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22 novembre 2024  

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par Henri Wallon

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Procès de réhabilitation
V-1 - Teneur des articles sur lesquels furent interrogés les témoins entendus dans cette information


uivent donc les articles sur lesquels furent examinés les témoins ci-dessous nommés par ledit révérendissime père dans le Christ, le seigneur cardinal d'Estouteville (2), prêtre cardinal au titre de Saint-Martin-des-Monts, légat envoyé par le saint Siège apostolique au royaume de France, et par vénérable homme frère Jean Bréhal, professeur de théologie sacrée, l'un des inquisiteurs de la perversité hérétique au royaume de France, dans l'affaire de Jeanne, dite la Pucelle.

I. D'abord feu monseigneur Pierre Cauchon, alors évêque de Beauvais, était poussé par une passion désordonnée pour faire le procès contre défunte Jeanne, communément appelée la Pucelle, et, parce qu'elle avait guerroyé contre les Anglais, il la poursuivait et la haïssait, recherchant sa mort par tous les moyens possibles.

II. De même encore ledit évêque demanda au seigneur duc de Bourgogne et au seigneur comte de Ligny, par lettres comminatoires, que ladite Jeanne fût livrée au roi d'Angleterre, plaçant en cela l'Église au second plan. Et il demanda une autre fois qu'elle lui fût donnée et remise, cela en promettant de payer six mille francs, puis dix mille à ceux qui la détenaient ou l'avaient prise, et en ne se souciant pas de ce qu'il donnait, pourvu qu'il l'eût.

III. De même lesdits Anglais la craignaient grandement, et à cause de cela cherchaient à la mettre à mort de n'importe quelle manière, pour qu'en cessant de vivre elle ne les terrorisât plus.

IV. De même ledit évêque était du parti des Anglais, et, avant de connaître la cause, il accorda que ladite Jeanne fût placée dès le début du procès au château de Rouen, dans une prison laïque et aux mains de ses ennemis, malgré l'existence de prisons ecclésiastiques, bonnes et convenables, dans lesquelles peuvent être légitimement gardés et enfermés, si criminels soient-ils, les coupables en matière de foi.

V. De même ledit évêque n'était pas le juge compétent, comme fréquemment l'a déclaré Jeanne en le dénonçant publiquement.

VI. De même ladite Jeanne était une jeune fille simple, bonne et catholique, désirant fréquemment confesser ses péchés et entendre la messe, de telle sorte qu'elle a pu montrer aux assistants par sa fin qu'elle était une fidèle chrétienne.

VII. De même Jeanne déclara plusieurs fois en justice qu'elle soumettait toutes ses actions et ses paroles au jugement de l'Église de notre seigneur le pape ; et ce qu'elle disait paraissait procéder d'un esprit plutôt bon que mauvais.

VIII. De même Jeanne comprit très mal ce qu'était l'Église, quand on l'interrogeait sur sa soumission à l'Église, et elle ne prenait pas ce mot comme la réunion des fidèles ; mais elle croyait et comprenait que cette Église, sur laquelle on l'interrogeait, était composée des ecclésiastiques alors présents, favorables au parti des Anglais.

IX. De même elle fut condamnée comme relapse, alors qu'elle voulait se soumettre à l'Église.

X. De même, une fois condamnée à reprendre et garder les vêtements de femme, elle fut forcée de remettre un habit d'homme. Par ce motif les prétendus juges la jugèrent relapse, cherchant non sa résipiscence, mais sa mort.

XI. De même, bien qu'il fût évident pour les juges que cette Jeanne se soumettrait au jugement et à la décision de notre sainte mère l'Église, et qu'elle avait vécu en fidèle catholique, néanmoins ces juges, favorables aux Anglais, ou incapables de résister à leurs menaces et à leurs pressions, la condamnèrent très injustement comme hérétique à la peine du feu.

XII. De même tous et chacun des points cités, à savoir la condamnation de Jeanne, la haine et la passion désordonnée des juges, furent et sont de renommée publique et d'opinion courante, sujets d'entretien ordinaire et notoire dans la cité et le diocèse de Rouen et dans tout le royaume de France.

                                                         

  Tenor articulorum super quibus interrogati fuerunt testes in dicta informatione auditi.

  Sequuntur ergo articuli super quibus examinati fuerunt testes infrascripti, per præfatum reverendissimum patrem in Christo, dominum Cardinalem de Estoutevilla, tituli Sancti-Martini-in-Montibus presbyterum cardinalem, Sanctæ apostolicæ Sedis de latere Legatum in regno Franciæ, et venerabilem virum, fratrem Johannem Brehal, sacræ theologiæ professorem, in regno Franciæ alterum hæreticæ pravitatis Inquisitorem, in facto Johannæ dictæ la Pucelle.

« I. In primis, quod defunctus dominus Petrus Cauchon, tunc episcopus Belvacensis, affectu movebatur inordinato, faciendo processum contra defunctam Johannam, vulgariter dictam la Pucelle ; quodque, quia ipsa Johanna fuerat in exercitu contra Anglicos, ipse prosequebatur eam et odiebat, sitiens illius mortem omnibus modis quibus æstimari posset.

« II. Item, quod etiam dictus episcopus requisivit a domino duce Burgundiæ et domino comite de Ligny, per litteras summatorias, in quibus requirit quod primo præfata Johanna tradatur regi Angliæ, Ecclesiam in hoc postponens. Et iterum petebat eam sibi dari et expediri; et hoc, pro detinentibus illam seu capientibus solvere sex millia francorum promittendo, deinde decem millia ; non curans quantum daret, dummodo illam haberet.

« III. Item, quod dicti Anglici vehementer eam timebant, et propterea quærebant, omnibus exquisitis viis, illam morti tradere, ut dies suos finiret, nec amplius terreret eos.

« IV. Item, quod præfatus episcopus fovebat partem Anglicorum; et, antequam cognosceret de causa, permisit quod dicta Johanna esset posita, etiam ab initio sui processus, in castro Rothomagensi, in carceribus profanis et in manibus inimicorum, licet fuissent boni et decentes ecclesiastici carceres, in quibus legitime custodiri posset et recludi, quantumcumque criminosi in fide culpabiles.

« V. Item, quod dictus episcopus non erat judex competens, prout frequenter ipsa Johanna contestata est, eum calumniando.

« VI. Item, quod dicta Joharma erat simplex puella, bona et catholica, sua peccata frequenter confiteri desiderans et missam audire ; ita quod ex fine constare potuit adstantibus ipsam esse fidelem et christianam.

« VII. Item, quod ipsa Johanna pluries professa est in judicio quod omnia facta sua et omnia dicta judicio Ecclesiæ et domini nostri Papæ submittebat ; quodque illa quæ dicebat, videbantur magis a bono Spiritu, quam a malo, procedere.

« VIII. Item, quod ipsa Johanna minime intellexit quid esset Ecclesia, quando interrogabatur de submittendo se Ecclesiæ, neque pro congregatione fidelium illud verbum affirmabat ; sed credebat et intelligebat quod Ecclesia illa, de qua interrogabatur, essent illi ecclesiastici qui ibi erant, partem Anglicorum foventes.

« IX. Item, quare condemnata fuerit [sicut] relapsa, cum se vellet Ecclesiæ submittere.

« X. Item, quod, postquam fuit condemnata ad revocandum, et assumendum habitum muliebrem, coacta fuit reassumere habitum virilem. Propter quod judices prætensi judicaverunt eam relapsam, non quærentes reductionem ejus, sed mortem.

« XI. Item, quod, licet constaret judicibus quod ipsa Johanna judicio et determinationi sanctæ matris Ecclesiæ submiserat se, et quod fidelis et catholica exsisteret ; nihilominus tamen judices, nimium faventes Anglicis seu eorum terrorem et impressiones sustinere non valentes, eam ut hæreticam poenæ ignis injustissime condemnarunt.

« XII. Item, quod depræmissis omnibus et singulis, scilicet de condemnatione ipsius Johannæ, odio et inordinato favore judicum, fuit et est publica fama et vulgaris assertio, commune dictum ac notorium, in civitate et dioecesi Rothom.


Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.292
- Traduction : "Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc" - Pierre Duparc (1983), p.180.

Notes :
1. Cette enquête avait été instruite par Mgr Guillaume d'Estouteville, cardinal du titre de Saint-Martin-des-Monts, légat du Siège apostolique pour le royaume de France, de concert avec Maître Bréhal. Trop occupé pour procéder en personne à la cause, il estima qu'il y avait lieu d'adresser cette information à l'inquisiteur et aux notaires afin qu'il puisse interroger les témoins sur cette base.

2. Guillaume d'Estouteville, fils de Jean d'Estouteville, Grand Bouteiller de France. Élevé chez les Bénédictins, il fut tour à tour prieur de Saint-Martin-des-Champs, évêque de Maurienne puis de Digne. Eugène IV le fit cardinal en 1437 ; en 1451, Nicolas V l'envoya comme légat auprès de Charles VII, pour tâcher de faire cesser, entre lui et le roi d'Angleterre, une guerre qui favorisait les envahissements des Turcs en Europe. C'est pendant cette légation que le cardinal d'Estouteville entreprit d'office (ex officio mero), la révision du procès de Jeanne d'Arc, avec l'aide de Jean Brehal. Il n'assista à l'audition des témoins que jusqu'au 6 mai. Parti de Rouen pour se rendre à Paris, il y réforma au commencement de juin les statuts de l'Université. Le 9 du même mois, il décernait à Orléans des indulgences pour l'observation de la fête annuelle du 8 mai. Enfin il alla de là présider l'assemblée de Bourges, tenue par le clergé gallican pour l'observation de la Pragmatique. L'archevêque de Rouen étant mort sur ces entrefaites, et le chapitre ne pouvant s'accorder sur le choix de son successeur, le Pape transféra à Rouen le cardinal-évêque de Digne. Guillaumes d'Estouteville retourna peu de temps après à Rome, où il passa presque tout le reste de sa vie, et mourut doyen des cardinaux en 1483. (Quicherat).

Procès de réhabilitation

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