|
Procès
de condamnation
- 5ème interrogatoire public
Réponse de Jeanne d'Arc au comte
d'Armagnac - 22 août 1429 |
|
† JHÉSUS MARIA †
"Conte d'Armignac, mon très
chier et bon ami, Jehanne la Pucelle vous fait savoir que vostre
message est venu par devers moy, lequel m'a dit que l'aviés
envoié par-deçà pour savoir de moy auquel des
trois papes, que mandés par mémoire, vous devriés
croire. De laquelle vous ne puis bonnement faire savoir au vray
pour le présent jusques à ce que je soye à
Paris ou ailleurs, à requoy (1),
car je suis pour le présent trop empeschiée au fait
de la guerre : mais quant vous sarey que je seraz à Paris,
envoiez ung message pardevers moy, et je vous feray savoir tout
au vray auquel vous devrez croire, et que en aray sceu par le conseil
de mon droiturier et souverain seigneur, le Roy de tout le monde,
et que en aurez à faire, à tout mon povoir. A Dieu
vous commans ; Dieu soit garde de vous.
Escript à Compiengne. le XXII° jour d'aoust." (2)
Source
: E. O'Reilly - Procès de Jeanne d'Arc - tome II - 1868
Texte original
Notes :
1 à requoy : au repos
2 Cette lettre est très certainement un faux grossier dans sa partie la plus compromettante. Il est impensable que l'accusation n'est pas tiré partie d'avantage d'une telle "lettre" de Jeanne. Pierre Tisset en fait fort justement la remarque comme suit :
"...Ainsi l'article
30 d'Estivet accusera Jeanne non seulement
d'avoir mis en doute qui était le véritable pape, alors
qu'il n'y avait « qu'un seul pape indubitable, mais
tenant de peu de poids l'autorité de l'Église universelle
en voulant préférer son dire à l'autorité
de toute l'Église, elle affirma que dans un certain
délai... elle répondrait à quel pape il fallait croire... ».
Quand on lui lit ce document à l'audience du 1er mars,
Jeanne hésite ; elle pense, dit-elle, avoir donné la
réponse qu'on lui impute, en partie et non en totalité.
Et comme les questions se pressent, ses dénégations
s'élargissent ; elle ne savait que dire au comte
qui voulait par elle une réponse de N.-S. Jésus-
Christ ; quant à elle, elle croit au pape de Rome,
c'est-à-dire à Martin V. Elle affirme que la réponse
qu'elle manda au comte par son messager contenait
autre chose que ce qui est dans la lettre, plusieurs
choses qui ne furent point couchées par écrit. Si
d'ailleurs le messager ne s'était pas éloigné aussitôt,
on l'aurait jeté à l'eau, mais non du fait de ladite
Jeanne... Qu'est-ce à dire? peut-être Jeanne veut elle insister sur la promptitude avec laquelle elle
avait dû répondre? — Elle a indiqué déjà que, sur
le moment, elle allait monter à cheval. — Elle répète
qu'elle croit au pape de Rome et jure enfin que jamais
elle n'écrivit ni fit écrire sur le fait des trois papes.
A coup sûr, ce serment si explicitement prêté par
une aussi pieuse fille est impressionnant : la réponse à Jean IV insérée dans l'article 29 d'Estivet serait-elle
apocryphe ou interpolée? on peut, croyons-nous,
l'affirmer avec certitude, lorsqu'on note qu'après
la séance du 27 mars et la lecture du libelle, il ne
sera plus question au procès de ces deux lettres ;
le procès-verbal n'y revient jamais ; les 12 articles
les ignorent et cependant il y aurait eu là contre
Jeanne un chef d'accusation redoutable..."
|