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Procès
de réhabilitation
Mémoire de Théodore de Lellis. |
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Cy ensuit l'extrait de Vénérable personne Messire Théodore des auditeurs de la Roue en court de Rome.
uant au regard des articles extraits et tirés des confessions de Jehanne la Pucelle, et par les juges d'icelle consultés et regardés pour nous transmettre et envoyer, il est assez notoire et manifeste, à celluy qui les vouldra recourir et regarder sommairement, qu'ils ont esté assez injustement et malsainement composés et digérés, veu que tous les poincts et passages sont recueillis et assemblés lesquels estoient veus grever et condempner ladicte Jehanne ; mais, après qu'on les a comparés contre les aultres confessions d'icelle, ils n'ont pas semblé se discordans et contraires, comme on les pensoit, et peuvent estre saulvés et excusés, quand on les compare à tout ce qu'elle a dict et confessé. Mais si l'on monstre qu'il est ainsi, on veoirra clairement que les conseils ont seulement ensuivi l'exemple du cas et ont esté deceus en leurs consultations et collations, par quoy il convient les toucher et recourir en peu de langage.
Nous disons premièrement que ladicte Jehanne, en l'aâge de treize ans ou environ, veist de ses yeulx corporels et en forme corporelle sainct Michel et grande multitude des anges, saincte Catherine et saincte Margueritte. Quant à ce, je pense que chacun cognoisse certainement les anges s'apparoistre ou s'estre appareils souvent aux humains en formes et figures corporelles, car ou se aucune créature est créée en apparitions corporelles ou s'elle est tant seulement formée pour fere telle apparition, j'entends dire, ou se les anges qui sont envoyés de Dieu assument et prennent la figure corporelle et semblance d'une créature qui a corps pour fere leur message et office, ou se ils convertissent et commuent ce corps qu'ils ont pris aux formes et espèces qu'ils veulent estre consonantes et convenables à leurs actions ou apparitions : de quoy faict une question Sainct Augustin au troisièsme livre de la Trinité. Mais de tout cela ce m'est tout ung, veu qu'il suffist que les anges mesmement les bons se apparissent aux hommes en forme et espèces corporelles. Touteffoys nous pouvons conjecturer que c'estoient bons esprits, veu ce que ladicte Jehanne a dict et confesse premièrement à cause quelle dict que ce fut en l'aage de treize ans qui est une aage tendre, pure et simple peu armée de fraude et malice. De quoy on peult présummer et conjecturer que les bons anges de Dieu se sont peu apparoistre à une simple vierge incorrompue, car l'esprit d'enfer inspire et mect en erreur ceulx qu'il trouve subjects à péché.
Aultre présumption y a de croire que le Sainct Esprit l'a visitée ; attendu et considéré ainsi qu'elle dict que Sainct Michel luy feist grand peur et terreur la première foys qu'il apparut à elle, et en la seconde et tierce apparition, et ne pensoit pas que ce fust Sainct Michel, jusques à ce qu'il eut parlé à elle et qu'il l'eust consolée. La vérité de ce peult estre approuvée par l'ange qui annonça l'incarnation de Jésus-Christ à la benoiste vierge Marie, lequel espouvanta et estonna d'entrée la vierge, puis après la consola et réconforta en luy disant : « N'ayes poinct de peur, Marie, tu as trouvée grâce envers Dieu le créateur. » Et par ainsi le bon ange donne terreur et craincte à son premier avènement, et réconforte et console à son despartement; et tout au contraire faict l'esprit d'enfer. Ceste chose nous est monstrée à la vision de Ezechiel qui veist l'ange de Dieu et de peur tumba la face en bas, ainsi qu'il est récité au premier chapitre de Ezechiel ; et Monsieur Sainct Jehan dict, au premier chapitre de l'apocalipse : « Quant j'aperceus l'esprit de Dieu, de grand peur tumbay à ses pieds comme tout mort. » Aultre présumption y a de ce quelle dict Sainct Michel à son despartement luy avoir laissé ung ardent désir et amour souverains de aymer Dieu et de l'ensuivre, car ledict ange en sa deppartie luy donna joye et consolation avec doleur et déplaisance de son deppartement. Dict encore et confesse qu'elle pleura amèrement à cause que son corps qui est la prison de l'âme la garda et empescha de suivre Sainct Michel. Nous lisons, en la vie des Pères et des Saincts de Paradis, qu'il en est ainsi advenu en plusieurs aultres apparitions ; ce qui est récité au sixièsme feuillet du livre des Pères. Aultre présumption sourt et procède des bonnes et salutaires admonitions que luy ont faictes les anges et les deux Vierges qui se sont apparues à elle, premièrement entendu que Saincte Catherine et Saincte Marguerite l'ont incitée et admonestée d'aller souvent à confesse fere pénitence, ce que n'eust pas faict l'esprit de perdition, qui se délecte de la perversité et obstination du pécheur, et veult tousiours sa dolorité, fraude et tromperie estre occulte et celée. Oultre plus ils l'ont exortée de fréquenter souvent et hanter l'église (or n'est-il rien que le diable haye tant que l'église), luy commandant de se bien gouverner, de garder sa virginité entière et impolue, laquelle ladicte Pucelle leur a promise comme aux bons esprits envoyés de Dieu et ne scauroit où trouver meilleure ni plus saincte admonition et exortation.
Idem on peult congecturer toute vérité en ses dicts et assertions, en tant que l'ange de Dieu luy a révélé et annuncé la misère et calamité de ce royaulme de France pour à telle subvenir, et pour ceste cause ledict ange l'admonesta et incita de venir en France secourir et ayder les pouvres françoys oprimés et déjoutés et pour délivrer ledict royaulme de tirannie : par ce Nostre Seigneur voulant eslire les pouvres humbles tourmentés et malades pour confondre les fières anglois, orgueilleux et arrogans. Affirme davantage ladicte Pucelle qu'il luy a esté révélé par les voix spirituelles de peindre et figurer à son estandart l'image du Rédempteur, affin qu'elle se peult servir mieulx à son appétit et volunté de son ensaigne et estandart. Aultre présomption de croire la vérité provient de ce qu'elle a dict : « Les Anges et les Sainctes de Paradis se sont appareues à moy tout environnées et couvertes de lumière et clairté ; ce qu'il ne fault pas croire ne présummer des anges ténébreux. L'on peult fere aultre présomption, jouxte ce quelle a dict : « Je déteste et ay en orreur toutes sorcieries et enchantemens que font aulcunes sourcières et enchanteresses qui se disent voler en l'hair, che-vaulcher en balloy et monter à mont la cheminée, du nombre desquelles jamais ne seroi ne volus estre. » Par ces parolles, il appert assez quelle scavoit bien la différence d'entre les révélations et inspirations divines et les illusions et traficques diabolicques.
Idem aultre présumption vient de ce qu'elle a dict : « Je n'ay pas creu foulement et de léger, à l'ange que s'est apparu à moy, premièrement, mais s'est apparu à moy par trois fois devant que j'y donnasse crédence; et ay faict souventes fois le signe de la croix, quand les anges se présentoient à moy et ce signe ne les faisoit pas séparer, ainsi qu'il faict les diables et esprits d'enfer. » Ainsi lisons nous que les Saincts par ce ont révoqué et chassé les diables d'enfer, et par ce il est notoire et manifeste que ladicte Pucelle n'a pas faict folement ne témérairement.
Idem on peult interpréter au bon sens et à la meilleure partie, en tant qu'elle dict : « Je me suis mocquée d'une fille nommée Catherine qui disoit que une femme vestue de blanc s'estoit apparue à elle » : par quoy on peult veoir évidemment quelle scavoit bien discerner et juger des révélations divines et des illusions sainctes et diabolicques.
Aultre présumption vient de ce qu'elle tesmoigne plusieurs foys à son procès : « Je me suis conseillée et enquire mainctes foys aux grands clercs et notables personnages de la ville de Poictiers touchant ces apparitions et inspirations divines pour scavoir que devoys fere. Et n'ay prétendu ne demandé aux experts de Dieu autre chose que le salut de mon âme et conservation entière de ma virginité que je leur ay promise. » Ces paroles sont escrites et approuvées en plusieurs passages de son procès et principallement en la seconde cession et jurisdiction et donnent apparence et tesmoignage de vérité, car sorcières et enchanteresses et invocateresses de diables ne demandent poinct le salut de leur âme, mais trésors ou finances, vengeance d'aultruy, jouyssance ou abbus de foies amours, la mort ou la perte de leur voysin, ainsi qu'on veoit et lit tous les jours aux procès que l'on faict contre telles manières de gens.
Idem, c'est une grande approbation et manifeste présomption de ce quelle persévéra jusques à la fin sur l'escherfault en l'article de la mort de dire et crier incessemment : « J'ay veu visiblement et réalement les anges, les Saincts et les Sainctes de Dieu et est vérité et le soubstiens devant le tribunal du hault roy céleste et ne pense pas offenser en ce disant mon rédempteur Jésus. »
Par ce l'on ne doibt pas croire que au pas de la mort et après la réception du Corpus Domini, lequel elle receut, ainsi que disent les tesmoings, en grand dévotion et humilité, avec grande effusion de larmes, qu'elle fust troublée d'entendement et ignorante de son salut auquelle eut volu par menterie perdre son corps et son ame. A ce ayde et faict beaucoup sa bonne dévotte et religieuse opinion, en tant qu'elle dict : « Je ne crois pas que les Saincts esprits de Dieu m'eussent visitée ou consolée en estat de péché mortel ; car, quand je jeunoys ou avoys jeune ou faict quelque abstinence, lesdicts esprits s'apparoissoient ou parloient plus souvent à moy et le jour que je jeûne depuis le midi de la journée précédente jusques à lendemain douze heures j'oy par trois foys les voix des anges et des Sainctes de paradis. Par quoy il appert qu'elle entendoit bien les anges et les Sainctes ne s'apparoistre jamais aux pécheurs ou à ceux qui sont en estât de péché mortel et, en temps de jeûne et aulmone, abstinence et oraison, fréquenter et visiter plus tost que aultres temps. » Et ne doibt-on poinct juger ne réputer une personne folle et insensée pour tant s'elle dict que les Sainctes Vierges et les anges se sont apparus à elle, l'ont inspirée et ont parlé à elle ; car aultrement il conviendroit dire et condampner hérétique Monsieur Sainct Martin, lequel dict : « Sainct Agnès, Saincte Claire et la Vierge Marie m'ont visitée et se sont appareues à moy, non pas ung jour seulement, mais plusieurs, lesquelles portoient faces et habis singuliers et ay apperceu visiblement Sainct Pol et Sainct Pierre qui m'ont consolé et visité » ; or serait-il bien sacrilège et hors de sens qui appelleroit Sainct Martin faulx et menteur. Icelluy mesme veist les anges et parla familièrement avec eulx, cogneut les fallaces et cautelles des esprits infernaulx ; car, quand ils venoient vers luy, non pas seulement il les cognoissoit, mais tout incontinent les reprenoit, blasmoit et chassoit et disoit à Mercure et à Jupiter : « Tu es brutal ou ébétré de sens. » Ung Sainct homme très discret et elloquent, appelé Sévère Sulpice tesmoigne au second livre de la vie Sainct Martin que cela est vray. Encore ladicte Jehanne serait excusable, posé le cas que ce eussent esté fallacieux esprits, en lant qu'elle se dict avoir honoré, décoré et révéré lesdictes vierges, comme celles qui sont en paradis, et à son intention a faict cellébrer et dire messes en l'honneur et exaltation d'icelles et a donné et faict accoustrer des ymages, statues et figures à la représentation des Sainctes Vierges qui sont en paradis, et les a faict mettre aux églises, monastaires et chapelles et a donné et ellargi aux prebstres plusieurs dons en l'honneur et révérence desdictes Sainctes Vierges. Par quoy il nous semble qu'elle n'est poinct à blasmer ne à vitupérer d'avoir honoré et décoré les Sainctes Vierges à intention que ce fussent celles qui sont en paradis et tout fidelle et chrestien le sert et révére dévottement à ceste intention et oraison. De ce ladicte Jehanne confesse que jamais ne leur demanda aultre chose que le salut de son âme qui est une saincte pétition et requeste salutaire, comme il est devant récité par elle au premier fueillet.
Quant est au regard d'ung article mis au procès auquel il est dict et narré que lesdictes Sainctes Vierges parloient à elle soubs l'arbre des fayes planté au près d'une fontaine et la commune renommée divulgue et sème par tout le pays que les fayes et dames fatalles hantoient et conversoient sous lesdicts arbres au près de ceste fontaine cy dessus, il est à noter que au procès est que commune renommée aye semé et divulgué telles parolles est une chose controuvée et mensongère, veu que les informations et enquestes, qui ont esté faictes au pays de ladicte Jehanne par la délibération des assistants et de l'Evesque de Beauvois, ne sont poinct insérés ne escrites à la teneur dudict procès. Davantage ladicte Pucelle a esté interroguée et examinée touchant l'arbre des fayes et ladicte fontaine. De quoy elle a respondu que aucunes folles gens croyoient et disoient que les febricitants et malades de fièvres par boyre de l'eau de ceste fontaine estoient gueris et délivrés de la fiebvre, mais de ce ladicte Pucelle se dict inconsciente et ignorante et quelle ne veist ne apperceut en sa vie les dames fatales ou les fayes soubs les arbres, combien qu'elle se soit jouée et esbatue avec les aultres jeunes filles de sa sorte et de son aage auprès de ladicte fontaine et soubs l'arbre prémis.
Oultre plus dict que jamais n'eust foy ny credence à ceulx qui disoient que une jeune fille avoit prophetisé et faict une prophétie des choses advenues dedans une forest plantée de chesne et de celle forest ne fit oncques ne foy, ne credence, disant que c'est toute menterie, tant de l'ung que de l'aultre. Vray est qu'elle a confessé en quelque lieu estoit lassée et travaillée de importunes et fascheuses interrogations, qu'elle ouyst soubs l'arbre prédict et jouxte la fontaine les voix de Saincte Catherine et de Saincte Marguerite, mais elle n'entendit poinct ce qu'elles luy disoient. Par quoy chascun peult bien veoir qu'il ne fallait pas tant poyser les articles, où il est faict mention dudict arbre et de ladicte fontaine. Et n'est pas vray ce qui est mis et allégué en cest article, c'est ascavoir que la simple Pucelle révéra et honnora et invoca soubs cest arbre les Sainctes Vierges recitées ; en n'en apparoit rien au procès, par quoy faulsement et cauteleusement, on y a ce passage adjousté. La sequelle de ce mesme article est faulce, pleine de cavillations et tricheries, où il est narré que les voix des Sainctes Vierges commandoient à ladicte Pucelle qu'elle s'en allast à un prince séculier et que par l'ayde, le moyen er le labeur d'icelle, il recouvreroit grand bien temporel avec honneur mondain et divin. Et sur ce poinct convient noter la fraude et cavillation de ceux qui ont faict ces articles, car ils taisent ce que ladicte Jehanne a maintes foys confessé, les misères et calamités du royaulme de France luy avoir esté exposées, remonstrées et déclarées par le commandement de Dieu, lequel disoit qu'il avoit permis ledict royaulme affligé et tourmenté pour les péchés des habitans. Et fust envoyée, ainsi que Dieu le volut, au Roy de France non pas pour luy conquestre ny acquérir domination temporelle, mais pour recouvrer ledict royaulme opprimé et tourmenté par tirannie ; non pas aussi pour lui gaigner honneur mondain, ce qui sonne mal, mais por répéter et demander les choses appartenantes au roy françoys, pour lesquelles avoir et récupérer guerre juste est faicte et esmeue. Sur ce poinct sont à notter les parolles de ladicte Jehanne pleine d'humilité, ne confiant aucunement en ses gestes, œuvres et labeurs, mais remestant tout ce qu'elle a faict à la grâce et benivolence de Dieu, auquel seul elle en donne la gloyre et louange ; car elle dict en plusieurs passages que quand les anges et les sainctes l'admonestoient d'aller ayder au roy de France; respondoit : « Je suis une simple et pouvre ignorante et imbécille qui ne scay que c'est que de guerre. » Idem, en ung autre passage, on la interrogua pourquoy Dieu la vouloit plustost envoyer devers le Roy que quelque vaillant capitaine. A quoy elle a respondu que Dieu vouloit chasser les fiers anciens ennemys de France par une simple et humble Pucelle. Et davantage a dict et confesssé a ung aultre lieu touchant son enseigne, en laquelle estoit peincte et figurée l'image du Créateur, que ne mestoit pas espérance ou confiance à son enseigne ou estandart, mais seulement à l'ayde du Rédempteur Jésus, parle moyen duquel espéroit tousiours la victoire. Par ce l'on peult veoir et cognoistre son humilité singulière et ferme foy invariable dont elle estoit pleine, exempte de témérité et arrogance ; mais, tout ainsi que les Saincts prophètes, confessoit son imbécillité et fragilité. Sur quoy l'on peult proposer que la divine providence voulant monstrer qu'elle avoit permis les Françoys affliger, souffrir et tourmenter pour ledict orgueil et élévation de courage, et puys regardant en pitié et miséricorde la calamité d'iceulx et de leur royaulme et a volu délivrer et retirer de captivité et servitude par une humble et simple Pucelle jouxte les parolles de Monsieur Sainct Pol disant : « Dieu a esleu les humbles et les plus petits de ce monde pour confondre et corriger les courageux et oultrecuydes et mondains glorieux. »
En ce mesme article prémis, il est encore adjousté que les Sainctes Vierges luy commandèrent prendre habit et accoustrement d'homme et aymer plustost mourir que le délaysser ; ce qui est faulx et controuvé, car il n'appareut poinct au procès et à ce qu'elle a confessé que lesdictes vierges luy eussent enchargé, mais que plus est-elle interroguée de ce cas, a respondu : « Je ne charge ne accuse homme que soit sur terre de m'avoir baillé ou preste son habit et si ne confesse pas que les esprits de Dieu l'ayent comandé, mais je confesse avoir prins et vestu de ma propre volunté sans contraincte, ne aucune requeste habit à usage d'homme et se vous me interroguez se je l'ay pas faict par le commandement des Sainctes du paradis, je vous responds que se j'ay faict quelque bien méritoire, ce a esté par leur commandement, mais quand au regard de cest habit j'en respondray moy-mesme, car je l'ay vestu sans l'admonition ou conseil d'aulcune personne humaine. »
Par ces parolles, on peult bien veoir et appercevoir qu'elle n'avoit rien entreprins ne commencé sans le commandement de Dieu, et, quand on l'interrogua se elle croyoit ce commandement estre licite respondit subtilement en disant : « Je croy et expose que tout ce que l'on faict par le commandement de Dieu est licite et honneste à faire et se j'ay porté accoustrement et estat convenant à l'homme, ainsi qu'il m'est advis par le vouloir de Dieu en le servant, je ne pense pas avoir offencé ; mais, s'il plaisoit à Dieu que je laysasse ce vestement, je le delaysseroys tout incontinent et vous dis que le temps n'est pas encore venu de dépposer et estranger de moy l'abillement et accoustrement convenable aux hommes. »
Toutes ces responses sont escrites au cinquièsme article, par lesquelles il est apparent et notoire qu'elle inspirée du Sainct Esprit par quelque dévotte oraison se vestit de tel accoustrement le dix-septièsme jour du moys de mars : « Et quant au regard de cest habit, dict elle, je n'en prendray poinct d'aultre, jusques à tant que Dieu le vueille aultrement; et, quant j'auroy achevé et mis à fin ce pour quoy Dieu m'a envoyée, je prendray mon habit et ma robbe de femme. » Tout cecy est narré au cent-trentièsme fueillet. Et quand l'archidiacre luy demanda qui la mouvoit de se vestir en cest estat, elle respondit : « Je ne le fais pas par bigoterie ou ypochrisie, ou pour porter accoustrement deshonnête ou dissolut, mais je le fais pour estre plus légère et plus agille et pour mieulx garder ma virginité entre les hommes ; » car elle ne pensoit pas aultrement pouvoir hanter et converser seurement et honnestement parmy les gens d'armes et aultres hommes. Par quoy si elle s'est vestue et accoustrée d'habit d'homme, affin que les hommes ne la convoitassent luxurieusement, on ne la doibt pas blasmer, ne condampner ; car aultrement ladicte Pucelle n'eus peu batailler de sa propre main, ne converser parmi les hommes d'armes et eust cause et raison semblable de revestir et reprendre cest habit d'homme dedans sa prison, car elle estoit entre les mains des hommes et certainement on l'avoit baillée en garde à gens paillards et laxifs, et à ung jeune fils escuyer du Roy d'Angleterre, ainsi qu'il appert au vingtièsme juillet. Et davantage il est approuvé par les informations qui feurent faictes à Rouen que ladicte Jehanne se plaignoit d'aulcuns faulx garnements qui l'avoient volu forcer et oultrager sa virginité par viollence, dedans la prison, ce qui fust la cause principalle de luy fere revestyr et reprendre la robe d'homme et a déclaré à la fin que ceste robbe luy estoit plus convenable et pertinente, lorsquelle estoit parmi les hommes et commise en leur garde que la robbe d'une femme ; en suppliant et requérant qu'on luy octroyast une prison plus honneste et plus gratieuse et elle se soubmettroitet rendroit à l'Eglise. Cecy est déclaré environ en fin du procès (deux cent dixièsme fueillet).
Idem elle dict une foys : « S'il vous plaict, baillez moy une robbe à femme et me donnez congé de m'en aller à mes hoontures. » Par ces parolles, on peult veoir et scavoir quelle craignoit d'estre viollée dedans la prison et affin que aulcun ne croye ou pense qu'elle eust oublié la honnesteté et simplesse de femme, qu'il voye et regarde les piteuses preuves qu'elle fit entre toutes aultres requestes en ces derniers jours en disant à la justice : « Hélas ! Messieurs, s'il fault que je soye menée en jugement et que je soye despouillée, veuillez de votre bonne grâce me fere dellivrer une longue chemise et ung chaperon à femme. » Et tousiours a esté telle son intention et volunté, quoyqu'on dict qu'elle aye mieulx aymé ne ouyr poinct messe, ne recevoir son Créateur que de laysser habit d'homme ou accoustrement ; ce qui n'est pas vray, car encores elle, aultres foys, instantement requère et demande aux seigneurs de justice : « Faictes moy donner une longue robbe pendant jusques à terre et voluntiers en tel estat iroy ouyr messe, recevoir le Corpus Domini et en après je revestiroy mon habit d'homme, car en aultre habit, je ne serois pas seurement de ma virginité dedans la prison. »
Oultre plus elle demanda et requist : « Baillez moy une robbe en façon de bourgeoise et ung chaperon à femme et devostement et de bon cuer iroy à tout ouyr la messe. » Toutes ces articles sont escrites au soixante-dix-huitièsme fueillet.
Idem dist une aultre fois à ung archidiacre : « Mon père de confession, pas ne récuse prendre et vestir longue robbe et honneste avec ung chapperon de femme por aller à l'Eglise ouyr la messe et recevoir le sacrement de l'autel et je seroy tousiours ferme en la foy catholique pourveu que on me laysse, se je demeure en la prison, après ouyr la messe reprendre et revestir l'habit d'homme. » Par ceste confession voyez qu'il n'est pas vérité de ce qu'on dict quelle a préesleu ne ouyr poinct la messe, ne continuer à l'église que de mettre bas et desposer l'accoustrement d'homme.
Idem, dict en ung aultre passage, voyant la longue et doleureuse prison où elle estoit serrée et les gros et pesans fers de ses pieds : « Hélas ! Messieurs de la justice, je vois bien maintenant que ma mort est proclamée, veu la grande misère et pouvreté où je suis dettenue ; et, s'il plaict à Dieu de fere son plaisir de moy, je vous requiers et supplie que j'aye confession et la communion de mon Rédempteur Jésus, affin que je soye digne d'estre mise et inhumée en terre saincte. » Cest article est à son procès au deux cent-vingt-septièsme fueillet.
Idem requist et pria très humblement en la première cession : « Plaise à votre bénigne grâce me concéder et octroyer de ouyr la messe, devant que je passe en jugement ; » laquelle chose luy fut déniée cruellement et inhumainement. Par ses confessions prémises et parolles préalleguées on peult bien veoir que l'estat et l'habit d'homme qu'elle portoit luy estoit bon pour garder sa virginité, pour hanter la guerre et estre en la prison parmy les hommes et jeunes garçons laxifs qui l'avoient en garde. Touteffoys, par le droict canon tel estat et habit seroit donné à vitupère aux femmes, s'ils le portoient par braguerie, sans conseil et sans nécessité.
Idem l'autre partie et portion de l'article devant posé, auquel il est dict qu'en l'aage de dix sept ans elle s'en alla sans le conseil de père et de mère avec les gens de guerre et avec eulx toute seule hanta nuict et jour, taist et celle en partie la vérité et en partie aussi déclare la malice, car il ne mect poinct comme ladicte Jehanne confesse et dict : « Je ne volus pas réveller à mes parens deppartie de paour de les courrousser ; car le commandement de Dieu m'eust gardée de retourner avec eulx. Et vault mieux obéir à Dieu que à père et à mère et tout aussitôt que j'en fust deppartie par une lettre missive, obtins pardon et mercy de père et de mère touchant le desein de mon partement. »
Idem est faulx et erronée l'aultre part de cest article ; car combien qu'elle conversast et hantast avec les gens de guerre, ce qui luy estoit nécessaire, veu que Dieu l'avoit envoyée pour ce fere et pour conduire l'ost du Roy de France ; toutefois dedans sa chambre estoient tousiours deux femmes coustumièrement et s'y couchoit et reposoit toute vestue et tousiours armée.
Il sera déclaré par après là où il sera le plus convenable, comme elle devoit dire et remonstrer que Dieu l'avoit envoyée et quelle ne se vouloit rendre ne submettre au jugement de personne ; mais seulement à Dieu le Créateur, quelle estoit certaine de son salut et de l'amour de Dieu qui la gardoit et conservoit en toutes ses opérations. Ce pouvoit-elle dire et confesser récitablement sans aulcunes reprinse ne reproche, comme tantost sera par nous élucidé.
Le second article faict mention de la couronne que l'ange apporta au Roy de France et faict au dict Roy la révérence. Sur cest article sont à noster plusieurs choses : premièrement a protesté ladicte Jehanne que jamais ne confessera la vérité des choses qui touchent le Roy de France, quoy qu'elle fust menacée et contraincte de la dire par l'evesque de Beauvays auquel a respondu : « Prélat très révérend, vous me pourriez bien demander telle chose de laquelle je vous respondroys la vérité et de l'autre non. » De ceste protestation, elle fit serment en la seconde cession, comme il est escrit au vingt-cinquièsme fueillet. Et à ung aultre lieu a respondu : « Vous me pourriez demander telles choses desquelles ne vos donneroys aucune réponse. Aussi est-il bien possible que je vous diroys vérité d'aulcunes choses, se vous me les demandiez. » De ce est faicte mention en la tierce cession au vingt-septiesme fueillet appert aussi au procès qu'elle a répudié et rejecté maintes interrogations qui ne convenoient poinct audict procès ; car ils la troubloient et empeschoient par plusieurs subtiles questions, par lesquelles, on lui demandoit : Qu'est-ce que nature angélique ? Qui est le vray pape ? Et aultres semblables questions difficiles. Souventes foys la menassa l'Evesque de Beauvays de la convaincre et condampner comme criminelle si elle ne faisoit simple serment et jurement, auquel respondit que jamais ne jureroit que solennellement.
Et aucunes foys protesta et jura manifestement quelle ne diroit poinct la vérité des choses qui touchoient le Roy de France, et aucunes foys respondit : « Monsieur l'Evesque, j'ay juré et faict grand serment que je ne confesseroy poinct aulcunes choses, ce neantmoings vos me volez fere parjurer ce que ne devriez pas fere. » Tout cecy est narré au second examen.
On peult veoir et estimer que se ladicte Jehanne travaillée et tenue, lassée et trop contraincte par maincte frauduleuse et importune question a dict aulcune chose dérrogante à la vérité ; elle l'a faict pour satisfaire à ceulx qui l'interrogeoient assez outrageusement et aussi pour se garder d'estre parjure et oultre plus se nous voulons regarder et bien considérer les responses de ladicte Jehanne et subtilement discuter la sentence de ses parolles, nous trouverons qu'elle n'a rien dict impertinent mais a parlé et respondu en double sens et intelligence ; ce qu'elle déclara appertement en sa fin, car sur certain passage, elle interroguée de la couronne portée au Roy de France respondit que ladicte couronne n'estoit poinct faite par main de ouvrier, mais estoit envoyée de paradis miraculeusement et qu'il n'y avoit orfaivre au monde qui en eust seu forger une telle si belle et si riche. Ces parolles donnent à cognoistre qu'elle entendoit ladicte couronne estre transmise et envoyée de Dieu le créateur, c'est à dire que ceste couronne signifiait la récupération du royaulme de France et le couronnement du Roy, lequel devoit estre faict à Reims ; et la senteur et odeur différente de ceste couronne denotoit le fruict des bonnes œuvres et de la bonne justice que devoit fere ledict Roy, ainsi qu'il feit. Et en sa fin persevera de dire et confesser que l'ange avoit porté ceste couronne au Roy de France ; et fault interpréter et exposer que, à cause que Dieu l'avoit envoyée, elle mesme estoit l'esprit qui portoit ladicte couronne au nom d'ung ange puisque Dieu l'avoit envoyée et transmise, veu que l'ange, selon les docteurs, vault autant à dire que messager ; et est nom d'office et non pas de dignité ou nature angélique, jouxte ce qui est escrit au second chapitre de Malhar, là où il est dict : « La bouche d'ung homme d'église garde la sentence de Dieu et de sa bouche et de sa langue procède la loy et les commandements du Créateur, car il est l'ange et le messager de Dieu : » ce que ladicte Jehanne entend dire en ung passage disant : « Plusieurs gens d'église m'ont veue et apperceue et non pas l'ange, lorsque ladicte couronne a esté portée au Roy de France. » Et fust le quatrièsme jour de mars et a donc correspond assez bien ce qu'elle a dict de la couronne baillée à l'arcevesque de Reims en la présence de plusieurs, car il estoit de Dieu déterminé que ledict arcevesque couronneroi à Reims le Roy de France, ainsi qu'il est advenu du depuys : par quoy je conclus que ladicte Jehanne fust l'ange et le messager qui apporta au Roy de France la couronne et la promesse de recouvrer son royaulme, laquelle couronne fut commise à l'arcevesque de Reims c'est à dire que Dieu l'a commis por couronner le Roy de France. Quant au regard de ce quelle dict grand multitude d'anges estoient por à envoyer ceste couronne, elle entend dire les esperits administrateurs de grâce et de science et qui sont dépputés et ordonnés pour garder les humains, lesquels anges, ainsi qu'elle dict ne sont poinct aucunes foys apperceus des hommes, car souvent les anges conversoient avec les hommes sans qu'ils les puissent veoir ne appercevoir. Ladicte Pucelle, en disant ces parolles, parloit par figure ou parabolle ; ce que nous demonstre la révérence qu'elle fit soy mesme audict Roy de France et la confession où elle dict : « J'ay veu en la main d'ung Ecossois l'image d'une pucelle armée laquelle estoit agenouillée sur un genoil et presentoit couronne ladicte à son Roy. » Ne vis jamais ymage ny figure qui luy fust semblable, ainsi qu'il appert par sa response au cinquante-deuxièsme article le fueillet cent vingt-troisièsme.
Le tierce article est subbretice et faux toutellement auquel est asseré ladicte Jehanne avoit dict et confessé de estre aultant certaine des apparitions divines et de visitation, consolation et saine doctrines, que de la passion de nostre Saulveur Jesus Christ ; car par plusieurs certains signes et grands arguments elle scavoit et cognoissoit la vérité desdictes révélations, desquelles se disoit estre se experte et certaine que se le diable se transfiguroit en la figure et semblence du bon ange, elle discerneroit bien de Sainct Michel et cognoistroit la fiction et menterie des faulx esprits. Cecy est narré au soixante-dix-huitièsme fueillet auquel elle dict n'avoir pas creu de léger ne folement et que d'entrer luy avoit faict une grande paour, ainsi que faict le bon ange, quand il s'apparoit à quelque bonne personne.
Plusieurs aultres apparences et signes évidens conviennent ensemble lesquels avons poursuivys coppieusement et largement sur le premier article, combien qu'il soit moult difficile de cognoistre et discerner la vraye et spirituelle révélation de la faulce illusion diabolique. Touteffoys, comme dict le benoist Sainct Grégoire au dixièsme livre de ses dialogues, « Sainctes gens savent bien discerner et cognoistre pour la grande amour et ardeur de la charité qu'ils ont en Dieu la différence d'entre les diables et les bons esperits, tellement qu'ils cognoissent l'inspiration du Sainct Esprit et la couverte malice du maulvais esperit. » Par ceste sentence de Monsieur Sainct Grégoire, chacun peult entendre la différence du bon ange et du maulvais. Cecy est approuvé par l'exemple de Sainct Martin, auquel s'appareut ung diable fort beau et délectable à veoir ; mais en quelque forme ou figure qu'il se transformast, c'est à scavoir ou spirituelle ou diabolique, comme aulcunes fois il se apparissoit vestu de pourpre, couronné d'un diadesme ou précieuse couronne, Sainct Martin cognoissoit bien qui il estoit. Plusieurs aultres exemples semblables sont mis et escrits en la vie des Pères par lesquels est excusable et digne d'estre soubstenue l'affirmation et confession de ladicte Pucelle.
Le quatrièsme article contient que ladicte Jehanne se vante de scavoir les choses qui doyvent advenir. Sur cest article fault considérer quelle n'a poinct parlé follement ne par témérité en la cognoissance des choses futures, car cela signifie que Dieu l'avoit envoyée au royaulme de France, veu qu'elle n'a pas dict scavoir les choses advenir par jactance ou par vanterie, considéré que au trente-troisièsme article, auquel on l'accusoit de ses parolles, elle a sagement respondu : « Messieurs, il appartient à Dieu seulement révéler à celluy qui luy plaict, les choses qui sont futures et advenir. » Par quoy on peult cognoistre que ce qu'elle a dict de ce glaive, lequel elle envoya quérir dedans l'Eglise Saincte Catherine de Fierbois et d'autres choses que c'est par révélation divine, veu que tout elle réfère et rapporte à la vertu divine sans se vanter d'aulcune chose ; mais cognoissant ce beau mot de l'evangille où il est dict : « Mon Dieu, mon Créateur je te mercie, tu n'as pas volu donner à cognoistre aux grands docteurs et aux grands clercs les secrets, lesquels tu as bien daigné reveller aux petits simples ydiots. » Et davantage que scauroit-on dire choses plus véritables que celles qu'elle a dictes de la couronne du Roy de France et de la franchise et liberté de la ville d'Orléans et du couronnement du Roy qui se devoit fere à la Cité de Rheims, laquelle pour lors estoit encores dettenue par les Anglois. Ces choses sont escrites en la seconde examination au trente-huitièsme fueillet où elle a dict et déclaré aux Anglois : « Devant qu'il soyt jamais sept ans vous perdrez plus grand bien et richesse que vous n'avez à Orléans et souffrirez plus grande perte que vous n'avez faicte aux François, » ce qui a esté accompli en la réduction de la ville de Paris, ainsi que chacun cognoit bien maintenant.
Nous voyons encores pour le jourd'huy chose plus ample et plus certaine par le don et la grâce de Dieu advenue et accomplie, car, elle dict publicquement que son Roy recouvrera le royaulme de France et de ce estoit aussi certaine, comme se elle estoit présente en jugement devant les juges. Le diable n'eust seu deviner si longtemps devant la récuperation du royaulme de France et ce qui est devant dict, lequel peult seulement par congecture ou par l'agilité de sa nature ou par expérience prédire les choses futures, ainsi que récite Monsieur Sainct Augustin au livre de la nature des diables. Par quoy, je dys que le Sainct Esprit luy a révellé et enseigné ce glaive mussé et couvert au temple de Saincte Catherine de Fierboys, lequel estoit scigné de trois croix et quelque chose qu'on ayt dict contre elle, jamais ne fict prière ny déprécation sur ledict glaive, affin qu'il fut plus avantageux ou plus heureux pour elle et n'avoit pas plus d'espérance à icelluy qu'à ung autre ; mais icelluy gesta au loing et en print ung rompu d'ung Bourguignon lequel glaive luy sembloit plus convenable à batailler. Et si elle avoit prophetisé que Dieu la délivreroit de la prison, ce qui n'a pas été véritable, on ne doibt pas por tant dire ou penser que ce qu'elle avoit prophétisé au devant soyt erronné et faulx ; car nous lisons qu'il en est autant advenu aux Saincts Prophètes, ainsi que dict Monseigneur Sainct Grégoire au second livre des dialogues : « Le Sainct Esprit ne illumine pas tousiours les prophètes ; car il donne son inspiration où il luy plaict et de ce nous avons l'exemple du prophète Natan, au second livre du Roy, auquel fust demandé si David devoit construire ung temple. Premièrement respondict que licitement David le pouvoit fere ; d'en depuis deffendit à David qu'il ne le fit pas, comme il luy avoit dict. »
Nous lisons semblablement du prophète Elisée, lequel voyant une femme pleurer à grande abondance et ne scavoit la cause pour quoy ; il dict à ung enfant qui luy deffendoit de pleurer : « Mon enfent, laysse la pleurer pour ses péchés et l'ancaritude en laquelle est son âme ; car mon Dieu ne veult pas que je scache la cause de son pleur et ne me l'a pas révélé, et nostre Seigneur par sa clémence et miséricorde le consent et permet ainsi. » Par ce poinct nous pouvons veoir que nostre Seigneur aucunes foys donne inspiration aux prophètes et concède aux prophètes de prédire aucunes foys les choses advenir et aucunes foys non ; ainsi que le déclare plus pleinement Monsieur Sainct Grégoire en la première Omélie de Ezéchiel. Touteffoys ladicte Jehanne a tousiours respondu incertainement et doubteusement de sa délivrance pour nous donner à cognoistre que nous ne scavons l'heure, ne le jour de nostre désinement, mais a dict finablement qu'il luy a esté révélé et prononcé par le Sainct Esprit : « Ne te soucie poinct de ton martyre ; car après la mort tu parviendras au royaulme de paradis : recours tousiours à Dieu ; car tu seras à la fin délivrée par tribulation et jugement cruel. » Par ce l'on peult bien veoir quelle prédict sa mort, selon ce que les Anges et Sainctes de paradis luy avoient dict.
Oultre plus demanda aux esprits si elle seroit bruslée ; lesquels luy répondirent : « Laisse fere Dieu et Il te aydera. » Ce cy est escrit à son procès à l'interrogation faicte le neufvièsme jour de may.
Quant au cinquièsme article, auquel est récité qu'elle se dict avoir vestu et prins abillement d'homme por le commandement de Dieu et en cest estat avoit reçeu le Corpus Domini, il fault regarder et considérer ce que j'ay allégué sur le premier article où toutes ces raisons sont couchées et déclarées, c'est que on croit que Dieu l'avoit envoyée pour fere la guerre contre les Anglois fiers et orgueilleux et pour hanter parmy les gens d'armes, en assurance de sa virginité luy permit prendre et se vestir habit d'homme pour l'assurance de son corps. Nous croyons aussi qu'elle n'a pas porté cest accoustrement par superstition ou dissolution, mais par le vouloir de Dieu ; et n'a pas dict aussi qu'elle vouloit demeurer tousiours en cest estat, mais tant seulement cependant quelle estoit au service du Roy de France par le commandement divin, et aultant qu'il plairoit à Dieu, ainsi qu'il appert par plusieurs raisons devant mises. Par ce on ne la doibt poinct réputer héréticque ; car si elle a reçeu son Créateur atout cest habit, la nécessité de son office et de sa charge luy a faict fere. Tout ainsi qu'à Saincte Marine n'est pas donné à blasme ne vitupère l'habit d'homme qu'elle portoit pour conserver sa virginité au monastaire d'aulcuns moynes, auquel elle vescut toute sa vie, sans que l'on cogneust son sexe. Et avec les moysnes fréquenta, receust le sacrement de l'autel et ne sceust-on poinct qu'elle fust femme, jusques à tant qu'il se vint à ensépulcrer son corps. Nous lisons semblablement de Saincte Eugène laquelle vescut à tout habit d'homme longtemps moult chastement.
Idem, dict et confesse ladicte Pucelle touchant l'assomption du sacrement de l'hautel en habit d'homme ung poinct qui est teu et celé à son procès, c'est à scavoir, que, combien qu'elle receust son Créateur au temps qu'elle suivoit la guerre à tout accoustrement d'homme, touteffoys ce n'estoit pas à toutes ses armures. Par quoy on cognoist la dévotion et révérence qu'elle avoit au sacrement de l'hautel.
Quant au sixièsme article auquel il est reproché à ladicte Jehanne quelle mettoit en ses letres Jesus Maria et le signe de la croix affin quelle ne fust désobéye, elle mesme confesse bien avoir faict escrire les noms Jesus Maria et en l'amict de sa verge ou en signet et pareillement à son enseigne et estendart, laquelle chose ne luy doibt poinct estre reprochée ne à tout autre bon chrestien, car est une chose religieuse et très dévoue ; par quoy plusieurs dévots et sages personnages escrivent ces mots en leurs letres. Touteffoys est bien vray qu'elle confesse avoir faict le signe de la croix devant ses gens pour leur donner à cognoistre qu'ils ne fissent pas ce qu'elle escrivoit, mais il faut entendre que c'estoit un signe faict en façon de la croix, ce que plusieurs princes et pieux font encore en leurs affaires ardues et secrètes, affin que l'on ne cognoisse pas leurs secrette intention et qui plus est escrivent toutes leurs lettres par chifres et caractères ; affin que l'on ne cognoisse le secret d'entre eulx. Je dis davantage que n'est poinct mis à son procès qu'il luy ayt esté deffendu de ce fere en ses lettres sur peyne d'estre envoyée en exil.
Il faut notter qu'on a adjousté cauteleusement en la fin de ce sixièsme article que ladicte Jehanne a faict escrire en ses lettres quelle feroit tuer ceux qui estoient inobédients, en disant le nombre des coups quelle leur feroit donner. Tels s'efforcent de la dire et répputer pleine de crudélité et férocité, lesquels taisent ce qu'elle a dict tant excellentement en la dixièsme cession au vingt-septièsme fueillet où elle confesse que jamais ne tua, ne fit tuer aucune personne; mais, qui plus est, quand elle assailloit ses adversaires, elle mesme portoit son estendart por eviter meurdre. Ils taisent aussi que ladicte Pucelle requist par lettres missives et ambassadeurs qu'il luy fust permis mener et conduire l'ost en Bourgoigne affin que meurdre et deconfiture ne s'ensuyvissent, ainsi qu'il a esté escrit au dix-huitièsme article, fueillet quatre-vingt-treizièsme. Ils cellent et taisent davantage que durant le siège d'Orléans, elle escrivit une letre suadente la paix et advertissant les Anglois ses adversaires de retourner en leur pays et laysser le royaulme de France en paix pour et à celle fin éviter à effuzion de sang humain, desquelles letres la coppie est au procès au quatre-vingt-quatorzièsme fueillet entre les aultres articles. Toutes ces raisons l'excusent et exemptent de crudélité et felomnie.
Touchant le septièsme article, il est dict qu'en l'aage de dix sept ans elle s'en alla toute seule à ung homme de guerre à soy incogneu et non jamais veu. Il semble qu'ils veulent inferer qu'elle estoit paillarde, oublieuse de honte et toute honnesteté de femme, mais en ce la calomnient et desprisent faulcement et à grand tort de ce qu'elle dict à son procès que les voix l'admonestoient de venir en France au secours du Roy et sur ce s'en alla conseiller à un sien oncle et luy conta son propos et son intention en luy disant : « Mon oncle, il me fault aller en la ville de Vaucoulleurs. » Adonc son oncle la mène jusques à ce lieu, auquel elle trouva ung homme de guerre, nommé Robert de Beaudricourt. Tout cecy est récité à l'interrogatoire faict le vingt-deuxièsme jour de febvrier au vingt-deuxièsme fueillet.
Oultre plus là où ils l'accusent de ce qu'elle se partit au désir et sans le congé de ses parents, elle respond honnestement disant : « Il est vray que je partis secrètement de peur de troubler et mettre en doleur et trystesse mon père et ma mère et ceulx de ma consanguinité et affin qu'ils n'empêchassent pas mon aller et departement ; et, posé le cas que j'eusse encreu père et mère, si eussè-je deu désobéir à leur commandement pour obéyr à Dieu. » C'estoit sagement parlé pour une simple pucelle qui entendoit dire qu'il fault plustost obéyr à Dieu qu'aux hommes. Elle scavoit bien qu'on doibt premièrement accomplir le vouloir de Dieu, puis après satisfaire à la volunté de père et de mère en ensuivant l'exemple de Jésus Christ, lequel, quand il fust trouvé par sa mère et Joseph dedans le temple où la Vierge Marie, lui dict : « Ha mon cher fils, ton père et moy te cherchons en grande dolle et tristesse. » A laquelle respondit Jésus : « Pourquoy me quérez-vous ? ne scavez-vous pas bien qu'il convient accomplir premièrement la volunté de Dieu mon Père, qui m'a icy-bas envoyé des cieulx. » Par quoy la bonne Pucelle dict au lieu préallégué et en plusieurs autres qu'elle a esté tousiours très obediente à ses parents en toutes aultres choses.
Quant au regard de ce qui est escrit en ce septièsme article, c'est à scavoir qu'un gent d'arme luy bailla ung habit et accoustrement d'homme, cela est faulx, selon ce qu'elle confesse en plusieurs passages, disant s'estre vestue en cest estat sans l'admonition ne conseil d'aucun homme vivant, ainsi qu'il appert en la seconde cession au vingt-troisièsme fueillet confessant encore avoir prins cest estat et s'estre appliquée au faict de la guerre.
Je dis davantage qu'on a controuvé et divisé ce qui est mis en la fin d'ung chapitre, c'est à scavoir qu'elle dict au Roy de France : « Sire, je viens à vous pour mener la guerre contre vos ennemys, affin de vous mettre en honneur et temporelle dignité et domination, » ce que jamais n'est sorti de sa bouche, comme j'ay désià dict au premier article, mais il est bien vray qu'elle dict : « Sire, je suis venue devers vous par le vouloir et le commandement de Dieu à l'ayde duquel vous recouvrerez vostre royaulme et non pas pour avoir victoire contre vos adversaires, mais por retirer d'entre leurs mains et de leur tirannie par juste et légitime bataille vostre royaulme et vous fere régner et dominer en paix et en tranquilité en votre dict royaulme, lequel est à présent injustement déttenu par les Anglois. »
Le huitièsme article prétend causer et approuver en elle crime de désespoir, disant qu'elle se gecta du coppeau d'une tour par désespération. Sur quoy convient diligentement peser et considérer ses parolles et honnestes responses qui la purgent de tout vice et iniquité ; car, elle interroguée et examinée, dict en aucun lieu : « J'estoys irée et courroucée de ouyr dire que les Anglois venoient et approchoient, par quoy, de peur d'estre rendue entre les mains et en leur subgection, je saillis du coppeau d'une tour en me recommandant à Dieu et à la benoiste Vierge Marie. » Sur ce, on l'interrogua et examina ascavoirmen si elle aymoit mieulx mourir que de tumber entre les mains des Anglois. A quoy elle respondit pour se purger du crime de désespération : « Messieurs les juges, j'eusse plustost volu rendre mon âme à Dieu que d'estre en la main et subgection des Anglois. » Ainsi la rectifie et approuve en la sixièsme cession, faicte le troisièsme jour de mars au quarante-cinquièsme fueillet.
Ung autre lieu a dict et déclare la piteuse, bonne et juste cause de son salut, en disant ; « Quand j'estoys sur le coppeau de la tour prémise, je ouys dire que les Anglois avoient faict un cruel édict ; c'est ascavoir que tous ceulx qui tenoient la querelle et parti du Roy de France, excedans l'âge de sept ans seraient viollentement et crueslement bruslée. » De laquelle chose moult triste et dolente prononça haultement ces paroles : « Hélas ! et comment permettra Dieu le Créateur tant de gens de bien qui ont esté ridelles et loyaulx à leur prince, ainsi piteusement mourir ; » par quoy elle, meue de compassion, saillit du hault en bas pour subvenir à la calamité des bonnes gens tenant la querelle du Roy de France. Sur ce on lui demanda ascavoiremen se quand elle se gecta de hault si elle ne se cuidoit pas tuer. A quoy respondit que non, mais en saillant se recommanda à Dieu et à la Vierge immaculée en espérant par le moyen de ce sault, éviter et eschaper de la main des Anglois. Telle response donna en la présence de l'inquisiteur de la foy commis au diocèse de Rouen, au troisièsme examen faict le quatorzièsme jour de mars, ainsi qu'il est récité au quatre-vingt quatorzièsme fueillet.
Encore en ung aultre lieu s'excusa plus pleinement disant : « Je faillis de ceste haulte tour non pas par désespoir, mais en espérance de garder et saulver mon corps et l'employer à secourir plusieurs gens de bien estans en grant nécessité ; et après ce sault me suis dévouement confessée et cy ai requis au créateur pardon et mercy, lequel ainsi qu'il m'a esté revellé par le Sainct Esperit ay obtenu et impétré de Dieu mon Rédempteur. »
Par ces trois raisons, je trouve qu'elle est excusable du crime et péché que on luy vouloit imposer, veu et considéré la bonne fin et intention, par quoy elle le fit, c'est ascavoir pour subvenir et ayder aux pouvres captifs et les préserver et garder de l'orrible tourment qu'on leur avoit machiné et préparé et qui plus est de ce fit suffisente et dévotte confession et impétra de Dieu pleine rémission, dont je conclus qu'on ne la scauroit dire ne réputer désespérée, veu que désespération, selon la déffinition des théologiens est quand on se déffie toutallement de la bonté de Dieu, et quand on estime la gravité de. sa malice et de son péché, excéder la magnitude et grandeur de la miséricorde et bonté divine, comme Cayn lequel dict : « Ma malice et iniquité est si grande, qu'il n'est pas possible d'avoir grâce ne pardon de Dieu. »
Quant au neuvièsme article auquel il est faict mention de la promesse et certification de son salut que les anges luy ont révélé se on veult dire que c'est ung mensonge controuvé par elle, je dis le contraire, car elle a parlé et respondu pertinemment et très sagement ; mais qu'on entende et interprète droictement les parolles qu'elle a dictes et exposées de son bon gré en la manière que ensuit : « Je suis certaine de mon salut et que je seroy saulvée, mais que je tienne et garde le veu et la promesse que j'ay faicte à mon Dieu, c'est ascavoir que je garderoy la virginité tant de mon corps que de mon âme. » Il nous semble qu'en ce vouloir et couraige elle a eu saincte et religieuse opinion s'accordant à ce que dict l'Escripture : « Virginité remplit les sièges de paradis, ainsi que mariage accroist et multiplie le monde, et seule chasteté présente et rend agréable à Dieu nos âmes. » Selon ce que dict Sainct Augustin, virginité faict la personne égale aux anges, ou selon Sainct Hiérosme plus noble et digne que tous les anges. Il faut bien notter les parolles de la Pucelle qui parloit de virginité corporelle et spirituelle entendant que vraye et parfaicte virginité est conservée et gardée par pure et necte volunté, car mainctes sont vierges de corps qui ne le sont pas de volunté et pensée ; et qui vouldra sur ce poinct conférer et conjoindre tout ce qu'elle a dict et confessé et veoirra et cognoistra qu'elle n'a rien dict qui soit contre la foy et la loy chrestienne, quoy qu'elle fust une simple et imbécille Pucelle, elle n'a pas entendu la différence de péché mortel et véniel ce qui est a cognoistre aux clers et docteurs.
Et moy qui parles, ay bien souvenance d'aveoir veu et ouy d'aucuns simples hommes rusticques et ruraulx qui n'estimoient ne croyoient poinct que ce fust péché mortel, s'il n'estoit grand, énorme et dettestable, comme fere homicide, guetter les marchands, forcer jeunes pucelles, brusler maisons et aultres semblables péchés ; mais, quand on demande à ladicte Pucelle si elle estoit en la grâce de Dieu, elle respondit subtillement et très dévouement : « Messieurs, se je n'y suis Dieu et sa bénivolence me veuille mettre, et, se je y suis, le Rédempteur m'y vueille entretenir et conserver. » Ceste responce fust donnée d'elle le vingt-quatrièsme jour de febvrier, ainsi qu'il est escrit au vingt-septièsme fueillet.
En ung aultre lieu, on luy demanda de qui elle avoit eu telles révélations et inspirations et si elle pensoit qu'il luy fust illicite de se confesser. A ce respondit : « Messieurs les Juges, je ne scay se je suis en estat de péché mortel ; mais se je pensois y estre, je deprierois Saincte Marguerite et Saincte Catherine, lesquelles me le feroient relâcher et pardonner ; et vous dis encores que nul ne scauroit trop purger sa conscience. » Ceste examination luy fust faicte le mercredi vingt-quatrièsme jour de mars au soixantièsme fueillet. Regardez comme sa réponse est sage et religieuse ; car elle ne se vante poinct d'estre exempte de péché, ne de n'avoir poinct offencé ou ne pouvoir tumber en péché, mais dict fidellement : « Les Saincts et les Sainctes de Paradis ne se apparissent pas à ceulx qui sont contaminés et maculés de la tache de péché. » Ceste response a esté plus clairement déclarée à ung aultre examen, auquel luy fust demandé si, après quelle avoit eu et ouy les révélations divines, si elle cuydoit poinct pécher. A ce respondit : « Je n'en suis pas certaine ; mais du tout me rapporte à Dieu le Créateur et à son jugement remecte tout. » Alors luy fust dict : « Ceste response est de grand présomption et de grand poids. » A quoy respondit : « Il est vérité je la tiens et répute estre venue d'ung grand et très riche trésor. » Ainsi qu'il appert en l'interrogation faicte le quatorzièsme jour de mars, au fueillet soixante-quatrièsme.
Quant à ce qui est allégué en ce dixièsme article de sa téméraire et folle assertion où elle affirme que Dieu ayme les pèlerins de ce monde les ungs plus que les aultres, il me semble qu'il n'y a poinct d'erreur ; mais qui plus est à son advantage, elle confesse assez humblement que Dieu ne ayme en ce monde aucuns plus qu'elle, ce qu'elle entendoit dire du duc d'Orléans duquel se dict avoir ouy plus de révélation après le roy de France que d'aultre qui soit sur terre; car Dieu ainsi qu'elle dict, l'avoit envoyée pour secourir ceux d'Orléans, lesquels estoient assiégés et detenus en grande calamité. Touteffoys n'a pas dict témérairement ou follement scavoir aucune certitude de leur saulvation et a bien sagement saulvé les choses qui sont contre la charité de son prochain comme on luy eut peu dire des Anglois, en disant : « J'ayme ceulx que Dieu ayme, et ceux que Dieu hayt, je les hays. » On lui demande si elle scavoit poinct que Saincte Catherine, Saincte Marguerite et les Anges avoient les Anglois en hayne et indignation ; à quoy respondict : « Je ne sais pas l'amour ne la hayne que Dieu a envers les Anglois, mais je suis bien certaine qu'ils seront chassés hors du royaulme de France. » Comment donc eut elle hay les Angloys, lesquels avoit admonestés et exortés charitablement par letres de fere la paix, ce qui est apparent en la coppie des letres mises entre les articles au quatre-vingt-dix-huitièsme fueillet.
Au regard des Bourguignons, jamais ne se dict les hayr, mais trop bien quelle ne les aymoit poinct pour les révélations divines qu'ils luy furent faictes. Sur ce on l'interroga, si les voix célestes luy avoient conseillé de hayr les Bourguignons. A ce ne respondit poinct et se teust des voix divines, disant seulement : « Depuis que j'entendis les Saincts Esprits favoriser au Roy de France ? Je n'ayme les Bourguignons. » Et dict encore : « Je auroy guerre à eulx, s'ils ne font ce qui est à faire et s'ils ne viennent à raison. » Par quoy j'accorde qu'elle n'ayt poinct mis de distinction en dysant : « Je n'hays poinct les Bourguignons, mais leur follie et faulce erreur. » Touteffoys il me semble que son opinion fust bonne, veu le signe de charité qu'elle monstra aux Bourguignons, quand par letres et ambassadeurs requist le duc de Bourgoigne qu'il luy pleut de traicter paix avec le très chrestien Roy de France, ainsi qu'il est escrit au dix-huitièsme article, quatre-vingt-quinzièsme fueillet.
Le unzièsme article est tout plein de perplexité contenant plusieurs faultes et erreurs ; car tout premièrement il est imputé à ladicte Pucelle qu'elle faisoit révérence aux ymages qui se apparissoient à elle. De quoy cest article la veult dénotter ydolatre, lequel cauteleusement celle et tayt l'humilité et digne révérence que la simple Pucelle faisoit et monstroit à ces figures et ymages, comme à celles qui sont réellement en Paradis et croyoit et pensoit fermement que ce fussent les bonnes Sainctes qui sont es cieulx, n'entendant pas révérer et honorer icelles Sainctes comme ymages de pierre et de bois, mais celles qui sont décorées servies et honorées des bons et fidelles chrestiens et a dict encore plus : « Je fais honneur et révérence à ces esperits qui s'apparoissent à moy, comme à Saincte Catherine et Saincte Marguerite qui sont en la gloire éternelle, et, en l'honneur d'icelles, ay faict mettre et establir aux chapelles, temples et églises, ymages et estatues qui les représentoient. »
On a layssé cauteleusement et par malice comme elle faisoit dire et célébrer vespres, messes et matines en l'honneur et révérence des Sainctes dames glorifiées en paradis ; car posé le cas que ce eussent esté illusions les choses dessusdictes l'excusent de ydolatrie.
Ceulx qui la vérité veulent en cest article approuver et demonstrer invocatrice ou invocature des diables ne interprètent, n'entendent pas bien les choses dictes assérées et confessées par elle cy devant où elle a respondu sur l'interrogation qu'on luy a faicte touchant l'invocation ou appellation des Sainctes Vierges : « Les Sainctes Vierges viennent souvent, sans que je les appelle, et, s'ils ne venoient, je requereroys et supplieroys à Dieu qu'il me les envoyast. » Vela donc comme elle n'est pas invocatrice des esprits, mais Dieu le Créateur, affin qu'il luy plaise la visiter et conforter par ses Saincts et Sainctes qui sont les advocats des pouvres humains et qui plus est la bonne vie de quoy elle a vescu, la mect hors de suspicion et fantazie, veu et considéré qu'en l'interrogation qu'on luy a faicte touchant la manière et les parolles de invoquer et appeller les Anges et les Sainctes de Dieu a respondu : « J'ay tousiours réclamé mon Rédempteur Jésus et sa très digne mère qu'ils leur pleist m'envoyer conseil, confort et consolation en faisant telle requête : « Mon Dieu miséricor, je te requers en l'honneur de ta doleureuse passion qu'il te plaise me révéler la manière et façon comme je respondray à ces Juges ecclésiastiques et grands clercs qui ont la charge de me examiner. »
Semblablement c'est une menterie de dire qu'elle voua sa virginité aux ymages, veu qu'il fault entendre qu'elle voua, dédia et promeit sa virginité seulement aux Sainctes envoyées de Dieu et principallement au Rédempteur du monde, sans avoir aultre intention sur ce poinct. Elle une foys examinée respondict : « Il me doibt bien suffir de promettre et vouer ma virginité à ceulx qui sont envoyés de par mon Dieu Jésus. Il fust faicte ceste examination le lundy douxièsme de mars, le fueillet cinquante-deuxièsme.
En ceste mesme examination, confessa avoir promis garder sa virginité, aultant qu'il plairoit à Dieu, et aussi par ung simple veu commeict sa virginité en la sauvegarde de Dieu. Par ce déclare expressément n'avoir faict veu qu'à Dieu le Créateur, et par ce moyen entendoit la seure et certaine saulvation de son âme ; mais qu'elle conservast et gardast le jurement et la promesse qu'elle avoit faicte au Créateur, c'est assavoir, qu'en l'honneur de Jésus, elle garderoit sa virginité corporelle et spirituelle. Dieu est ainsi servi et honoré par Saincts vœux et promesses, jouxte le dict du prophète royal David : « Venez et faictes à Dieu promesses et luy tenez ce que vous luy aurez voué et promis. »
De ce qui est adjousté en cest article, c'est à scavoir qu'elle a celé à son curé et aux prebstres ses inspirations et révélations, elle s'en est légitimement excusé en la cession qui fust faicte le douzièsme jour de mars, où elle dict les anges et les sainctes de Dieu ne m'ont pas contraincte de taire et celler leurs apparitions ; mais je craignois beaucoup à les réveller pour la craincte des Bourguignons. Ladicte Pucelle doubtoit que les Bourguignons ne l'empêchassent de fere son voyage en France et espécialement redoubtoit père et mère ayant paour de les troubler et courroucer par son despartement lequel ils eussent retardé et empêché, ce qui fust la juste et légitime cause de tenir ses choses secrèttes pour aulcun temps. Pareillement elle craignoit s'en descouvrir à son curé lequel ne l'eust peu tenir secret sans grand danger de sa personne ; aussi luy eust-il peu facilement prohiber et deffendre de fere le commandement de Dieu. A ceste cause céla son cas jusques à tant qu'elle fust si loing qu'on ne la peult plus retirer ne empescher de son voyage. Car quand elle fust parvenue devant le Roy de France le dist et confessa publiquement à tout le moings devant tous les gens d'Eglise de Poictiers qui feurent trois semaines assemblés pour l'examiner et interroguer.
Quant au douzièsme et dernier article il m'est advis que ceux qui ont faict ledict article prennent les parolles de ladicte Pucelle trop à la rigueur touchant la submission de l'Eglise ; car si nous voulons bien recueillir et réduire ses parolles ensemble et ses confessions, nous trouverons qu'elle n'entendoit pas au commencement que c'estoit que de l'Eglise. Aulcunes foys elle pensoit que l'Eglise fust consistante et contenue aux juges lesquels elle avoit et tenoit suspects ; aulcunes foys craignoit se soubmettre au jugement de l'Eglise, croyant que tout aussitôt qu'elle s'y seroit soubmise on la condamneroit à mort. En la fin je trouve par plusieurs raisons qu'elle eust bonne estimation de l'Eglise et saine opinion et cogneut la puissance d'icelle. Premièrement, sa simplesse et imbécilité la doyvent excuser ; car quand on luy demanda si elle se vouloit rapporter à la determination de l'Eglise, elle respondit : « Quant au regard de ma mère l'Eglise je l'ayme bien et la veuil soubstenir et déffendre de toute ma puissance pour nostre foy et ne suis pas, celle qu'on doibt empescher d'aller ouyr messe et fréquenter l'Eglise. » A ceste cause, elle entendoit de sa simplesse l'Eglise estre seulement le circuit des murailles et paroits, le clocher et toute l'aultre edifice de l'église. Du depuis une aultre foys dict : « De tout ce que j'ay dict et faict, je m'en rapporte à Dieu mon Créateur et à la benoiste Vierge Marie et à tous les Saincts et Sainctes de paradis. » Et luy estoit advis que de Dieu et de l'Eglise estoit tout ung et que de cela on ne devoit poinct fere difficulté en disant : « Pourquoy en faictes vous difficulté. » Aussi elle récusa pour son juge l'evesque de Beauvoys en disant : « S'il est ainsi qu'il me convienne rendre et submettre au jugement ecclésiastique, faictes venir aultant de gens ecclésiastiques du cousté de France comme d'Angleterre. » Ce requist et demanda devant qu'il vienne en la jurisdiction.
Bientost après fust citée et contraincte de comparoistre en jugement ainsi que rapporte et déppose celluy qui la cita. Il a encore mis plus à plain à son procès qu'elle requist avoir trois ou quatre clercs de son cousté et devant eulx diroit et confesseroit toute vérité. Elle fust interroguée sur ung aultre poinct, ascavoiremen s'il luy estoit advis qu'elle devoit respondre plus evidentement devant le Pape, vicaire de Dieu. Sur ce supplia très affectueusement estre menée au Pape et devant lui confesseroit et diroit la vérité et tout ce qu'il luy commanderoit dire. Par quoy il appert clairement qu'elle déclina et récusa la jusridiction de l'Evesque de Beauvays et qu'elle avoit prié estre renvoyée au Sainct Père. Toutes ces raisons sont narrées en seconde examination du sabmedi dix-septièsme jour de mars, après midi.
En ceste requeste et supplication persévéra constamment jusques à la fin de son procès. Derechef requist et supplia encore une foys d'estre menée au Pape et protesta devant tout le peuple en jugement, à l'heure qu'on donna la sentence contre elle que tousiours avoit requis la jurisdiction de nostre Sainct Père le Pape. Alors fust cogneue la malice et iniquité du juge qui la condampna et de ses ennemys mortels, lesquels désirans oultrageusement mettre à fin leur vengeance conceue et machinée en leur faulx courage n'ont poinct eu en craincte ne en révérence l'auctorité du Sainct Siège Apostolique auquel se doibt chascun humblement rapporter et rendre principallement aux matières de la foy, et à cedict Sainct Siège doyvent recourir tous vrays catholiques, quand ils trouvent hérectiques et ydolatres errans contre la foy chrestienne car ainsi le conseillent et proclament tous les droicts et saincts canons.
Ces faulx juges, traictres et desloyaulx, respondirent qu'il n'estoit pas possible d'aller si loing à nostre Sainct Père le Pape et qu'ils estoient juges ordinaires chacun à leur diocèse, beaucoup d'aultres parolles desrogantes à l'auctorité du Sainct Siège appostoliques. Pour ce lesdicts juges étoient plus à blasmer et vitupérer que ladicte simple Pucelle ; car ces choses sont manifestes en la fin du procès, le vingt-quatrièsme jour de mars, fueillet numéro six. Par quoy il est tout nottoire et manifeste que son intention fust de ouyr et attendre le jugement du vray et souverain juge, c'est à scavoir du Sainct Pape de Rome et éviter ce cauteleux jugement et fallacieuse sentence d'ung tas de clercs qui tous d'un accord avoient machiné sa mort et principallement les craignoit à cause que trop souvent l'examinoient par subtilles et horribles parolles et questions captieuses et luy demandoient se de ses crimes execifs et enormes pechés, elle ne vouloit poinct rendre et submectre à la jurisdiction ecclésiastique. La craincte et le doubte qu'elle avoit d'iceulx clercs fust bien monstrée et déclarée, quand elle requist que toutes ses confessions et responses fussent visitées par gens lettrés et experts et se ils trouvoient aulcune chose derrogante à la foy qu'il luy fust dict et elle scauroit bien respondre s'il estoit vray ou non, en protestant que se aucun mal y estoit apperceu contraire à la foy et loy chréstienne, poinct ne le vouloit soubstenir ny deffendre, mais seroit fort mairie d'aller à l'encontre. Ces parolles sont récitées au second examen faict le mercredy vingt-quatrièsme jour de mars.
En cest examen sur ung aultre poinct respondit : « Tout ce que j'ai dict, faict et pensé gist sous la miséricorde de Dieu auquel seul me remects et rapporte ; car je vous certifie, Messieurs de l'Eglise, que je ne vouldrois dire n'y fere chose qui fust derrogante à la foy catholique ; et, si vous scavez dire ou trouver sur mon corps quelque signe ou accoustrement contraire à la loy et foy chrestienne que Nostre Seigneur a preschée et establie, je ne le veulx pas soubstenir, mais expeller et regecter toutallement, » ainsi qu'il appert au cent quatre-vingt-treizièsme fueillet.
Idem, il appert en plusieurs faicts et dicts de son procès qu'elle a tousiours sainement estimé et pensé de l'auctorité de l'Eglise ; car, quand on luy demanda qui estoit le vray pape et à qui c'estoit qu'on devoit obéissance, elle respondit catholiquement : « Messieurs de l'Eglise, pour ce temps il nous convient humblement tous obéir au Pape de Rome, estant de heureux et prospère récordation et mémoire, comme Sainct Martin auquel je croy fidéllement et catholiquement. »
Idem il me semble qu'elle a eu bonne et saine opinion de la puissance des clefs et de absolution ; car elle a seu et cogneu que chascun bon paroissien doibt aller à confesse à son curé ou vicaire pour chascun an ; car quand on l'interrogua se tous les ans elle se confessoit à ung propre et certain prebstre, elle respondit proprement : « J'ay tous les ans esté à confesse à mon curé, ou s'il estoit empêché, par son congé à ung aultre prebstre ydoine et suffisent. » Ceste response fust celle donnée en la seconde cession, faicte le vingt-troisièsme jour de febvrier au vingt-unièsme fueillet.
Idem, elle estant agravée, mise au bas et débilitée par maladie causée de la longue prison trop cruelle et dure en laquelle estoit piteusement traictée par faim et par soif, requit et demanda confession et que le sacrement de l'autel luy fust administrée le dix-huitièsme jour d'avril.
Idem, quand l'evesque son juge récusé luy dict : « Jehanne, tu seras abandonnée comme une chienne sarrazine ; » elle donna telle response : « Je proteste que je finiroy mes jours comme une bonne chrestienne, bien baptisée, ferme et constante en la foy catholique. » Et quand on lui repplicqua de soy submettre et rendre à l'Eglise ; elle respondit : « Je n'en diroy aultre chose que j'ay dict. Scachez que j'ayme mon Dieu et le sers comme une bonne catholique et vueil soubstenir et honnorer l'Eglise de tout mon pouvoir : »
Après que les informations et enquestes furent faictes en la ville de Rouen, ainsi qu'il est nottoire, ladicte. Jehanne se rendit et submict à l'Eglise, laquelle submission et obeyssance l'Evesque de Beauvays prohiba et deffendit estre escrite, lequel commict et appareilla aucuns faulx traictres garnements pour la subborner et tromper et persuader de soy rendre et submettre au jugement de l'Eglise tenant le parti des Anglois ; car les tesmoings depposent que ung Anglois feinct et dissimulé feignit estre ung françois dettenu prisonnier et en ostage par les Anglois, lequel fust mis cauteleusement en la prison où elle estoit et la nuict secrettement luy venoit dire : « Jehanne, garde toy bien de te soubmettre au jugement de l'Eglise ou se tu le fais aultrement, tu es perdue. »
Idem, plusieurs tesmoings qui furent pris et assistèrent au jugement depposent que la bonne Pucelle tousiours se rendit et rapporta de son affaire au Pape et à l'Eglise universelle, ainsi qu'il est testifié, sur le douxièsme article et disent iceulx tesmoings que souventes foys requist estre menée au Pape. Et aucuns d'iceulx luy conseillèrent de se rendre et rapporter au Général Concile, auquel estoient assistens plusieurs prélats de la partie de la France. Ces tesmoings qui luy donnèrent tel conseil feurent reprins et menassés des Angloys. Par quoy je laisse à veoir et considérer toutes ces choses aux clercs et docteurs qui visiteront ce procès.
Maintenant convient veoir et regarder touchant la non valeur et inutilité du procès ascavoirmen se l'Evesque de Beauvays estoit juge suffisent et compétent pour la cause qu'il favorisoit et estoit du parti des Anglois et vouloit estre son juge seulement à raison quelle avoit esté prinse et appréhendée dedans son diocèse.
Posé le cas que ledict Evesque de Beauvays eust esté juge compétent et convenable. Touteffoys attendu et considéré qu'elle avoit par plusieurs foys décliné sa court et jurisdiction, il s'en devoit démettre et abstenir ; car devant qu'elle donnast aucune response, elle dict à celluy qui la vint citer : « Je requiers et demande que à mon procès soient convocqués et appellés les prélats et docteurs de France comme d'Angleterre. » Une aultre foys dict audit Evesque : « Monsieur, vous dictes que vous estes mon juge, voyez et considérez bien le grand danger qui vous en pend devant les yeulx ; et vous demmande la coppie de ce que j'ay respondu et depposé pour le fere monstrer et communiquer à la noble Université de Paris. »
Je dis moy qui parle qu'il est encore à veoir et regarder se le procès et la sentence sont faulx et de nulle conséquence pour ce qu'elle se rendit et submit au jugement du Pape et requist estre menée devant luy. Par quoy nous disons, qu'en telles matières qui sont touchant la foy, lesdicts juges s'en devoient dester et demectre. Attendu aussi que au commencement il fust déterminé que l'Evesque de Beauvays procéderoit avec l'Inquisiteur, frère Jehan Le Maistre, ainsi qu'il est récité au dix-neuvièsme fueillet ; sur ce doibt-on regarder se le procès est nul et inutile, parce que l'Inquisiteur ou son viccaire depuis le jour du procès commencé, qui estoit le neuvièsme jour de janvier ne assistèrent poinct, jusques au troisièsme jour de mars. Et durant ce temps qu'ils feurent absents feurent faictes neuf cessions et examinations à ladicte Jehanne.
Il fault veoir et considérer se la malice iniquité du juge est manifeste, après tant d'escandalles et calomnies faictes. Attendu que l'Evesque de Beauvays donna de l'argent innumérablement et fict un long pas et marché illicite pour avoir la simple et bonne Pucelle soubs sa puissance et jurisdiction, affin de la fère tourmenter et mourir : attendu oultre plus que, à la requeste dudict Evesque, elle fust livrée et rendue au Roy d'Angleterre, et après par cedict Roy franchement baillée audict Evesque qui aultre chose ne demandoit ; et protesta le Roy d'Angleterre qu'il en retenoit tousiours la jurisdiction et auctorité, ainsi qu'il est escrit es lettres qu'il envoya aux juges ; veu aussi et qu'elle fust mise aux prisons séculières laicques et prophanes et fust baillée en garde aux gens d'armes d'Angleterre et fust doleureusement enserrée et mise en fosse obscure et profonde. Et deffendit-on que nul ne fust si osé, ne si haut de la conseiller ou adviser sur tant de questions ardues et difficiles que par chescun jour luy estoient proposées, desquelles il est faict mention en la sommation du procès. Par toutes ces allégations on peult clairement veoir et appercevoir la malice, cavillation et tromperie de ceulx qui la jugèrent.
Il est ascavoir maintenant si on la devoit dire et repputer rencheuse et retumbée en ydolatrie, ainsi que ses ennemys disoient. Premièrement, attendu que jamais elle ne fit, ne entendit la cédulle de abjuration ou renonciation et aussi à raison que l'on ne tinct ne garda poinct ce que la plus grande partie des consuls vouloit que l'on gardit, c'est ascavoir que la cédeulle fust leue encore une fois et recommencée et que la simple Pucelle fust advertie en la lisant. Ce qui ne fust pas faict ; mais tout incontinent fust mise aux tortures et admenée en jugement. Je dis davantage qu'on ne la devoit poinct accuser d'estre rencheue, attendu quelle dict et respondict : « Je m'en rapporte au Sainct Père, auquel me rends et submects et vous requiers, Messieurs les Juges, que je soye renvoyée par devers luy. » A ce les juges ne se volurent consentir, ne accorder. Attendu aussi qu'elle se vestit d'une robbe d'homme à cause qu'elle estoit plus convenable pour frequenter et hanter parmy les hommes et qu'on ne luy garda pas ce qu'on lui avoit promis, c'est à scavoir qu'elle seroit permise de aller à la messe et qu'elle seroit defferée aussi, moyennant qu'on la mectroit en une prison plus gracieuse. Elle se disoit user de vestement de femme, lesquels habillemens, ainsi que depposent les tesmoings, luy feurent derrobés et reculés de nuict, affin qu'elle se revestis de robbe d'homme et que les juges et les Anglois eussent cause de la comdempner, comme obstinée et récidive en son mesfaict.
Discussio super duodecim articulis extractis e confessionibus Johannæ.
Circa articulos elicitos ex confessionibus Johannæ
vulgo dictæ la Pulcela, et per judices illius ad transmittendum
consultos, satis liquet percurrenti processum et confessiones ipsius Johannæ, illos forte
minus recte et sincere compositos. Siquidem omnia
collecta sunt, quæ ipsam Johannem gravare videbantur ; quæ collata cum aliis confessionibus, non ita
absona esse videntur, possuntque ex dictorum omnium
comparatione salvari. Quod si ita esse monstrabitur,
satis apparebit consultores, exemplum facti secutos, in
consulendo fuisse deceptos.
Primo dicitur ipsam Johannam circa tertium decimum
annum natam, sanctum Michaelem oculis corporalibus
et in effigie corporali vidisse, et multitudinem
angelorum, et sanctas virgines Katharinam et Margaretam. Quantum ad hoc, puto nemini dubium angelos
in formis corporalibus hominibus sæpe apparuisse, et
apparere posse. Sive enim in illis corporalibus apparitionibus
creatura aliqua creetur, sive formetur ad illud
opus tantum, id est, siveangeli qui mittuntur assumant
corporalem speciem de creatura corporea in usum ministerii,
sive ipsum corpus suum, cui non subduntur,
vertant atque commutent in species quas volunt, accommodatas
atque aptas actionibus suis (de quo est
quæstio apud Augustinum, lib. III° de Trinitate), non
curo : satis est angelos, etiam bonos, corporalibus speciebus
hominibus apparere. Tamen eos fuisse bonos
spiritus conjecturari possumus ex aliis dictis per ipsam
Johannam. Primo ex eo quod in ea ætate tredecim annorum,
quæ ætas tenera puritati et simplicitati proxima
est : ex quo satis præsumi potest virgini et incorruptæ
necdum inquinatæ peccatis, angelos bonos apparuisse ;
quoniam nequam spiritus in eorum mentes illabitur et
illos in errorem deducit, quos reperit subditos peccatis.
Alia præsumptio, ex eo quod dicit sibi prima visione
sanctum Michaelem incussisse terrorem, ut ipsa,
p. 52 (1), examinata testatur. Hoc idem testatur p. 171, dicens quod primo et secundo territa est,
nec credebat, donec angelus affaretur et consolaretur
eamdem. Quod exemplo angeli nuntiantis Mariæ incarnationem
Salvatoris, comprobatur, qui primo
aditu Virginem pavidam terruit atque turbavit ; ex
post pavidam consolatur, confirmat dubiam, ac familiariter vocans ex nomine : « Ne timeas » benigne persuadet.
Hoc, de incussione pavoris, ostenditur etiam ex
visione Ezechielis dicentis: « Et vidi, et cecidi in faciem « meam ; » Ezech. secundo cap. Et Johannes in Apocal.
primo cap.: « Et cum vidissem, cecidi ad pedes« ejus tanquam mortuus, etc. »
Alia est præsumptio ex desiderio illi relicto, et animi
ardore ad illum sequendum. Ait enim quod recedens
angelus non incussit sibi terrorem neque fremitum,
sed cum quodam gaudio admixtum dolorem de recessu.
Dicit etiam se flevisse eo quod eum, carcere corporis
obsessa, sequi non poterat. Simile legimus in vitis
Patrum, et sanctis viris contigisse in apparitionibus.
Hæc habentur p. 73.
Alia præsumptio resurgit ex optimis atque salutaribus
monitis ipsius angeli et virginum quas sibi dicit
apparuisse : primum ex eo quod dicit beatas Katharinam
et Margaretam eam exhortasse ad confitendum, p. 89,
quod nequam spiritus nullatenus faceret, qui pertinacia
peccati delectatur et suas semper latere vellet insidias ;
quod hortata fuerit ut frequentaret Ecclesiam, quam
diabolus horret ; quod bene se regeret ; item quod servaret
virginitatem, quam illa dicit se illis promisisse
tanquam missis a Deo, p. 127, qua exhortatione nulla
potest esse sanctior neque melior ; item quod angelus
sibi denuntiavit miseriam Franciæ et calamitatem,
hortans eam ut veniret in Franciam et subveniret oppressis
ac regnum a tyrannide eriperet, volens Deus
infirma mundi eligere, ut fortia quæque confunderet.
Nam asserit sibi a vocibus revelatum quod faceret depingi
in vexillo suo Regem coeli, et deinde eo libere
uteretur, ut patet p. 181.
Alia præsumptio resurgit ex eo quod dicit illas
imagines circumamictas lumine et claritate sibi apparuisse
; quod non et præsumendum de angelis tenebrarum.
Alia præsumptio resurgit ex eo quod ipsa Johanna
detestata fuit sortilegia illarum mulierum quæ
dicuntur volitare per aera, ex quarum numero dicit
se nunquam fuisse, p. 187 : ex quo apparet ipsam
cognovisse quid inter revelationes et diabolicas illusiones
intersit. Item ex eo quod dicit de quadam illusione
cujusdam Katharinæ, quæ dicebat sibi apparere
quamdam mulierem indutam vestibus albis, quam ipsa
Johanna irridet et detestatur, ut patet in sexta examinatione,
p. 106, satis patet ipsam scivisse discernere
et judicare de revelationibus et confictis illusionibus.
Item est alia præsumptio ex eo quod dicit se non
credidisse, sed ter sibi apparuisse antequam crederet :
ex quo apparet eam non temere et inconsulte fecisse.
Item est magna præsumptio, quia dicit interrogata,
quod sæpenumero in illis apparitionibus signavit se de
signo crucis, tamenetsi aliquando etiam non faceret,
ut patet ex illius responsione ad commonitionem archidiaconi,
p. 395. Quod si dæmones fuissent, non
tulissent signum Crucis ; sic namque agnitos et pulsos
in suis illusionibus dæmones a sanctis Patribus legimus.
Item ex eo quod testatur pluries in processu, habitam
super illis apparitionibus inquisitionem diligentem
Pictavis per clericos et litteratos viros, et ab illis
ante cognitionem rei fuisse objurgatam ; sed postea
illos sua facta probasse. Non est autem præsumendum
illos tota aberrasse via.
Item est præsumptio ex fine et intentione ipsius
Johannæ, et assidua postulatione quam faciebat illis
Sanctis apparentibus, a quibus nunquam aliud petivisse
se asserit nisi salutem animae suæ ; ut patet in
pluribus locis, et præcipue in secunda sessione, p. 57.
Quod non faciunt incantatores et sortilegæ mulieres
et invocatrices dæmonum, quæ aut cupiditate impelluntur,
aut vindicta et libidine excitantur ; et aliud efflagitant
a dæmonibus, ut liquet ex quotidianis processibus
qui habentur contra tales.
Item est magna præsumptio ex eo quod ducenda ad
supplicium, in ipso mortis articulo, licet confessa esset
et Eucharistiam suscepisset, perstitit tamen, et perseveravit
usque in finem, dicens quod verum erat quod
ipsas voces et apparitiones realiter habuisset ; ut patet
ex attestationibus positis in fine processus. Non est
autem putandum eam, imminente sibi supplicio, post
confessionem et assumptionem corporis dominici,
quod, ut asserunt testes, multis cum lacrymis et magna
devotione suscepit, immemorem suæ fuisse salutis, aut
cum interitu corporis et animæ voluisse mentiri.
Adjuvat hoc idem bona et religiosa ipsius Johannæ
opinio in eo quod dicit se non credere, si esset in
peccato mortali, se a voce illa et dictis sanctis virginibus
visitatam ; quod professa est p. 65, examinatione tertia,
ubi etiam dicit, tempore jejunii, et quando eadem
Johanna jejunaverat, frequentius voces audivisse et
apparitiones habuisse ; ut illa die, qua dicit se a meridie
hesternæ diei, usque ad illam horam non comedisse,
qua die ter audiverat voces, ut patet, p. 70. Ex
quo liquet ipsam Johannam intellixisse angelos et
sanctos hominibus peccatoribus et homini in peccato illas fuit venerata, quas credebat vere illas esse quæ a fidelibus debita veneratione coluntur : unde et dicit ipsa
Johanna nil aliud unquam ab ipsis Sanctis, nisi salutem
animae suæ, sedulo petivisse ; quæ sancta est petitio. De ea ipsa, p. 57.
Ad illam partem primi articuli, in qua dicitur quod
dictæ Sanctæ fuerunt allocutæ sub arbore, quæ Fagus
dicitur, et prope Fontem, de qua arbore et fonte fert
fama quod Dominæ fatales conversantur ; ad id quod
dicit famam divulgatam, advertendum est quod de hac
fama non constat in processu aliquibus authenticis
documentis, cum informationes, etiam quæ fuerunt
factæ in præsentia ipsius Johannæ, ex decreto et consulto
assistentium Belvacensi episcopo, ut apparet
p. 31, non sunt insertæ processui. Et de hac arbore et
fonte ipsa Johanna interrogata in processu, videtur
referre superstitiones quorumdam dicentium febricitantes,
ebibita aqua illius fontis, liberari ; sed dicit
se id nescire, et Fatas vel fatales Dominas non ibi vidisse,
licet aliquando cum grege et aliis puellis ludendo et
spatiando ad arbores illas transiret. Dicit etiam se non
credidisse de quodam Nemore Quercoso, vicino domui
suæ paternæ, et contempsisse, sed non credidisse his
qui dicebant exstare prophetiam de puella fatata in illo
nemore. Hæc omnia p. 67, in tertia sessione. Verum
est quod semel tantum in quodam loco, multis importunis
interrogationibus fatigata, videtur dicere Sanctarum
vocem audivisse, sed tunc non intellexisse quod
dicerent, ut patet p. 64 : ex quo apparet non fuisse
ibi tantopere in articulis de arbore ponderandum. Et
falsum est quod subditur in articulo, scilicet quod in illo loco fuerit dictas Sanctas venerata, aut eas invocaverit ibidem ; nec hoc apparet ex processu, et falso fuit adjectum.
Sequens pars articuli falsa videtur et calumniosa in
pluribus, in eo quod dicitur ipsi Johatinæ a vocibus
fuisse mandatum quod adiret quemdam principem
sæcularem, et quod, ejusdem mulieris opera et laboribus
mediantibus, dictus princeps magnum dominium
temporale et honorem mundanum recuperaret : ex quo
notatur dolus et fraus condentium articulum. Tacent
enim quod ipsa Johanna sæpe professa est sibi expositas
fuisse mandato Dei miserias et calamitates regni
Franciæ, dicens quod aliquando permiserat eos affligi
pro peccatis ipsorum, ut dicit p. 178. Missa vero fuit
ad regem, non ad temporale dominium acquirendum,
sed ad regnum tyrannide oppressum, recuperandum ;
et non ad honorem mundanum, quod sonat ad fastum,
sed ad sua repetenda, pro quibus justum ex divinæ legis
sententia bellum geritur. In qua re notanda sunt verba
Johannæ plena humilitatis, nihil in suis operibus et laboribus
confidentis, sed omnia ad Deum referentis. Asserit
enim pluribus locis, quod, admonita per voces
quod veniret in Franciam, dixit : « Ego sum una pauper
filia ignara belli, » p. 53. Et alibi interrogata
quare id Deus per eam magis voluisset facere quam
per aliam, respondit quod ita placuerat divinæ bonitati
facere per unam simplicem puellam pro repellendo
adversarios regis, ut patet ex processu, p. 145.
Alibi dicit de vexillo, in quo depicta erat imago Regis
coeli continentis mundum, quod non habebat spem
in vexillo, nec putabat vexillum suum fuisse fortunatius
aliis, sed omnem spem victoriæ et auxilium fuisse
in Deo et ex Deo, p. 182. Ex quo deprehenditur humilitas ipsius Johannæ nil temere sibi arrogantis, sed more etiam prophetarum qui mittebantur, imbecillitatem
suam et fragilitatem profitentis. Arguitur etiam ineffabilis
divina Providentia, quæ, ut ostenderet se permisisse
Gallicos aliquando pro peccatis affligi, et, miseratam
tandem calamitatem regni, mirabiliter per puellam
regnum a servitute eripere voluisse, non per robur
exercitus, ne juxta prophetam Gallici dicerent : « Manus
nostra excelsa, et non Dominus fecit hæc omnia, »
elegit, ut ait Apostolus, infirma mundi ut fortia quæque confunderet.
Subjicitur in illo articulo quod dictæ Sanctæ, quas
sibi apparuisse dicit, sibi præceperunt ut assumeret
habitum virilem, et quod mallet mori quam illum dimittere.
Quantum ad id quod dicitur sibi a Sanctis
illis fuisse præceptum, nullibi constat. Quinimo sæpe
interrogata dicta Johanna, an voces id sibi præcepissent,
dixit quod nolebat onerare hominem viventem
super illo, et nunquam fassa est voces sibi expresse
præcepisse. Patet id p. 132, in examinatione facta
in carcere, die xii. martii, ubi interrogata de habitu, asserit se sponte suscepisse, non ad requestam cujusquam.
Et, interrogata an præcepto vocum, dicit quod
quidquid bonifecerat, fecerat ex illarum præcepto ; sed
de habitu se alio tempore responsuram, p. 133. Verum
est eam interrogatam alias, dixisse hoc eam non fecisse
humano consilio, nec ceperat vestem, aut aliud fecerat,
nisi divino præcepto. Et dum interrogeretur an
putaret id præceptum esse licitum, respondit caute
quod quidquid præcepto Dei fit, putat licite fieri. In
quarta examinatione, p. 74, et alibi dicit de delatione
habitus, quod, postquam faciebat præcepto Dei et in servitio suo, non credebat se male agere ; sed quando placeret Deo præcipere, statim deponeret. Alias videtur
dixisse quod nondum tempus advenerat dimittendi
habitum adhuc, ut patet in responsione ad xv. articulum,
p. 227. Ex quibus apparet et alibi, aliqua certa
ratione et oraculo adimbutam, dictam Johannam habitum
assumpsisse. Die xvii. martii dicit quod, quantum
ad habitum virilem, non caperet adhuc, donec placeret
Domino nostro, p. 176. Et alias expressius dicit : « Quando ego fecero illud propter quod ego sum missa
ex parte Dei, ego recipiam habitum muliebrem, » p. 394.
In admonitione facta per archidiaconum, asseruit non
aliqua superstitione vel ornatus illiciti causa, sed ratione
convenientiæ et expedientiæ temporis ; et causa
erat conservandæ melius pudicitiæ inter viros ; nec
enim aliter opinabatur inter armatos et viros tute aut
decenter posse consistere in prælio. Quod si causa pudicitiæ
fecit, ne inardescerent viri in sui cupiditatem,
non videtur esse damnabile, uti legimus de beata Marina
virgine, quæ perpetuo in habitu virili in monasterio
conversata est. Nec enim aliter poterat interviros
et armatos adesse, vel ipsa sua manu pugnare. Eadem
ratio fuit retinendi habitum in carcere, quoniam erat
viris et quidem lascivis commissa ad custodiendum : nam
fuit commissa custodienda juveni scutifero regis, sola
virgo atque puella, ut patet p. 47. Imo quod amplius est,
probatum est per informationes habitas Rothomagi (2)
quod dicta Johanna aliquando conquesta est quod impii
quidam et scelesti tentaverant sibi vim inferre ; et quod ista fuerat causa retinendi pertinaciter in carcere
habitus viriles, ipsa Johanna in fine declaravit, quoniam,
semel virili habitu dimisso post abjurationem et postea
reassumpto, dixit se accepisse quia habitus ille erat
decentior inter viros quam muliebris, cum esset in
virorum custodia, compedibus ferreis constricta ; et
quod daretur sibi honestus et gratiosus carcer, et quod
pareret Eeclesiæ, ut patet circa finem processus, p.456.
Et quod ista fuerit causa et ejus intentio, indicant variis
locis multa illius dicta. Semel enim dixit, p. 68 : « Detis mihi unam vestem muliebrem, et sinite me
abire. » Sciebat enim in carcere se sine periculo pudicitiæ
non posse durare. Et, ne quis putet eam fuisse
muliebris honestatis oblitam, videat pias preces illius,
quæ inter reliqua rogavit quod, si oporteat eam adduci
ad judicium et eam spoliari, requirebat de gratia ab
ecclesiasticis quod haberet unam camisiam longam
muliebrem et unum capitegium, p. 176. Et quidquid
dicatur quod præelegerit nou audire missam et non
suscipere Eucharistiam quam abjicere habitum, semper
videtur ista fuisse intentio sua quod contenta erat
audire divina in habitu muliebri. Et ita alias instantissime
petiit dicens : « Tradatis mihi unam vestem
longam usque ad terram sine cauda, et eam mihi tradatis
ad eundum ad missam, et deinde ego reassumam
habitum quem habeo, » videns, ut prædixi, in alio habitu
non posse morari in carcere. Alias petiit unam vestem
ad modum unius filiæ burgensis et unum caputium
muliebre, « et ego accipiam pro audiendo missam. »
Patet id p. 165. Alias dixit : « Certificetis me de audiendo
missam, si debeo accipere habitum muliebrem. »
Et alias, post omnes confessiones, dum admoneretur a quodam archidiacono, p. 394, declaravit quæ fuisset
ejus intentio, dicendo quod, de habitu, ipsa bene voluerat
assumere unam tunicam longam et caputium
muliebre pro eundo ad ecclesiam et recipiendo sacramentum
Eucharistiæ, sicut alias respondit, proviso
quod, statim post, ipsa illum habitum deponeret et
reassumeret alium : ex quo patet falsum esse quod
præelegerit non recipere communionem in die statuta
; nam et in alio loco, dum diuturno carcere macerata
et compedibus cruciata graviter laboraret, videns
sibi mortem imminere, judices pie obtestata est dicens : « Videtur mihi quod sim in magno periculo mortis,
visa infirmitate quam patior ; et si ita est quod Deus
velit facere placitum suum de me, ego requiro vos
quod habeam confessionem et sacramentum Eucharistiæ
et quod sepeliar in loco sacro ; » ut patet ex
processu, p. 377. Et alias, in prima sessione, petiit
ex gratia quod posset audire missam antequam adduceretur
ad judicium ; quod ei impie videtur fuisse denegatum,
p. 43. Ex quibus responsionibus videtur
innuere delationem habitus virilis, causa melius conservandæ
pudicitiæ, ipsa se bellis ingerente, in carcere
autem, propter cupidos juvenes et lascivos, quibus
commissa erat, fuisse licitam ; et non fuisse propterea voluntatem
ejus perpetuam aut superstitiosam. Delatio
autem habitus virilis tunc videtur damnari canonibus, quando ad superstitionem, ad indecentem ornatum, nullo certo consilio, nulla necessitate, fit.
Alia pars articuli incusans quod decem et septem
annorura puella, inconsultis parentibus, recesserit et
se agminibus armatorum immiscuerit, die et nocte,
nullam apud se mulierem habendo, partim dolo reticet verum, partim falsum malitiose exprimit. Tacet enim
quæ, ad excusationem hujus, ipsa Johanna dixit : se
idcirco non indicasse parentibus, ne eos moerore conficeret
; fuisse enim arctatam divino præcepto, cui obedire
oportebat magis quam parentibus, et illico scripsisse
parentibus et veniam fuisse consecutam ; item
obedientiam quam semper in aliis fuerat parentibus
obsecuta. Quæ habentur p. 129, et latius disseram
infra, in articulo speciali. Reliqua particula est
falsa, quoniam, licet illa inter armatos versaretur, uti
necesse erat, ex quo ad id missa erat, et ducebat exercitum,
dicit tamen se in cubiculo unam aut duas mulieres
secum habere solitam, et, si quando illas non potuit
habere, armatam cubasse neque se spoliasse.
De eo quod subjicitur, quod asserat se missam a Deo
cœli, quia inde inquiratur quoquam hoc illam signo et testimonio debuisse doceri, dicetur infra, ubi melius cadit.
Quod sequitur, quod noluit se de supradictis submittere
determinationi cujusquam nisi solius Dei, quoniam
super hoc fit articulus specialis, qui est ultimus
in ordine, cum illo dicetur ; in quo multa ostendentur
falsa, multa dolo suppressa ex dictis ipsius Johannæ.
Et in eo quod dicebat de certitudine suæ salutis,
quoniam non ita dure nec absone protulit, sed recte videtur interpretata, dicetur speciali suo articulo infra.
Secundus articulus est de signo dato regi Francorum,
videlicet de angelo qui detulit coronam regi
Franciæ, et eidem exhibuit reverentiam. Circa quem
articulum advertenda sunt plura. Primo, quod ipsa Johanna sæpe protestata est quod, de his quæ tangunt
regem, non diceret quidquam aut non diceret veritatem
; et quanquam multis verbis et minis urgeretur
ab episcopo Belvacensi, quod simpliciter juraret dicere
veritatem, aliquando dixit : « Vos bene possetis
a me talem rem petere, de qua ego responderem vobis
veritatem, et de aliis non responderem ; » et hac protestatione
juravit in prima sessione, p. 45. Et alibi
respondit : « Talia possetis a me petere quæ ego non
dicerem vobis; » et rursum : « Potest esse quod de
multis, quæ a me petetis, ego non dicerem vobis verum, » ut patet in tertia sessione, xxiv. februarii habita,
p. 60. Patet etiam ex processu, quod multas sæpe interrogationes
repulit tanquam non facientes ad processum,
et quod variis illam implicabant quæstionibus, ut,
de natura angelica, quis esset verus papa, et multa similia.
Comminatus est sæpe episcopus ut simpliciter
juraret, alias haberetur pro convicta de crimine, ut
patet p. 61 ; illa tamen nunquam voluit simpliciter jurare.
Aliquando etiam expresse protestata est quod, de
tangentibus regem suum, non diceret veritatem. Aliquando
dixit : « Ego juravi aliqua non dicere, et vos
non deberetis me incitare ad perjurandum ; » ut patet
in secunda examinatione, p. 50. Ex quibus denuntiationibus
et protestationibus videtur quod, si quando
ipsa Johanna multiplici interrogatione fatigata, et pene
coacta (de quo etiam aliquando conquesta est), aliquid
dixerit quod videatur a vero abhorrere, id fecerit satisfaciendo
importunitati petentium, et excusanda sit
a perjurio. Item est advertendum quod, si volumus
ipsius Johannæ omnia dicta pensare, et intellectura
verborum subtili inquisitione discutere, reperiemus forte ipsam Johannam nihil in hoc absurdi dixisse, sed
mystice et in figura sic locutam fuisse : quod in fine declaravit
aperte. Quodam enim in loco interrogata de
corona, videtur dixisse illam coronam non fuisse operatam
et manu factam, quia dicit quod illa corona mittebatur
ex parte Dei, et quod non est aurifaber in
mundo qui scivisset facere ita pulchram et ita divitem,
et quod erat boni odoris si bene custodiatur, ut patet
pp. 141 et 145. Ex quibus verbis videtur intellexisse
coronam missam ex parte Dei, id est recuperationem
regni et coronationem Remis fiendam, quæ erat boni
odoris, si conservaretur fructu boni operis et justitiæ.
Et quia dixit illam fuisse delatam ad regem, ipsa in fine,
imminente supplicio, non revocando dicta, ut falso
aliqui calumniantur, sed interpretando, dixit semetipsam
fuisse angelum delatorem : quod satis convenit ;
[nam] cum se missam ex parte Dei profiteatur, ideo
potest angeli nomine nuncupari ; siquidem angelus dicitur
quasi missus, et nomen est officii, non angelicæ
naturæ vel dignitatis, secundum doctores ; et hoc patet
per illud Malachiæ prophetæ, secundo capitulo : « Labia
sacerdotis custodiunt scientiam et legem exquirunt ex ore ejus, quia angelus Domini exercituum est » angelus,
id est nuntius. Et hoc sentit quodam alio loco,
ubi dicit [quod] plures viri ecclesiastici et alii viderunt
eam, qui non viderunt angelum, tempore quo
fuit corona delata. Hoc dicit die xiii. martii, p. 143.
Et tunc bene convenit illud quod dixit de corona
quæ fuit data archiepiscopo Remensi in præsentia aliquorum,
quoniam fuit decretum a Deo quod archiepiscopus
Remensis coronaret regem, sicut declaravit
eventus rei. Regi ergo a Deo per angelum, id est nun tiationem ipsius Johannæ, fuit corona missa, id est
repromissio regni facta ; quæ corona commissa est archiepiscopo Remensi, hoc est illi commissum est a Deo
quod ipsum in regem coronaret. Et quod dicit de
multitudine angelorum concomitantium, quibusdam
locis in processu, videtur interpretata, dicendo illos
fuisse administratorios spiritus, fortassis sentiens eos
qui sunt ad hominum custodiam deputati : quod videtur
innuisse aliquando dicendo quod angeli illi ab hominibus
videri non possunt ; et quod crebro angeli
inter homines versantur, qui tamen non videntur :
uti dixit in examinatione facta die xii. martii, p, 130.
Unde præsumendum est Johannam tunc aliquid
dixisse in figura, secundum quam bene convenit illa
exhibitio reverentia facta regi per ipsammet : quod
nobis declarat quædam ipsius Johannæ confessio dicentis
se vidisse in manu cujusdam Scoti, videlicet
imaginem unius puellæ armatæ, quæ erat ageniculata
uno genu et præsentabat unam litteram regi suo ;
dicens quod nunquam vidit, vel fieri fecit aliam imaginem, vel picturam ad suam similitudinem ; ut patet ex responsione ad III. articulum, p. 292.
Ad tertium articulum, in quo asseritur Johannam
dixisse se certam esse de apparitionibus bonis ex earum
sola confortatione et bona doctrina, et quod credebat
ita firmiter sicut credit Dominum passum pro nobis,
falsus et subreptitius est iste articulus, quia non solum
ex illo, sed plurimis et maximis argumentis, et quasi
certis indiciis cognoscebat veritatem revelationum ; ex
quibus ita experta erat, ut asseruerit, cum interrogaretur
quod si diabolus transfiguraret se in formam angeli boni, quomodo ipsa cognosceret quod esset bonus angelus
vel malus, respondens quod satis cognosceret an
esset sanctus Michael, vel aliqua res conficta. Sic ipsa
dicit p. 171, ubi etiam dicit se non temere nec subito
credidisse, incussumque esse sibi terrorem ; et alia plurima
concurrerunt, quæ copiose prosecutus sum circa
primam partem primi articuli. Licet enim difficilis sit
agnitio atque discretio veræ revelationis ab illusione,
tamen, ut ait beatissimus Gregorius, lib IV. Dialogorum,
sancti viri, inter illusiones atque revelationes
ipsas, visionum voces aut imagines quodam intimo sapore
discernunt, ut sciant vel quid a bono spiritu percipiant,
vel quid ab illusore patiantur. Ex qua patet
auctoritate Gregorii, ex vocum aut imaginum dissimilitudine,
a sanctis et justis viris non solum credi,
sed sciri posse quid inter revelationem et illusionem
intersit. Quod confirmat beati Martini exemplum, de
quo scribit facundissimus vir Severus Sulpitius, quod
diabolum tam conspicabilem et subjectum oculis habebat,
ut, sive se in propria substantia contineret, sive
se in diversas figuras spiritalesque nequitias transtulisset,
qualibetque ab eo sub imagine videretur, cognoscebat
; sicut cum illum, circumamictum purpura et
diademate redimitum sibi apparentem, agnovit. Pluraque
possunt exempla hujusmodi ex sanctorum Patrum
vitis proferri. Ex quibus patet excusabilem et tolerandam
esse ejus assertionem ; et in hoc quod comparat
credulilatem illorum credulitati fidei, magis de vehementi nimis affirmatione quara de errore fidei potest reprehendi.
Quartus articulus habet quod ipsa Johanna dicit se certam de quibusdam futuris contingentibus. In hoc
advertendum quoniam dicta Johanna nil in prædictione
futurorum videtur temere esse locutam ; et ipsa prædictio
sui vaticinii in multis videtur nobis præstare efficax
signum suæ missionis. Quod non jactanter locuta est,
patet in responsione ad XXXIII. articulum, in quo sibi
illud impingitur. Dicit quod in Domino et ex Domino
est revelare futura cui placet sibi ; et quod de ense et
aliis rebus futuris et venturis, quas dicit, hoc est per
revelationem. Ita dicit in responsione ad dictum articulum,
in processu, p. 251. Humiliter ergo retulit ad
divinam virtutem, tanquam si illud didicisset de Evangelio
: « Gratias tibi ago, Domine, quia abscondisti ea
a prudentibus et sapientibus, et revelasti ea parvulis. »
Sed quæ possunt prædici veriora, quam illa quæ dicta
Johanna prædixit? Primo illud quod pro signo prædixit
regi Francorum et quod a vocibus sibi asserit revelatum,
quod liberaret civitatem Aurelianensem obsidione,
et quod coronaretur Remis, quæ civitas adhuc
detinebatur ab Anglicis ; sicut patet secunda examinatione,
p. 53. Item in eo quod prædixit ipsis Anglicis
pluries, sed potissimum quinta sessione, p. 84, ubi
dixit et denuntiavit Anglicis quod, antequam elaberentur
septem anni, perderent majus vadium quam Aurelianis,
et haberent majorem perditionem quam hactenus
habuissent in Francia : quod quidem omnes
scimus in reductione urbis Parisiensis fuisse completum.
Sed quod amplius et certius est, et his diebus
divino munere ac dono videmus impletum, illa palam
prædixit quod rex suus lucraretur vel recuperaret
regnum Franciæ ; et hoc ita bene sciebat, sicut quod
erat præsens in judicio. Hoc dicit eadem sessione, p. 84 : quod ante tanta temporum curricula nullus potuisset
malignus spiritus divinare, qui solum ex quibusdam
conjecturis, subtilitate naturæ et experientia, quædam
potest futura prædicere, sicut beatus tractat Augustinus,
libro Denatura dæmonum. Hoc itaque spiritu revelavit
ensem absconditum in ecclesia sanctæ Katharinæ,
signatum tribus crucibus ; de quo tamen ense illa
in quarta sessione, habita die xxvii. februarii, p. 76, dicit
etiam quod nunquam fecit fieri aliquam benedictionem
super illum ensem, nec fecit deprecationem ut ille
ensis esset fortunatior, nec habebat plus spei in illo ense
quam in alio ; imo, illo abjecto, accepit quemdam ensem
abreptum ab uno Burgundo, qui videbatur aptior ad
bellum gerendum. De prædictione autem liberationis a
carcere, quæ videtur eam fefellisse, notandum quoniam
propter hoc cætera vaticinia non debent haberi
suspecta, quoniam id ipsum legimus sanctis Prophetis
contigisse ; quoniam, ut ait beatus Gregorius lib. II. Dialogorum, spiritus Prophetarum mentes non semper
irradiat ; quin imo de eo scriptum est quod, quando
vult, spirat. Hinc est quod Nathan, in libris Regum,
requisitus si David construere templum posset, prius
consensit, et postea prohibuit. Hinc est quod Eliseus
cum flentera mulierem cerneret, causamque nesciret,
ad prohibentem puerum dixit : « Dimitte eam, quia
anima ejus in amaritudine est, et Dominus celavit a
me et non indicavit mihi. » Hoc enim Dominus ex
magnae pietatis dispensatione disponit, quia aliquando
prophetiæ spiritum dat, aliquando subtrahit ; et aliquando
Prophetæ futura prævident, aliquando non ;
ut præclare prosequitur beatus Gregorius, prima homilia super Ezechielem. Quanquam de sua liberatione ambigue semper responderit ipsa Johanna, testata se
nescire diem neque horara. Et quodam in loco dicit se
de liberatione sua habuisse anceps responsum, sed quod
haberet succursum a Deo : quod illa dicebat posse intelligi
vel per liberationem a carcere, vel per perturbationem
judicii. Et finaliter dicit sibi fuisse dictum ; « Non
cures de martyrio tuo, quia pervenies ad regnum Paradisi. » Ex quo satis supplicium suum prædixisse videtur.
Hoc patet in examinatione duodecima, p. 155.
Et alibi dicit quod consuluit et interrogavit voces an
esset combusta ; et ipsæ responderunt quod se referret
ad Deum, et ipse illam adjuvaret. Hoc patet in processu,
in interrogatione facta die ix. maii, p. 401. Nec mirum
est per spiritum ipsam homines, quos nunquam viderat,
potuisse cognoscere, quæ multo incertiora et incredibiliora
de futuro prædixit, cum etiam arcanæ hominum
cogitationes et tentationes mentis possunt per spiritum
a sanctis viris cognosci ; ut de superba cogitatione pueri
per spiritum cognita, beatus Gregorius II. libro Dialogorum
narrat.
Quantum ad quintum articulum, in quantum dicitur
ipsam asseruisse se Dei præcepto assumpsisse habitum
virilem, et in illo habitu Eucharistiæ sacramentum
suscepisse, consideranda suntilla quæ dixi in primo
articulo, ubi hoc ipsum tangitur et data est illa conclusio
quod, [cum] probabiliter credatur missa a Deo, ad
exercendas res bellicas inter armatorum consortia, ad
comprimendam concupiscentiam illorum, ad liberius
bellica exercenda, non autem ex aliqua superstitione
et indecenti ornatu, Dei nutu, assumpserit. Et quod
semper dixerit se velle in eo habitu permanere, scilicet quamdiu esset in servitio illo sibi a Deo demandato, et
quamdiu Deo placuerit, uti patet ex multis dictis illius
positis supra : non debet hæreticum judicari si in eo habitu
sacramenta sumpsit, quoniam necessitate officii et
ministerii suscepti, et bona de causa induebatur. Sicut
nec beatæ Marinæ quis imputabit ad culpam, si in monasterio
monachorum, perpetuo in virili habitu, incognita
vixit, cum monachis communicans in sacramentis
; nec ante foemina patuit, licet calumnia adulterii
affecta esset, quam ejus corpus post mortem nudatum
sexum indicavit. Simile de beata Eugenia, quæ in virili
habitu diutissime et castissime vixit. Item ipsa Johanna
circa ipsam assumptionem Eucharistiæ in illo
habitu, dicit (quod isti reticent), quod, licet reciperet,
tempore quo sequebatur castra, corpus dominicum
in eo habitu, non tamen in armis ; ex quo ipsius
patet religio et reverentia erga sacramentum. Hoc dicit
sexta sessione, acta III. martii, p. 104.
Quoad sextum articulum, in quantum objicit ipsi
Johannæ quod inscriberet in litteris JHESUS MARIA, et
crucem ad significandum ne obediretur, ad hoc fatetur
se Johanna in litteris suis præposuisse JHESUS MARIA ;
idem et in sculptura annuli, de quo p. 185, et in
vexillo. Hoc non debet reprehensibile judicari : imo
hoc est religiosum in unoquoque christiano ; quocirca
et multi prudentes et religiosi viri in litteris scribendis
observant. Verum est tamen quod in quinta sessione,
habita die I. martii, p. 83, ipsa fatetur quod aliquando
aliquod signum crucis faciebat ad significandum inter
suos ne facerent id quod scribebat : quod est intelligendum
de aliquo signo in crucis modurn, quod a plerisque etiam catholicis principibus observatur, qui id
in rebus arduis faciunt et arcanis, ut secretam mentem
aliquo signo significent. Imo et characteribus litteras
totas conficiunt, ne hoc a quoquam possit intelligi. Sed
quod illa per edictum fuerit interminata exitium non
parentibus litteris suis, quod sequitur in articulo, falsum
est et nullibi apparet ex toto processu.
Et advertendum est quam caute ultimis verbis articuli
subditur, dicendo quod scribi fecit quod faceret
interfici non obedientes, et de ictibus memorando :
unde suggerere conantur crudelitatem fuisse et sævitiam
in dicta Johanna, illud reticentes quod ipsa Johanna
præclare est elocuta in quarta sessione, acta die
XXVII. februarii, p . 78, ubi dicit quod neminem unquam
interfecit ; quin imo, quando aggrediebatur adversarios,
ipsa propriis manibus gestabat vexillum suum, pro evitando,
ut ait, ne aliquem interficeret.Tacent item illud,
quod Johanna per litteras et ambassatiores requisivit
ducem Burgundiæ ne cædes sequeretur, ut patet ex
responsione ad xviii. articulum, p. 234. Tacent insuper
quod, in obsidione Aurelianensi, illa litteras destinaverit
suadentes pacem, admonentes ut inde discederent
hostes, ne cædes sequeretur. Quarum litterarum
exstat exemplum in processu, p. 240, inter articulos.
Hæcomnia in Johanna suspicionem crudelitatiselidunt.
Circa septimum articulum, in quantum dicitur ipsam
in ætate decem et septem annorum adiisse unum
scutiferum, quem nunquam agnoverat, ex quo videntur
innuere eam solam, oblitam feminei pudoris, ad virum
accessisse, falso in hoc calumniantur ; nam ipsa
Johanna asserit in processu quod, sæpe admonita per voces quod veniret in Franciam, primum accessit ad
avunculum suum et sibi aperuit propositum suum ; et
quod eam oportebat ire ad oppidum de Vallecoloris ;
et quod avunculus suus eam deduxit illuc, ubi reperiit
dictum scutiferum, scilicet Robertum de Baudricuria.
Hoc constat in examinatione facta xxii. februarii,
p. 53.
Quantum ad aliam partem articuli, in qua dicit
quod insciis et inconsultis parentibus recesserit, circa
hoc aliquid dixi in primo articulo. Non attenderunt
ergo neque notaverunt quemadmodum de hoc se Johanna
eleganter excusat, p. 129, dicens se idcirco non
indicasse parentibus, ne aut prohiberent, aut ex recessus
denuntiatione eos maerore conficeret ; dicens
quod, ex quo Deus ita præceperat et mandabat, etiamsi
habuisset centum patres, oportebat eam Deo obedire.
Digna et constans in puella vox, consentanea apostolicae
sententiæ, quia oportet obedire magis Deo quam
hominibus. Sciebat enim primum voluntatem Dei
impleri debere, deinde parentum, exemplo Christi
cui reperto in templo cum mater dixisset : « Ego et
pater tuus dolentes quærebamus te. — Quid est
quod me quæritis ? Nescitis quia voluntatem patris,
qui me misit, oportet implere ? » Quare et ipsa Johanna,
prædicto loco et aliis multis, dixit in cæteris se
semper obedientissimam fuisse parentibus.
Quod vero sequitur in articulo, quod ab ipso armigero
acceperat habitum virilem, falsum est. Quinimo
ipsa plurimis in locis interrogata an id ad illius
Roberti instantiam, vel ex ejus consilio fecisset, respondit
quod de hoc non inculpabat hominem viventem,
ut patet secunda sessione, p. 54 ; semperque videtur dixisse illum voluntate et præcepto Dei, se, ad
ejus servitium et certum tempus, assumpsisse.
Et quod ponitur in fine capituli, dixisse principi
quod volebat ducere guerram et ponere eum in
magno temporali dominio, dolose confingitur, ut dixi
in primo articulo, quia dixit et in plurimis locis testata
est, se venisse ex præcepto Dei ad denuntiandum
regi Francorum quod Dei ope recuperaret regnum
suum, non ad victoriam contra adversarios, sed pro justissimo
bello, ad regnum ab hostibus eripiendum ; non
pro temporali adventitio dominio, ut verba sonant, sed
pro suo et legitime parto regno, et ab hostibus injuste
capto, redimendo.
Octavus articulus dicit de dejeciione ac saltu turris,
ut inducat et causet in ea crimen desperationis ; sed est
advertendum quia, si ipsius Johannæ diligenter dicta
pensentur, ipsa se ab omni crimine infamiæ in ea re
purgat. Quodam enim in loco de dicto saltu interrogata,
dicit quod, irata ex eo quod audiebat Anglicos adventare,
ne in illorum manus incideret, saltavit et commendavit
se Deo et Beatæ Virgini. Et interrogata tunc an malebat
mori quam incidere in manus Anglicorum, respondit,
ut crimen desperationis a se repelleret, quod
ipsa malebat reddere animam suam Deo quam esse in
manu Anglicorum. Ita testata est in sexta sessione,
habita iii. martii, p. 110. Alibi apertius causam piam
ipsius saltus inductivam declaravit, dicens quod audierat,
dum esset in turri, Anglicos crudele quoddam
edictum fecisse, scilicet quod omnes de Compendio qui
septimum annum excederent, vivi cremarentur. Gravissime indoluit obtestans Deum et dicens : « Et quomodo
dimittet Deus mori istas bonas gentes quæ fuerunt ita
fideles domino suo ? » Mota compassione, cupiens illis in
tanta calamitate succurrere, saltavit de turri. Et interrogata
utrum, quando saltavit, crederet se interficere,
respondit quod non ; sed saltando commendavit se
Deo, et credebat, per medium illius saltus, evadere
quod ipsa non traderetur Anglicis. Sic illa in decima
tertia examinatione, præsente subinquisitore, facta die
xiv. martii, respondit, p. 150. Et alio loco expressius se
excusavit dicens : « Ego faciebam hoc non desperando,
sed in spe salvandi corpus meum et eundi ad succurrendum
pluribus bonis gentibus exsistentibus in necessitate
; et post saltum fui confessa, et requisivi veniam
a Domino ; » quam per revelationes agnovit se impetrasse.
Hoc dixit in alia examinatione, eodem die habita,
p. 160. Ex quibus omnibus in unum collatis assertionibus
ipsius Johannæ, in saltu hæc tria fuisse reperimus
illam excusantia : bonum et pium finem succurrendi
calamitosis, et prohibendi tam impium et nefarium
facinus in illos de Compendio ; spem evasionis ; et post
factum, agnitionem erroris et veniæ petitionem. Quibus
stantibus, non potest dici fuisse desperata, siquidem
desperatio, ut theologi definiunt, est qua quis
penitus diffidit de Dei bonitate, existimans suam malitiam
divinæ bonitatis magnitudinem excedere ; sicut
Cain qui dixit : « Major est iniquitas mea quam ut
veniam merear. »
Quantum ad nonum articulum, de promissione suæ
salutis et certitudine, non temere nec absone dixisse
videtur, si ejus dicta congrue referantur. Ipsa enim alias sponte sua interpretata est quod dixerat de certitudine
suæ salutis, quod illud dictum intelligebat,
dummodo teneat juramentum et promissionem quam
fecit Deo, videlicet quod ipsa bene servaret virginitatem
suam tam corporis quam animæ : in quo omnino sancte
videtur et religiose sensisse, cum in canonibus scriptum
sit quod sola virginitas replet paradisum, quod castitas
sola est quæ cum fiducia valet Deo animas præsentare
; cum laudabilior sit omni proposito, transcendens
et vincens coelestia, ut beatus Augustinus ait ; cum
etiam virginitas hominem angelis reddat æqualem, imo
angelos excellere faciat, ut beatus Hieronymus prosequitur
ad Eustochium. Et notandum quod Johanna
dicit de virginitate mentis et corporis, intelligens illam
esse veram et perfectam virginitatem quæ mente incorrupta
servatur. Et de peccato, si omnia illius dicta conferantur
in unum, satis convenienter videtur esse locuta,
quanquam, ut puella et ignara, discretionem et
differentiam inter mortale et veniale peccatum potuit
ignorare. Et ego simplices homines audivisse me memini,
qui nullum existimant mortale peccatum, nisi
maximum quoddam delestabileque flagitium, ut hominem
occidere, latrocinium facere, et similia. Ipsa
namque quodam loco ait, interrogata an esset in gratia
Dei, caute et religiose respondens : « Si ego non sum,
Deus ponat me in illa ; si vero sum, Deus me in ipsa
perseveret. » Sic respondit tertia sessione,xxiv. februarii,
p. 65. Et alibi interrogata, ex quo habet revelationes,
utrum putaret expedire sibi confiteri, respondit
quod nescit quod peccaverit mortaliter ; sed si
ipsa esset in peccato mortali, ipsa existimat quod sancta Katharina et Margareta illico dimitterent eam. Subjecit tamen sapienter quod nemo potest nimis mundare
conscientiam suam. Hoc dixit in secunda examinatione
facta die mercurii, xiv. martii, p. 157. Cauta responsio
: non enim temere asserit se non peccasse aut
non posse peccare, sed pie credit inquinatis mortali
peccato Sanctos et electos Dei non apparere. Et quod id
clare senserit perspicue declaratur ; interrogata enim
alio loco ulrum crederet post revelationes se peccare,
respondit : « Ego nihil scio ; sed ex toto me refero ad
Deum. » Et cum sibi diceretur quod ista responsio est
magni ponderis, respondit quod etiam tenet eam pro
magno thesauro, ut patet prima examinatione facta
xiv. martii, p. 156.
Quantum ad illud quod dicitur in decimo articulo,
quod ipsa temere asserat Deum quosdam diligere viatores,
in hoc non videtur aberrare ; quinimo humiliter
profiteri alios in hoc sæculo esse qui plus a Deo
quam ipsa diligi mereantur. Et illud quod dixit fuit de
duce Aurelianensi, de quo dixit se habuisse plures revelationes
quam de aliquo alio, post regem suum, quoniam,
pro succurrendo gentibus ipsius laborantibus,
dixit se missam ; non tamen temere aliquid certi de
illorum salute asseruit. In his autem, quæ videntur
esse contra caritatem proximi, ut de Anglicis, alias
ipsa recte salvavit, ubi dixit se amare quos Deus amat,
et odere quos Deus odit. Et interrogata an scit quod
sanctæ Katharina et Margareta odiant Anglicos, respondit
quod, de odio et amore quem Deus habet ad
Anglicos, vel quid faciet animabus ipsorum, ipsa nescit
; sed bene scit quod expellentur a Francia. Ita
dixit XVII. mensis martii, p. 178. Quomodo enim eos videtur habuisse odio, quos per litteras caritative
commonuit et hortata est ad pacem? ut patet ex copia
litterarum posita inter articulos, p. 240. De Burgundis
autem nunquam dixit se odere, sed non diligere propter
voces quas habuit. Interrogata enim an vox admonuerit
eam quod oderet Burgundos, caute respondit
nil dicens de vocibus ; sed quod ipsa, postquam voces
et revelationes audivit regi Franciæ favere, non dilexit
Burgundos ; subdens quod haberent guerram, nisi
facerent quod deberent. Ita respondit in tertia sessione,
xxiv. februarii, p. 66. Licet ergo non distinxerit dicens
se illos non odere, sed eorum errores, tamen videtur
recte sensisse. Et satis evidens in Burgundos
caritatis indicium ostendit, cum testatur per litteras
et ambassiatores requisivisse dominum ducem Burgundiæ
ad pacem inter regem et eum, ut patet ex responsione
ipsius Johannæ ad XVIIIum articulum, p. 234.
Undecimus articulus est perplexus, multa falsa continens.
Primo objicit quod ipsa Johanna exhibebat reverentiam
imaginibus apparentibus : ex quo videtur eam
notare de idolatria ; sed dolo reticuisse videtur formans
articulum, quod eam venerationem exhibebat tanquam
illis quas vere et realiter putabat esse Sanctas illas
quae sunt in coelis, non intendens illas venerari ut
imagines, sed ut eas quæ coli a fidelibus venerarique
debent ; quod patet, quia ipsa Johanna dixit se impendere
honorem illis sicut sanctae Katharinæ et Margaretæ
quæ sunt in coelis ; et ob hoc in illarum honorem
offerebat munera sacerdoti ; et quod credebat firmiter
quod illæ essent, quia ob illarum honorem ornavit
imagines earum exsistentes in ecclesiis sertis seu cappellis. Quæ constant ex confessione illius, p. 186. Tacent
quod ipsa faciebat celebrari missas in honorem ipsarum,
et sic debitum cultum exhibebat ; et hoc posito
etiam quod illusiones fuissent, eam tamen præmissa
ab idolatria excusant.
Ad id quod subjicitur in articulo, de corporali et
reali complexione, satis dictum est in primo articulo.
Circa vero invocationem, ex qua quidam eam arguunt
tanquam invocatricem dæmonum, male videntur interpretari,
et contra omnia asserta et confessata per illam.
Quodam enim in loco dicit, interrogata utrum
invocaret sanctas Katharinam et Margaretam, respondit
quod sæpe adveniunt sine vocando, et nisi venirent
ipsa requireret a Deo quod illas mitteret. Ecce
ergo quod non est invocatrix spirituum, sed Dei, ut
per Sanctos dignetur eam confortare. Hoc patet ex interrogatione
habita die lunæ, XII. martii, p. 126. Quin
imo una ejus responsio omnem in hac re suspicionem
elidit, quam fecit ad Lum articulum, p. 279.
Interrogata enim per quem modum et quibus verbis
voces requireret, respondit quod reclamabat Deum et
beatam Dei genitricem quod mitterent sibi consilium
et confortationem, ponens verba gallica quæ ita possuntinterpretari latine : « Pissime Deus, in memoriam tuæ
sanctæ Passionis, obsecro digneris mihi revelare quomodo
debeo his viris ecclesiasticis respondere. » Similiter
falsum est quod illis imaginibus devovit virginitatem,
nisi tanquam missis a Deo, referens tamen
votum principaliter ad Deum. Sic enim semel de hoc
interrogata respondit, quod bene debebat sufficere
hoc promittere illis qui erant missi ex parte Dei ; die
lunæ XII. martii, p. 127. Et in eadem examinatione dicit quod prima vice, quando audivit vocem, vovit servare
virginitatem tamdiu quamdiu placeret Deo ; et sic votum
simplex virginitatis Dei curæ custodiæque commisit.
Hoc patet ex processu, eadem examinatione,
p. 128. Et quod dictam promissionem et votum ipsa
Johanna fecerit principaliter Deo, ipsamet declaravit
expresse in secunda examinatione diei mercurii xiv.
martii, p. 157, ubi de certitudine salutis dixit quod illud
intelligebat, si servaret juramentum et promissionem
quara fecit Deo ; videlicet quod servaret virginitatem
suam tam animæ quam corporis. Et sic votum
factum est, quia Deus ipse votis colitur, dicente Propheta
: « Vovete et reddite domino Deo vestro, omnes
qui in circuitu ejus affertis munera. »
De eo autem quod subjicitur in articulo, quod celaverit
curato et ecclesiasticis revelationes suas, ipsa se
excusat in sessione habita XII. martii, p. 128, dicens
quod voces suæ non compulerunt ad celandum hoc,
sed multum formidabat revelare præ timore Burgundorum,
ne eam impedirent a suo viagio, et specialiter
multum timebat patrem suum ne impediret eam. Hæc
namque fuerat, in re tam ardua et tanti discriminis,
justa ad tempus causa celandi, Verebatur enim indicare
curato qui forte non potuisset sine discrimine reticere ;
potuisset etiam facile prohiberi ab exsequendo divinum
mandatum. Verum id non celavit perpetuo, sed
quamdiu revocari potuisset ; nam postquam venit ad
regem, palam dixit Ecclesiæ, scilicet viris ecclesiasticis
Pictavis congregatis, a quibus ferme per tres hebdomadas
se dicit examinatam. Et juramentum quod
præstitit, dicit se præstitisse ut se a molestia liberaret
importune petentium.
De aliis contentis in articulo abunde dictum est in
superioribus.
Quantum ad ultimum articulum, de submissione
Ecclesiæ, nimis dure videntur conficientes articulum
sua verba referre. Si enim voluerimus omnia ipsius
Johannæ responsa circa istud in unum colligere, reperiemus
eam, aliquando simplicitate adactam, quid
esset Ecclesia non intellexisse ; aliquando putasse Ecclesiam
in judicibus illis, quos suspectos habebat, consistere
; aliquando ipsam submissionem judicii timuisse,
cogitans se submittendo judicio, jam fore condemnatam.
Apparet et ultimo in plerisque partibus ipsam de
Ecclesia et ejus potestate recte sensisse.
Primum simplicitas ipsius et quod non satis intelligeret,
apparet ex eo quod alias interrogata de hoc, an
vellet submittere se determinationi Ecclesiæ, respondit
quod, quantum ad Ecclesiam, diligit eam et vellet
eam sustinere toto suo posse pro fide nostra christiana ;
et ipsa non est quæ debeat impediri de cundo ad ecclesiam
nec de audiendo missam. Intellexit ergo quadam
simplicitate, per illa verba, per Ecclesiam, murorum
ambitum et materialem ecclesiam contineri. Alias
paulo post dixit quod, de dictis et factis suis, referebat
se ad Deum et beatam Mariam et omnes Sanctos ;
et quod sibi videbatur quod unum et idem esset de
Deo et Ecclesia ; et quod de hoc non debebat fieri difficultas,
dicens : « Quare de hoc facitis difficultatem ? »
Hæc patent ex processu, examinatione facta xvii. mensis
martii, p. 175.
Secundo ipsa sæpe ipsius episcopi judicium declinavit,
petens quodam modo, si se judicio debebat Ecclesiæ submittere, quod ita adhiberentur viri ecclesiastici de partibus Franciæ sicut Angliæ. Ita dixit et petiit
antequam subiret judicium ; illico post fuit citata, ut
patet ex relatione exsecutoris citationis, posita p. 42.
Quod etiam expressius declaravit quando petiit quod
advocarentur tres aut quatuor clerici de sua parte, et coram
eis responderet veritatem, ut habetur in processu,
p.597.Alibi interrogata utrum sibi videbatur quod deberet
plenius respondere coram Papa, Dei vicario, respondit
requirendo et petendo quod adduceretur ad Papam ;
et quod postea coram eo responderet totum illud quod
debebit ; ex quo apparet quod expresse declinaverit
jurisdictionem episcopi et petierit se remitti ad Papam.
Hoc constat secunda examinatione diei sabbati post
meridiem, die XVII. martii, p. 185. In qua etiam petitione
constans perseveravit usque in processus finem,
quoniam hoc denuo petiit, p. 325. Quinimo hoc
palam professa est in judicio, cum prima sententia ferretur
coram toto populo, quo tempore patuit malitia
judicantium ; nam interrogata utrum vellet revocare
omnia dicta et facta sua, quæ sunt reprobata per clericos,
respondit : « Ego me refero Deo et domino nostro
Papæ. » Illi autem cupientes conceptam vindictam
ad effectum perducere, non veriti auctoritatem Sedis
apostolicæ, cui post delationem ipsius mulieris erat
ab omnibus humiliter deferendum, præsertim in causis
fidei, quæ sunt de majoribus et ad Sedem apostolicam
deferendæ, ut canones omnes acclamant, dixerunt
quod non poterat fieri quod iret quæsitum
dominum nostrum Papam ita remote, et quod erant
Ordinarii judices quilibet in sua dioecesi, et alia auctoritati
apostolicæ Sedis derogantia : in quibus fortasse verius judices possent quam ipsa Johanna reprehendi.
Hæc constant ex processu in fine acto, die xxiv. maii,
p. 445. Unde patet quod ipsius intentio fuit non subterfugere
veri et summi judicis Romani pontificis judicium,
sed tantum illorum clericorum quos videbat
in unum convenisse et conspirasse ad damnationem
suam, quorum expavescebat judicium ; et præsertim
quia illi tam crebro interrogabam eam verbis horrendis,
an vellet se de criminibus et excessibus suis submittere
judicio Ecclesiæ, Et hoc indicant aliæ suæ responsiones
: una, qua dicit quod ejus responsiones
viderentur et examinarentur per clericos ; et postea
sibi dicatur an sit ibi aliquod quod sit contra fidem,
et ipsa sciet dicere quid inde erit : protestans quod si
sit aliquid malum contra fidem christianam, quam
Deus præcepit, ipsa non vellet sustinere, et esset bene
irata de veniendo in contrarium. Quæ fuerunt ipsius
verba in examinatione diei jovis, XV. martii, p. 162. Et
alibi in eadem examinatione, respondet quod omnia
dicta et facta ipsius erant in manu Dei, « et de his me
exspecto ad ipsum ; » subjiciens : « Certifico vos quod
nihil vellem facere aut dicere contra fidem christianam
; et si ego aliquid dixissem aut fecissem, aut
quod esset supra corpus meum, quod clerici scirent
dicere esse contra fidem christianam quam Dominus
stabilivit, ego non vellem sustinere, sed illud expellerem», ut patet p. 166.
Item ex multis ejus dictis et factis in processu, apparet
quod bene sensit de auctoritate Ecclesiæ ; quæ
interrogata quis esset verus Papa et cui esset obediendum, catholice respondit quod illo tempore obediendum
erat Papæ Romæ exsistenti, scilicet felicis recordationis domino Martino ; et quod in illum credebat,
ut patet p. 83.
Item de potestate clavium bene sensisse videtur,
quia scivit, quolibet anno, esse proprio sacerdoti confitendum.
Interrogata enim utrum quolibet anno confiteretur
proprio sacerdoti, respondit quod sic et proprio
curato, aut, quando erat impeditus, de ipsius
licentia alteri sacerdoti. Ita respondit in secunda sessione,
acta xxii. februarii, p. 51. Item quoniam petiit,
morbo ex maceratione carceris proveniente gravata,
sibi ministrari sacramenta Confessionis et Eucharistiæ,
die XVIII. aprilis, p. 377. Et alibi, cum sibi diceretur a
judice quod relinqueretur sicut una Sarracena, respondit
protestans quod erat bona christiana, bene baptizata,
et sicut bona christiana moreretur. Et cum sibi
replicaretur de submissione, dixit quod non responderet
aliud ; et quod diligebat Deum, deserviebat sibi,
et erat bona christiana, et vellet adjuvare et sustinere
Ecclesiam pro toto suo posse : eadem die xviii. aprilis,
p. 380.
Denique per informationes Rothomagi habitas, edocetur
ipsam se Ecclesiæ submisisse : quod episcopus
inscribi noluit ; et etiam ab aliquibus fuit data opera
ad eam subornandam ne se submitteret Ecclesiæ. Asserunt
enim quidam testes novissimæ examinationis, super
decimo articulo id continente, quod quidam Anglicus
simulans se Gallicum captivum ab Anglicis, adibat de
nocte secreto carcerem ipsius Johannæ, subornans eam,
ne se submitteret judicio Ecclesiæ, alias actum erat
de re sua. Item plures testes, qui præsentes fuerunt et
adstiterunt judicio, dixerunt quod ipsa semper se Papæ
et Ecclesiæ submisit. Hoc dicunt super duodecimo articulo, dicentes eam crebro petivisse quod adduceretur
ad Papam ; et aliquos sibi dixisse quod submitteret
se Concilio generali, in quo aderant prælati de parte
sua ; et illos fuisse reprehensos ab Anglicis.
Hæc igitur in facto consideranda erunt consulentibus
circa processum.
[Deductio punctorum juris a consulentibus considerandorum.]
Circa nullitatem autem videndum erit :
I. De competentia judicis, an Belvacensis episcopus
favens partibus Anglicorum, ex eo solo quod illa fuerit
infra ejus dioecesim capta, fuerit illius competens judex.
II. Posito quod sic, an debuerit supersedere, attento
quod in plerisque partibus processus ejus judicium
et jurisdictio declinata videtur : primo quod illa
antequam quidquam responderet, respondit exsecutori
citationis quod petebat convocari etiam prælatos
de parte sua, ut patet p. 43 ; et quod alias dixerit : « Vos dicitis vos esse judicem meum. Ego nescio an
sitis ; videatis bene, ne vobis immineat periculum, »
p. 154 ; et quod petierit copiam responsionum suarum,
ut Parisius ostendere posset, p. 154.
III. Numquid, ex eo quod se submisit judicio
Papæ, et requisivit ac instanter petiit se remitti
ad eum, debuerit in causa fidei, quæ est de majoribus,
per judices deferri.
IV. Cum fuerit ab initio decretum quod episcopus
simul cum inquisitore procederet, ut patet p. 31,
an processus reddatur nullus, ex eo quod nunquam
intervenit nec inquisitor nec ejus vicarius a die
inchoati processus, die ix. januarii, usque ad diem
xiii. martii; quo tempore novem sessiones vel examinationes ipsius Johannæ sine inquisitore factæ
fuerunt.
V. An vicarius inquisitoris potuerit, posito quod
fuerit nullus, processum sua ratihabitione confirmare.
VI. An videatur manifesta ex actis calumnia et iniquitas
apparere, attento quod Johanna fuit per episcopum,
judicem, illicitis pactionibus et pretio nuramario
ad supplicium comparata, et ipsi regi Angliæ tradita
; utpatet ex requisitione ipsius episcopi facta, p. 13.
Attento etiam quod ipsa Johanna per regem Angliæ non
fuit libere tradita, sed cum retentione et protestatione,
de qua in litteris regis, p. 19 ; attento ulterius quod
fuit in sæcularibus et profanis carceribus posita, ut
apparet toto processu, et quod fuerit tradita scutiferis
et armigeris custodienda ; item attento quod fuit ferreis
compedibus mancipata, diuturno carcere macerata,
defensionis copia denegata, multis perplexis quæstionibus
irretita, de quibus habetur in Summario
processus (3), [an] evidens appareat calumnia et injustitia
judicantium.
VII. Numquid debuit Johanna censeri relapsa, attento
quod se excusavit quod nunquam intellexit
schedulam abjurationis ; attento quod non fuerit servatum,
quod major pars consulentium voluit observari,
scilicet quod iterato schedula legeretur et admoneretur
: quod tamen factum non reperitur, sed illico
fuit properatum ad judicium seu ad supplicium ; attento
etiam quod antea dixerat quod submittebat se domino nostro Papæ, petens se illi remitti : quod judices acceptare noluerunt, ut prædixi ; attento denique
quod, ut dixit, reassumpserat habitum virilem,
quia convenientior erat habitus inter viros, et quia
non fuerat sibi observatum promissum quod iret ad
missam et relaxeretur a compedibus ferreis ; et quod offerebat
se, si daretur sibi gratiosus carcer, usuram habitu
muliebri. In quo attendendum erit quod, circa
hoc, quidam testes perhibent quod habitus muliebris
assumptus per eam, fuit sibi furtive ablatus, ut judicaretur
relapsa : de quo constat in informationibus extrajudicialibus.
[ Sic signatum:] THEODORICUS, Auditor Rotæ in
Curia Romana.
Source : Texte original latin : Quicherat, t.II, p. 22 à 58.
Traduction tirée du manuscrit légué par le pape Benoit XIV à la bibliothèque de l'Université de Bologne (Italie), publié par L'Abbé Villerabel en 1890.
Notes :
1 (Quicherat) : Dans les manuscrits folio xxij°. Le jurisconsulte romain renvoie aux
folios de la grosse du procès qu'il avait entre les mains. Pour faciliter les
recherches, nous remplacerons ses indications par des renvois aux pages correspondantes
de notre premier volume.
2 Ces informations sont celles qui furent faites en 1452 par le cardinal
d'Estouteville.
3 Ce Sommaire du Procès est un abrégé fait par Théodore de Leliis lui-même,
pour 1'usage des consultants. Voyez dans notre Introduction le paragraphe
relatif aux Préliminaires de la Réhabilitation.
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