII°
articulis sequentibus requisitus,
"Dixit per suum iuramentum, quod ipsam Iohannam la Pucelle, a iuventute sua, bene cognovit. Fuitque ipsa
Iohanna oriunda de dicto Dompno Remigio, et de parrochia eiusdem,
ex Iacobo Darc et Ysabelleta, coniugibus, probis et catholicis laboratoribus,
bone fame, ut tune
vidit. Habebat enim ipsa Iohanna patrinos et matrinas, ut dici audivit.
Dixit eciam quod ipsa Iohanna, tempore sue iuventutis, et usque
ad recessum a domo patris sui, erat bona catholica, simplex, verecunda
; libenter ibat ad ecclesiam, et frequentabat loca sacra. Scit quia
ipse testis pluries, dum erat iuvenis, cum ea in peregrinacione
fuit in heremo beate Marie de Bermont ; et ipsa ibidem in
dicto heremo, fere in quolibet sabbati, cum quadam sua sorore ibat
; et candelas portabat ; dabatque ipsa Iohanna libenter pro Deo
ea que poterat habere. Occuppabat diligenter se negociis mulierum
et aliarum puellarum bene et decenter ; et sepe confitebatur, quia
conversabatur cum ea, scit et vidit eam pluries confiteri. Nec aliud
scit."
Super IX° sequenti articulo, incipiente : "Item, quid
habet fama, etc..." ; requisitus,
"Dixit per dictum suum iuramentum quod illa arbor
vocatur l'obre dominarum. Dixit quod audivit dici quod mulieres,
que vocabantur vulgariter fees, antiquitus solebant ire subtus
illiam arborem. Actamen nescit si iverint ; quia nunc non solent
ire. Dixit quod puelle et pueri iuvenes de dicto Dompno Remigio,
annis singulis, solent ire subtus illam arborem, in die dominico
Letare lherusalem, dicto des Fontaines, et ibidem
choreant, comedunt, et [faciunt ?] i suos fontes ludendo et spaciando,
et postea veniunt ad fontem rannorum, ad bibendum. Dixit eciam quod
dicta Iohanna, dum erat parva, ibat cum puellis et pueris subtus
illam arborem, ad faciendum suos fontes, sicut alie virgines dicte
ville. Nec credit quod alias aut propter aliam causam, ipsa Iohanneta
subtus illam arborem fuerit, quia erat tota bona. Nec alias sciret
deponere."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur,
etc...", requisitus,
"Dixit se nichil scire, excepto quod semel ipsa
Iohanna dixit ipsi testi, in vigilia beati Iohannis Baptiste, quod
erat una puella inter Coupeyum (3) et
Valliscolorem que, antequam esset annus, ipsa faceret consecrare
regem Francie. Dixitque quod, in anno tunc adveniente, rex fuit
consecratus Remis. Nec aliud scit."
Super XI° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in dicta patria, etc..", requisitus,
"Dixit quod, cum dicta Iohanna fuit capta, vidit
quemdam nominatum Nicolaum Bailly de Andeloco, qui cum quibusdam
aliis venit ad dictam villam de dicto Dompno Remigio, et ad instanciam
domini Iohannis de Torcenay, baillivi tunc Calvimontis, nomine
asserti regis Francie et Anglorum, fecit informacionem super fama
et conversacione, ut dicebatur, dicte Iohanne. Et, ut sibi videtur,
non audebant aliquos cogere ad iurandum, propter illos de Valliscolore.
Dixit quod credit quod Iohannes Begot, dicte ville, fuit
examinatus, quia erant hospitati in domo sua. Dixit eciam quod credit
quod, in informacione fienda, nullam mali invenerunt causam super
facto dicte Iohanne. Nec aliud scit."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc..", requisitus,
"Dixit quod, tempore articulato, ipse testis fuit
in Novo Castro, cum aliis habitatoribus dicte ville de Dompno Remigio
; viditque ipsam Iohannam que semper fuit in comitiva patris et
matris."
Plura nescit. Citatus venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc...
Sources
:
- "Procès de réhabilitation" - Joseph Fabre
- ed.1915 - tome I,
- "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly - 1868
- "La rédaction épiscopale du procès de
1455-1456" - Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers - 1961.
Notes :
1 C'est à dire le 23 juin 1428.
àcette date et d'après de Poulengy, Jeanne serait déjà allé voir Baudricourt à Vaucouleurs (vers l'Ascension 1428, donc au mois de mai). Est-il possible que personne au village n'ait été au courant de cette démarche de Jeanne ? Voir dossier sur ce sujet
2 NDLR : Jeanne fait une prophétie remarquable, totalement improbable en juin 1428 !
3 Coupeyum pour Coussey probablement.
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