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Procès
de réhabilitation
V-4 - Déposition de Nicolas Taquel |
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Vénérable personne messire Nicolas Taquel, prêtre, curé
de l'église paroissiale de Bacqueville-le-Martel, notaire impérial et de la cour de Rouen, juré, âgé d'environ cinquante
huit ans, témoin produit en cette cause, reçu, juré et interrogé
le onzième jour du mois de mai, l'an du Seigneur susdit
mille quatre cent cinquante-six,
Et d'abord interrogé sur le contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles, il déclare qu'il eut connaissance
de cette Jeanne pendant le procès intenté contre elle en matière de foi, car il fut l'un des notaires dans ce procès, bien
qu'il ne fût pas présent au début, comme il appert par sa
souscription ; il n'assista pas non plus à la procédure dans
la grande salle ; mais il fut présent seulement quand le procès
se déroula dans la prison ; et, lui semble-t-il, il commença à prendre part au procès le quatorzième jour du mois de mars
de l'an du Seigneur mille quatre cent trente [et un], comme le prouvent ses lettres de commission, auxquelles il se réfère.
Et, depuis cette date jusqu'à la fin du procès, il fut présent
comme notaire aux interrogatoires et réponses de Jeanne,
bien qu'il ne rédigeât pas ; mais il écoutait, et relatait aux
deux autres notaires, à savoir Boisguillaume et Manchon,
qui écrivaient, et surtout Manchon.
Et quand on lui montra le procès signé de son seing manuel,
il reconnut son seing ; il confesse avoir signé ce volume et
avoir certifié tous les actes auxquels il avait pris part. Il
certifie aussi et reconnaît les autres seings de Manchon et
Boisguillaume. Il dit aussi que ce procès fut rédigé en sa
forme actuelle très longtemps après la mort de Jeanne, mais
il ignore quand. Le témoin eut pour sa peine et pour son
travail dix francs, bien qu'on eût dit qu'il en aurait vingt ;
et ces dix francs lui furent remis par les mains d'un certain
Benedicite (1); mais d'où venait cette somme, il l'ignore.
Interrogé de même sur le contenu des autres articles
jusqu'au XXe article, il déclare que pour ce qui touche
au procès et pour le temps où il fut notaire, il s'en rapporte
au procès. Pour le reste ne sait rien.
Interrogé de même sur le contenu des XXe et XXIe articles, en ce qui concerne les articles [fabriqués]
dont il est fait mention, il déclare et atteste sous serment avoir
entendu les notaires parler entre eux de certains articles
qui devaient être fabriqués ; mais qui les fit, il n'en sait rien. Sait aussi que ces articles furent envoyés à Paris ; mais ne se souvient pas s'ils furent signés ou non ; il croit ne pas les avoir signés ; il n'a pas mémoire d'avoir jamais signé autre chose que le procès et la sentence.
Interrogé en outre au sujet de ces articles extraits [du
procès] et vus par les juges, [pour savoir] s'il fut décidé qu'on
les corrigerait, il dit et déclare ne pas se le rappeler.
Et comme on lui avait montré une petite note du quatrième
jour d'avril, en l'an du Seigneur mille quatre cent trente
et un, laquelle prévenait que les articles, dans la forme où
ils avaient été envoyés, devaient être corrigés, et au dos de
laquelle ces corrections étaient portées, il confesse que cette
note a été écrite de la main de maître Guillaume Manchon,
et il croit avoir été présent. Il croit cependant qu'aucune
correction ne fut apportée, bien que cela eût été décidé, à
ce qu'il lui semble ; mais ensuite, pour quelle raison il en fut
ainsi et qui s'y opposa, il n'en a plus souvenance, attendu
tout le temps écoulé.
Sur le contenu de tous les articles suivants, à lui lus ensemble, il déclare et atteste qu'il fut présent à Saint-Ouen,
lors de la première prédication ; mais il ne se trouva pas
avec les autres notaires sur l'estrade. Il était cependant assez
près, et en un endroit où il pouvait entendre ce qui se faisait
et ce qui se disait ; et il se rappelle bien avoir vu Jeanne
quand la cédule d'abjuration lui fut lue ; elle lui fut lue par
messire Jean Massieu ; c'étaient environ six lignes d'une
grande écriture. Jeanne répétait après ledit Massieu. Cette
lettre d'abjuration était en français et commençait par « Je,
Jeanne, etc... » Après cette abjuration elle fut condamnée à
la prison perpétuelle et conduite au château. Déclare qu'ensuite il fut mandé pour l'interroger, à ce qu'on disait ; mais
alors survint quelque tumulte et le témoin ne sait ce qui s'ensuivit. Sait cependant que plus tard il y eut une autre
prédication, le jour même de la mort de Jeanne ; le matin
de ce jour Jeanne reçut le Corps du Christ. Lors de cette
prédication le témoin fut présent jusqu'à la fin ; une fois celle-ci achevée, Jeanne fut abandonnée à la justice séculière. Puis le témoin s'en alla et n'assista pas à la suite.
Ne sait rien d'autre, sur ce dûment interrogé.
Venerabilis vir, dominus Petrus Tasquel (2),
presbyter, curatus ecclesiæ parochialis de Bacqueville-le-Martel, notarius imperialis ac curiæ Rothomagensis,
juratus, ætatis LVIII annorum vel eocirca ; testis in hac causa productus, receptus, juratus et examinatus
die XI. mensis maii, anni prædicti Domini MCCCCLVI.
Et primo, interrogatus super contentis in I., II., III. et IV. articulis : deponit quod ipse habuit notitiam
de eadem Johanna durante processu contra eam in
materia fidei agitato, quia fuit in eodem processu alter
notarius, licet non fuerit in principio, ut constat per
ejus subscriptionem ; nec fuit durante tempore quo
procedebatur in magna aula ; sed tempore solum quo
processum fuit in carceribus ; et, ut sibi videtur,
incepit interesse eidem processui die xiv. mensis
martii anno Domini MCCCCXXX, prout constat per
commissionem suam, ad quam se refert. Et ab illo
tempore usque in finem processus, fuit præsens ut notarius
in interrogationibus et responsionibus ipsius Johannæ,
licet non scriberet ; sed audiebat, et aliis
duobus notariis, videlicet Bosguillaume et Manchon,
referebat, qui scribebant, et maxime Manchon.
Et ostenso sibi processu suo signo manuali signato,
signum suum agnovit ; et fatetur librum ipsum signasse,
et certificationem dedisse de his in quibus interfuerat.
Confitetur etiam et recognoscit alia signa de Manchon
et Bosguillaume. Et dicit quod hujusmodi processus fuit redactus in forma in qua est, per magnum temporis
spatium post mortem ipsius Johannæ ; sed quo tempore
nescit. Et habuit ipse loquens pro pœnis et
laboribus suis decem francos, licet sibi dictum fuerit
quod haberet viginti ; et fuerunt sibi traditi illi decem
franci per manus cujusdam Benedicite; sed unde
venerunt pecuniæ nescit.
Item, interrogatus de contentis in caeteris articulis
usque ad XX. articulum : deponit quod de illis, in
quantum tangit processum, et de tempore quo fuit notarius, se refert processui. De aliis nihil scit.
Item, interrogatus de contentis in XX. et XXI.
quantum tangit articulos de quibus in eisdem fit
mentio : dicit et deponit, ejus medio juramento, quod tunc audivit loqui inter notarios quod debebant fieri
certi articuli ; sed quis eos fecit nihil scit. Et scit quod
fuerunt missi Parisius ; sed si fuerint signati vel non,
non recordatur ; et credit quod eos non signavit ; nec
habet memoriam quod unquam aliquid signaverit nisi
processum et sententiam.
Insuper interrogatus numquid, hujusmodi articulis
extractis et per judices visis, fuit appunctuatum quod
corrigerentur : dicit et deponit quod non recordatur.
Et ostensa sibi quadam notula de die IV. mensis
aprilis, anni Domini MCCCCXXXI, qua cavetur quod articuli
in farma in qua fuerunt missi debebant corrigi,
et in dorso appositæ correctiones : fatetur eamdem
notam scriptam esse manu magistri Guillelmi Manchon,
et credit quod fuit præsens. Credit tamen quod
nulla facta fuit correctio, licet ita fuerit appunctuatum, ut sibi constat ; quia ulterius quomodo hoc
contingit aut per quem stetit, attenta longitate temporis,
non habet memoriam.
De contentis in omnibus sequentibus articulis in
summa sibi lectis, dicit et deponit quod ipse fuit præsens
in Sancto Audoeno quando facta fult prima praedicatio;
sed non fuit cum aliis notariis in ambone.
Erat tamen satis prope, et in loco ubi poterat audire
quæ fiebant et dicebantur ; et bene recordatur quod
vidit eamdem Johannam, quando schedula abjurationis fuit sibi lecta ; et sibi legit eam dominus Johannes
Massieu ; et erat quasi sex linearum grossæ litteræ.
Et dicebat ipsa Johanna post dictum Massieu. Et erat
illa littera abjurationis in gallico, incipiens : « Je
Jehanne, etc. » Et post hujusmodi abjurationem, fuit
condemnata ad carceres perpetuos, et ducta in castrum.
Et dicit quod postmodum mandatus fuit ad interrogandum
eam, ut dicebatur ; sed supervenit aliquis
tumultus, nec scit ipse loquens quid inde actum
fuerit. Scit tamen quod postmodum fuit facta alia
prædicatio, et die obitus ipsius Johannæ ; et de mane
illius diei, ipsa Johanna recepit corpus Christi. Et in
illa prædicatione ipse loquens fuit præsens usque in
finem prædicationis ; qua prædicatione peracta, ipsa
Johanna fuit relicta justitiæ sæculari. Quo facto, recessit
loquens, nec ulterius interfuit.
Nec aliud scit, super hoc debite interrogatus.
Sources :
- Texte latin original : Quicherat - Procès t.III p.195 et suiv.
- Traduction: source Pierre Duparc, t.IV, p.143 à 145.
Notes :
1 Surnom de D'Estivet, le promoteur du procès de condamnation.
2 Appelé Nicolaus dans les actes précédents.
Voir déclaration précédente :
- déclaration de 1452
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