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Procès
de réhabilitation
III - Requête du promoteur |
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es présentations ainsi faites, le même maître Simon Chapitault, promoteur susdit et en tant que promoteur, auquel
avait été communiqué auparavant pour sa gouverne, sur
l'ordre des seigneurs et chez ceux-ci, la sentence et les suites,
ainsi que certaines informations et avis touchant au procès,
afin qu'il exerçât son office et qu'il eût à donner son opinion
sur la vérité dans ce procès, fit un exposé devant eux, en
français, dans la forme sous-mentionnée ; il le fit en prenant
les paroles contenues dans la Clémentine Multorum (« Des
hérétiques ») : s'il est très grave pour l'extermination de la
perversité hérétique de ne pas faire ce qu'exige son énorme
contagion, il est également grave et très digne de condamnation
d'attribuer méchamment cette perversité à des innocents.
C'est pourquoi, après que cette charge lui eût été imposée et qu'il eût prêté le serment solennel d'agir avec fidélité, en
proposant et en demandant, tant pour que contre le procès
tout ce qui conviendrait à la loyauté, à la justice, et à la chose
publique, ayant Dieu seul en vue et rejetant toute crainte
humaine, haine et faveur, abandonnant toute considération
particulière des parties et tout attachement, ayant inspecté
d'abord et soigneusement, en détail et entièrement, le procès
intenté autrefois contre Jeanne avec l'assistance d'hommes
sûrs, honnêtes et savants en droit, ayant eu connaissance des
informations et autres pièces à lui communiquées sur l'ordre
des seigneurs, il voulait avancer devant eux certains points
concernant la charge desdits seigneurs, d'après ce qu'il a appris et entendu sur le procès et les informations, et aussi d'après la commune renommée et la relation de gens probes.
Protestant qu'en ce faisant il n'avait pas l'intention de nuire à quiconque, ou de dire, proposer, soutenir quoi que ce fût de non conforme à la foi catholique, et soumettant tout ce qui a été dit, fait et sera fait au saint Siège apostolique et à ceux qui sont délégués par le saint Siège.
Il entendait donc appeler leur attention sur trois points :
d'abord sur les instruments et les actes de la cause et du procès mené naguère contre ladite Jeanne la Pucelle, et sur les notaires dudit procès ;
deuxièmement au sujet des préalables du procès ;
troisièmement au sujet du procès lui-même et de ses suites.
Sur les instruments et les actes de la cause et sur les notaires
dudit procès, on a découvert que, outre les notaires
constitués dans ledit procès et dont les lettres de constitution
paraissent dans le procès, d'autres notaires furent cachés dans
les fenêtres : en rédigeant les déclarations de ladite Jeanne et
les actes de la cause, ils omirent beaucoup de justifications et
de faits excusant ladite Jeanne, et ils ajoutèrent mensongèrement
quelques points avec injustice ; on en tira certains articles
envoyés aux délibérants. De la même façon on a découvert
que plusieurs rédactions du procès avaient été faites,
différant en quelques parties des déclarations de Jeanne faites
en français, et que, longtemps après la mort de Jeanne, ledit
procès avait été rédigé, avec beaucoup d'additions et de soustractions,
et beaucoup de rédactions en une autre forme.
Sur les préalables du procès, le même promoteur disait
qu'il y avait beaucoup de choses à considérer. Car on raconte
qu'au début du procès certaines informations préalables
furent faites, et cependant elles ne sont pas insérées ; or personne ne doit être accusé en matière de foi sans information
préalable et sans référence à une commune renommée défavorable.
Ces procédures, même si elles ont été suivies, ne sont
pas mentionnées dans le procès, alors que, on peut le présumer,
elles auraient servi à la justification de Jeanne. On devait
cependant rechercher par qui, où et quand elles avaient été faites, et pourquoi elles n'avaient pas été insérées dans le procès. On devait même considérer avec quel zèle l'évêque
de Beauvais et les autres co-juges avaient procédé au début de
ce procès : il est assez établi en effet, tant par ledit procès
que par les informations déjà faites que cet évêque de Beauvais
agit avec la plus grande diligence auprès des princes pour
avoir Jeanne, à tel point que pour l'avoir furent donnés dix
mille france et trois cents livres de rente ; et cependant une
fois qu'il l'eût, il ne la remit pas aux mains ou dans les prisons
de l'Église, mais il la remit aux mains des Anglais et l'envoya
dans une tour très forte, à savoir dans le château de Rouen,
bien que plusieurs hommes probes et savants, appelés par
l'évêque pour le conseiller et diriger le procès, l'eussent assez
souvent pressé et eussent conseillé de la remettre aux mains
de l'Église. Ce qu'il ne fit pas cependant ; mais bien plus il
consentit, comme on le rapporte, à ce qu'elle fût placée dans
une cage de fer et ferrée aux pieds et aux mains ; en outre,
sentant lui-même qu'il procédait d'une manière très peu
juridique, l'évêque voulut obtenir des princes anglais laïcs
des lettres de garantie, d'indemnisation, de précaution, de
remboursement et de défense, en cas de besoin, avant de procéder à la conduite et à l'instruction dudit procès, comme cela
est manifeste, aux dires du promoteur, par les lettres de garantie à lui communiquées. Le même promoteur disait aussi
qu'on devait tenir compte de la voix publique et de la renommée
dans la ville de Rouen : à savoir que, aussitôt après
que Jeanne eût été conduite au château de Rouen, elle fut
visitée par des matrones sur l'ordre de la duchesse de Bedford
et de l'évêque de Beauvais, pour qu'on fût certain de sa virginité
et de sa pudicité ; et bien qu'elle eût été trouvée vierge
et intacte, cette visite ne fut pas insérée au procès. Cela vint
cependant aux oreilles de quelques conseillers, qui récusèrent
par la suite leur participation au procès, assurant qu'une telle
intégrité corporelle ne pouvait exister chez elle sans d'autres vertus, attendue sa longue fréquentation des hommes d'armes.
Au sujet du procès lui-même le promoteur disait que plusieurs
points étaient à considérer. Au début du procès en effet,
quand Jeanne fut citée en justice, elle répondit qu'elle comparaîtrait volontairement ; mais elle réclama deux choses :
premièrement que fussent convoqués quelques clercs dans
l'obéissance de la France ; deuxièmement qu'elle-même pût
entendre la messe. La première de ces requêtes, à savoir la
convocation de clercs venant de régions françaises, l'évêque
la passa sous silence. Mais la deuxième, l'audition de la messe,
il ne voulut pas la mettre en délibération et déclara qu'il
tenait de certaines personnes qu'elle ne devait pas entendre
la messe. De même selon le promoteur, après la citation, il y
eut plusieurs réunions, qui dans le procès sont désignées
comme des sessions ; et dans beaucoup de ces sessions on vit
Jeanne récuser implicitement ledit évêque. L'inquisiteur ne
fut pas présent au début du procès, commencé le quatorzième
jour de janvier, car il fut cité seulement le dix-neuvième jour
de février, contre son gré et malgré son refus ; à ce qu'on rapporte
on lui adressa plusieurs menaces, parce qu'il refusait
de participer au procès en raison de la manière de procéder
suivie. Après que Jeanne eut été interrogée pendant quelques
sessions hors de sa prison et devant plusieurs personnes notables,
il fut décidé pour l'avenir de l'interroger dans sa prison
et devant peu de personnes, car beaucoup des assistants
n'étaient pas satisfaits de la manière de procéder. Quelques
conseillers posaient en effet à Jeanne des questions captieuses,
faisaient parfois des changements et des additions de faits
hors de propos, et parfois des questions très troublantes ;
s'en plaignaient non seulement Jeanne, mais même quelques
conseillers. Elle y répondait cependant avec grande sagesse,
par exemple lorsqu'on lui demanda si son roi avait bien agi
en faisant tuer le duc de Bourgogne : elle répondit que la mort
du prince était un grand malheur ; mais, quoi qu'il y eût
entre les seigneurs de France, elle, en tout cas, était envoyée
au roi de France de la part de Dieu. De même interrogée si
l'Écriture sainte procédait de Dieu, elle répondit qu'il était
bien de l'admettre. De même interrogée auquel des pontifes
romains devait-on obéir, elle répondit : à celui qui était à
Rome. De même si elle était en état de grâce, elle répondit
que, si elle y était, Dieu l'y maintint, et si elle n'y était pas, Dieu voulût bien l'y remettre. Pendant ce procès Jeanne fut
malade, et pendant sa maladie elle demanda à se confesser,à recevoir l'eucharistie, à avoir une sépulture ecclésiastique.
On affirme qu'aux médecins qui la visitaient, les Anglais dirent
alors préférer perdre vingt mille soldats plutôt que de la voir
mourir autrement que par le feu, et ils recommandèrent de
prendre bien soin d'elle, afin qu'elle ne mourût pas de cette
maladie. Très souvent en outre les gardes lui disaient des
injures.
Le promoteur dit également aux seigneurs de prêter une
particulière attention à certains douze articles, établis et
réunis d'après soixante-dix autres articles ; car, comme cela
ressort de leur teneur, beaucoup de points servant à sa justification
et à sa décharge y furent omis, et beaucoup furent
ajoutés mensongèrement et pernicieusement, dont il n'y
avait aucune mention ; en outre beaucoup de menaces furent
prononcées contre des conseillers et des délibérants, tant et
si bien que certains furent bannis, d'autres incarcérés, d'autres
par peur quittèrent la cité de Rouen, comme ce fut le cas,
dit-on, de maître Jean Lohier, qui avait argué de nullité le
procès. De même on assure que beaucoup de faux semblants, de tromperies et de fraudes furent faits à Jeanne dans sa
prison, pour l'amener à dire ou à taire certaines choses, et
spécialement pour la mettre dans une situation difficile en
refusant de se soumettre à l'Église ; et cela surtout par l'intermédiaire
d'un certain Nicolas Loiseleur, qui se faisait passer
pour un prisonnier de la région lorraine et s'efforçait de
tromper Jeanne.
De même le promoteur déclarait ne pouvoir être passé
sous silence le fait que Jeanne fut accusée de refuser de se
soumettre à l'Église militante ; cependant, dans ses interrogatoires
et ses réponses, elle répondit très clairement et d'une
manière très catholique à ce propos, en disant souvent, et
surtout à l'occasion du sermon solennel de maître Guillaume
Evrard, qu'elle voulait que tous ses dits et ses faits fussent
soumis au pontife romain, auquel elle s'en remettait. Et ils
lui firent abjurer certains points, elle étant conduite à cela, séduite et contrainte par quelques individus ; en effet la
crainte du feu et la présence du bourreau qui torture, ainsi
que les menaces proférées, la conduisirent à abjurer des
choses qu'elle ne comprenait pas. Elle fut ensuite amenée à
reprendre un habit d'homme après son abjuration, parce que
les vêtements féminins lui avaient été enlevés et que ses
gardiens avaient essayé d'attenter à sa pudeur ; ainsi fut-elle
forcée, n'ayant pas de vêtements féminins, de prendre un
habit d'homme pour la protection de sa pudeur. Non obstant
tout cela, elle fut jugée relapse, rendue à la justice séculière
et, sans autre sentence, brûlée, après avoir reçu le sacrement
de l'eucharistie.
Le promoteur dit encore et avança beaucoup d'autres choses pour émouvoir l'esprit desdits seigneurs ; demandant qu'on
fît enquête diligemment sur tous les points ci-dessus énoncés
et que justice fût rendue à chacun selon l'exigence du cas ;
affirmant en outre qu'il serait utile pour le procès de faire une
enquête sur la vie et les moeurs de Jeanne, sur la manière dont
elle était sortie de sa patrie natale ; demandant enfin que des
seigneurs commissaires fussent désignés pour examiner certains
témoins sur quelques questions à donner par lui et
insérées plus bas.
[Expositio requestæ promotoris.]
Quibus sic exhibitis, ipse magister Simon Chapitault,
promotor antedictus et nomine promotorio antedicto,
cui alias, de mandato Dominorum, processum, sententiam et omnia inde secuta, certasque informationes
et advisamenta hujusmodi processum tangentia,
et penes Dominos, ad suam informationem, exhibita
communicari ordinaverant, ut suum officium
incitaret, et eosdem super veritate hujusmodi processus
advisare haberet ; coram ipsis, verbis gallicis,
sub forma infrascripta, exposuit, accipiens verba contenta
in Clementina « Multorum » de hæreticis, quia,
[ut] nimis est grave ad exterminationem hæreticæ pravitatis
non agere quod ipsius contagiosa enormitas
agendum requirit, grave est quoque et damnatione
dignissimum, malitiose insontibus eamdem imponere
pravitatem :
Quod, post injunctum sibi officium et præstitum per eum solemne juramentum de fideliter prosequendo,
promovendo et requirendo, tam pro processu quam
contra processum, quæcumque fidei, justitiæ et reipublicæ
opportuna ; solum Deum habendo præ occulis,
omni humano timore, odio et favore rejectis,
omnique particulari quarumcuraque partium consideratione
et affectione deposita ; visitato prius et revoluto
feriatim et integraliter, vocatis secum probatis
et honestis ac juris peritis viris, processu quondam
contra eamdem Johannam agitato, informationibusque
et aliis, ex Dominorum ordinatione, sibi communicatis
: ex eisdem processu et informationibus,
et aliis quæ, fama referente et proborum relatu,
percepit et audivit, quædam, dictorum Dominorum
officium excitantia, in medium coram eisdem propotiere
volebat ; protestando quod, in hujusmodi dicendis,
non intendebat cuiquam injuriari, vel aliquid
dicere, proponere aut prosequi quod non esset consonum
fidei catholicæ ; quæcumque dicta, facta et facienda
Sanctæ Sedi apostolicæ, ipsisque ab eadem Sede
apostolica deputatis, submittendo.
Ipsos autem advertere intendebat super tribus :
Primo, super instrumentis et actis causæ et processus
dudum facti contra eamdem Johannam la Pucelle,
ac notariis dicti processus.
Secundo, circa præparatoria processus.
Tertio, circa processum in se, cum inde secutis.
Super instrumentis et actis causæ et processus, ac
notariis dicti processus, compertum est quod, ultra
notarios in dicto processu constitutos, et de quorum
constitutione et litteris patet in processu, fuerunt alii
notarii in fenestris absconsi ; etiam confessiones dictæ Johannæ et acta redigentes causæ, multa ex justificanibus
et excusationibus dictæ Johannæ obmittendo,
et nonnulla mendaciter, citra injuriam, adjiciendo ; et
de quibus fuerunt eliciti certi articuli, missi deliberantibus.
In eadem materia compertum est etiam plurimos
processus factos fuisse, qui in aliquibus partibus
a confessionibus dictæ Johannas, factis in gallico, deviant,
quodque, longo tempore post mortem dictæ
Johannæ, dictus processus fuerat confectus, multis
superadditis et detractis, et multis in aliam formam
redactis.
Super autem præparatoriis processus dicebat ipse
promotor multa esse attendenda. Nam et in principio
processus, narratur aliquas fuisse factas informationes
præparatorias, quæ tamen non inseruntur, quia alias
quis in materia fidei trahere non debet, nisi informatione
prævia, et fama contra eum referente. Quæ etsi
factæ fuerint, in processu positæ non fuerunt, cum,
ut, præsumitur, facerent ad ipsius Johannæ justificationem.
Inquirere tamen debebant a quibus, ubi et
quando fuerunt factæ, et quare in processu non fuerunt insertæ. Attendi etiam debebat quo zelo episcopus
Belvacensis et alii conjudices, in principio hujusmodi
processus procedebant, cum satis constet, tam per
dictum processum quam per informationes jam factas,
quod ipse episcopus Belvacensis maximam diligentiam
fecit erga principes de habendo eamdem Johannam,
ita quod pro ea habenda data fuerunt decem millia
francorum, et tres centum libræ redditus ; et tamen
eam redditam, in manibus seu carceribus Ecclesiæ
non posuit, imo eam in manibus Anglicorum posuit,
et dimisit in turri fortissima, videlicet in castro Rothomagensi, licet a pluribus probis et litteratis viris, per eumdem episcopum ad processus consultationem
et directionem evocatis, fuissel sæpius commonitus et
advisatus de eam in manibus Ecclesiæ reponendo. Quod tamen non fecit, imo eam compedibus et manicis
ferreis, et, ut fertur, in quadam cabia (1) ferrea reponi
consensit ; imo, ipse sentiens se minime juridice
procedere, ipse episcopus, litteras garantizationis,
indemnitatis, permissionis, expendii et defensionis
pro eo suscipiendæ, si casus contingeret, a principibus
sæcularibus Anglicis habere voluit, antequam ad dicti
processus exsecutionem et examinationem procederet ;
videlicet, prout constare dicebat ipse promotor, per
litteras garantizationis sibi communicatas. Dicebat
etiam ipse promotor quod advertere debebant quomodo
vox et fama habebantur in villa Rothomagensi, quod, statim postquam ipsa Johanna fuit adducta in
castro Rothomagensi, dicta Johanna, ex ordinatione
ducissæ Bethfordiæ et ejusdem episcopi Belvacensis,
fuit per matronas visitata, ut de ejus virginitate et pudicitia
certitudo haberetur ; et tandem virgo et integra
reperta, non tamen ipsa visitatio in processu fuit
inserta. Ad aures tamen aliquorum consiliariorum devenit
ipsa visitatio, qui in hujusmodi processu postmodum
interesse recusaverunt, asserentes talem inlegritatem
esse in eadem non posse sine aliis virtutibus,
attenta longa conversatione cum armatis.
Circa autem processum in se, dicebat ipse promotor
plura attendi debere. In exordio enim processus,
quando ipsa Johanna ad judicium fuit evocata, respondit quod libenter compareret ; sed duo requisivit :
primo, quod vocarentur aliqui clerici de obedientia
Franciæ ; secundo, quod posset audire missam. Quas
requisitiones, scilicet respiciendo primam, de vocandis
clericis de partibus Franciæ, penitus subticuit. Secundam
vero, de missa audienda, in deliberatione ponere
noluit ; sed dixit quod a quibusdam habebat quod missam
audire non debebat. Item quod, post hujusmodi
evocationem, fuerunt plures conventiones, quæ in
processu designantur tanquam sessiones ; et in multis
ipsarum sessionum visa est ipsa Johanna ipsum episcopum
implicite recusare. Inquisitor autem in principio
processus præsens non fuit ; nam processus inceptus
fuit die XIV. januarii ; et tantum fuit evocatus die
XIX. februarii, licet invitus et recusans ; cui, ut fertur,
plures minæ illatæ fuerunt, quia ipsi processui interesse
recusabat, propter modos qui tenebantur in processu.
Postquam etiam per aliquas sessiones, et extra
carceres fuisset interrogata, et coram pluribus notabilibus
viris, fuit ordinatum quod de cætero examinaretur
in carcere et coram paucioribus, quia multi de
adstantibus non erant contenti de modo procedendi.
Faciebant enim ipsi Johannæ aliqui consiliarii interrogationes
captiosas, quandoque translationes et inculcationes
materiarum impertinentes, et quandoque
multum seditiosas ; ex quibus, non solum ipsa Johanna,
imo etiam aliqui consiliarii ex hoc conquerebantur.
Ipsis tamen sapientissime respondebat ; ut puta, cum interrogaretur
an rex suus juste fecisset occidendo ducem
Burgundiæ : ipsa respondit quod magnum damnum
erat de morte principum ; sed quidquid erat inter dominos
Franciæ, ipsa erat missa regi Franciæ ex parte Dei. Item, an sacra Scriptura processerit a Deo ; et
respondit quod bonum est scire quod sic. Item, cui
Romanorum Pontificum esset obediendum ; quæ respondit, illi qui erat in Roma. Item, an ipsa erat in
statu gratiæ : respondit quod si erat, Deus eam manuteneret
; et si non esset, eam reponere dignaretur. Et
plures alias impertinentes interrogationes fecerunt, ut
de his constare poterat per processum. Fuit etiam ipsa
Johanna tempore hujusmodi processus infirma, et durante
infirmitate requisivit confiteri, recipere Eucharistiam,
et habere ecclesiasticam sepulturam. Anglici
autem medicis qui eam visitaverunt, asseruntur dixisse
quod mallent perdere viginti millia salutiorum quod
aliter obiret quam per ignem, et quod de eadem bene
cogitarent ne moreretur ex illa infirmitate. Injuriabantur
etiam sæpissime sibi custodes.
Et promotor dicebat etiam eosdem [Dominos] singulariter
advertere debere circa quosdam duodecim
articulos confectos, et ex aliis septuaginta articulis elicitos ; nam, ut ex tenore eorumdem dicebat apparere,
multa ad justificationem et excusationem
servientia in eisdem fuerant obmissa, et multa mendaciter
et perniciose, de quibus mentionem non fecerat,
addita ; quodque multæ minæ multis ipsorum
consiliariorum et deliberantium fuerunt illatæ, taliter
quod aliqui effecti sunt exsules, alii incarcerati ; alii
timentes, civitatem Rothomagensem dimiserant, ut
de magistro Johanne Lohier, [quoniam] contra ipsum
processum de nullitate redarguerat, dicitur contigisse.
Item, quod factæ asseruritur multæ illusiones,
deceptiones et fraudes ipsi Johannæ in carcere, ut
nonnulla induceretur dicere vel tacerc, et specialiter ut se redderet difficilem in submissione Ecclesiæ ; et
hoc, ut dicitur, per quemdam magistrum Nicolaum Aucupis (2), qui se fingebat prisionarium de partibus
Lotharingiæ, nitens eamdem Johannam decipere.
Item dicebat ipse promotor taceri non debere
quod ipsa Johanna accusatur quod se nolebat submittere
Ecclesiæ militanti ; ipsa tamen in suis interrogationibus
et responsionibus, clarissime et multum
catholice, super dicta submissione respondit,
cum sæpissime dixerit, et maxime cum fieret sermo
solemnis per magistrum Guillelmum Evrard, quod
omnia dicta et facta sua remitti volebat Romano Pontifici,
ad quem se referebat. Et eam aliqua abjurare fecerunt,
ab aliquibus inducta, seducta et coacta ; timor
enim ignis et præsentia tortoris, minæque sibi illatæ
induxerunt abjurare quæ non intelligebat. Quod etiam
fuit inducta ad recipiendum habitum virilem, post
hujusmodi abjurationem, quia sibi amotæ fuerunt
vestes muliebres ; attentareque præsumpserunt custodes
ejus pudicitiæ ; quare coacta, non habens vestes
muliebres, fuit coacta accipere vestes viriles ad tuitionem
suæ pudicitiæ. Quibus non obstantibus, fuit judicata
relapsa, et judicio sæculari reddita, et, sine aliqua
alia sententia, igne cremata, suscepto prius per
eam Eucharistiæ sacramento.
Multaque alia, ad movendum animum dictorum
Dominorum, dixit et protulit ipse promotor ; petens de
et super præmissis omnibus diligenter inquiri, et unicuique
justitiam, secundum casus exigentiam, ministrari
; asserens ulterius eidem processui esse utile facere quamdam inquestam, super vita et moribus ipsius Johannæ, modoque aggrediendi (3) patriam
suam ; petens ab eisdem et per Dominos, commissarios
deputari ad examinandum certos testes, super quibusdam
interrogatoriis per eum dandis, et inferius
insertis (4).
Source :
- Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p. 198 et suiv.
- Traduction : Pierre Duparc, t.III, p. 94 et suiv.
Notes :
1. Cage.
2. Manuscrit Notre-Dame, Loyseleur.
3. Les manuscrits, agrediendi. Ne faut-il pas lire egrediendi patria sua ?
4. Voyez ci-après, au chap. V du Procès.
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