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Procès
de réhabilitation
V-1 - Déposition
de Jean Fave en 1452 |
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Prudente personne, maître Jean Fave (1), maître ès arts et
licencié ès lois, demeurant à Rouen, maître des requêtes de notre sire le roi, âgé de quarante-cinq ans ou environ, juré et entendu ce jour.
1. Sur le Ier article, il déclare croire et penser que l'article est vrai.
2. Sur le IIe article, il déclare avoir assez compris que les Anglais craignaient cette Jeanne et, à ce qu'il entendit, avaient très peur qu'elle ne s'évadât.
3. Sur le IIIe article, il déclare savoir qu'elle fut conduite en cette cité de Rouen et détenue en prison au château de Rouen ; selon la renommée publique on procéda contre elle
en matière de foi ; et les Anglais, comme il l'entendit dire et
comme il le croit, s'occupèrent du procès et payèrent les
salaires des docteurs et autres appelés au procès. Quant à la
crainte et aux pressions, déclare qu'après la première prédication,
comme on la reconduisait en prison au château de
Rouen, des valets se moquaient de Jeanne, avec la permission
des Anglais, leurs maîtres ; et les principaux des
Anglais étaient fort indignés contre l'évêque de Beauvais,
les docteurs et les autres assesseurs du procès, parce qu'elle
n'avait pas été confondue, condamnée et livrée au supplice.
Il entendit dire que certains Anglais, ainsi irrités contre
l'évêque et les docteurs qui revenaient du château, levèrent
leur épée pour les frapper, sans toutefois le faire, disant que
le roi avait mal dépensé son argent avec eux. Dit en outre
avoir entendu de certaines personnes que le comte de Warwick,
après la première prédication, s'était plaint desdits évêque
et docteurs, en disant que le roi était mal servi, parce que
Jeanne s'en tirait ainsi ; sur ce l'un des docteurs répondit :« Seigneur, ne vous faites pas de soucis ; nous la rattraperons
bien. »
4. Sur le IVe article, il dit ne rien savoir.
5. Sur le Ve, il déclare avoir entendu dire que les Anglais avaient été mécontents de maître Guillaume Manchon, notaire de la cause, et le tinrent comme suspect et favorable à Jeanne, parce qu'il ne venait pas volontiers et ne se conduisait pas à leur gré.
6 et 7. Sur les VIe et VIIe articles, il ne sait rien.
8. Sur le VIIIe, il déclare croire que l'article est vrai ; et il entendit dire qu'on changeait souvent les gardes de Jeanne.
9 à 22. Sur les IXe, Xe, XIe, XIIe, XIIIe, XIVe, XVe, XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe, XXIe et XXIIe articles, il ne sait rien
23. Sur le XXIIIe, il déclare croire que Jeanne était simple, bonne et fidèle catholique ; il la vit abandonnée par
l'Église, et enfin conduite par le bourreau et d'autres au lieu du supplice pour être brûlée.
24. Sur le XXIVe article, il déclare n'avoir pas appris qu'il y ait eu quelque sentence ou condamnation portée par le juge séculier ; mais elle fut conduite directement au supplice.
25. Sur le XXVe, il déclare avoir vu presque tous ceux de ce pays pleurer et se lamenter ; et lui qui parle entendit de la bouche même de Jeanne qu'elle invoquait le nom de Jésus dans les flammes.
26. Sur le XXVIe, il croit l'article vrai dans la forme.
27. Sur le dernier, il croit vrai et notoire tout ce qu'il a dit dans
sa déposition.
Collation faite par nous, notaires désignés plus haut, qui
avons mis fidèlement par écrit les dépositions et attestations
des témoins, avec apposition de nos seings manuels en garantie
et témoignage de toutes et chacune des choses ci-dessus.
L'an du Seigneur 1452, le mercredi, dixième jour du mois
de mai.
Ainsi signé : COMPAING et DAUVERGNE.
Providus vir, magister Johannes Fave, in artibus
magister, et in legibus licentiatus, Rothomagi commorans,
magister requestarum domini nostri regis,ætatis XLV annorum, vel circa, juratus et examinatus
dicta die.
Super I. articulo, dicit quod credit et æstimat articulum
verum esse.
Super II. articulo, dicit quod satis percepit quod
Anglici timebant eamdem Johannam, et, ut audivit,
multum timebant evasionem dictæ Johannæ.
Super III. articulo, dicit se scire quod fuit adducta
ad hanc civitatem Rothomagensem, et detrusa in carcere,
in castro Rothomagensi ; et fama erat quod
processum fuit contra eam in materia fidei, et quod
Anglici, ut audivit dici et credit, procuraverunt processum
et stipendia doctoribus et aliis ad processum
vocatis solverunt. De metu et impressione dicit quod,
post primam prædicationem, cum reduceretur ad carceres,
in castro Rothomagensi, mangones illudebant
eidem Johannæ, et permittebant Anglici, magistri
eorum ; quodque principaliores Anglicorum, ut audivit,
multum indignabantur contra episcopum Belvacensem,
doctores et alios assistentes in processu,
ex eo quod non fuerat convicta et condemnata, ac
supplicio tradita ; quodque etiam audivit dici quod
aliqui Anglici, ex indignatione prædicta, contra episcopum
et doctores prædictos, de castro revertentes,
levaverunt gladios ad eos percutiendum, quamvis non
percusserint, dicenies quod rex male expenderat pecunias
suas erga eos. Præterea dicit se audivisse ab aliquibus
referri quod, cum comes de Warvik, post
dictam primam prædicationem, conquereretur dictis
episcopo et doctoribus, dicendo quod rex male stabat,
ex eo quod dicta Johanna se evadebat : ad quod unus
eorum respondit : « Domine, non curetis ; bene rehabebimus
eam. »
Super IV. articulo, dicit quod nihil scit.
Super V., dicit se audivisse dici quod Anglici fuerunt
male contenti de domino Guillelmo Manchon,
notario dictæ causæ, et habuerunt eum suspectum et
favorabilem pro ipsa Johanna, ex eo quod non libenter
veniebat nec se gerebat ad nutum eorum.
Super VI. et VII. articulis, nihil scit.
Super VIII., dicit quod credit articulum esse verum,
quodque audivit dici quod sæpe mutabantur
custodes dictæ Johannæ.
Super IX., X., XI,, XII., XIII., XIV., XV.,
XVI., XVII., XVIII., XIX, XX., XXI. et XXII.
articulis, nihil scit.
Super XXIII., dicit quod credit quod ipsa Johanna
erat simplex, bona et fidelis catholica ; viditque eam
derelinqui per Ecclesiam, et tandem per tortorem et
alios duci ad locum supplicii, ut cremaretur.
Super XXIV. articulo, dicit quod non percepit
quod fuerit aliqua sententia seu condemnatio lata per
judicem sæcularem ; sed directe ducta fuit ad supplicium.
Super XXV., dicit quod quasi omnes de natione
ista vidit flentes et lacrymantes ; audivitque loquens,
ex ore proprio dictæ Johannæ, ipsam Johannam inter
flammas acclamantem nomen JHESUS.
Super XXVI., credit articulum in forma.
Super ultimo, credit omnia per eum deposita esse
vera et notoria.
COLLATIO fit per nos, superius nominatos notarios,
qui depositiones et attestationes testium prænominatorum
in scriptis fideliter redegimus, testibus signis
nostris manualibus, in fidem omnium et singulorum
præmissorum, hic appositis.
Anno Domini MCCCCLII., die mercurii, x. mensis maii.
Sic signatum : Socius et DAUVERGNE.
Sources :
- Texte original latin : Quicherat - T.II p.375.
- Traduction : source Pierre Duparc, t.III, p.230 à 232.
Notes :
1 On trouve sur les registres de l'Échiquier de Rouen, Jehan Fave, commissaire du Roi aux assises de ce tribunal, en 1453. (Quicherat)
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