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Les
armes & armures de Jeanne d'Arc |
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u cours de son interrogatoire du 22 février 1431, Jeanne
déclara que lorsqu'elle partit de Vaucouleurs, elle était en habit d'homme et portait une épée que lui avait donnée Robert de Baudricourt, sans autre arme. Ce témoignage sera confirmé 25 ans plus tard par Catherine Le Royer.
Quatorze ans plus tard, un compte de maître Hémon Raguier, trésorier des guerres, mentionne le paiement à un armurier de Tours de 100 livres Tournois pour un harnois complet de la Pucelle. Malheureusement il n'y a pas le descriptif des pièces composant ce harnois...
de Vaucouleurs à Tours
Les éperons.
L'épée donnée par Baudricourt
de Tours à Compiègne
L'armure
De Vaucouleurs
à Tours :
Les éperons :
Les éperons étaient le complément
indispensable des houseaux du cavalier. Deux témoignages
de la réhabilitation mentionnent les éperons que Jeanne
a reçu dans son équipement offert par les habitants
de Vaucouleurs.
Une tige
de métal plus ou moins longue bifurquée en deux branches
courbées en demi-cercle, comme l'explique si bien Adrien Harmand,
a de tout temps constituer l'éperon. Cette tige de terminait
à l'origine par une simple pointe, remplacée à
partir du XIII° siècle par une roulette. Du temps de
Jeanne d'Arc, l'éperon contournait le dessous des chevilles.
Une courroie fixant les éperons sur le houseau
passait sous le pied, comme le montre le dessin.
Il est très vraisemblable que les éperons
portés par Jeanne étaient de ce modèle très
en vogue pendant tout le XV° siècle en France.
L'épée donnée par Baudricourt :
L'épée de Baudricourt n'est pas parvenue jusqu'à nous. Les différentes formes d'épée étudiées nous montrent que ces formes varient guère au cours des âges. Les épées à quillon droit existaient toujours sous la renaissance. D'autres épées ont quelques variantes de pommeaux ou longueur de fusée. Le dessin à la plume, exécuté en 1429 sur un registre du Parlement de Paris par le greffier Fauquembergue avec la prétention de représenter la Pucelle l'épée au côté, possède au moins ce mérite de nous donner un modèle de poignée évidemment très usité à l'époque de la mission de notre héroïne.
Les exemples, tirés de l'armorial de l'Arsenal et des vitraux du Mans, semblent prouver qu'en 1430, au moins dans la haute noblesse, on préférait les pommeaux allemands et italiens à l'ancien pommeau discoïde français. D'autres monuments de la même époque nous montrent néanmoins une notable quantité de pommeaux d'épées de ce dernier genre. Dans les épées, la prise, c'est-à-dire la poignée proprement dite, abstraction faite du pommeau et des quillons, est généralement fusiforme. Aussi l'appelle t'on fusée. Toujours un peu aplatie dans le plan du plat de la lame, elle se trouve souvent plus large à sa base au dessus des quillons qu'à son sommet sous le pommeau. La soie, prolongement aminci de la lame à partir de son talon, constitue l'armature de la poignée en reliant entre elles ses trois parties ; elle traverse, en effet, d'abord la garde munie de ses quillons, puis la fusée dans toute sa longueur et enfin le pommeau au sommet duquel est rivée son extrémité terminée quelquefois par un bouton saillant.
La plupart des lames d'épées du quinzième siècle mesurent de quatre-vingt centimètres à un mètre de longueur. Leurs taillants sont sensiblement rectilignes depuis le talon jusqu'à la pointe. L'image donnée ci-contre montre la lame qui présente le type le plus communément adopté pendant tout le quinzième siècle et en particulier au temps de Jeanne d'Arc.
Il nous reste à décrire les fourreaux et la manière dont ils se suspendaient à la ceinture.
Les fourreaux d'épées se faisaient d'atelles, minces lattes de bois de hêtre, qu'on recouvrait de cuir ou de velours. Sauf de rares exceptions, une bouterolle de métal protégeait leur extrémité. Des bracelets également métalliques, appelés viroles, coipeaux, ou aussi bouterolles, renforçaient parfois le fourreau des épées des grands seigneurs. L'inventaire du duc Philippe le Bon, daté de 1420, mentionne un fourreau de velours noir garni en trois endroits de larges bouterolles d'argent doré.
Deux bracelets de métal, munis d'anneaux destinés à recevoir les crochets des belières de suspension, enserrent la partie supérieure de quelques fourreaux, ainsi qu'on peut le voir ci-dessus. Ce mode, fréquemment employé au quatorzième siècle, se rencontre plus rarement au cours du suivant, où le cuir semble avoir été préféré au métal pour les bracelets d'attache.
L'étude des monuments nous apprend que la plupart des fourreaux d'épées du quinzième siècle ne possédaient, en fait de garnitures métalliques, que leur bouterolle terminale. Aux frettes de métal on préférait des bracelets de cuir souvent formés par le prolongement des belières.
La figure à gauche offre un exemple de ce mode d'attache des belières au fourreau. On voit dans cette figure les deux
bracelets du fourreau, formés chacun de deux courroies jumelées qui paraissent n'être que le prolongement bifurqué de chacune des deux belières de suspension d'arrière. Une troisième belière, qui se boucle à une portion de courroie fixée à la face interne du bracelet supérieur, constitue la suspension d'avant.
Le pommeau et les quillons de cette épée sont dorés. La chappe est rouge, ourlée d'un listel noir à dents arrondies. Les belières sont noires, les clous dorés, et le fourreau rouge, sans bouterolle terminale.
Nous retrouvons, vers 1460, le mode de suspension que vient de montrer la figure précédente. Trois exemples diffèrent de celui de la figure précédente :
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les bracelets s'y trouvent formés par le prolongement, non bifurqué cette fois, des belières de suspension. Un bouton de métal maintient chaque bracelet serré sur le fourreau. On remarquera le mode d'attache des belières d'arrière à la ceinture, vers le milieu des reins (fig. centre)
- une autre sorte de suspension d'épée provenant d'une miniature d'environ 1465. Ici les deux belières postérieures, plus
courtes que dans les exemples précédents, n'aboutissent pas directement au ceinturon, mais seulement à l'anneau d'une courroie qui passe obliquement sur les reins et va rejoindre en un point le côté droit de la ceinture. A partir de ce point, la courroie en question devient belière antérieure et descend en travers sur le ventre pour se fixer en haut du fourreau. (fig. droite)
- parfois la suspension d'arrière consistait en une seule courroie, comme au quatorzième siècle. De
même que la courroie antérieure, elle possédait alors une boucle permettant de l'allonger ou de la raccourcir à volonté. Quelquefois encore cette courroie d'arrière se bifurquait à une certaine distance du fourreau, donnant ainsi naissance à deux belières (fig. gauche).
Toutes les poignées, pommeaux, quillons, fourreaux et modes de suspension, dont les figures de ce chapitre reproduisent les images, peuvent convenir, croyons-nous, pour représenter l'épée donnée à
la Pucelle par Robert de Baudricourt. Du moins sommes-nous certain qu'en les employant, les artistes seront à l'abri d'anachronismes trop flagrants (A. Harmand).
De Tours à
Compiègne :
L'Armure :
A la veille d'Azincourt (1415), le duc Charles d'Orléans âgé de 23 ans, se fit faire pour 83 livres 7 sous, 6 deniers tournois « un hernois dacier entier. C'est assavoir bacinet, plates à lames, avanbraz, gardebraz, brasselez, cuissot et hernois de jambes », le tout garni par dedans de satin noir et complété par une paire de manches de mailles. C'est vraisemblablement dans cette armure qu'on le retrouva, fort mal en point, sous un monceau de cadavres, au soir de la fatale journée.
Quatorze ans plus tard, un compte de maître Hémon Raguier, trésorier des guerres, mentionne le paiement à un armurier de Tours de 100 livres tournois pour le harnois complet de la Pucelle.
Il existe une nomenclature de pièces composant un harnais dans le Traité du Costume militaire des Français en 1446. L'auteur anonyme de cet intéressant opuscule s'y exprime ainsi : « Et premièrement lesdiz homes darmes sont armez voulentiers, quand ilz vont en la guerre, de tout harnois blanc (On appelait « harnois blanc » l'armure toute unie en acier ou en fer poli) : c'est assavoir curasse close, avant-braz, grans gardebraz, harnois de jambes, gantelez, salade à visière et une petite bavière qui ne couvre que le menton ».
Il est nécessaire à cet effet d'étudier séparément chacune des différentes pièces dont l'ensemble constituait l'armement défensif complet de 1415 à 1446. Mais auparavant il nous faut parler de la tenue spéciale qu'exigeait le port de l'armure.
On comprend qu'il eût été impossible de subir le contact des pièces de fer si on les avait appliquées immédiatement sur la chemise. Force était donc de se vêtir d'abord d'un gippon ou doublet de toile, dit pourpoint à armer. Comme tous les pourpoints, ce vêtement était matelassé de bourre de coton et doublé généralement de trois toiles. Les pourpoints à armer s'ouvraient et se laçaient par derrière.
Les chausses sont à moufles, c'est-à-dire qu'elles possèdent des pieds.
Nous allons maintenant passer à l'examen successif des différentes parties d'un harnais en commençant par la cuirasse.
La cuirasse :
Le terme de cuirie ou de cuirasse s'appliqua d'abord exclusivement à une cotte de cuir. A la fin du treizième siècle, ce vêtement se renforça d'écailles ou de menues lames de fer appelées plates, d'où il prit les noms de cotte à plates ou de paire de plates, étant composé d'un devant et d'un dos. Ces cottes de mailles ou de plates avaient sur la cuirasse rigide l'avantage de la souplesse et d'une légèreté relative. Elles étaient en revanche d'une protection moins efficace. Dans la cotte à plates, les lames d'acier, de la longueur et de la largeur d'un bon doigt, disposées de manière à chevaucher les unes sur les autres, se trouvaient clouées par des rivets de cuivre qui les fixaient à une première enveloppe de toile ou de peau, recouverte elle-même d'une seconde enveloppe
de velours ou de drap de soie, constituant l'extérieur du vêtement sur lequel apparaissaient les têtes des clous de rivure. Les cottes à plates, malgré le précieux des étoffes qui les garnissaient, semblent avoir été rarement apparentes au XIV° siècle et dans la première moitié du suivant.
A la fin du XIV° siècle, les jaques sont souvent remplacés par de simples demi-corps, laissant apparente la jupe de lames de fer de l'armure appelée braconnière. Les mentions de ces demi-corps recouvrant les plates sont si nombreuses dans certains textes de 1389 à 1390 qu'il est à croire qu'aucune cotte de plates ne se portait alors sans être recouverte d'un demi-corps d'étoffe plus ou moins riche.
Le personnage qu'elle représente est revêtu d'un demi-corps recouvrant l'armement du buste, dès lors invisible. S'arrêtant à la taille, ce vêtement laisse voir la braconnière. Au demi-corps sont adaptées de grandes manches ouvertes et découpées en lambeaux. L'ensemble de l'armure offre une très grande analogie avec la tenue de guerre sous laquelle Jean sans Peur est représenté sur son sceau de 1405. Mêmes demi-corps prolongés par des braconnières, mêmes manches ouvertes et tailladées se rencontrent dans les deux images. Le reste des équipements est en tout semblable de la tête aux pieds.
La présence de la cotte à plates dans le harnais du duc d'Orléans nous prouve qu'en 1415 cette défense du buste était encore très en faveur puisqu'un prince ne dédaignait pas d'en faire usage.
Elle ne tarda pas cependant à être complètement supplantée par la cuirasse rigide, à laquelle on réserva dès lors plus spécialement le nom de cuirasse. Mais parmi toutes ces cuirasses du temps de Charles VI, il en est une qui présente une particularité intéressante, consistant dans la réapparition de la pansière, vers 1418. On donna à cette pansière le nom de volant. Nous la rencontrons pour la première fois sur l'effigie funéraire d'un chevalier italien, mort en 1418. On remarquera que le bas de la cuirasse de ce personnage est recouvert d'une pièce qui s'élargit pour former une pointe montante sur le milieu du buste; telle fut la pansière volante.
A cette pansière, on ne tarda pas à adjoindre un garde-reins. Le dos de la cuirasse fut alors, comme son devant,composé de deux pièces, la dossière proprement dite et le garde-reins. De même que la pansière était bouclée au plastron, le garde-reins le fut à la dossière. La cuirasse désormais en quatre pièces se trouva ainsi formée d'une partie haute et d'une partie basse jouant l'une sur l'autre, ce qui lui donnait une certaine flexibilité dans les mouvements du corps en avant et en arrière.
L'expression de curasses complectes, trouvée dans l'acte de vente d'un harnais à l'écuyer Jean de Bernède, à la date de juin 1429, paraît indiquer que la cuirasse de ce harnais se composait de plusieurs pièces, plastron, pansière, dossière, garde-reins. C'est une présomption de plus en faveur de la présence de la pansière dans l'adoubement de la Pucelle.
Le plastron de la cuirasse se rattachait à la dossière par des courroies bouclées sur les épaules et sur les côtés. La cuirasse était dite alors cuirasse close, par opposition aux anciennes pièces de poitrine fixées isolément sur les cottes de plates ou les haubergeons.
La cuirasse ne préservait le torse qu'au dessus de la ceinture. La protection du ventre, des hanches et du séant était dévolue à la jupe de fer appelée braconnière. Il y avait des braconnières de mailles et des braconnières à lames. Ces dernières se composaient de lames de fer circulaires superposées horizontalement, les inférieures recouvrant les supérieures, afin que la pointe de la lance glissât des unes sur les autres jusqu'au faux du corps, où elle était déviée à droite ou à gauche par la cannelure qui terminait le bas de la cuirasse.
La braconnière à lames comportait un devant et une partie postérieure reliés l'un à l'autre sur le côté gauche par des charnières et bouclés sur le côté droit au moyen de courroies. Les boucles étaient rivées sur les lames de derrière et les courroies sur celles de devant. Chaque zone de lames avait sa charnière, sa boucle et sa courroie.
Les cuirasses françaises et anglaises se trouvaient toutes pourvues de braconnières à lames, souvent doublées de braconnières de mailles sous-jacentes. En France et en Angleterre, les braconnières à lames du premier tiers du quinzième siècle furent généralement longues, composées de cinq à huit lames, descendant assez bas pour couvrir le haut des cuisses. Les lames se trouvaient d'autant plus étroites qu'elles étaient plus nombreuses, de façon à donner à toutes les braconnières à peu près la même longueur.
C'est à l'époque de Jeanne d'Arc qu'apparaissent dans quelques armures françaises les tassettes, pièces d'acier suspendues au bord inférieur des braconnières.
Destinées à empêcher le fer de la lance ou la pointe de l'épée de passer sous la dernière lame de la braconnière, elles étaient ordinairement au nombre de quatre, deux pendant sur le devant des cuisses, les deux autres sur les côtés.
On rencontre enfin dans quelques documents figurés de la première moitié du quinzième siècle des braconnières sous le devant desquelles sont suspendus de petits tabliers de mailles ou de lames de fer, destinés à protéger l'entre-jambes. Le dessin de l''armure de 1419 donne un spécimen de ces appendices.
Garde-bras :
suite à venir.
Source
: "Jeanne d'Arc, ses costumes, son armure" d'Adrien
Harmand - 1929.
Illustrations :
- toutes
ces illustrations du moyen-âge sont tirées du livre d'Adrien Harmand.
Notes :
1 La chronique de la Pucelle
2 Déposition de Jean d'Aulon au Procès de réhabilitation.
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