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Procès
de condamnation
Les
évêques de Normandie |
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L'archevêché
de Rouen étant vacant en 1431, les Anglais ne pouvaient
consulter sur le procès, que le chapitre et les six évêques
suffragants de la province de Normandie. Parmi ces derniers, deux
seulement envoyèrent à Cauchon une consultation
motivée et contribuèrent ainsi à la condamnation
de la Pucelle, sans d'ailleurs siéger au procès. Ce
furent l'évêque de Lisieux et l'évêque
de Coutances.
L'évêque de Lisieux, Zanon de CASTIGLIONE,
L'évêque de Lisieux, Zanon de castiglione,
qui devait bientôt devenir évêque de Bayeux (1431-1459),
était milanais d'origine et avait succédé,
en 1424, sur le siège de Lisieux, à son oncle Branda
de Castiglione (1), qui y avait été nommé par
le pape Martin V. En 1430, il avait obtenu l'expectative de l'évêché
de Bayeux, auquel iul fut transféré en 1432.
Dans sa délibération au procès,
il fait savoir à l'évêque de Beauvais qu'il
a reçu avec autant
de pureté d'intention que de respect sa lettre missive qu'accompagnaient
"certaines assertions passées au cours du procès
d'une femme que le vulgaire appelle la Pucelle". Il constate
que c'est une chose difficile que d'asseoir un jugement certain
en cette matière d'appartitions et de révélations.
Il ne faut, dit-il, ajouter foi à toute personne qui vient
affirmer qu'elle est envoyée de Dieu, que si elle a pour
elle l'éclat de quelques signes ou miracles ou quelque témoignage
spécial de l'écriture, ce qu'il n'existe nullement
dans la cause. C'est pourquoi, "prenant en considération
la condition vile de cette personne (!)" ses affirmations
orgueilleuse et présomptueuses, le noble évêque
dit qu'il est à présumer que ces visions et révélations
ne viennent pas de Dieu, que plusieurs articles contiennent des
nouveautés scandaleuses, fausses, irrévérentieuses,
etc...et que si, charitablement avertie, solennellement requise
et sommée de soumettre l'interprétation de ses assertions
au pape, au Concile général et autres prélats
ayant pouvoir, Jeanne refuse de se soumettre, elle doit être
considérée comme schismatique et véhémentement
suspecte à la foi. Cet avis est daté de Bayeux (14
mai 1431).
Zanon recueillit le fruit de son dévouement au
parti anglais. En 1435, Henri VI le délégua au concile
de Bâle. En 1443, il fut nommé membre du Conseil du
Roi d'Angleterre. En cette même année on lui alloua
200 livres pour son déplacement vers les villes de Dieppe
et de Granville. Nouveaux gages en 1446, de 220 livres qui lui restaient
dues pour un voyage fait en compagnie du Duc d'York et des membres
du Grand Conseil, de Rouen à Caen et en Basse-Normandie.
En 1445, il avait négocié, auprès de Charles
VII le mariage d'Edouard d'York avec Jeanne, fille du Roi de France.
En 1448, il visita les places et forteresses du baillage du Cotentin
et d'Alençon etc...
Lorsque Zanon de castiglione sentit que la cause des
Anglais était perdue, il se rallia à Charles VII et
lui prêta serment de fidélité le 25 mai 1450.
Il mourut en 1459.
L'évêque de Coutances, Philibert de MONTJEU,
L'évêque de Coutances, Philibert de Montjeu,
noble bourguignon, originaire de Lyon, avait été nommé
chanoine d'Amiens, puis évêque de Coutances par
protection des Ducs de Bourgogne et de Bedford en 1424.
Il quitta son diocèse à la fin de l'année
1431, pour se rendre au concile de Bâle où il joua
un rôle très important et ne revint plus en France.
Il mourut à Prague en 1439.
Inféodé aux Anglais, il avait été
stipendié, dès 1428, pour être allé par
le Cotentin à Paris vers le régent "pour le bien
et le profit du pays, à l'expulsion des brigans et ennemis
dudit seigneur étant en ycellui". Son avis sur le cas
de la Pucelle est concç dans les termes les plus durs.
Il estime que "cette femme a un esprit subtil, porté
au mal, agité d'un instinct diabolique... Ses assertions
sont contraires à la foi catholique, hérétiques,
suspectes d'hérésie, ou vaines, supersitieuses, scandaleuses,
dangereuses plus qu'on en peut le dire... Alors même que cette
femme viendrait à révoquer ses assertions, elle n'en
devra pas moins demeurer sous bonne garde jusqu'à ce qu'il
ait apparu suffisamment de sa correction...
Si, au contraire, elle refuse de rien révoquer,
il y aura lieu d'agir avec elle comme on le doit envers des pécheurs
endurcis."
Cet avis est daté de Coutances (5 mai 1431).
Les quatre autres évêques suffragants ne
furent pas consultés officiellement, pour des motifs que
nous allons exposer brièvement.
L'évêque de Bayeux, Nicolas HABART,
Il était
tout
dévoué aux Anglais et se serait évidemment
prononcé contre Jeanne s'il avait pu être consulté
; mais il se trouvait éloigné au moment du
procès. Henri VI l'avait envoyé, le 16 novembre 1430,
pour traiter en son nom avec les envoyés d'Alphonse d'Aragon
et la reine de Navarre.
Le procès de condamnation ne contient aucune
délibération de ce prélat et son nom n'est
mentionné dans aucun Procès-verbal.
L'évêque d'Evreux, Martial FOURNIER,
Il
occupait ce siège depuis 1427. Entièrement attaché
aux Anglais, il cumulait sa dignité avec celle de chancelier
du Duc de Bedford. Cette fonction empêcha probablement Cauchon
de s'adresser à lui, dans la crainte qu'il ne parût
trop suspect de partialité.
Il fut d'ailleurs retenu à Paris pendant l'année
du procès. Plus tard il se rendit à Bâle, comme
Philibert de Montjeu et comme Hugues d'Orge.
Il y mourut en 1439.
L'évêque
de Séez, Robert de ROUVRES,
Il avait été nommé à ce
siège en 1422.
C'était un adversaire déclaré des
Anglais et un serviteur fidèle de la cause nationale. Son
diocèse étant occupé en entier par les ennemis,
il s'était réfugié auprès de Charles
VII et siégeait dans ses conseils. Il avait assisté
au sacre de Reims. Cauchon se garda bien de consulter un prélat
aussi dévoué à son roi légitime.
L'évêque
d'Avranches, Jean de SAINT-AVIT,
Il occupait ce siège depuis 1391.
C'était le seul évêque de la province qui fût
entré en fonction avant la domination anglaise. Il résidait
habituellement à Rouen, où les Anglais le surveillaient
comme suspect. Il avait assisté à l'entrée
de Jean de La Rochetaillée
(1423) et à la réception de l'habit de chanoine par
le Duc de Bedford (1430). C'est lui qui fit les ordinations pendant
la vacance du siège (de 1429 à 1432). Il dut être
consulté sur le cas de la Pucelle ; mais l'opinion qu'il
exprima loyalement le fit tenir à l'écart malgré
l'importance que sa situation de doyen des évêques
de la province aurait donné à la décision des
juges. Isambard de La Pierre a déclaré en effet, qu'il
fut par devers "le seigneur Jean, évêque d'Avranches,
fort ancien et bon clerc, lequel, comme les autres, avait été
requis et prié de donner son avis sur le procès"
et qu'il excipa de l'opinion de saint Thomas que "ès
choses douteuses qui touchent la foy, l'on doit recourir au Pape
ou au Concile général". Il aurait aussi manifesté
son mécontentement de la "délibération
qu'on avoit faicte par deçà cela" (2)
Cauchon fut loin de gouter cet avis, et on s'explique
facilement que le vieil évêque d'Avranches ait été
tenu en dehors du procès. On lui fera chèrement expier
sa patriotique indépendance.
Source
: Albert Sarrazin - "Jeanne d'Arc et la Normandie au XV°
siècle" - 1896.
Notes
:
1 Branda de castiglione
avait été chanoine de Rouen, devenu ensuite Cardinal
de Plaisance, il fonda le collège de St Augustin à
Pavie et mourut en 1444.
2 Quicherat, procès t.II, p.5.
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