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Procès
de condamnation
Les
avocats en cour d'Église. |
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' évêque de Beauvais appela aussi, pour siéger
au procès et donner leur avis, treize avocats en cour d'Église,
choisis parmi les nombreux défenseurs ou consulteurs accrédités
auprès de l'officialité, prêtres, et nantis,
pour la plupart, de bénéfices ecclésiastiques.
Cette convocation n'a rien de surprenant, d'ailleurs,
car on n'agissait pas autrement en cour séculière
dans les affaires criminelles importantes ; mais ce qu'on ne peut
expliquer que par le parti-pris et par une partialité révoltante,
c'est que dans une cause si grave l'accusée n'ait eu ni conseil
ni défenseur.
Tous ces avocats en cour d'officialité se prononcèrent
contre Jeanne d'Arc. Duchemin et Morel déclarérent,
dans une même consultation, "que la matière
était suspecte au point de vue de la foi, contraire aux bonnes
moeurs et aux décisions de l'Église, scandaleuse,
séditieuse, et de nature à rendre justement suspect
celui qui la professe, s'il s'y obstine. Pour l'en punir, il lui
faudra la peine de la prison perpétuelle, avec le pain de
douleur et de l'angoisse, pour toute nourriture, afin de réparer
ses fautes et de n'en plus commettre à l'avenir".
Les onze autres
avocats, dans une consultation collective, se montrèrent
moins barbares et répondirent, en casuistes normands, que
l'accusée était coupable, "à moins que
les révélations ne lui fussent venues de Dieu, ce
qui ne saurait être cru avec vraisemblance". Au surplus,
ils s'en rapportaient au jugement des docteurs en théologie
de l'Université de Paris, à qui il appartenait tout
particulièrement d'en décider. Il faut ajouter qu'avant
d'émettre cet avis, deux d'entre eux, Du Crotay et Le Doux,
avaient estimé tout d'abord que Jeanne devait avoir au moins
trois délais avant d'être excommuniée ; attendu,
surtout, qu'en matière écrite, il était accordé
trois délais pour répondre aux contredits.
Presque tous les avocats assistèrent aux importantes
séances des 19 et 29 mai. Deux d'entre eux avaient été
convoqués pour la séance du 12 mai dans la grosse
tour ; mais Morel vota seul pour que la torture fût infligée
à Jeanne.
Nous énumérerons brièvement les
noms et qualités de ces treize avocats, défenseurs
devant les juridictions ecclésiastiques de Rouen, qui suivirent
l'exemple des grands abbés et des grands dignitaires du clergé
local.
RAOUL ANGUY,
Maître ès-arts, bachelier en décret,
probablement originaire de Rouen, devint chanoine de Rouen en 1435,
et décéda vers 1442.
PIERRE
CARREL,
Est cité, en 1432, comme licencié en
droit civil.
JEAN
COLOMBEL,
Licencié en décret, promoteur de l'archevêché
en 1423 et 1424.
Un monitoire ayant été affiché à sa
requête, par l'official, contre ceux qui s'emparaient des
revenus de l'archevêché pendant la vacance du siège,
Colombel le signifia à plusieurs chanoines, qu'il interpella
en termes blessants, à l'intérieur de l'église.
Le Chapitre décida que, s'il pouvait être saisi sur
le territoire de la cathédrale qui dépendait de la
juridiction des chanoines, et non de l'archevêque, il serait
incarcéré aux prisons capitulaires. C'est ce qui arriva,
le jour même, et l'avocat-promoteur fut détenu.
En 1429, il échangea la cure de Valliquerville
contre celle de Saint-Vivien de Rouen. Il mourut intestat, probablement
en 1437.
BUREAU DE CORMEILLES,
Licencié ès-lois, avait été
curé de Touffreville-la Corbeline (1404-1420) et, suivant
l'usage du temps, il tira parti de sa cure en la baillant à
prix d'argent, pour des périodes triennales, à différents
prêtres du pays.
RICHARD DES SAULX,
Licencié en droit canon, est cité dès
1414 comme avocat en cour d'officialité. En 1423, les chanoines
l'avaient condamné à une amende pour avoir proféré
une parole ordurière en plaidant contre le chanoine Jean
de la Porte.
GUILLAUME DE LIVET,
Bachelier ès-lois, avait été reçu
chanoine de Rouen le 18 janvier 1431, et siégea, en cette
qualité, au procès de la Pucelle.
LAURENT DU BUSC,
Licencié en droit canon, est cité comme
avocat en cour d'Église, dans les archives du prieuré
de Saint-Lô à Rouen (1423, 1439 et 1440).
JEAN
DU CHEMIN,
Est cité, en 1432, comme envoyé à
Londres pour la réparation des moulins de l'archevêché.
En 1436, il fut désigné, avec Du Crotay, pour assister
à l'élection de l'archevêque.
GEOFFROY
DU CROTAY,
Figure, en 1419, comme présent à la réintégration
d'un prisonnier que la justice séculière avait fait
enlever de la cathédrale, où il devait jouir de l'immunité
ecclésiastique. Il fut pensionnaire du Chapitre en cour d'Église
(1435-1451) et intervint, comme arbitre, dans l'accord conclu entre
l'archevêque de Rouen et l'évêque de Lisieux,
au sujet de la juridiction de Saint-Candé-le-Vieux, à
Rouen. Il vivait encore en 1462.
JEAN
LE DOULX,
Maitre ès-arts, licencié en l'un et l'autre
droit, promoteur pendant la vacance du siège (1422), official
de Saint-Cande-Le-Vieux (1423), nommé avocat-pensionnaire
du Chapitre en cour d'Église (1432).
En 1425, il avait pris à ferme la cure de Saint-Martin-du-Pont,
de Rouen.
JEAN
LE TAVERNIER,
Étudiant de l'Université de Paris, en
1425. Il est cité comme prêtre et frère de l'Hôpital
du Roi à Rouen (1433).
AUBERT
MOREL,
Était en grande faveur auprès des Anglais.
Henri V l'avait fait nommer, en 1420, à la cure de Theuville-aux-Maillots,
qu'il possédait encore en1436. C'est ce qui peut expliquer
sa grande dureté à l'égard de Jeanne, qu'il
aurait voulu soumise à la torture.
Il fut successivement chapelain des chapelles Saint-Julien,
des Innocents et de Sainte-Colombe, en la Cathédrale, et
frère de l'Hôpital du Roi, à Rouen. Il exerça
les fonctions de promoteur dans les poursuites en matière
de foi dirigées contre Jean Segneut, avocat du roi (1430).
GUEROUT POUSTEL,
Est cité comme avocat en cour d'Église,
dès 1424. Il fut charger de garder Richard, abbé de
St Ouen, qui fut longtemps détenu en l'hôtel de Saint-Antoine
de Rouen.
Sources
: Albert Sarrazin - "Jeanne d'Arc et la Normandie au XV°
siècle" - 1896
Illustration : "La grande histoire illustrée de Jeanne
d'Arc" H.Debout - 1922
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