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Procès
de réhabilitation
V-2 - Déposition
de Gérardin d'Épinal |
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Gérardin d'Épinal, laboureur, demeurant audit Domremy,âgé de soixante ans environ, seizième témoin produit dans
cette cause d'inquisition, juré et interrogé audit Domremy
l'an et le vendredi mentionné plus haut, requis par son serment
[...]*.
A savoir sur le premier des articles de l'interrogatoire, commençant
par « Premièrement au sujet du lieu d'origine, etc. »,
et aussi sur les deuxième et troisième articles suivant, requis
déclara par serment que cette Jeannette naquit audit Domremy
et fut baptisée dans la paroisse de Saint-Remi du lieu ;
ses parents furent Jacques d'Arc et Isabet, mariés ; ceux-ci,
comme il le vit, étaient de bons catholiques et bonnes gens
sans mauvaise renommée, de bonne réputation. Déclara aussi
avoir entendu dire que Jean Morel, de Greux, fut son parrain,
et Jeannette de Roze sa marraine. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le quatrième commençant par « De
même si dans son plus jeune âge, etc. », et aussi sur les cinquième,
sixième, septième et huitième articles suivant, à lui
pleinement exposés, requis déclara par serment avoir séjourné
dans ledit village depuis l'âge de dix-huit ans ; il vit et il sut
que Jeanne était honnête, franche et dévote. Elle allait volontiers à l'église et aux lieux saints, travaillait, filait, sarclait,
et faisait tous les travaux domestiques nécessaires,
comme les filles. Croit qu'elle se confessait volontiers, car elle était très dévote. Ne saurait rien ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De
même qu'en est-il, etc. », requis déclara par serment que
l'arbre en question est appelé « l'abre des dames ». Il vit les
seigneurs féodaux de Domremy et leurs femmes au printemps,
une ou deux fois, qui portaient du vin et du pain et allaient
manger sous l'arbre, car celui-ci est beau comme les lys, épanoui, et ses feuilles et branches viennent jusqu'à terre.
Les filles et les jeunes gens du village de Domremy ont l'habitude,
au dimanche « des Fontaines », d'aller à cet arbre ; les
mères leur font des pains et ils vont sous cet arbre « faire
leurs fontaines » ; ils y chantent, font des rondes, et ensuite
reviennent à la fontaine des Rains (1), mangent le pain et y
boivent de l'eau, comme il le vit. Déclara que ladite Jeanne
y allait avec les autres jeunes filles et faisait comme elles.
N'a rien d'autre à ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De même
qu'on enquête, etc. », requis déclara ne rien savoir, si ce n'est
que, au moment de son départ, elle lui dit : « Compère (2), si
vous n'étiez bourguignon (3), je vous dirais bien quelque chose. »
Le témoin croyait alors qu'il s'agissait de quelque ami qu'elle
voulait épouser. Il la vit aussi à Châlons, avec quatre autres
dudit village, et elle disait n'avoir pas peur, si ce n'est d'une
trahison. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le onzième de l'interrogatoire, commençant
par « De même si dans ledit pays, etc. », requis
déclara ne rien savoir.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De
même si Jeanne, etc. », requis déclara que cette Jeanne à
l'époque en question séjourna un peu de temps à Neufchâteau
et, à ce qu'il lui semble, avec son frère Jean d'Arc (4), depuis
prévôt de Vaucouleurs ; elle gardait les animaux de son père,
et elle partit de la demeure paternelle, car il lui était pénible, à ce qu'elle disait, de demeurer là. Ne sait rien d'autre.
N'en sait pas plus. Cité il vint, et déposa sans passion ni
haine, sans être sollicité ni payé, sans partialité. Et il lui
fut enjoint, etc.
Gerardinus de Spinalo, laborator,
in dicto Dompno Remigio commorans, etatis Lei annorum vel circa,
decimus sextus testis in hac inquisicionis causa, productus ; iuratus
et examinatus in dicto Dompno Remigio, anno et die veneris immediate
dictis, requisitus, per suum iuramentum [...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum, seu interrogatoriorum, articulo
incipiente : "Primo, de loco originis, etc..." ; eciam
super II° et III° sequentibus articulis, requisitus,
"Dixit per dictum suum iuramentum quod ipsa Iohanneta
fuit oriunda de dicto Dompno Remigio ; et baptizata in parrochia
beati Remigii, eiusdem loci ; ac fuerunt eius progenitores Iacobus Darc et Ysabelleta, coniuges ; qui, prout vidit, absque diffamacione,
erant boni catholici et bone gentes, boni nominis. Dixit eciam quod
audivit dici quod Iohannes Morelli, de Greu, fuit suus patrinus,
et Iohanneta de Roze, sua matrina. Nec aliud scit."
Super IV° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in primitiva elate, etc..." ; eciam super V°, VI°,
VII° et VIII° sequentibus articulis, sibi ad plenum expositis,
requisitus, per suum iuramentum,
"Dixit ipse testis quod, a tempore quo habebat
decem octo annos, mansit in dicta villa, viditque et cognovit dictam
Iohannam verecundam, simplicem, devotamque. Ibat libenter ad ecclesiam
et loca sacra. Laborabat, nebat, saclabat ; et cetera faciebat neccessaria
domus, sicut filie. Credit quod libenter confitebatur, quia devota
multum erat. Nec alias sciret deponere."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
habet fama, requisitus, etc...",
"Dixit per suum iuramentum quod illa arbor vocatur l'obre dominarum. Vidit eciam quod domini et domine temporales
de Dompno Remigio, semel aut bis, tempore veris, portabant vinum
et panem ; et ibant comestum subtus arborem, quia tunc est pulcra
sicut lilia ; et est dispersa, ac folia et rami eius veniunt usque
ad terram. Consueverunt enim filie et iuvenes dicte ville de Dompno
Remigio, in dominico des Fontaines, ire ad illam arborem
; et matres eorum faciunt panes ; et vadunt dicti pueri et puelle
factum suos fontes subtus illam arborem. Cantant ibidem et coreant
; et postea redeunt ad fontem rannorum ; et comedunt panem, et bibunt
de aqua illius, prout vidit. Dixitque quod dicta Iohanneta ibat
cum aliis puellis ; et faciebat sicut alie puelle faciebant. Nec
alias deposuit."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur,
etc...", requisitus,
"Dixit nichil scire, excepto quod, dum ipsa voluit
recedere, dixit sibi : "Compater, nisi essetis burgundus,
ego dicerem vobis aliqua". Credebat enim dictus testis
quod fuisset pro aliquo socio, quem vellet disponsare. Eciam vidit
eam Cathelani, cum quatuor dicte ville ; et dicebat quod non timebat
nisi prodicionem. Nec aliud scit."
Super XI° sequente articulo sive interrogatorio incipiente
: "Item, si in dicta patria, etc...", requisitus,
"Dixit se nichil scire."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc...", requisitus,
"Dixit quod ipsa Iohanna fuit tempore articulato
in Novo Castro, modicum, et, ut sibi videtur, cum fratre suo Iohanne Dalie, nunc preposito de Valliscolore. Et custudiebat animalia
sui patris ; et recessit ad domum matris ; quia erat sibi, ut dicebat,
grave ibidem stare. Nec aliud scit."
Plura nescit. Citatus venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc.
Sources :
- "La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456", Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers, 1961
- Traduction : Pierre Duparc.
- Articles du questionnaire
Notes :
* Voir serment Jean Morel.
1 Cette fontaine des Rains est souvent traduite par fontaine des "groseilles". Certains ont dit que "rains" pourrait être "grenouilles".
Il semble que sur l'acte d'accensement des biens en faveur de Gérardin d'Epinal en 1442 (photo), les termes "La Loge les Dames" (arbre des fées) et "Grouselier" accrédite la traduction "fontaine des groseilles". (ndlr)
2 Jeanne était la marraine de son fils Nicolas, donc Gérardin était son "compère" comme on disait à
l'époque (voir déclaration de Zabillet, femme de Gérardin).
3 Il s'agit sans doute du Bourguignon de Domrémy dont parle Jeanne lors de son procès.
4 Nommé Jean Dalie dans l'original latin. C'est Jean Du Lys prononcé dans le lorrain de l'époque : Da li (ndlr)
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