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Procès
de réhabilitation
V-2 - Déposition
de Colin ,fils de Jean Colin |
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Colin (1), fils de Jean Colin de Greux, laboureur, âgé de cinquante
ans environ, vingt et unième témoin produit dans
cette cause d'inquisition, juré et interrogé audit Domremy,
l'an et le vendredi avant-dernier jour du mois de janvier
susdits, requis par serment [...]*.
A savoir sur le premier des articles de l'interrogatoire commençant
par « Premièrement au sujet du lieu d'origine, etc. »,
et aussi sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième,
sixième, septième et huitième articles, à lui exposés entièrement
et avec soin, déclara par serment que Jeanne dénommée
la Pucelle est née à Domremy de Jacques d'Arc et Isabet,
mariés ; c'étaient de bons catholiques et de bon renom, braves laboureurs sans reproche, qui ont toujours été tenus pour
tels et que le témoin tient pour tels ; il a en effet entendu dire
que Jean Morel, de Greux, était parrain de ladite Jeannette,
et Jeannette Roze sa marraine. Déclara en outre que cette
Jeannette, comme il la vit, était bonne, franche, douce fille,
d'un bon naturel ; elle aimait aller à l'église, à ce qu'il vit,
car, presque chaque samedi après-midi, elle allait avec sa
propre soeur et d'autres femmes à l'ermitage ou église de
Notre-Dame de Bermont, y portait des cierges ; elle priait
beaucoup Dieu et la Sainte Vierge, au point que parfois, à
cause de sa dévotion, le témoin qui alors était jeune et les
autres jeunes gens se moquaient d'elle. Elle aimait travailler,
s'occupait de la nourriture des bêtes, avait soin des animaux
de son père, filait et faisait les travaux domestiques ; elle
allait à la charrue, à la herse et gardait le troupeau à son tour.
Il entendit dire par messire Guillaume Fronté, autrefois
curé de l'église paroissiale, que Jeanne était bonne catholique,
que meilleure qu'elle il n'en avait jamais vue et il n'y en avait
pas dans sa paroisse. Ne sait rien d'autre sur le contenu de
ces articles.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De
même qu'en est-il, etc. », requis déclara que l'arbre en question
est appelé « Aux loges des dames » ; il entendit dire que
les seigneurs féodaux de Domremy et leurs femmes avaient
coutume d'aller sous cet arbre pour se délasser et se promener.
Déclara aussi que les jeunes filles et les jeunes gens dudit
village ont l'habitude, au dimanche de Letare dit « des Fontaines », d'aller sous cet arbre, et aussi au printemps et en mai ;
et parfois ils font « un homme de mai » (2) et apportent de petits
pains, chacun ayant le sien, audit jour « des Fontaines » ;
là ils mangent, dansent, chantent, et au retour vont parfois
pour boire à la fontaine des Rains et y boivent ; et ils font
cela à cause des loisirs en usage audit dimanche « des Fontaines ». Déclara n'avoir jamais vu Jeanne y aller ; mais il
entendit dire qu'elle fut avec d'autres sous cet arbre, pour
se promener et manger, comme le font les jeunes filles. N'a
rien à ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De
même qu'on enquête, etc. », déclara avoir entendu dire par
Durand Laxart qu'elle le pressait de la conduire à Vaucouleurs,
car elle voulait aller en France ; elle lui demandait
aussi de dire à son père qu'elle se rendait à la maison dudit
Durand, pour aider sa femme en couches ; et ainsi fit ledit
Durand. Alors, avec le consentement de son père, elle se
rendit à la maison de Durand, qui la conduisit à Vaucouleurs
pour parler à Robert de Baudricourt. Ne sait rien d'autre,
si ce n'est par ouï-dire.
Sur l'article suivant, le onzième, commençant par « De
même si dans ledit pays, etc. », requis déclara ne rien savoir.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De
même si Jeanne, etc. », requis déclara que tous les habitants
dudit village à cette époque s'enfuirent à Neufchâteau, et
Jeanne resta toujours à Neufchâteau avec ses père et mère
dans la maison d'une certaine « la Rousse ». Ils revinrent
ensemble, comme il le vit ; ne sait rien d'autre.
N'en sait pas plus. Cité il est venu, et a déposé sans passion
ni haine, sans être sollicité ni payé, sans partialité. Et il
lui fut enjoint, etc.
Colinus, filius Iohannis Colini,
de Greu, laborator, etatis L annorum vel circa, vicesimus primus
testis in huiusmodi inquisicionis causa, productus, iuratus et examinatus
in dicto Dompno Remigio, anno et die veneris, penultima mensis ianuarii,
predictis, requisitus, per suum iuramentum [...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum, sive interrogatoriorum, articulo
incipiente : "Primo, de loco originis, etc..." ; eciam
super II°, III°, IV°, V°, VI°, VII° et VIII°
sequentibus articulis, sibi diligenter et ad plenum expositis, requisitus,
"Dixit per suum iuramentum, quod Iohanna, nuncupata
la Pucelle, fuit oriunda de Dompno Remigio, ex Iacobo Darc
et Ysabelleta, coniugibus, qui erant boni catholici et bone fame,
boni laboratores, absque diffamacione ; et, ut semper ipsos teneri
pro talibus audivit, et tales reputat idem testis. Audivit enim
dici quod Iohannes Morelli, de Greu, erat patrinus dicte
Iohannete, et Iohanneta Roze erat matrina eius. Dixit insuper
quod ipsa Iohanna, prout vidit, erat bona, simplex, dulcis filia,
bone condicionis ; ibatque libenter ad ecclesiam, prout vidit. Nam
quasi quolibet die sabbati, post meridiem, ipsa Iohanna, cum quadam
sorore sua et aliis mulieribus, ibat ad heremum seu ecclesiam beate
Marie de Bermont. Portabatque candelas, et multum Deo et
beate Marie famulabatur ; taliter quod, propter eius devocionem,
aliquando ipse testis, qui tunc erat iuvenis, et alii iuvenes, de
ea deridebant. Libenter operabatur ; et videbat nutrituram bestiarum
; libenter gubernabat animalia domus patris ; nebat et neccessaria
domus faciebat. Ibat ad aratrum, tribulatum ; et ad turnum animalia
custodiebat. Audivit enim dici domino Guillermo Fronté,
quondam dicte ecclesie parrochialis curato, quod ipsa Iohanna erat
bona catholica quodque nunquam meliorem ipsa viderat, nec in sua
parrochia habebat. Nec aliud scit de contentis in dictis articulis."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
habet fama,. etc...", requisitus,
"Dixit quod arbor articulata vocatur "ad lobias
dominarum" ; et quod audivit dici quod domini et domine temporales
de Dompno Remigio solebant ire ad ocia et spaciamenta subtus illam
arborem. Dixit eciam quod puelle et iuvenes dicte ville, anno quolibet,
consueverunt ire, in die dominico Letare, dicto des Fontaines,
subtus illam arborem, eciam tempore veris et maii. Et aliquando
faciunt unum hominem de mayo, et ibidem portant panes parvos, quisque
habens unum parvum panem, die dicto des Fontaines. Ibidem
comedunt, tripudiant, cantant ; et redeundo veniunt aliquando ad
bibendum supra fontem ad rannos, et bibunt. Et hoc faciunt propter
ocia et usum dicte dominice des Fontaines. Dixit quod nunquam
vidit dictam Iohannam ire. Audivit enim dici quod ipsa fuit cum
aliis subtus illam arborem, ad spaciandum et comedendum, sicut cetere
puelle. Nec alias deposuit."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur,
etc...",
"Dixit quod audivit dici Durando Laxart quod ipsa
dicebat quod opportebat quod eam duceret ad Valliscolorem, quia
volebat ire in Franciam ; et quod diceret patri suo quod ipsa iret
ad domum dicti Durandi, ad relevandum suam feminam gravidam. Qui
Durandus dicebat quod sic fecit. Et tunc, de consensu patris, ivit
ad domum Durandi ; et dictus Durandus eam duxit, ut dicitur, ad
Valliscolorem, locutum Roberto de Baudricuria (3). Nec aliud scit, nisi
ex auditu."
Super XI° sequence articulo, incipiente : " Item, si in dicta
patria, etc. ", requisitus,
"dixit se nichil scire."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc..." ; requisitus,
"Dixit quod omnes habitatores dicte ville fugerunt
tunc temporis articulati ad Novum Castrum. Et ipsa Iohanna fuit
semper in Novo Castro, cum patre et matre, in domo cuiusdam dicte
La Rousse. Redierunt insimul, prout vidit. Nec aliud scit."
Plura nescit. Citatus venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc...
Sources :
- "La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456" - Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers - 1961
Traduction : Pierre Duparc.
- Articles du questionnaire
Notes :
* Voir serment Jean Morel.
1 Il avait épousé Catherine, la sœur de Jeanne
d'Arc, décédée en 1428 ou 1429. Il est dommage
que l'enquête s'en soit strictement tenu aux 12
articles et n'ai pas mentionné ce fait important (ndlr).
2 Le mois de mai était personnifié sous la figure d'un homme entre deux âges... portant une corbeille de fleurs, et de l'autre odorant une fleur. (Dictionnaire de Trévoux.) - J.B.J. Ayroles.
3 Plusieurs mots omis par Quicherat (T.II p.434) font dire au témoin que Jeanne se rendit à Vaucouleurs du consentement de son père, ce qui en fait une contre-vérité : "et tunc,
de consensu patris, ivit ad Vallis-Colorem locutum
Roberto de Baudricuria."
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