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Procès
de réhabilitation
V-2 - Déposition
de Zabillet, femme de Gérardin d'Épinal |
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Isabelle femme de Gérardin d'Épinal, laboureur, demeurant à Domremy, âgée d'environ cinquante ans et plus, dix-huitième témoin produit dans cette cause d'inquisition, juré et interrogé audit Domremy l'an et le vendredi avant-dernier jour du mois de janvier susdits, requise par serment [...].
A savoir sur le premier des articles de l'interrogatoire, commençant par « Premièrement sur le lieu d'origine, etc. », et sur les deuxième et troisième articles suivant, à elle soigneusement lus, requise déclara que Jeannette la Pucelle naquit à Domremy dans la paroisse de ce lieu, de Jacques d'Arc et Isabet, mariés, bons laboureurs, vrais catholiques
et de bonne réputation. Déclara que Jean Morel, de Greux, était son parrain, et Jeannette Roze et Jeannette de Vittel
ses marraines, à ce qu'on disait communément. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le quatrième, commençant par « De
même si dans son plus jeune âge, etc. », et aussi sur les cinquième,
sixième, septième et huitième articles suivant, à elle
présentés, requise déclara par serment que depuis sa jeunesse
elle a connu les père et mère de ladite Jeannette et cette
Jeannette elle-même, quand elle était jeune et tant qu'elle a
vécu avec ses parents ; elle était élevée dans la foi catholique
et les bonnes moeurs, franche, bonne, pudique, dévote et
craignant Dieu, à ce qu'il paraissait ; elle allait en effet volontiers
et souvent à l'église Notre-Dame de Bermont, donnait
fréquemment des aumônes, faisait héberger les pauvres,
et voulait passer la nuit dans la cuisine pour que ces pauvres
pussent coucher dans son lit ; on ne la voyait pas par les chemins,
mais elle se tenait dans l'église en prière ; elle ne dansait
pas, aussi les jeunes et les autres s'en plaignaient ; elle
travaillait de bon gré, filant, cultivant la terre avec son père,
faisant les travaux domestiques et parfois gardant les animaux
; elle se confessait volontiers et souvent, comme elle
le vit, car cette Jeannette la Pucelle était la commère (1) et avait
tenu sur les fonts un de ses fils, Nicolas ; et souvent elle allait
avec elle et la voyait aller se confesser, dans l'église, à messire
Guillaume, le curé du temps. Ne sait rien d'autre.
Sur l'article suivant, le neuvième, commençant par « De
même qu'en est-il, etc. », requise déclara par serment avoir
toujours entendu appeler cet arbre « Aux loges des Dames » ;
du temps que le château dudit village était en bon état, les
seigneurs et leurs femmes allaient se délasser sous cet arbre, le dimanche du Letare Jerusalem, appelé « des Fontaines »,
et parfois en été ils y conduisaient leurs filles et leurs garçons ;
elle le sait, car elle accompagna autrefois le sire Pierre de
Bourlemont, seigneur du village et son épouse, qui était de
France, et plusieurs fois aussi les jeunes filles du village, tant
au printemps qu'en ce dimanche « des Fontaines ». Déclara
encore que les jeunes filles et les jeunes gens de ce village ont
coutume d'aller à cet arbre, au dimanche « des Fontaines »
pour se reposer et se promener ; ils emportent des pains pour
manger ; et Jeanne allait avec eux, en ce dimanche, pour se
promener et jouer, en emportant son pain. Ensuite ils venaient
boire à la fontaine des Rains, et suivant la coutume, car
c'était la coutume et elle existe encore, ils apportaient de
petits pains et s'y promenaient joyeusement. Ne saurait rien
ajouter à sa déposition.
Sur l'article suivant, le dixième, commençant par « De
même qu'on enquête, etc. », requise par serment déclara
avoir entendu ceci de Durand Laxart, qui la conduisit au
sire Robert de Baudricourt : elle lui demanda de dire à son
père qu'elle allait aider la femme de ce Durant qui était en
couches, afin qu'il pût la conduire audit sire Robert. Ne sait
rien d'autre.
Sur l'article suivant, le onzième, commençant par « De
même si dans ledit pays, etc. », requise déclara ne savoir
absolument rien.
Sur l'article suivant, le douzième, commençant par « De
même si Jeanne, etc. », requise déclara que cette Jeanne séjourna à Neufchâteau avec son père, sa mère, ses frères et
soeurs (2), qui avaient conduit les animaux dans cette ville à
cause des bandes armées ; mais elle ne resta pas longtemps à
Neufchâteau ; elle retourna au village de Domremy, avec
son père, comme le témoin l'a vu, car elle ne voulait pas rester
audit lieu et préférait être à Domremy (3). Ne sait rien d'autre.
Ne sait rien de plus. Citée elle est venue, et a déposé sans
passion ni haine, sans être sollicitée, sans crainte, sans rancoeur
ni partialité.
Et il lui fut enjoint, etc.
Ysabelleta,
uxor Gerardini de Spinalo, laboratoris in dicta Dompno Remigio,
commorantis, etatis L annorum et ultra, decima octava testis in
hac inquisicionis causa, producta iurata et examinata in dicto Dompno
Remigio, anno et die veneris penultima mensis ianuarii, predictis,
requisita per suum iuramentum [...] Videlicet
Super I° eorumdem articulorum articulo, incipiente : "Primo
de loco originis, etc..." ; eciam super II° et III°
sequentibus articulis, sibi diligenter perlectis, requisita,
"Dixit quod, prout vidit, ipsa Iohanneta la
Pucelle fuit oriunda de dicto Dompno Remigio et parrochia eiusdem
loci, ex Iacobo Darc et Ysabelleta, coniugibus, bonis laboratoribus,
veris catholicis, et bone fame. Dixitque quod Iohannes Morelli,
de Greu, erat patrinus, et Iohanneta Roze, et Iohanneta
de Vitello, matrine, prout dicebatur communiter, dicte Iohannete.
Nec aliud scit."
Super IV° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in primitiva etate, etc..." ; eciam super V°, VI°,
VII° et VIII° sequentibus articulis, sibi debite expositis,
requisita, per dictum suum iuramentum,
"Dixit quod a iuventute sua cognovit patrem et
matrem dicte Iohannete, et ipsam Iohannetam, tempore eciam sue iuventutis,
et tamdiu quamdiu stetit cum patre et matre suis. Et erat ipsa Iohanneta
in fide catholica et bonis moribus imbuta. Erat eciam simplex, bona,
verecunda, devota ac Deum timens, ut sibi videbatur. Ibat enim ad
ecclesiam libenter, et sepe. Et aliquociens ibat ad ecclesiam beate
Marie de Bermont. Dabat libenter elemosinas ; faciebat hospitare
pauperes ; et volebat iacere in focario, et quod pauperes cubarent
in sue lecto. Non enim videbatur per viam. Sed stabat in templo,
orando. Non cantabat, non tripudiabat. Ita quad sepe ab aliis iuvenculis
et aliis causabatur. Laborabat libenter nendo, cultivando terram
cum patre ; neccessaria domus faciendo ; et aliquociens animalia
custodiendo. Eciam confitebatur libenter et sepe, prout vidit ;
quia dicta Iohanneta la Pucelle erat sua commater, et tenuerat
ad fontem Nicolaum, filium suum. Et sepe ibat cum ea, et videbat
cam ire ad confessionem in ecclesia domino Guillermo, tunc curate.
Nec aliud scit."
Super IX° sequente articulo, incipiente : "Item, quid
habet fama, etc..." requisita,
"Dixit per suum iuramentum quod semper audivit
vocare illam arborern "ad lobias dominarum". Et dixit
quod, dum fortalicium dicte ville erat bonum, domini et domine temporales
eiusdem ville ibant ad solacium subtus illam arborem, in die dominico Letare lherusalem, dicta des Fontaines, et aliquociens,
tempore estatis. Et ducebant secum puellas et pueros ; et hoc scit
quia alias fuit cum domino Petro de Boullemont, domino dicte
ville et eius uxore, que erat de Francia ; et pluries cum puellis
dicte ville, tam tempore veris, quam in dicta dominico des Fontaines.
Dixit adhuc quod puelle et pueri iuvenes dicte ville, in dicto dominico
des Fontaines, consueverunt ire ad illam arborem, ad solacium
et ad spaciandum. Portant panes ad comedendum ibidem. Ipsaque Iohanna
cum eisdem ibat, in dicto dominico, ad spaciandum et iocandum cum
eisdem, et portabat suum panem. Et postea veniebant bibitum ad fontem
rannorum. Et propter modum, quia modus est adhuc talis, quod portant
panes parvos, et ibidem iocose spaciantur. Nec alias sciret deponere."
Super X° sequente articulo, incipiente : "Item, inquiratur,
etc...", requisita,
"Dixit quod audivit dici Durando Laxart,
qui eam duxit domino Roberto de Baudricuria, quod ipsa dixerat sibi
quod ipse diceret patri suo quad ipsa iret [relevatum] suam uxorem,
ad finem ut eam duceret domino Roberto. Nec aliud scit."
Super XI° sequente articulo, incipiente : "Item, si
in dicta patria, etc...", requisita,
"Dixit se penitus nichil scire."
Super XII° sequente articulo, incipiente : "Item, si
quando, etc...", requisita,
"Dixit quod ipsa Iohanna fuit in Novo Castro, cum
patre, matre, fratribus et sororibus suis, qui, propter armatos,
duxerunt animatia sua ad Novum Castrum. Sed in dicto Novo Castro
non multum remansit. Que ad dictam villam de Dompno Remigio rediit,
cum suo patre, prout vidit idem testis. Quia nolebat manere in dicto
loco. Sed dicebat quod preeligebat manere in dicto Dompno Remigio.
Nec aliud scit."
Plura nescit. Citata venit. Nec amore [...]
Et fuit sibi iniunctum, etc.
Sources :
- "La rédaction épiscopale du procès de 1455-1456", Paul Doncoeur et Yvonne Lanhers, 1961
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p.269 à 271.
- Articles du questionnaire
Notes :
* Voir serment Jean Morel.
1 Commère : marraine de son enfant.
2 Le témoignage précise bien frères et "soeurs" au pluriel bien que seule Catherine soit connue.
3 Ce qui laisserait supposer que sa mère et le reste de sa famille sont encore restés quelque temps à Neufchâteau
mais Colin, fils de Jean Colin dit les avoir vu revenir ensemble (ndlr)
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