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Procès
de réhabilitation
Déposition
d'André Marguerie |
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Vénérable et prudente personne maître André Marguerie, archidiacre de Petit Caux en l'église de Rouen, licencié en
l'un et l'autre droit, âgé d'environ soixante-seize ans, antérieurement interrogé, comme témoin à produire, le dix-neuvième
jour du mois de décembre, et ensuite sur les articles
de ce procès entendu le douzième jour de mai,
Interrogé d'abord sur ce qu'il peut déclarer ou attester à propos du contenu des Ier, IIe, IIIe et
IVe articles, il déclare n'avoir eu connaissance de Jeanne
qu'au début du procès engagé contre elle ; elle était jeune, à ce qu'il dit, quoique prudente en ses réponses. Mais il n'assista pas très souvent à ce procès.
De même sur le contenu des Ve et VIe articles, il
déclare avoir entendu que Jeanne fut prise à l'intérieur des
limites de l'évêché de Beauvais, à Compiègne, conduite en
la cité de Rouen et détenue au château de Rouen, où fut
engagé ce procès en matière de foi, par l'évêque de Beauvais et le sous-inquisiteur, sous l'impulsion des Anglais. Il dit
aussi que plusieurs des assesseurs au procès subirent des
reproches, parce qu'ils n'avaient pas parlé assez ouvertement
comme les Anglais le voulaient ; mais il ignore si l'un d'eux
fut en danger de mort pour cette raison ; il entendit cependant dire que maître Nicolas de Houppeville refusa de donner
son avis. Il ajoute que certains Anglais procédaient contre
elle par haine ; mais les gens notables procédaient avec un
bon esprit.
Sur les VIIe et VIIIe articles, il ne sait rien.
Sur le IXe, il déclare qu'elle était dans la prison du
château de Rouen où il la vit ; il croit qu'elle était gardée
par les Anglais, car ceux-ci avaient la garde du château où
elle était incarcérée ; sur ce point le témoin a toujours pensé
qu'on procédait mal, en la maintenant aux mains des laïcs
pendant un procès en matière de foi, surtout après la première
sentence, quand elle fut condamnée à la prison perpétuelle.
Interrogé de même sur le contenu du Xe article,
il déclare croire qu'elle fut examinée, pour savoir si elle était
vierge ou non ; mais en vérité il n'ose l'affirmer ; sait cependant que pendant le procès on la tenait pour vierge.
Sur le contenu des XIe, XIIe, XIIIe, XIVe et XVe articles, il ne sait rien, car il n'assista
pas beaucoup au procès.
Sur le contenu des XVIe et XVIIe articles, il déclare
avoir entendu de la bouche même de Jeanne, interrogée
pour savoir si elle voulait se soumettre à l'Église, que pour
certaines choses elle ne croirait ni son évêque, ni le pape,
ni quiconque, car elle les tenait de Dieu. Et ce fut une des
raisons pour lesquelles on procéda contre elle, afin d'obtenir
une rétractation.
Sur le contenu des XVIIIe, XIXe, XXe,
XXIe et XXIIe articles, il ne sait rien.
Interrogé de même sur le contenu des XXIIIe,
XXIVe et XXVe articles, il déclare qu'il
fut présent lors de la première prédication. Et il se souvient
bien que, dans l'intervalle où se faisait l'abjuration, un chapelain du cardinal d'Angleterre, présent à cette première
prédication, dit à l'évêque de Beauvais qu'il favorisait trop
Jeanne. Alors l'évêque de Beauvais lui répondit qu'il mentait, car lui, évêque, prétendait ne vouloir en pareille cause
favoriser personne ; aussi le chapelain fut-il réprimandé par
le cardinal d'Angleterre, qui lui dit de se taire.
De même sur le contenu du XXVIe, il article déclare être allé au château un jour, après qu'on eût appris que
Jeanne avait remis l'habit d'homme ; il demanda alors
comment et en quelles circonstances elle avait repris cet
habit ; mais les Anglais, furieux de cette question, firent
un grand tumulte, au point que le témoin et beaucoup
d'autres, venus au château pour cette affaire, furent obligés
de partir rapidement, leurs corps étant en danger.
Sur le contenu des XXVIIe et XXVIIIe articles, il ne sait rien.
Sur le contenu des XXIXe, XXXe, XXXIe, XXXIIe et XXXIIIe articles, il déclare et atteste qu'il fut présent lors de la dernière prédication ; mais saisi de pitié, il n'assista pas à l'exécution de la sentence. Il sait cependant que plusieurs pleuraient, et surtout le seigneur évêque de Thérouanne, alors chancelier.
Sur la piété de Jeanne au moment de sa mort, il ne sait rien,
car il ne fut pas présent ; mais elle paraissait très troublée,
car elle disait : « Rouen, Rouen, mourray-je cy ? ». Il déclare
aussi que, lui semble-t-il, par ordre du cardinal d'Angleterre,
les cendres de Jeanne après sa mort furent rassemblées et
jetées dans la Seine. Ne sait rien d'autre.
Venerabilis et circumspectus vir, magister Andreas
Marguerie, archidiaconus Parvi Caleti in ecclesia
Rothomagensi, licentiatus in utroque jure, ætatis
LXXVI annorum, vel eocirca, alias, ut testis affuturus,
die xix. mensis decembris, interrogatus, et postmodum
super articulis in hujusmodi processu datis, die
xii. maii, examinatus.
Et primo interrogatus quid ipse sciat deponere de
contentis in I., II., III. et IV. articulis dictorum articulorum
: deponit quod de eadem Johanna solum habuit
notitiam in principio processus deducti contra
eam ; et erat, ut dicit, juvenis, licet moltum cauta in
suis responsionibus. Et non fuit multotiens in hujusmodi
processu.
Item, de contentis in V. et VI., deponit, quod ut
audivit, ipsa Johanna fuit capta infra metas episcopa tus Belvacensis, juxta Compendium, et fuit adducta
ad civitatem Rothomagensem, et detrusa in castro
Rothomagensi, in quo fuit deductus hujusmodi processus
in materia fidei per episcopum Belvacensem et
subinquisitorem, ad procurationem Anglicorum. Et
dicit quod plures de assistentibus in processu fuerunt
redarguti, quia non ita plene loquebantur ad intentionem
Anglicorum sicut volebant ; sed nescit quod
aliquis propter hoc in periculo mortis fuerit, licet audiverit
dici quod magister Nicolaus de Houppeville
noluit dare suam opinionem. Et dicit quod aliqui Anglici
procedebant contra eam ex odio ; sed notabiles
viri procedebant bono animo.
Super VII. et VIII. nihil scit.
Super IX., deponit quod erat in carcere castri Rothomagensis,
et eam ibidem vidit ; et credit quod
custodiebatur per Anglicos, quia Anglici habebant
custodiam castri in quo erat incarcerata ; et in hoc
semper visum fuit loquenti male processum, eam tenendo
in manibus laicalibus durante processu in materia
fidei, et maxime post primam sententiam, quando
fuit condemnata ad carceres perpetuos.
Item, interrogatus de contentis in X. articulo : deponit
quod credit quod fuerit visitata an esset virgo
vel non ; sed in veritate non auderet affirmare ; scit
tamen quod, durante processu, reputabatur virgo.
Super contentis XI., XII., XIII., XIV. et XV.,
nihil scit, quia non multum fuit in processu.
Super contentis in XVI. et XVII., deponit quod
audivit ab eadem Johanna, [quæ] quum interrogaretur
an vellet se submittere Ecclesiæ, respondit quod de
quibusdam non crederet nec prælato suo, nec Papæ, nec cuicumque, quia hoc habebat a Deo. Et fuit una
de causis quare processum est contra eam ad revocationem.
Super contentis in XVIII., XIX., XX., XXI.
et XXII., nihil scit.
Item, interrogatus de contentis in XXIII., XXIV.
et XXV. articulis : deponit quod ipse fuit præsens in
prima prædicatione. Et bene recordatur quod, durante
abjuratione, qua fiebat abjuratio, quidam cappellanus
Cardinalis Angliæ præsens in prima prædicatione dixit
episcopo Belvacensi quod nimis favebat eidem Johannæ.
Et tunc ipse dominus Belvacensis respondit quod mentiebatur,
quia, ut dicebat, non vellet in tali causa
alicui favere ; et tunc fuit cappellanus hujusmodi a
Cardinali Anglico reprehensus, eidem dicendo quod
taceret.
Item, de contentis in XXVI., deponit quod, die
quadam, postquam fuerunt nova quod ipsa Johanna
habitum virilem resumpserat, ipse loquens ivit ad castrum
; et inquirendo qualiter et quomodo resumpsisset
habitum virilem, Anglici ex hoc indignati fecerunt
magnum tumultum, adeo et in tantum quod ipse loquens,
et multi alii qui de hujusmodi causa ad castrum
accesserant, fuerunt compulsi festinanter redire,
propter periculum corporis.
De contentis in XXVII. et XXVIII., nihil scit.
De contentis in XXIX., XXX., XXXI., XXXII.
et XXXIII., dicit et deponit quod ipse fuit in ultima
prædicatione ; non tamen fuit in exsecutione sententiæ,
quia præ pietate recessit. Scit tamen quod plures
flebant, et maxime dominus episcopus Morinensis,
tunc cancellarius.
De ejusdem Johannæ devotione in morte, nihil
scit, quia non fuit præsens ; sed satis apparebat turbata,
quia dicebat : « Rouen, Rouen, mourray-je cy ? » Dicit etiam, prout sibi videtur, quod, ex ordinatione
Cardinalis Angliæ post mortem ipsius Johannæ,
fuerunt cineres congregati et projecti in
Sequanam. Nec aliud scit.
Sources :
- Texte latin original : Quicherat - Procès t.III p.185 et suiv.
- Traduction : source Pierre Duparc.
Notes :
Voir la déclaration de 1452.
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