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Procès
de condamnation
Les
docteurs de l'Université de Paris. |
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UNIVERSITÉ de Paris n'ayant pu obtenir que la Pucelle fût
jugée dans la capitale, voulut remettre ses pouvoirs à
ses docteurs les plus autorisés, afin de paraître au
procès avec un éclat digne d'elle.
Cauchon eut l'habileté de se couvrir par des
hommes tels que Guillaume Érart, le fougueux prédicateur
de Saint-Ouen, qu'on qualifia plus tard : "vir clarissimæ
virtutis et eximia sapientæ". Nicolas Midi, qui devait
prêcher au Vieux-Marché ; enfin et surtout, Thomas
de Courcelles qui devait être la lumière du Concile
de Bâle. Il sut compromettre complètement ce dernier
en le chargeant de rédiger en latin l'acte authentique du
procès.
Ces docteurs, hommes politiques considérables,
rompus aux affaires et vendus aux Anglais, devaient tenir à
Rouen une grande place et entraîner par leur autorité
le clergé local et les assesseurs timorés ou indécis.
Ce choix fut d'autant plus habile, remarque Quicherat,
qu'ils n'apparaissaient point à la foule comme des énergumènes,
poursuivant avec acharnement une vengeance politique. Leur gravité
connue, la considération dont ils jouissaient et la nature
du tribunal autour duquel ils allaient se grouper, devaient produire
généralement une attente mêlée de respect.
Cauchon envoya chercher spécialement les délégués
de l'Université à Paris. Ce fut son neveu par alliance
(1), Jean de Rinel, secrétaire
du roi Henri VI, qui fut chargé de cette mission.
L'évêque de Beauvais, réunissait
ainsi à Rouen, avec le représentant de l'Inquisition
tous ceux qui avaient qualité pour statuer en matière
de foi.
JEAN BEAUPÈRE,
Docteur en théologie, occupait un rang élevé
dans l'Université de Paris où il avait exercé
les fonctions de chancelier, en l'absence de l'illustre Gerson.
Il avait été nommé en 1430 par
Henri VI, à la prébende canoniale vacante à
Rouen par le décès de Robert Malderrée. II
y fut reçu, en personne, en 1431, quand il vint à
Rouen (20 février) pour le procès de Jeanne d'Arc,
dont il se montra l'ennemi acharné (2).
Il devait jouer plus tard un rôle important au
Concile de Bâle. Accusé d'avoir adhéré
à la déposition du Pape, il se vit privé de
son canonicat de Rouen, mais il put justifier de son orthodoxie
et rentra dans sa prébende. Il la conserva même plus
tard, en invoquant sa qualité de bon Français, quand
Charles VII eut repris Rouen !
Il fut interrogé, lors du procès de réhabilitation,
et il prouva qu'il avait quitté Rouen pour se rendre à
Bâle, le lundi qui suivit l'abjuration à Saint-Ouen,
et "qu'il ne sceut aucunes nouvelles de sa condampnation
jusques à ce qu'il oyt dire à Lille en Flandre".
GUILLAUME DE LA CHAMBRE,
Maître ès-arts et licencié en médecine,
né en 1403, tout ce qu'on sait de lui, c'est que son père,
Guillaume de la Chambre, était maître en médecine
et physicien de la Reine. Son frère et lui vendirent, en
1430 à la Nation de Normandie en l'Université de Paris,
une maison située rue Galande. Cet universitaire était
très jeune alors : car, lorsqu'il déposa au procès
de réhabilitation, on lui donnait quarante-huit ans environ.
THOMAS DE COURCELLES,
Fut l'une des lumières de l'Eglise gallicane
et le plus renommé professeur de l'Université de Paris.
Son rôle au procès de Rouen fut des plus accentués.
Il était né à Amiens vers 1402,
et il décéda en 1469, avec le simple titre de doyen
du Chapitre
de Paris, bien qu'il eût été honoré de
l'amitié de Charles VII, dont il prononça l'oraison
funèbre, phénomène inexplicable de ce siècle
étrange, dit M. O'Reiilly. Si ce choix fait honneur à
ses talents oratoires, il ne relève assurément ni
son caractère, ni la valeur morale de son temps.
L'Université le délégua à
Arras, avec l'abbé de Sainte-Catherine de Rouen (1434), puis
au Concile de Bâle où il fut un de ceux qui déclarèrent
le pape relaps et qui furent nommés commissaires pour l'élection
d'un nouveau pape.
A Rouen, de Courcelles se montra l'un des plus acharnés
contre la Pucelle. Il travailla au réquisitoire et fut chargé
de traduire le procès en latin. Il fut aussi un des rares
assesseurs qui votèrent pour qu'elle fût livrée
à la torture.
On l'entendit comme témoin au procès de
réhabilitation, où il reconnut que des informations
préparatoires avaient été faites à Domrémy
sur la Pucelle ; mais il soutint ne pas en avoir eu connaissance.
Thomas de Courcelles fut inhumé dans la cathédrale
de Paris, où sa pierre tombale était placée
jadis derrière le choeur.
ERART EMENGARD,
Docteur en théologie, était étranger
au diocèse de Rouen. Il est cependant mentionné dans
les registres capitulaires de la Cathédrale comme exécuteur
testamentaire de son frère, Hugues Emengard qui avait été
chapelain du collège d'Albane.
GUILLAUME ERART,
Était docteur en théologie du diocèse
de Langres et, si l'on en croit des auteurs autorisés, l'une
des illustrations de son temps ; il a quelquefois été
confondu avec un homonyme qui fut recteur de l'Université
et délégué par elle aux Conciles de Bâle
et de Bourges. Celui qui parut au procès de la Pucelle fut
chanoine des églises de Langres et de Beauvais. Il n'entra
au Chapitre de Rouen que le 17 juillet 1432, après le supplice
de la Pucelle. Il fut curé de Hautot et de Cliponville, archidiacre
du Grand-Caux, sous Hugues
d'Orges (1433), puis chantre, en 1435 ; vicaire général
et exécuteur testamentaire de cet archevêque, enfin
doyen de Rouen après le décès de Gilles Deschamps.
En 1434, on le voit interjeter un appel au pape contre le Chapitre
qui l'avait molesté dans ses fonctions de vicaire général.
Le Chapitre soutenait qu'il n'avait pas été visé
à l'occasion de ses fonctions. On voit que ces appels au
pape étaient fréquents et souvent motivés par
des causes peu graves. Erard fut ensuite le confident et le principal
agent de Louis de Luxembourg et, comme lui absolument dévoué
à Henri VI, qui le nomma chapelain et le récompensa,
ainsi que Jean de Rinel, par la donation des manoirs de Combe et
de Moneston, au comté de Southampton.
Anglais de coeur comme son maître, il mourut comme
lui en Angleterre, en 1439.
On ne saurait oublier qu'il prêcha la Pucelle
avec véhémence au cimetière de Saint-Ouen.
GERARD FEUILLET,
Docteur en théologie, fut des plus assidus au
procès, depuis le 13 février, jour de l'arrivée
à Rouen des universitaires, jusqu'au 18 avril où il
cessa de paraître. Etant rentré à Paris avec
les trois délégués qui y portèrent les
douze articles, il ne revint pas avec eux.
THOMAS FIEFVET,
Était picard d'origine et fut recteur de l'Université
de Paris, en 1427. Il représenta aussi l'Université
au Concile de Bâle, oit il se trouvait encore en 1435.
NICOLAS MIDI,
Docteur en théologie, fut reçu chanoine
de Rouen le 4 mai 1431, pendant le procès de Jeanne, par
droit de régale, en vertu de lettres de Henri VI. Il prit
possession de son canonicat par Nicolas Loiseleur, dont il fut l'hôte
assidu, rue de la Chaîne, et fut installé onze jours
avant le supplice de la Pucelle. Les chanoines lui firent remise
du droit d'annates qu'il devait à raison de sa prébende
"de gracia speciali, actentis serviciis pro ecclesia factis,"
pour services par lui rendus à l'Eglise. Entendait-on par
l'hostilité qu'il manifesta plus que tout autre contre Jeanne
? Ce qui est certain, c'est qu'il assista à toutes les séances,
sauf pendant le temps qu'il passa à Paris avec les délégués
chargés de soumettre les pièces du procès à
l'Université, et notamment les douze articles dont il était
l'auteur. Il fut choisi aussi pour haranguer la victime au Vieux-Marché
et l'on sait en quels termes durs et inexorables il s'acquitta de
cette odieuse mission. Son canonicat à Rouen ne fut qu'un
traitement, comme l'observe justement M. de Beaurepaire : car après
avoir insinué le privilège de Saint-Romain, le 4 mai
1432, il fut envoyé à Bâle. II devint plus tard
suspect aux Anglais qui le privèrent de sa prébende.
JEAN TIPHAINE,
Prêtre, maître ès-arts, docteur
en médecine, chanoine de la Sainte-Chapelle à Paris,
résigna cette prébende en faveur de l'Anglais Alain
Kyrketon qui lui abandonna, en échange, son canonicat de
Rouen (1432). II ne résida pas à Rouen, où
il ne vint que pour le procès de Jeanne d'Arc. Le Chapitre
le citait à Paris lorsque des délibérations
importantes exigeaient sa présence. Sa mort fut annoncée
à ses collègues en février 1469.
JACQUES
DE TOURAINE,
Appelé aussi Texier ou Tessier, docteur en théologie,
de l'Ordre des Frères mineurs. Il siégea assidûment
au procès, du 13 février au 18 avril, date à
laquelle il se rendit à Paris avec Beaupère, Feuillet
et Midi. Depuis lors il ne fut plus mentionné aux procès-verbaux.
D'après Manchon, il fut l'un des docteurs les plus hostiles
à l'accusée avec Beaupère et Midi.
D'autres délégués de l'Université
de Paris ne sont connus que par l'insertion de leurs noms aux actes
du procès. Ce sont : Jean de Nibat, Richard Dupré,
Maurice du Quesney, et Guillaume Foucher.
On peut se demander pourquoi on ne consulta pas d'autres personnages
qui apparaissent au procès : Guillaume Adelie, l'un des docteurs
qui exhortèrent Jeanne à se soumettre à l'Eglise
; Gilles Canivet, docteur en médecine ; Nic. Lamy et Denis
Sabrevois, docteur en théologie, qui fut aussi chanoine de
Rouen, mais ne résida pas dans cette ville.
Source
: Albert Sarrazin - "Jeanne d'Arc et la Normandie au XV°
siècle" - 1896.
Illustrations :
- Pierre tombale de Thomas de Courcelles (Jeanne d'Arc et la Normandie
au XV° siècle)
- Signature de Guillaume ÉRART (Jeanne d'Arc et la Normandie
au XV° siècle)
Notes :
1 Il avait épousé Guillemette, nièce de Pierre
Cauchon et fille de Jean Bidault.
2 Il toucha une indemnité spéciale de 30 livres tournois
par jour.
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