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Procès
de réhabilitation
Opinio de Paul Pontanus. |
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En suit aulcunes allégations de Messire Paul du Pont, advocat concistorial en parlement, touchant le procès de La Pucelle
N invocant premièrement l'ayde et la grâce de nostre Saulveur et Rédempteur Jésus Christ, nous, Paul du Pont, advocat en parlement, discuterons et disputerons aulcuns doubtes et questions que l'on peut fere et mouvoir touchant le procès de Jehanne La Pucelle.
Et est à scavoir premièrement, si on doibt croire et estimer que ses révélations et apparitions luy ont esté faictes par les bons esprits ou par les maulvais.
De prime face, il semble qu'ils soient procédés et venus des esprits faulx et séditieulx ; car, devant toutes choses, l'Eglise croit et dict que on doibt juger telles apparitions et révélations estre faictes par le Sainct Esprit, lorsque celuy qui se dict estre inspiré de Dieu le preuve par miracles ou par tésmoignage de Saincte Escriture : Ainsi que on lict de Moyse et de Sainct Jehan Baptiste. Autrement on ne le doist pas croire, par le chapitre qui se commence de Juncto parlant des hérétiques, et par le chapitre où il est dict : Nisi cum pridem, deuxièsme parraphe, ses dicts où il est narré de revocatione, la loy signis prestare.
Secondement, on peult alléguer que ce sont révélations et inspirations diaboliques, à cause qu'elle a confessé avoir esté envoyée de Dieu, por fer esmouvoir la guerre. Et par conséquent, c'estoit pour répandre le sang du genre humain, ce que les diables appètent et désirent : ainsi que dict Monsieur Sainct Augustin, au chapitre nec mirum ; car les parfaicts vertueux qui se disent avoyr inspiration de Dieu, aucteur de paix, ne se doyvent poinct mesler, ne entremettre de guerres mortelles, et charnelles ; mais seulement se doyvent occuper aux guerres et batailles spirituelles, par le chapitre nisi bella.
Sûrement on peult trouver fallace et erreur en son affaire; car, c'est bien des choses prohibées et deffendues, qu'une femme s'entremette du faict de la guerre, porte armures, cheveulx courts, bonnets, robbes et accoustremens appartenans à l'homme ; et se joigne et associe, contre estat feminin, aux congrégations et grandes tourbes des hommes : ce qui est contre la loy touchant les règles du droict parlant des offices compétents à l'homme, la loy qui se commence Maritus, le paraphe procurant et le chapitre mulieres et en ce doubte, nous interprétons et opposons les choses de la première partie, comme il est dict au premier chapitre parlant des présomptions.
Touteffois, nonobstant toutes ces propositions doubteuses et argumentations, nous disons plus véritablement le contraire, car il fault entendre et considérer que secrètes et occultes inspirations sont à renvoyer au secret jugement de Dieu, qui seul peult juger et discerner de telles choses. Et n'y a homme mortel, quelque grand clerc qu'il soit, qui en scache dire opinion certaine, veu que le Créateur à qui sont ouverts et cogneus les secrects des cueurs des humains et toutes leurs pensées en peult seulement cognoistre et juger, par le chapitre commençant si omnia, et le chapitre Erubescant. Par quoy, le Juge ne juge poinct de telles inspirations occultes et secrettes, par le chapitre nisi tune ; car Monsieur Sainct Paul, rempli de la grâce du Sainct Esprit, ne scait cognoistre les secrets du conseil divin, par quoy, en cela, le jugement de l'Eglise peult errer et estre déceu et trompé. Le chapitre a nobis parlant de sentences d'excommunication et Monsieur Sainct Augustin au premier livre de la cité de Dieu au vingt quatrièsme chapitre, que certaines vierges, de peur d'estre viollées, se précipitèrent et gettèrent dedans le feu, desquelles néantmoins l'Eglise faict feste et solempnité : ce que Sainct Augustin ne blasme pas a cause qu'il ne scait, si elles se bruslèrent par inspiration divine. Et à nostre propos l'on peult veoir, par cest exemple, qu'on ne sauroit dire ni juger de certain des révélations et inspirations données à Jehanne La Pucelle.
Idem, il appert par son procès qu'elle s'est soubmise à la jurisdiction ecclésiastique, veu que devant son abjuration et renonciation, ils luy firent recevoir le sacrement de l'hautel ; ce qu'on ne faict pas fere à ung qui est en péché mortel, au chapitre si sacerdos en ce lieu de l'office ordinaire et au chapitre quotidie de consecratione, deuxième distinction.
Je dis davantage qu'on ne la scauroit dire, ni prouver recheue pour les paroles qu'elle dist pour saulver sa vie, lesquelles doivent estre entendues sainement. Ils signifient, qu'en sa cédulle de renonciation et abjuration, elle s'estoit condempnée et dénommée héréticque et ydolastre de peur d'estre bruslée. Et n'a dict qu'elle n'entendoit poinct renoncer à son faict pourveu qu'il desplait à son Dieu le créateur, et nottamment n'a pas dict : « pourveu qu'il desplaise aux voix et révélations qui m'ont inspirées. » De quoy, puisqu'elle n'estoit pas telle que la cédulle déclairoit, elle a bien dist ces paroles. Oultre plus celluy que jamais ne cheult ne peult rechoir et qui n'est poinct tumbé ne peult retumber : il est escrit au chapitre de hereticis, premier livre.
Le sixiesme doubte est à scavoirmen, se, après toutes les articles prémises, bien visitées et elucidées, on la doibt juger hérétique. Auquel doubte, on peult clairement respondre par les choses préalléguées, qu'elle n'estoit poinct encore à estre dicte et réputée ydolatre, mais tous ses dicts et ses faicts sont très dignes d'excusation. Oultre plus, on dict que cestuy là est hérétique qui forge et controuve nouvelles et fallacieuses inventions et opinions et sectes suspectes d'hérésie et les tient et ensuit contre le premier commandement de la loy. Et le chapitre hereticus, la vingt quatriesme question, etc. Mais cestuy n'est pas de la sorte, comme il appert à ce que dict est, par quoy je dis qu'elle n'est poinct héréticque.
Le huitièsme doubte, cest à scavoir, se le procès et la sentence donnés et obtenus contre ladicte Jehanne sont inutiles et de nulle valleur, de ce qu'on n'y a poinct tenu ni gardé ordre de droict ny de justice ou d'aultre cause ou raison et en concluant briesvement qu'ils sont erronés et inutiles.
Premièrement, car l'Evesque de Beauvays n'estoit poinct juge compétent ne convenable. A donc la sentence ne vault riens (le chapitre si judex non competet inde pro totum, le chapitre ad normam touchant coustume) veu qu'elle n'estoit pas née en son diocèse. Et ainsi n'avoit là commis nulle hérésie ; et par ce moyen elle n'estoit poinct subjecte à sa jurisdiction à raison du délict (la troisièsme question sixièsme, le chapitre premier).
Secondement je dis et preuve qu'ils sont faulx, car l'Evesque de Beauvays eslisit et volut conjoinctement procéder avec l'Inquisiteur affecté et prétendu, selon le chapitre per hoc, parlant des héréticques, au sixièsme livre. Et touteffois, on ne cognoit rien de la puissance et auctorité de celluy, qui avoit déllégué et ordonné Inquisiteur Frère Jehan Le Maistre; combien qu'il soit à réputer et estimer avoir esté déllégué (par le chapitre per hoc parlant de juridiction). Touteffois, on ne doibt pas présummer ne le dire et nommer dellégué, s'il n'appert par les actes et bonnes œuvres de luy (le chapitre cum in jure, parlant de l'office d'ung déllégué et ordonné en quelque office) ; de quoy, par l'invention et malice d'ung qui est incompétent, le Juge compétent et ydoine n'a nullement bien procédé (le chapitre cum super, parlant de l'office d'ung déllégué, la loy Pendius, parlant des articles susdicts).
Surement, le procès et la sentence sont nuls et invallables ; car, posé le cas que luy adjoinct eut esté compétent, touteffois, pour ce que l'Evesque de Beauvois a procédé luy tout seul sans adjoinct à plusieurs actes de grande importance, je conclus par le chapitre per hoc, la loy Idem si vivis, que le procès est nul et la sentence injuste.
Quartement, ils ne sont de nulle vertu, car ils ont examiné eulx mêmes et interrogé, et n'ont pas faict fere l'examen par aultre, ce qui doibt estre faict, en causes graves et criminelles.
Quinctement, ils sont d'abus ou de fallace, ou à tout le moing doyvent ils estre retractés et recommencés, car il appert par les tésmoings que les Anglois ont faict grands menaces, terreurs et paour au subinquisiteur et substitué du Grand Inquisiteur et aux aultres consuls, qui avoient la charge de consulter au procès.
Sixtement, on doibt recommencer et rétracter le procès et la sentence, pour le tort et l'injustice ; car elle a récusé l'evesque de Beauvays pour juge, comme son ennemy mortel, ainsi que rapportent les tesmoings, jouxte le chapitre Suspitionis, parlant de l'office d'un délégué et par le chapitre Cum specialis.
Septiesmement, ils sont injustes et à recommencer, car ladicte Jehanne s'en est rapportée au jugement du Pape ; par quoy, ung inférieur et moindre n'a pas ne pouvoir ny puissance d'en juger et cognoistre, après telle protestation, jouxte la onziesme question Si quis nostrum et le chapitre ad Romanam.
Huitiesmement, veu que la cause estoit très grave, touchant les occultes et secrettes révélations de la foy, ils n'avoient poinct puissance d'en juger ; considéré qu'elle avoit principallement requis le Pape, pour son juge.
Je conclus donc qu'ils n'ont poinct justement procédé, veu que le cas se devoit reserver au Sainct Père (le chapitre Majores, parlant de baptesme et aultres sacrements).
Idem, à cause qu'on l'a détenue en une prison particulière et non aultrement, qu'on luy a dénié ung conseil, qu'on a prohibé et deffendu de l'adviser et conduire au procès, et qu'on a poinct permis que les articles de son procès fussent visités par les clercs de l'église, et que le juge a deffendu au notaire d'escrire ses excusations. De quoy nous pouvons conjecturer que telles révélations ou apparitions luy ont esté faictes par le Sainct Esprit, car elle estoit vierge, ainsi qu'il appert par ses assertions, et n'est poinct trouvé le contraire, jouxte le rapport des matrones. Par quoy il est vraysemblable qu'elle a eu inspiration du Sainct Esprit, ainsi que dict Sainct Ambroise, au chapitre Tollerabilius, en la question trente-sept : en quelque lieu que soit une vierge de Dieu, c'est le vray temple de Dieu, et, tout ainsi que légitime mariage multiplie et accroit le monde, tout ainsi virginité remplit les sièges de paradis, ainsi qu'il est récité en la troisiesme question au premier chapitre qui se commence Nuptiæ ; car entière virginité seule peult eslever nos âmes à Dieu le Créateur, ainsi qu'il est narré en l'Autentique, touchant maguereaulx, le parraphe qui se commence Sauximus, où il dict que la virginité est la racine et le commencement des aultres vertus, et comment les evesques doivent vivre chastement, le parraphe qui se commence Neque.
La seconde congecture que l'on peult fere à son procès c'est qu'elle estoit humble, simple et bonne Pucelle, car elle s'excusa de son imbécibilité, disant n'estre pas ydoine, ny propre pour la guerre.
Idem, pour ce qu'elle n'appéta poinct l'honneur mondain, mais demanda le salut de son âme, et, qui plus est, on ne trouve poinct qu'elle ait respondu surement en toutes les interrogations répétées, recommencées et fort difficiles qui luy ont esté faictes et proposées ; de quoy elle avoit humilité, conjoincte avec virginité, qui est une chose moult louable, comme il est narré au chapitre qui se commence Diximus en la trentiesme distinction.
Pour ce justement et à bon droict elle a bien peu avoir du Sainct Esprit telles apparitions et révélations, jouxte la parolle de Dieu qui nous revelle, en disant : « Sur qui repposera mon esprit, sinon sur celluy qui sera humble et craindra mes parolles. »
La tierce congecture que l'on peut fere en ce cas, c'est la bonne vie qu'elle a menée ; car on scait bien comme elle a vescu très honnestement, en oyant souventes foys la messe, fréquentant l'eglise, allant à confesse, donnant voluntiers aux povres de Dieu et jeûnant les jeûnes commandés et se faisoient plusieurs autres abstinences qui apprennent et demonstrent la vie des justes.
La quarte conjecture c'est la sorte et qualité des commandements de Dieu, lesquels celestes apparitions et révélations luy faisoient, car ainsi qu'elle affirme ils luy disoient : « Gouverne toy bien, va voluntiers à confesse, fréquente souvent l'église, garde les vertus du corps et de l'âme, et, en ce faisant, tu acquéreras la béatitude éternelle. » Oultre plus il appert que jamais ne leur demanda que le salut de son âme : ce qui est ung grand signe de bon esprit, jouxte ces parolles : « A fructibus... Vous les cognoistrez au fruit qu'ils porteront. »
La cinquiesme congecture de sa bonté, ainsi qu'elle affirme, c'est que l'ange au commencement luy fict une grande paour et en la fin la layssa en joye et consolation. Ainsi faict le bon ange, comme disent les Théologiens de celluy qui apparut à Saccarie et semblablement à la benoicte Vierge Marie et la salua en luy disant : « Marie n'aye poinct de peur, tu es en l'amour de Dieu. »
La sixiesme congecture est que, quand les anges s'apparaissoient à elle, aulcunes foys se signoit du signe de la croix ; nonobstant ce, les anges ne se despartoient, ny esloignoient poinct d'elle, combien que le signe de la croix a puissance de chasser les maulvais esprits, comme il est traicté au chapitre qui se commence Postea signatur de consideratione, en la quatriesme distinction.
La septièsme congecture est en tant qu'elle se disoit clairement entendre les voix des Sainctes et ce qu'elle luy révelloient, veu que telles voix estoient claires, humbles et familières ; et la coustume des malins esprits est toutellement contraire; veu que de commencement ils flattent et pallient la personne pour la déception, ils font leurs révélations en trouble, affin que si ils médisoient vérité, ils puissent avoir puissance et autorité sur ceux qui les servent et croyent à leurs dicts, par ce qu'ils révèlent malicieusement leurs parolles obscures et difficiles à entendre, ainsi qu'il est récité au chapitre qui se commence Secundum, en la vingt-sixiesme question.
La huictièsme congecture que l'on peult fere de sa bonté et fidélité, c'est touchant la bonne fin très dévotte et catholique qu'elle eust ; car, comme l'appert en son procès par les tesmoings devant la condempnation les juges décretarent et luy promirent qu'elle recevroit le corps de Jésus Christ avec les aultres sacremens de l'Eglise, lesquels elle receust en grand ferveur et dévotion ; et finit ses jours en invocant incessement et très religieusement le benoist Nom de Jésus, lorsqu'elle estoit dedans le feu. Tout à l'opposite sont ceux que l'ennemy d'enfer persuade et contrainct de se donner à la mort ; car ils n'ont aulcune mémoire de Dieu, mais appellent le diable qui les précipite à éternelle dampnation ; comme dict Monseigneur Sainct Augustin mestant ung exemple du Roy Saül qui adora le diable en la forme et semblance de Samuel, ainsi qu'il est récité au chapitre qui se commence nec mirum en la vingt et unièsme question.
La neuvièsme et la plus grande congecture, c'est l'oppération des miracles quelle fit ; car elle prophétisa les choses advenir : c'est à scavoir que en temps que le Roy de France estoit fort oppressé et molesté de ses enemys, Jehanne luy promit et dict : « Sire, je vous feroy de brief coronner à Reims ; » ce qui sembloit à tout le monde toutellement impossible, et touteffoys ainsi advint-il et fit ladicte Pucelle lever le siège de devant Orléans. Et encore dict et prophetisa plus clairement que tous les Anglois seroient chassés hors du royaulme de France, excepté ceux qui là seroient massacrés et mis à mort, et qu'ils perdroient tout ce qu'ils avoient conquis audict royaulme, ce que nous voyons pour le jourd'huy vérifié.
Nous concluons doncques telle annonciation des choses futures est ung grand signe du Sainct Esprit qui la visitoit, jouxte ce qui est escrit à l'Evangile : « Vous ne pouvez de vous mesmes cognoistre les choses advenir. Celluy seulement les cognoist auquel mon Père les a révéllées. » Après s'ensuit à l'Evangille : « Annoncez-nous les choses futures et nous confesserons que vous estes inspiré du Sainct Esprit et que vous estes dieu. »
La dixièsme congecture est très grande, à cause d'un aultre miracle ; car, comme dict Sainct Bernard, quoyque les miracles que Nostre Seigneur fit sur la terre fussent grands et merveilleux, touteffoys on voyt clairement que toutes simples gens, ruddes, pouvres et grands pécheurs il a subjugué et faict croire à la foy presque tout le monde. Ainsi pouvons-nous dire que une simple pucelle, aagée de dix huit ans ou environ, non instruicte ne industrieuse aux armes, venue de pouvre mayson, a donné courage et animé les françois, lorsque l'estat et condition du Roy de France sembloit estre abbatue et tout destruict, et par son gentil et vertueux courage a espouvanté, vaincu et despouillé les anglois, anciens enemys de France, tellement qu'ils s'enfuyoient devant elle et luy estoient ouvertes toutes les portes des cités, villes et chams dettenues auparavant par nos adversaires. Et doibt on croire et juger que c'estoit tel et si grand miracle que à bien grande peyne on ne scauroit ouyr ny veoir ung semblable aux cronicques. Par quoy il appert assez que c'estoit chose miraculeuse, et ne luy contredict poinct le chapitre qui se commence Cum ex injuncto moris, toutellement faict ledict chapitre pour elle. Et peult-on encore respondre a ung aultre chapitre disant : « Supposé que aulcuns miracles ne ont poinct esté en ses œuvres on ne la doibt pas croire, si elle se vante avoir esté envoyée de Dieu. » Touteffois ce chapitre ne dict pas qu'on la reppute estre envoyée du diable, mais plus tost, puisqu'il nous est toutalement incogneu, la devons laysser au Jugement de Dieu, comme j'ay approuvé par cy devant.
Surement on peult respondre que la créature se dict estre de Dieu transmise, ou elle veult donner doctrine, ou prescher comme si elle estoit envoyée de Dieu ; et, parce qu'en cela gist grand danger, on n'y doibt poinct adjouster de foy ou on se doibt rapporter au jugement de Dieu, comme j'ay dict devant : et ainsi on doibt entendre le chapitre préassigné.
Oultre plus, poinct ne luy est contraire ce qu'elle s'est meslée du faict de la guerre, veu que de soy mesme ne s'est pas ingérée, mais s'est humblement excusée devant aux esprits divins : « Je suis une simple et pouvre fille qui n'apprins jamais le tren de la guerre. » A quoy respondirent les voix célestes : « Regarde la calamité du pays, la patience du Roy de France et le grand tort que les Anglois luy font ; par quoy, Jehanne, va hardiment ton pays alléger, ton roy sera paisiblement en royaulme. » Par ce l'on peult estimer qu'elle a faict œuvre méritoire et mené juste guerre, ainsi qu'il appert par le chapitre Apud vivos, et par le chapitre Nobis trente-troisièsme en question première, où il est dict qu'il fault cinq choses devant que une guerre soit juste et raisonnable. Premièrement, on la doibt fere pour la deffense du pays et pour redemander et avoir les choses qui nous appartiennent. Secondement, on la doibt fere par contraincte et non pas voluntairement pour rester en pays. Tiercement on ne la doibt poinct fere par vengeance. Quartement on doibt mener et fere la guerre par le commandement du prince. Quinctement la guerre est juste quand les gens d'église n'espandent poinct le sang et se désistent du faict de la guerre.
Ces cinq choses ont esté en ladicte Jehanne. Car premièrement elle s'est entremise de fere la guerre pour deffendre son pays. Secondement elle a prié et admonesté les Angloys de retourner en leur pays sans mal fere en France. Tiercement elle eust mieulx aymé estre distraicte et demembrée par quatre chevaulx que de venir en France sans le commandement de Dieu. Quant est de la quarte et de la quinte, il est cogneu qu'elle ne volut jamais tuer aulcun, mais que plustost tousiours deffendoit et prohiboit à ses gens de fere meurdre et portoit soy mesme l'estendart, affin qu'elle ne tuast personne.
Je preuve davantage que la guerre estoit juste, car le Roy d'Angleterre ne peult justement prétendre aucun droits au royaulme de France, ainsi que décide Balde, docteur illustre et très renommé, au premier livre de la paraphrase de Senat, le vers qui se commence Idem non ; duquel docteur j'ay icy réduict les propres termes et parolles formelles : « Je ne argue par ce, dict il, que les enfans masles puissent succéder plustost au royaulme que les femelles. Et oultre plus, là où la mère ne succède poinct, le fils d'elle ne succédera pas et tout enfant qui est de la trace et racine, en suit la nature de sa propre génération. Or est ainsi que la fille du Roy de France ne succède pas au royaulme, selon la louable coustume des François. Par quoy, le fils d'icelle, qui est roy d'Angleterre, n'a peu justement prétendre droict au royaulme de France. Car tant de vertu ne de droict, ne peut estre à celluy qui en est cause, comme à celluy desquelles causes procède. Cecy est mis par exprès en la dixiesme collation : c'est à scavoir quels meubles, fiefs peuvent estre donnés aux filles ou aux fils le parraphe Hoc ant. »
Toutes ces choses veues et considérées, il a pleu à ladicte Jehanne, subjecte au Roy de France, luy donner ayde et secours en bonne et juste guerre, par quoy il appert qu'il est permis à une femme de secourir son Roy et son pays, et doibt-on tousiours interpréter et exposer au meilleur sens une chose qui est en double, ses congectures prémises demeurantes entières et vallables. Je dis davantage que quand on cognoist assez, par bonnes congectures et miracles que l'inspiration est venue du Sainct Esprit, on doibt excuser celluy ou celle qui a esté inspirée de tout ce qu'il a dict, faict ou pensé. Considéré aussi que ladicte Pucelle a tousiours ensuivy sa propre voye d'inspiration, laquelle excède et surmonte toute autre loy. Par icelle loy d'inspiration, Jacob fut excusé de mentir et mensonge, les enfants d'Israël de larcin, Abraham d'adultère, Samsom d'homicide, David en fut excusé de la mort et déconfiture de grand nombre de peuples dont il est faict mention en plusieurs passages de la Bible. De quoy, par plus forte raison, ceste loy doibt excuser Jehanne la Pucelle des choses dessus dictes qui sembloient estre honnestes et licites, posé le cas, sans préjudice que telles révélations fussent venues des malins esprits. Touteffoys, à cause que Sathan se transfigure aulcunes foys en l'ange de lumière, elle déceue par ceste erreur à croire que c'estoient les Anges de Dieu et a exhibé révérence à Sainct Michel, à Saincte Catherine, à Saincte Marguerite qui sont en paradis et a creu fermement que c'estoient elles; par quoy, si c'estoit herreur, pas ne luy seroit périlleuse, ne dampnable, puisque ainsi est qu'elle n'a poinct esté obstinée à son opinion, mais s'est submise et rendue au jugement de l'Eglise, comme je diray cy après au cinquiesme doubte : et voylà quant au premier doubte.
Secondement on pourrait doubter ascavoiremen, si l'usage et portement d'habit d'homme luy est à reprocher et donner vitupère ou non ?
Et semble premièrement que ouy, car si aulcune femme juge à propos qu'il luy est mille de porter habit et accoustrement d'homme et en suivre les gestes et les façons de luy, elle est anathematisée et est excommuniée par le chapitre Si qua mulier en la distinction trente et, ainsi qu'il récite au vingtièsme chapitre d'action, Sainct Paul commande et enjoinct à toutte femme qu'elle voille et couvre sa teste sobrement et honnestement, porte cheveulx convenables à son estat, non pas roignés comme ceulx d'ung homme. Oultre plus il semble qu'elle ayt esté obstinée, car elle a préesleu et mieulx aymé non ouyr la messe, ne communier, comme il est commandé de l'Eglise, que de mettre bas l'habit d'homme. Et ainsi a contemné les commandements de Saincte Eglise par le chapitre Omnia utriusque sexus touchant rémission (le chapitre Missas).
Mais, nonobstant toutes ces allégations, j'estime le contraire, car premièrement, si par inspiration divine elle use de vestements convenables aux hommes pas n'est à vitupérer ne blasmer ; car celluy qui est inspiré de la grâce de Dieu et en qui le Sainct Esprit descend est en franchise et liberté, comme il est escrit au chapitre préallégué ; car Jacob, par la permission du Sainct Esprit, print les vestements de son frère Esaü pour décepvoir son père et supplanter la bénédiction de son frère ; aultrement ne luy eust pas esté licite.
Secondement, je dis le contraire ; car, se une femme porte habit, armes et aultres choses compétentes à l'homme, non pas par vollupté, malice ou luxure, mais par bien fere et par incitement divin, elle n'est poinct coupable. Et à nostre propos ladicte Jehanne s'est vestue de tel accoustrement non poinct par plaisance ne luxure, mais affin qu'elle n'esmeut à luxure et lubricité les hommes avec lesquels conversoit et frequentoit. Par quoy donc, elle n'est poinct coupable ; car nous voyons bien souvent que l'aspect des habits désordonnés que portent les femmes provoquent les hommes à paillardise et toute lubricité, comme il est dict en la loy videmus apud, au parraphe si quis virginum. Tiercement, disent les docteurs, que se aulcune femme craignant de perdre sa virginité ou d'estre violée porte habit et accoustrement d'homme, elle n'est poinct coulpable ne vicieuse, car on ne nous doibt pas imputer à vice et erreur les choses que nous avons faictes à bonne intention, ainsi qu'il est escrit en la vingt-troisièsme question troisièsme de occidendis ; car il est permis aux clercs de changer et commuer leurs habillements et si leur est concedé et permis de vestir habit laïque, car là ou juste cause de craincte est, il est requis changement d'habit.
Mais Jehanne la Pucelle dict à son procès avoir prins et porté habillement d'homme de peur qu'elle ne fust viollée et affin qu'elle fust plus agille à résister contre aulcuns Anglois qui s'estoient efforcés de la corrompre et violler ; par quoy elle est digne d'excusation et est tout manifeste que si on l'eut rendue aux prisons ecclesiastiques, ainsi qu'elle avoit requis et prié elle estoit contente de revestir et prendre son vestement de femme ; car là où craincte de défloration eust été d'elle absente poinct n'eut refusé de se vestir de robbes de femme, car on doibt plus craindre de perdre sa virginité que d'endurer la mort, par la loy Isti quidem, le chapitre Quod metus causa, la loy N, le parraphe Initium § De origine Juris. Et permutation et changement de robe et vestement est concédé et permis à celles qui craignent à perdre la virginité ou qui veulent estre plus agiles à délivrer pour cheminer, selon la glose et doctrine du troisiesme canon Si cuis exclericis, touchant la manière de vivre et de honnesteté de vie, ces deux choses ont esté trouvées en ladicte Pucelle, laquelle estoit en continuelle expédition de bataille.
Quartement il n'est pas vray qu'elle volut et esleu ne ouyr poinct la messe, ne communier de sacrement de l'autel moyennant qu'on luy baillast une robe faicte à la mode d'une fille de bourgeoise.
Quinctement on la peult excuser, en tant qu'elle confesse avoir juré et promis au Roy de France qu'elle ne changeroit jamais son habit ; et aucun vouloit arguer que le jurement n'estoit poinct licite : je luy responds qu'il est ni certain, si elle a faict seurement par bonne inspiration. Oultre plus, elle estant constituée entre ces deux maulx, doubtoit et ne scavoit lequel plustost devoit eslire, attendu la fragilité de son sens et de son sexe féminin et de l'aage de jeunesse, par quoy doit estre excusé de ydolatrie.
Sextement, en ces derniers jours, elle fust contraincte sans réserves ne aulcune condition, selon l'advis des juges, laysser et mettre ses habillements d'homme ; ce qu'elle fit : par quoy appert que durant son procès qu'en cela ne fust onc pertinace ne obstinée.
Septièsmement, on ne scauroit prouver qu'elle fust recheue ; car elle n'a poinct esté trouvée coulpable pour avoir porté habit d'homme, elle n'a pas esté vituperable de l'avoir reprins et revestue, car les tésmoings dépposent qu'elle le print et s'en revestit, craignant estre viollée et corrompue par les Anglois qui la tenoient et par ceulx qui la gardoient en la prison.
Idem elle n'est poinct coupable ; car, tandis qu'elle dormoit à son lict, on lui déroboit sa robe de femme et mettoit-on en lieu la robe d'ung homme, affin que, quand elle se léveroit pour servir aux nécessités de nature, elle fust contraincte de se couvrir et vestir de vestements d'un homme, ainsi qu'il appert par la dépposition des tesmoings. Par quoy je dis que nécessité n'est point subjecte à la loye (le chapitre De furtis, etc.) ; luy eust esté plus deshonnête de cheminer toute nue que de avoir accoustrement d'homme et voilà pour le second doubte.
Tiercement on peult arguer ascavoirmen, se ses gestes et faicts sont dignes de louange ou vitupère.
Et premièrement on pourroit dire et alléguer qu'ils sont à blasmer et vitupérer ; car elle adoroit et révéroit ses malins esprits tellement qu'elle tumboit en hérésie et sorcierie par la vingt-sixièsme question, sixièsme chapitre Episcopi et le chapitre Nec mirum.
Idem, à cause qu'elle dict et affirme avoir embrassé corporellement les anges, les Saincts et les Sainctes qui sont esprits et n'ont poinct de corps. A quoy on peult respondre qu'elle a dict expressément et confessé avoir honoré et reveré dévotement les anges et les Saincts et Sainctes et Dieu, croyant que ce fussent ceulx qui sont en paradis ; affin qu'ils obtinssent grâce et pardon pour elle envers Dieu le Créateur.
Idem scavoit que les anges n'ayant poinct de corps, bien peuvent-ils assummer et prendre ung de chair ; car Jacob lugtoit et joustoit contre ung ange et si l'embrassoit.
Idem, si c'estoient maulvais esprits, si est-elle à excuser ; car en croyant qu'ils feussent bons les honoroit et adoroit. Il ne peut estre contraire à son faict ce que le Roy Saul fit quand il adora ung diable, cuydant que ce fust Samuel ; car lors Saul n'est poinct excusable, veu que tousiours recouroit à la science et art diabolique d'une invocature enchanteresse, laquelle ne scauroit fere venir les bons esprits de Dieu.
Idem il semble qu'elle soit repréhensible et coulpable, en tant qu'elle se partist de la maison de son père, sans congé ; ce qui est contre le commandement de Dieu, où il est dict au troisiesme de l'Ecclésiastique : « Honores ton père et mère, si tu veulx vivre longuement sur terre, » et au cinquièsme chapitre rescript aux Ephésiens : « Honores et crains ton père et ta mère qui est le premier commandement de la loy. » Idem au sixièsme chapitre il est dict que les enfants apprennent à aymer père et mère de aussi ardent amour, qu'ils les ont premièrement aymés ; car cela est agréable à Dieu. Par quoy ung enfant qui ne faict la volunté du père et mère est plus conduict et gouverné par l'esprit d'enfer que par le bon ange, par le chapitre Nolitit, la vingt-sixièsme question. Mais nous respondons à ces questions prédictes, jouxte la response d'icelle, qu'il faust plustost obéir à Dieu le Créateur que à père et à mère : de quoy cela estoit commandé à ladicte Pucelle par inspiration divine. A tout le moins elle croit qu'il luy fust commandé de Dieu, selon cette sentence escrite en l'evangile : « Celluy qui ayme son père plus que moy n'est pas digne d'avoir mon paradis. »
Idem, à raison quelle dict avoir celé à ses parents son département, pour la pitié qu'elle en avoit, et pour la crainte qu'elle avoit de les courrousser et tourmenter sa despartie.
Idem, pour ce qu'en toutes aultres choses a obéy à père et mère et leur demanda perdon de ce qu'elle estoit partie sans leur fere assavoir à ce qu'ils luy pardonnassent. Par quoy, en tant qu'elle s'est corrigée et'en a demandé mercy et pardon, il appert qu'elle n'est poinct repréhensible, ni coulpable par la vingt-quatrième question hoc est fides.
Tiercement, il semble qu'elle soit à blasmer et à resprendre, a cause qu'elle s'est meslée et entreprinse du faict de la guerre. A quoy nous avons respondu auparavant en l'excusant et disons davantage qu'elle dormoit et reposoit tousiours vestue, accompaignée de femmes, quand elle en pouvoit trouver pour garder sa virginité.
Quartement, il semble qu'elle soit coulpable et digne de repréhension pour ce qu'elle foisoit escrire en ses letres le nom de Jésus et de Marie, en la vertu desquels elle commandoit mal faire. A quoy respondons que cela n'est pas vray comme elle dict, car la persécution de la guerre faicte pour la querelle du Roy de France estoit juste et raisonnable.
Idem elle dict, que son secret escrivoit de soy même en disant qu'il estoit convenable et utile, car nous fléchissons les genoulx et nous humilions quand l'on prononce le nom de Jésus par le chapitre decet touchant l'immunité de l'Eglise ou il est récité que toutes choses doivent estre faictes au nom de Jésus.
Quintement il semble qu'elle soit à reprendre en tant qu'elle faillit par desespoir d'une haulte tour en tentant Dieu jouxte ce dicton : Tu ne tenteras poinct ton Dieu, ton Créateur (vingt-deuxièsme question, le chapitre Queritur cur). A quoy ladicte Pucelle respond très sagement disant qu'elle est faillie du coupeau d'une tour non pas par desespoir, mais en espérance de saulver son corps et secourir a maintes gens de bien. Et encore elle en requist à Dieu perdon et misericorde, comme dict Monseigneur Sainct Grégoire. Quand les deux exercites des adversaires se joindront de toutes parts, celluy qui se sentira fort en presse se pourra licitement jester au lieu où se veoira moindre oppression et danger par le chapitre nec non, la treisièsme distinction.
Idem je dis quelle n'est poinct coulpable, car elle avoit ouy dire que ceulx de sa compaignie devoient estre mis au feu et à l'espée. Par quoy mieulx aymoit mourir que d'endurer telle injure, qui est un signe de très grande charité, jouxte, ces parolles : « On ne scauroit fere ou avoir plus grande charité que de exposer sa vie au péril de mort pour secourir son pays et ses amis. » Par quoy ce qu'elle a faict en la guerre doibt estre excusé et voilà pour le troisièsme doubte.
Quartement on pourroit doubter assavoiremen, si elle est excusable ou coulpable quant à ses dicts.
Premièrement il semble qu'elle soit coulpable, veu qu'il semble qu'elle soit menteresse en tant qu'elle a dict que l'ange de Dieu porta au Roy de France une précieuse couronne et se inclina devant ledict Roy : ce que n'est pas à croire, selon le dict du prophète royal David parlant de Jésus Christ : « Toy Dieu le Père as diminué et rendu ung petit moindre que les anges ton fils Jesùs Christ ; » et le Sainct Esprit n'approche poinct d'ung qui est faulx et menteur par la question première Zizanie, et la troisiesme Salvator. A quoy nous respondons que tout ainsi qu'il n'est poinct licite de mentir, pareillement que respondant subtillement et taisant vérité on peut simuler et feindre ce qui n'est pas, comme le fit Abraham en la présence de Pharaon (le chapitre Queritur) ; car l'ange est ung nom d'office qui vault aultant à dire que messager que j'envoye devant la face (là où Jesus Christ parle de Sainct Jehan Baptiste.)
Idem elle se disoit messagère de Dieu, envoyée au Roy de France, par quoy justement elle luy portoit la couronne et la palme de victoire, par laquelle il devoit parvenir à la couronne. Par quoy on dict que celluy là est couronné qui obtient la gloire de la victoire jouxte le dict de Sainct Paul : « Nul n'aura la couronne s'il ne gaigne justement la victoire. » Et la loy première qui faict mention des combattans et joustans. De quoy en cela elle n'a poinct menty, mais a subtilement parlé et si aulcun vouloit dire qu'elle est menteresse, pour ce qu'elle a confessé que l'ange qui porta la couronne au Roy estoit Sainct Michel, on luy respond, selon la sentence de Monseigneur Sainct Denys concluant en son livre de Celeste Iérarchie, qu'on ne mesure poinct les suprèmes degrets des anges. Quand on veult dire l'opposite, le seraphin qui fust envoyé à Ysaye, dict que ce qui est faict par les anges inférieurs et qui sont au plus bas degrets, il est dict estre faict par les anges supérieurs, à ceulx qui bien cernent et regardent les propriétés et offices des anges, qui sont aux plus hauts degrets de paradis. Par quoy ce Séraphin manda par ung aultre que soy le message a Ysaye ; et ainsi, à nostre propos, Sainct Michel est appellé le prévost et le prince des Anges, ainsi qu'il est escrit au livre de Daniel. Donc, si Jehanne dict avoir faict ce qu'elle a faict par la révélation de Sainct Michel on doibt dire que ce a esté Sainct Michel et qu'elle mesme a esté l'ange et le messager commis de par Sainct Michel.
Secondement il semble qu'elle soit coulpable, en tant qu'elle se disoit seure et certaine de son salut, combien que nul ne cognoisse ne scache véritablement, s'il est en l'amour ou indignation de Dieu. A ce, peut on respondre qu'elle assuroit cela estre une foys vray, mais qu'elle tint la promesse quelle avoit faicte à Dieu, c'est ascavoir la virginité tant de son corps que de son came qui se garde d'offenser et commettre péché, selon Sainct Augustin au sermon qu'il a faict sur l'Evangile des dix vierges.
Tiercement on la pourroit blasmer en tant qu'elle se dict bien scavoir les choses advenir. Or est ainsi qu'elle n'a pas sceu comme elle seroit délivrée de prison et aultres choses simples, par quoy il semble qu'elle a menti. A quoy je responds que tous ses dicts ont esté vérifiés ; car, touchant sa délivrance de prison, les anges luy avoient prédict qu'elle souffriroit martire patiemment et puis à la fin seroit saulvée en paradis, par ainsi elle a tousiours dict vérité.
Quartement, il semble qu'elle soit à reprendre, quand elle dict et affirme que les Sainctes qui se sont apparues à elle ayment les Françoys soubstenant leur querelle, et ont en hayne et indignation les Anglois. Et touteffois, envers Dieu et ses Saincts, il n'y a poinct d'acception de personne, par le chapitre Novit. Mais on respond que ladicte Jehanne entend dire que les Saincts et Sainctes hayent ceulx que Dieu hayt, et ayment ceulx qui sont en l'amour de Dieu jouxte ces parolles : « Il ayma Jacob et poursuivit Esau de hayne et indignation. »
Quinctement, il semble qu'elle soit digne de vitupère, aultant qu'elle affirme n'avoir aulcun péché mortel sur soi et que jamais ne pécha mortellement, mais cela n'est pas véritable, veu qu'elle mesme a confessé ne scavoir pas se elle a péché mortellement et que Dieu ne veult mye qu'elle face ou ayt faict aucun péché qui empesche le salut de son âme : ce qui l'empescheroit se péché mortel estoit en elle, sans estre détruict par vraye pénitence. Par ce moyen, ses parolles qui ne contiennent aulcun mal, sont dignes d'excusation.
Le cinquièsme doubte est assavoirmen s'elle a erré et failli, touchant la submission de l'Eglise. Il semble premièrement que ouy, considéré qu'il semble qu'elle ne soit poinct volu soubmettre au jugement de l'Eglise militante, quoy qu'on luy ayt déclaré la différence de l'Eglise triomphante et de l'Eglise militante; et aussi, veu et considéré qu'elle a revocqué la submission laquelle elle avoit accordée en sa fin, cogneu aussi que chascun bon viateur se doibt rendre à l'Eglise militante par le chapitre Hœc est fides, la vingtièsme question et le chapitre cr gv. Berengarius. Et quiconque est hors de l'Eglise militante est estrange de son salut par la vingt-quatrièsme question Alienus, le chapitre Quicumque ; mais, qui plus est, il ressemble à une branche qui est séparée hors de l'arbre, laquelle devient sèche ; ou à ung petit ruysseau, éloigné de la fontaine, lequel se tarit et sêche et est estanche d'eau ; tout ainsi sont ceulx qui se séparent de l'union de l'Eglise et du ventre de la mère, lesquels sont ravis par les loups infernaulx ; ainsi qu'il appert par la question trentièsme Ipsa pietas, et par la question vingt-quatrièsme Loquitur, et par plusieurs passages qu'on peult alléguer à ce propos. Touteffoys, nonobstant ces allégations, nous concluons le contraire, c'est ascavoir que sa parolle et raison sont excusables par plusieurs raisons.
La première : tout ce quelle faisoit par révélation divine procédant du Sainct Esprit, par ainsi ladicte Pucelle ensuivoit la loy particulière de divine inspiration, par laquelle elle estoit exempte de la loy commune ; car l'Eglise le permet ainsi (le chapitre Ex parte), et, ce faisant, elle suivoit le jugement de l'Eglise et eust faict contre sa concience s'elle eust faict l'opposite, laquelle conscience bien informée par inspiration divine, et n'eust édifié sa demeure en enfer (le chapitre Literas). Et se ceste conscience a esté enseignée et bien informée par bonne crédence, elle ne devoit poinct estre submise à la délibération du prélat et de son concile. (Le chapitre Inquisitio, troisième de sentence d'excommunication, et ainsi qu'il est escrit au chapitre Ad aures).
Secondement, par ce doubte assavoirmen, se ceste inspiration luy est venue du Sainct Esprit ou faulx, considéré qu'on ne scauroit que dire ne juger et est cogneu seulement à Dieu, et par conséquent l'Eglise ne doibt poinct juger (le chapitre Erubescant), veu qu'elle pourroit estre deceue et trompée en ces choses secrètes à Dieu (le chapitre A nobis de sentences d'excommunication) et à l'Eglise militante, les réserve au Créateur et les délaisse à la conférence de ceulx et celles qui se dysent avoir ouy telles révélations (le chapitre Inquisitioni). Par quoy, je dis qre ladicte Jehanne n'a poinct erré ni failli, mais tant seulement s'en rapporte au jugement divin.
Tiercement, on peult doubter en tant que ces choses concernent les articles de la foy, et nous devons croire ce que l'Eglise croit ou nous sommes héréticques (le chapitre Nolite) ; mais, en aultres choses de la foy, nous avons liberté et franchise de tenir et croire ce que nous vouldrons, comme de Salomon s'il est saulvé ou damné, et ascavoir si aultant de gens doibvent estre saulvés, comme il y eust d'anges qui trébuchèrent, ou aultant, comme il en demoura en Paradis, veu que entre les Docteurs de l'Eglise et du très Sainct Augustin et Sainct Grégoire y en ayt grand controverse et contrariété et en tels secrets chacun peult suivre et tenir sa propre opinion, et à ce propos croire et tenir que l'inspiration que luy a esté donnée soit bonne du Sainct Esprit n'est poinct des articles de la foy.
Idem, l'Eglise ne tient pas qu'elle soit procédée de maulvais esprit mais reserve et délaisse au jugement de Dieu ceste chose doubteuse et secrète : parquoy Jéhanne en tenant son opinion n'a poinct erré ny mespris.
Quartement, on la doibt excuser de ce qu'elle ne s'est poinct volu soubmettre, ne rapporter au jugement de l'Eglise, car elle n'entendoit poinct souffisemment que c'estoit que l'Eglise, comme il appert en ce qu'elle a dict ne cognoistre poinct la différence d'entre l'Eglise militante et l'Eglise triomphante et comme les tésmoings déposent au premier commencement de son procès elle n'entendoit poinct que c'estoit que l'Eglise, mais après qu'on luy a déclaré et qu'elle a entendu, tousiours s'est submise à la puissance de l'Eglise. Disoit oultre plus que le juge prenoit et menassoit ceulx qui lui vouloient interpreter et exposer, et que une simple pucelle n'eust pas seu entendre de soy mesme les subtilles questions qu'on luy faisoit.
Quinctement, les tesmoings dépposent plus amplement que aulcuns feignans soubstenir la querelle du Roy de France, lesquels cauteleusèment, malicieusement luy conseilloient qu'elle se gardast bien de soy soubmettre à l'Eglise si elle vouloit eschaper.
Sextement on la peult excuser, car jamais ne récusa droictement se rendre au jugement ecclésiastique, mais toutes ses parolles sont sauvables par saine déclaration et interprétation.
Septièsmement en tant qu'elle s'est submise a l'Eglise en trois manières. Premièrement, quand elle n'a volu rien fere qui fust contre la foy chrestienne, laquelle Notre Seigneur a establi, et, s'elle eust dict, faict ou pensé aulcune chose que les clercs eussent approuvé contraires à la foy catholique, pas ne l'eust volu soubstenir, ny deffendre, mais oster et chasser hors de soy : donc je dis qu'elle s'est submise à l'Eglise aux choses esquelles la foy chrestienne requiert qu'elle s'y submette, car qui veult l'antécédent, nécessairement il veult ce que s'ensuit de l'antécédent (la loy Quominus, parlant des fleuves, et le chapitre Oui sunt regis), et elle qui estoit encore jeune et de petit entendement n'estoit pas encores subjecte ne tenue de scavoir manifestement les articles de la foy, comme disent les docteurs de Saincte Théologie. Par la seconde manière, elle s'est submise à l'Eglise explicitement et clairement, veu et considéré qu'elle s'est rapportée au pape, auquel seul appartient juger et cognoistre des causes et matières de la foy (le chapitre Majores touchant baptesme, et le chapitre Hoc est fides). Je dis davantage qu'elle s'est submise très clairement et manifestement, car les tésmoings dépposent que, quand elle a entendu les termes de l'Eglise, tousiours s'est volu rendre à l'Eglise et au Concile Général, et a requis et prié les articles de son procès estre veus et visités par gens d'eglise devant qu'elle renonçast et abjurast ce qu'elle avoit faict ; laquelle chose luy a esté derogée et refusée : par quoy les juges ont recusé l'opinion et le jugement de l'Eglise et non pas Jéhanne.
Idem dépposent les tesmoings que l'Evesque de Beauvays pour lors juge dellégué deffendit et prohiba au notaire d'escrire la submission que Jehanne avoit faicte à l'Eglise, de quoy grandement elle se complaignit.
Idem à cause que l'on a falcifié et changé les poincts et articles transmis par devers les consuls et qu'on l'a vexée et tourmentée pour la cuyder prendre en parolles et que ceulx qui la devoient conseiller taschoient à la décevoir et plusieurs aultres causes et raisons me font dire et poursuivre que le procès et la sentence doivent estre recommencés et retraictés.
Louange soit à Dieu donnée !
Amen.
Et pour la première et sommaire Visitation dudict procès, il semble à moy Pierre du Pont, Docteur en chascun droit, advocat du Sacré Consistoire et parlement, qu'il faut de droict ainsi conclurre, sauf meilleure délibération et jugement de nostre mère Saincte Eglise et de tous aultres qui auront plus saine opinion.
OPINIO DOMINI PAULI PONTANI
UTRIUSQUE JURIS DOCTORAS ET ADVOCATI IN CONSISTORIO SACRO
Domini nostri Jhesu Christi, per quem discernitur et intelligitur ipsa veritas, præsidio invocato, præsuppositis his quæ in facto narrantur, plura dubia discutienda videntur.
Et primo, an hujusmodi revelationes seu aparitiones a bonis vel a malis spiritibus factæ censendæ sint.
Et videtur prima fronte quod a malis : Primo quia ita demum istæ occultæ inspirationes a spiritu bono fierent dum tamen si ille qui inspiratum se asserit a Deo per miraculi operationem aut scripturæ testimonium hoc probet, ut palet in Moyse et Johanne Baptista, alias ei non creditur, cap. « Cum ex injuncto » De hæreticis ; « Nisi cum pridem, § Sed dices » De renunciatione ; in cap. « Si quis præpostera » ; sed ista neque scripturae testimonium neque miraculi operationem ostendit, igitur etc..
Secundo, idem videtur probari a causa suae missionis, videlicet ad faces belli excitandas et, per consequens, Immani sanguinis effusionem faciendam, quod maxime diaboli desiderare videntur et etiam dicuntur secundum Augustinum in cap. « Nec mirum'*. » Perfecti enim, qui ab auctore lucis inspirationem se habere asserunt, non debent se immiscere bellis carnalibus, sed circa bella spiritualia occupari, cap. « Nisi bella. »
Tertio, quia mulierem miscere se bellis est prohibitum aut arma gerere et similia cum sint de genere proprio prohibitorum cum virorum cætibus se insérât contra. Cap. De regulis juris ; ibi super virilia officia, L. « Mutus » De procuratoribus; cap. « Mulieres » De judiciis, cum similibus ; et in istis in dubio semper in pejorem partem interpretramur ; cap. primo de Præsumptionibus ; ca. « Quisquis » De electione.
His tamen non obstantibus contrarium verius videtur. Primo attendendum est quod istæ occultæ inspirationes, an a Deo procedant vel non, soli Deo qui est secretorum cognitor patent, nec de piis quisquam inferior certam dare potest sententiam cum ipse cui palent cordis archana penitus occulta et secreta dijudicet, can. « Si omnia ; » can. « Erubescant ; » can. « Christiana : » Unde de hujusmodi occultis non judicat Ecclesia, cap. « Tua nos, » De Simonia, et nota in can. « Erubescant » cum non possit de iis divinare aliquis, cap. « Ut nostrum ut Ecclesia bene sine divin, conf. » (III, 12). Et quamvis Spiritu sancto plenus esset Paulus, non tamen potuit secreta divini consilii agnoscere, can. « Beatus Paulus : »
In his enim Ecclesiæ judicium sæpe fallere et falli potest, cap. « A nobis est sæpe quæstium » De sententia excomunicationis, unde dixit Augustinus, in primo libro De civitate Dei cap. XXV, II, de cerlis virginibus quæ, ne violarentur, se in flumen præcipitaverunt et ab Ecclesia dicuntur venerari, quod ipse non improbat, quia nescit an ex inspiratone Dei id fecerunt. Ex quo patet quod non poluit super hoc aliquid certum judicium dari. Conjecturari autem ex pluribus possumus revelationes seu apparitiones huic factas a bono spiritu fuisse.
Prima enim conjectura est quod ipsa erat virgo, prout ipsa constanter asseruit et inspiciendam se exhibuit, neque de contrario umquam constitit ; ex quo verisimilius est eam a Spiritu sancto inspirationem habuisse cum prout dicit Ambrosius in can. « Tollerabilius », ubicumque Dei virgo est, templum Dei est, et sicut nuptiæ mundum, ita virginitas replet paradisum, can. « Nuptiæ terram replent » Ipsa enim sola virginitas potest animas hominum, Deo presentare, in authentica De lenonibus § « Sancimus » et est principium aliarum virtutum in authentica, Quomodo oporteat episcopos § « neque. » — Secunda conjectura est quod erat humilis : patet primo ex assertionibus suis quod ipsa se excusabat quod erat simplex puella et non apta ad hujusmodi opus. Item quia non quæsivit honorem mundanum, sed dumtaxat petiit animæ suæ salutem. Item interrogationibus intricatis, repetitis et difficilibus vexata numquam superbe, at turbate videtur respondisse, quæ humilitas præsertim virginitati conjuncta cum admiratione laudator, cap. « Hæc scripsimus. » Merito potuit a bonis spiritibus apparitiones et revelationes habere juxta illud : « Super quem requiescet spiritus almus aut meus nisi super humilem et trementem verba mea. » — Tertia conjectura est vitæ suæ probitas. Nam constat quod honestissime vixit, ecclesiam et missarum auditionem frequenter frequentavit, sæpe confitebatur, pia in pauperes erat, libenter jejunabat et similia faciebat quæ justam vitam probant. — Quarta quidem conjectura est quod, ut ipsa asserit, angelus ille in principio incussit sibi magnum timorem et in fine dimisit eam cum lætitia, quod est angeli boni signum, ut dicunt theologi de Angelo qui apparuit Zachariæ, item de eo qui beatam Mariam salutavit ibi « Ne timeas Maria. » — Quinta conjectura est qualitas mandatorum quæ illi apparitiones faciebant, nam, ut ipsa asserit, sæpe dicebant sibi quod se bene regeret, quod confìteretur se, quod frequentaret ecclesias, quod custodiret animi et corporis virginitatem et eam ducerent ad beatitudinem paradisi, et quod ipsa nunquam aliud ab illis petiit quam salvationem animæ suæ, quæ omnia sunt signa optimi spiritus, juxta illud : « A fructibus eorum. » — Sexta conjectura est quod ipsa, dum sibi apparebant, nonnunquam se signo crucis signabat, ut ipsa asserit, nec præterea recedebant, cum tamen crucis, signum virtutem expulsionis maligni spiritus habeat, can. « Postea signatur » De consecratione. — Septima conjectura est quod ipsa dicebat se clare et perspicue intelligere vocem illarum et quæ illi dicebant, et quod vox illa erat clara et humilis, cum tamen econtra malignorum spirituum, secundum Augustinum, illa sit consuetudo involute, captiose et obscure revelare, ut si verum non dicunt, possint etiam sub mala in-terpretatione obscuri verbi auctoritatem suam apud suos cultores retinere, in can. « Sciendum est hanc — Octava conjectura est catholicus et devotissimus finis obitus ipsius Johannæ cum, ut ex processu et testibus constat, etc. ante abjurationem judices decreverunt et permiserunt quod fieret particeps communionis corporis Domini et aliorum sacramentorum Ecclesiae et cum maximis lacrimis et summa devotione communicavit ac in mediis flammis benedictum nomen Jhesus acclamando religiosissime dies finivit ; cum tarnen illos quos diabolus sua inspiratione deceperit faciat male finire et tandem in æternam damnationem adducat, ut dixit Augustinus, ponens exemplum de Saüle, qui diabolum in forma Samuelis a Pythonissa excitatum adoravit, can. « Nec mirum ». — Nona et major conjectura est miraculi operatio. Nam ipsa prædixit futura, videlicet quod tempore illo quo status regis in maxima oppressione erat, spoponderit et praedixerit quod faceret eum Remis in brevi coronari, cum fere omnibus impossibile videretur et ita secutum fuit, et similiter de dissolutione obsidionis Aurelianis, sed apertius prædixit quod omnes Anglici expellerentur de regno, exceptis illis qui remanerent interfecti et quod perderent omnia quæ habebant in regno, quæ vix unquam credidit aliquis quod hodie verifìcatum vidimus. Ista ergo futurorum pronuntiatio boni spiritus signum est, juxta illud « Evangelicum, non est vestrum, sed cum pater voluerit revelare, » et illud « Annunciate nobis quæ ventura sunt et dicemus quod dii estis. » — Decima conjectura est et maxima aliud miraculum. Nam, secundum beatum Bernardum, licet magna et divina fuerint miracula quæ Dominus gessitin terris,hoc tamen super omnia enitui quod in paucis, simplicibus et pauperibus totum mundum, et omnem altitudinem ejus sibi subjugavit. Refert hocce et Joan, in cap. « Venerabilis » De præbendis. Ita etiam nos possumus dicere quod una puella XVIII annorum vel circa, indocta in armis, ex infirma plebe, ea tempestate qua conditio regis status deplorabilis videbatur animos omnes erexit et suo animo hostes exterruit, superavit, profligavit adeo ut a facie ejus fugerent civitates et oppida inimicorum apertis portis sibi paterent. Miraculum sic censendum cum vix umquam tale quid fuerit auditum aut litteris annotatum: ex quibus patet quod non obstat ca. « Cum ex injuncto » cum simil. imo facit, facit pro cum hæc apparuerit miraculorum operatio, vel respondetur ad illud can. quodd ato quod non apparuerint miracula, ibi dicitur quod illi non creditur si se a Deo missum asserat, non dixit tamen quod ex eo a malo spiritu missus censeatur imo potius cum penitus occultum sit judicio Dei relinquitur ut supra probavi. Vel sic tertio respondetur quod aut vult dogmatizare seu prædicare tanquam missus a Deo et quia in hoc vertitur magnum periculum non creditur ut ibi, aut aliud agere et judicio Dei relinquitur ut supra. Vel quarto aut asserit ex revelatione debere fieri quod omnino est malum et censetur ex malo spiritu. Ita dicit can. « Nec mirum » et ita intelligitur ca. « Nisi quæ » sed dices ibi quia contra veritatem et ca. De Renunciatione, aut quod est bonum vel indifferens et tunc secus, ut dictum est, præsertim cum tot efficaces conjecturæ ad bonum existant, quia in incertis non certis locus est conjecturis, ca. « A nobis est sæpe quæstium » De sententia excommunicationis ; ca. II. De renunciatione li VI ; L. « Continuus § Cum ita » De verborum obligationibus ; L. « In his » Decondit.et demonstrationibus. Præterea non obstat quod immisceret se bellis quod erat malum, quia ipsa se non ingessit, imo excusavit quod erat simplex puella et ignara ad helium et voces dixerunt sibi rememorando calamitatem patriæ et patientiam regis quod veniret quia patria alleviaretur et rex pacem in regno haberet : unde meritorium fuit opus et licitissimum bellum, ca. « Apud veros » et ca. « Noli existimare. » Et ut bellum sit justum ista debent concurrere : primum, quod pro reportandis rebus aut pro defensione patriæ fiat, ca. « Si nulla urget ; » secundum quod non voluntarie, sed necessario fìat et ex eo pax inducatur, dicto ca. « Noli ; » Tertium, quod non fìat animo ulciscendi, can. « Quid culpatur ; Quartum quod ex mandato principis fìat, can. « Justum est bellum. » Quintum quod perfecti ut ecclesiastici sanguinem non fundant, can. « Clerici quæ in quacumque. » Quæ omnia hic manifeste concurrunt : de primo patet, item de secundo et tertio cum ipsa hortabatur eos ut irent ex parte Dei in patriam eorum sine læsione et ita semper præmonebat, et asserit quod mallet distrahi equis quam venisset in Franciam sine præcepto Dei. De quarto constat et de quinto cum ipsa nullum unquam interfecerit, quin imo prohibebat interfìci, et portabat, ut asserit,suum vexillum ut non interficeretur. Præterea quod esset justa causa belli probo ex alio quoniam rex Angliæ non potest prætendere juste se habere jus in, seu ad, regnum Franciæ aliquomodo. Ita etiam in terminis decidit illustris doctor Baldus de Perusio in L. I. De Senatoribus, cujus verba formalia hæc sunt: Item nota enuntiat quod masculi potius quam feminæ succedunt in regno, et addit quod ubi non succedit femina non succedit Alius ejus. De re judi. ad apostolice libro VI in novella. Nam omne quod est extra dure sequitur naturam propriæ generationis, et ideo si filia regis Francorum non successit in regno ex rationabili consuetudine Francorum, Alius ejus et dominus rex Angliæ in regno Francorum ali quid jus prostendere non potuit, quia in causato non potest esse plus virtutis quam procedat ab influente, et est expressum. De his qui feudum dare possunt. § « Hac autem notandum est » verba sunt Baldi. Ergo licuit huic subditæ sibi præstare pro rege in bello justo præsidium ; per quæ patet non obstare quod tertio loco supra in quæque adduceram quia istud est de genere permissorum, et debet ad bonum in dubio interpretari, stantibus ita validis conjecturis. Amplius dico quod cum ex conjecturis et miraculis satis constet inspirationem a bono spirita fuisse debet ab omni eo quod egit aut dixit, penitus excusari cum legem propriam inspirationis quæ omnem legem superat secuta merit, quod licet ca. « Ex parte » De convers. conjugat ; ca. « licet [quibusdam] » De regular. ; ca.« Duæ sunt leges ; » can. « Dixit [Dominus ad Moisen]» Hæc enim lex inspirations excusavit Jacob a mendacio. § « Item opponitur ; » Isrælitas a furto ut habetur in can. « Dixit Dominus ; » Sansonem ab homicidio, canon. « Si non licet, » et « Occidit ; » Abraham ab adulterio, Genesis XXI et Davidem a pluritate uxorum, Regum XI et plures similes de quibus in ca. « Gaudemus » De divortiis. Ergo multo magis hanc excusavit a præmissis quæ de se licita videntur. Postremo posito sine præjudicio quod revelationes essent a malis spiritibus, tamen quia Angelus Sathane se transfigurat nonnunquam in Angelum lucis. cap. « Licet » De regulas ; can. « Nec mirum...» Ista ex
isto errore decepta quod essent boni fuit. Quod patet, quia dixit se illis exhibuisse honorem respecta sancti Michælis et sanctarum Katharinæ et Margaretæ quæ sunt in Cœlo quia putat esse illas quæ sunt in Cœlo ; unde iste error non est sibi periculosus neque damnandus. § « Similiter » etc. præsertim cum in ista sua opinione pertinax non steterit omnino, imo Ecclesiæ judicio se submisit, ut infra in quinto dubio subjiciam. Et hæc de primo.
Dubitatur secundo an gestatio habitas virilis in ea culpabilis fuerit vel non.
Videtur quod sic quoniam si qua mulier suo proposito judicans utile ut virili veste utatur et propter hoc viri habitum imitetur anathema sit,ca. « Si qua mulier » et habetur de utroque XVII, ca. Præterea apostolus præcipit mulierem velare caput suum, non decurtatis crinibus incedere. Secundo quia in hoc videtur pertinax fuisse cum præelegerit non audire missam neque communicare, etc. quando est de præcepto Ecclesiæ et sic contempsit mandata Ecclesiæ, ca. « Omnis utriusque sexus » De penitentiis et remissionibus ; ca. « Missas die » De consecratione ; cum similibus.
Sed his non obstantibus contrarium arbitror dicendum. Primo, quia si istam habitus gestationcm fecit ex inspiratione divina, ut ipsa asserit et præsumitur, ut supra dixi, nullo modo est culpabilis, quia ubi spiritus, ibi libertas, ut in dicto cap. « Licet » De regular. in dicto can. « Duæ sunt leges » ; nam et Jacob fratris vestibus ad deceptionem patris et fratris supplantationem usus ex eadem spiritus libertate est, quod alias sibi non licuisset. — Secundo quia, ut dicit archidiaconus in ca. « Si qua mulier, » allegatus ille textus intelligitur quando causa luxus aut libidinis hoc ageret, et ita sentit ibi glossa, alias secus. Sed in casu nostro, ut ipsa asserit, non ex luxu, sed ut ad luxum non excitaret viros cum quibus conversaretur ; hoc fecit et ut minus illis placeret, ut ipsa asserit et ex testibus constat, igitur non est culpabilis. Plerumque enim ex qualitate habitus mulieris ad libidinem alii provocantur. L. « Item, » apud Labeonem. § « Si quis indicto ; » ca. « Si qua mulier. » Illud habet locum quando ex luxu, secus si hoc ageret quia timeret virginitatem perdere et se violari: abest enim ut ea, quæ propter bonum facimus, nobis ad culpam imputentur, cap. « De occidendis. » Nam et mulatio habitus clericis permittitur, et assumptio habitus laicalis conceditur, ubi justa causa timoris exigit habitum transformari, cap. « Clerici, » ultimo De vita et honestate clericorum. Sed ista asserit quod ne violaretur et agilior esset ad resistendum istum habitum gestabat, et pro eo quia alii Anglici tentaverunt ejus pudicitiam, igitur excusatur. Patet etiam quia dixit quod si permitterent eam abire vel in carcere ecclesiastico et honesto, vel cum socielate mulierum ponerent, erat contenta sumere muliebrem habitum ; et sic, ubi cessabat timor violationis, non recusabat gestare mulieris habitum: iste enim metus virginitatis perdendæ major quam mortis esse debet, L. « Isti quidem, » Quod metus causa ; L. II § Initium De origine juris. Et propter istam rationem metus ista permutatio permittitur, secundum glossam et doctores in cap. « Si quis ex clericis, » De vita et honestate clericorum ; et in cap. indicto « Si qua mulier ; » quæ omnia in ista concurrebant cum esset in continua expeditione bellorum. — Quarto, non est veruni quod ipsa postposuerit non audire missam ne mutaret habitum, imo instanter requisivit audire missam et communicare et quod daretur sibi vestis ad modum filiæ unius burgensis et assumeret. — Quinto, potest excusari quia dixit se jurasse suo regi quod non mutaret habitum, et si dicas quod juramentum erat illicilum, respondeo quod hoc incertum est an ex inspiratone bona ; præterea inter hæc duo mala constituta, quod eligeret probabiliter dubitabat attenta fragilitate sensus et juvenili ætate, can. « Nerui », et præsertim quod ex hoc ab hæresi excusetur. — Sexto in finalibus fuit contenta secundum judicum arbitrium et sine aliqua conditione habitum dimittere, ut patet ex processu, et sic in hoc non fuit pertinax. — Septimo non potuit ex hoc dici relapsa cum si gestatio habitus fuit inculpabilis, ergo et reassumptio. Item, quia ex testibus constat quod reassumpsit ne corrumperetur ab attentantibus eam violare. Item, quia, dum esset in lecto, removerunt sibi muliebrem [vestem] et posuerunt virilem ut, si vellet ad necessaria naturæ surgere, cogeretur virilem sumere, ut ex testium depositione constat et necessitas non subjicitur legi, cap. « [Si quis propter necessitatem] » De furtis cum similibus. Inhonestius enim fuisset sibi quod sine veste incederet quam si cum virili.
Tertio dubitatur an gesta et facta ejus, quæ ex processu constant, sint damnatione vel excusatione digna.
Et videtur primo quod sint damnanda, quia ipsa venerabatur illos spiritus malignos, quo cadebat in idolatriam seu sortilegium, can. « Episcopi eorumque ; » et « Sciendum est. » Item quia ipsa asserit quod amplexabatur illas sanctas et angelum, cum hi corpore carerent. Sed respondetur quod ipsa asserit expresse se illas veneratas fuisse credens esse illas et in honorem illarum quæ sunt in paradiso ut a Deo pro se gratiam obtinerent, et sic per cultum qui sanctis debetur, ca. I, et per totum, De reliquiis et veneratione sanctorum, et plene per glossam ordinariam, can. « Tibi Domino. » Item licet angeli non habeant corpus, assumimi tamen sibi aliquando, nam et Jacob cum Angelo luctabatur el sic eum amplexabatur. Item etiam si essent mali spiritus excusatur quoniam eos bonos credens venerata est, XXIX, q. I, cap. I. D. Grat. ; nec obstat quod Saul credens esse Samuelem venerando non excusalur quia recurrerat ad artem illicitam Pythonissæ per quam Angeli boni non excitantur, can. « Nec mirum. »
Sed reprehensibile videtur in lactis suis quod absque licentia patris discesserit contra mandatum divinum « honora parentes, » ut habetur Ecclesiastici III « honora parentes ut sis longævus super terrain » et ad [effectum] honora patrem et matrem, hoc est primum mandalum in lege, cap. v, I ad Thimotheum ; discant mutami invicem reddere parentibus vicem, hoc enim acceptum est coram Deo : unde Alius invito patre, potius maligno quam bono spiritu ducitur, can. « Noluit. » Sed his respondetur, ut ipsamet respondet, quod oporteret magis Deo quam patri obedire, ex quo hoc sibi per inspirationem præcipiebat aut præcipi sibi credebat, juxta illud : « qui diligit patrem plus quam me, non est me dignus. » Item quia asserit recessum patri et matri cælasse ne ex hoc eos magis affligeret, et sic ex pietate. Item quia semper, ut asseruit, in aliis illis obedivit et de hoc ab eis petiit veniam et indulserunt sibi, unde quia se ipsam correxit, patet ex hoc eam reprehendi non posse, can. « Hæc est fides »
Tertio reprehensibile in factis suis videtur quod bellis se immiscebat, sed huic supra responsum est et addendum quod dormiebat associata mulieribus ubi habere poterat, alias semper induta cubabat, ut tueretur castimoniam.
Quarto videtur reprehensibile quod faciebat apponi nomen Jhesus et Maria in litteris, in quibus mandabat mala fieri. Sed respondetur quod hoc ipsa negat cum prosecutio belli esset justa. Item dicitur quod suus secretarius apponebat ex se, quia quidam dicebant hoc decere, dum nomen Jhesus nominamus, debemus flectere genua, saltem cordis, cap. « decet » De immunitate Ecelesiarum, et in nomine Domini omnia fieri debeant. L. « In nomine » De officio præfecti Africæ ; can. « In nomine. »
Quintum videtur reprehensibile quod ex desperatione de turri altissima saltavit tentando Deum, juxta illud : « Non tentabis Dominum Deum tuum « Lucæ III ; can. « Illud etiam sciscitari. » can. « Queritur cur patriarcha ; » cap. finale De purgatione vulgari. Sed ipsa respondet probe quod saltando de turre non fecit ex desperatione sed in spe salvandi corpus suum et succurrendi pluribus bonis gentibus, et quod de hoc petiit veniam a Deo ; nam, secundum Gregorium, dum undique acies hostium ingruunt, inde se præcipitent, dabit ubi minus periculum obsesso fuerit can. « [Nerui testiculorum.] » Item quod quia audiverat quod illi de Compendio debebant poni ad ignem et sanguinem, malebat mori quam hoc pati : unde hoc fuit signum maximæ caritatis, juxta illud : « Majorem caritatem nemo habet quam ut animam suam, id est animatum corpus ponat pro amicis suis. » Et sic gesta sua excusantur.
Quarto dubitatur an in dictis suis reprehensibilis vel excusabilis sit.
Et videtur quod reprehensibilis et non excusabilis, dum mentita videtur, quod angelus portavit illud pretiosum signum regi et quod se genuflexit angelus ante regem, quod nefas est credere, secundum textum psalmi « miniasti eum paulo minus ab Angelis » et spiritus sanctus mendacem et fictum fugit, can. « Zizania » ; » « Salvator ; » et can. « Ostenditur. » Sed respondetur quod sicut non licei mentiri, ita licet caute respondendo veritatem tacendo Angere, sicut fecit Abraham coram Pharaone, can. « Queritur § Ecce. » Sic Angelus est nomen officii : idem est enim quod Dei nuntius juxta illud « Ego mitto angelum ante faciem meam etc. », et loquitur de Johanne Baptista. Ista autem dicebat se nuntiam Dei ad regem ; merito poterat dicere quod angelus, id est ipsa nuntia Dei, portavit regi coronam, id est palmam victoriæ, per quam pervenit ad coronam. Unde dicitur coronari qui victoriæ gloriam obtinet, juxta illud Apostoli : « Non coronabitur nisi qui legitime certaverit » Unde in hoc non fuit mentita sed caute locuta, et si dicatur quod imo quia dixit quod ille angelus erat sanctus Michæl, respondetur prout dixit Dyonisius, de cœlesti hierarchia, ubi concludit quod supremi gradus angelorum non mittuntur, et dum objicitur de seraphim misso ad Isaiam, dicit quod illud quod fit per inferiores in concernentibus proprietates et officia superiorum dicitur per superiores fieri : unde seraphim non per se sed per alium mundavit linguam Isaiæ etc. Ita in proposito sanctus Michæl dicitur princeps militiæ, Danielis X. Cum ergo Johanna quæ egit asserat ex Michælis revelatione se fecisse, dicitur sanctus Michæl fecisse et quod ipsa fuerit ille angelus satis innuunt verba sua.
Secundo in dictis reprehensibilis est quia dicebat quod certa erat et fìrmiter tenebat sicut fìdem christianam quod salvaretur, cum tarnen nemo sciat an apud Deum odio vel amore dignus sit. Sed respondetur quod hoc asserebat futurum verum si ipsa servabat quod Deo promisit, videlicet virginitatem tam corporis quam animæ, et ille servat virginitatem qui nullomodo peccat, secundum Augustimini in sermone super evangelio de decem virginibus, juxta illud « qui gloriabitur castum se exhibeat in corde, » can. « Sic enim. »
Tertio reprehensibile videtur quod sit futura in quibus, etc. quandoque est mentita, ut videtur, ut in liberatione sua a carceribus, et similibus. Sed respondetur quod dicta ejus omnia sunt verificata. Et de liberatone a carceribus, licet Voces aliquando sibi dixerint quod sic, tamen in finalibus dixerint quod submitteret se judicio Ecclesiæ et quod sustineret martyrium patenter quia in fine salvabitur, et sic dixit in omnibus verum.
Quarto videtur reprehensibilis in dictis dum asserit illas sanctas diligere Gallicos, de quorum parte sunt et odire Anglicos, cum tamen apud Deum et sanctos non sit acceptio personarum ; cap. « Novit » De judiciis cum simil. Sed respondetur quod ipsamet declarat se dicens quod illæ Sanctæ odiunt quos Deus odit et diligunt quos Deus diligit, juxta illud de Jacob « Dilexi Esaü, odio habui. »
Quinto videtur reprehensibilis in dictis, dum asserit, quia videtur asserere quod non habet peccatum mortale neque unquam peccavit Sed hoc non est verum quia ipsa dixit quod nescit an peccaverit mortaliter et quod non velit Deus quod ipsa fecerit aut faciat aliquid propter quod anima sua sit onerata quod esset quando peccasset et dignam pœnitentiam non egisset: quæ verba nil mali continent, et sic dicta sua excusantur.
Quinto dubitatur an erraverit circa submissionem Ecclesiæ, et videtur quod sic, tum quia non videtur vomisse se submittere judicio Ecclesiæ militants, etc. declarata differentia inter triumphatem et militantem, tum quia submissionem revocavit quam in finalibus fecerat. Cum tamen quilibet viator debet judicio militants Ecclesiæ subjici, can. « Hæc est fides; » can. « Ego Berengarius. » Extra quam Ecclesiam non est salus, can. « Alienus » et can. « Qui vult confiteri § Ideoque. » Imo sicut præcisus ab arbore ramus, vel rivulus a fonte arescit, ita separantes se ab imitate Ecclesiæ pereunt, can. « Ipsa pietas ; » can. « Loquitur, » et multa similia qua; possent in partem istam adduci.
His tamen non obstantibus, contrarium videtur concludendum, videlicet quod ipsa omnino excusabilis sit ex pluribus. — Et primo quoniam ipsa quæ faciebat ex revelatione a bono spirita agebat, ut supra in primo dubio ostensum est, et sic exsequebatur legem privatala inspirations divines, per quam eximebatur ab omni lege communi quia ita concedit Ecclesia fieri, cap. « Gaudemus » De divortiis; cap. « Licet » De regularibus ; can. « Duæ sunt » cum simil. Et sic, in hoc sequebatur judicium Ecclesiæ, quin imo si contrarium fecisset, contra conscientiam suam bene informatam per hujusmodi bonam inspirationem peccasset et ædificavisset ad gehennam, cap. « Litteras, » De restitut spoliat ; cap. « Per tuas, » De symonia. Et si ista conscientia ex discreta et probabili credulitate informata, qualem esse istam Johannam ex pluribus supra ostendimus ad consilium prælati deponi non potest, omnino sequendum est cap. « Inquisitioni » De sentent. excommunicationis, et habetur in cap. « Ad aures » De temporibus ordinationum ; in cap. « Per tuas » per Hostiensem Joannem Andre, præallegato, et per Archi[diaconum] in §. I. ver. XXVIII, q. I et can. « Denique. » — Secundo stante etc. dubio an ista inspiratio sit ex bono vel malo, cum hoc sit omnino occultum et soli Deo notam et consequenter de his Ecclesia non dijudicet, can. « Erubescat, » can. « Christiana ; » cap. « Sicut tuis » et cap. « Tua nos » De simonia, quoniam in iis posset falli, cap. « A nobis, » De sententia excommunicationis, et hoc judicio Dei reservat Ecclesiæ judicium et conscientiæ propiæ relinquit, cap. « Inquisitioni, » De sententia excommunicationis: merito in hoc non erravit si Dei judicio dumtaxat se submisit. — Tertio, quia quibus quæ concernunt articulos fidei nos tenemur sequi quod tenet et sequitur judicium Ecclesiæ, alias essemus hæretici, cap. I De summa Trinitate et cap. I eodem titulo. In aliis vero tenemur sequi judicium Ecclesiæ in his quæ tenet et docet can. « Nolite errare; » can. « Novit,.» cum similibus. In aliis datur libertas tenendi quod placuerit, ut an Salmon sit salvatus vel non, vel an tot sint salvandi homines quot angeli ceciderunt vel quot remanserunt, cum etiam inter doctores Ecclesiæ, scilicet Augustinum et Gregorium sit contrarietas. In his enim quilibet potest sequi opinionem suam. Ita notat Joann. Andre. in cap. I De summa Trinitate, et Hieronymus in cap. « Ne innitaris » De consti. Ad propositum ergo credere hujusmodi inspirationem esse a bono spiritu non est de fidei articulis. Item nec Ecclesia tenet aut docet quod sit ex malo spiritu, imo judicio Dei hujusmodi arcanum relinquit, ut supra late deduxi. Ergo Johanna, sequendo suam sententiam, non erravit. — Quarto, excusaretur ipsa Johanna si se non submisisset judicio Ecclesiæ quia non intelligebat sufficienter quid esset Ecclesia, ut patet ibi « Ego non sum talis quod non debeam ire ad Ecclesiam, » et dum dicit quod non facit differentiam inter sanctos et, Ecclesiam, et similia, et, ut testes deponunt, a principio judicio omni non intelligebat quid esset Ecclesia, sed postquam intellexit et fuit sibi declaratum, illi semper se submisit et quod judex reprehendebat et minabatur illis qui volebant sibi declarare, et istas subtililates ex se una puella scire non poterat. — Quinto, testes amplius probant quod quidam fingentes se esse ex potestate regis Franciæ dolose suadebant ei quod se non submitteret Ecclesiæ, si volebat evadere. — Sexto quia numquam directe se recusavit submittere Ecclesiæ, imo omnia verba per eam prolata possunt interpretatione sana salvari et excusari, ut ex ipsorum inspectione apparet. — Septimo, imo se submisit Ecclesiæ tripliciter : primo implicite, secundo explicite, tertio explicitissime : Implicite, dum dixit quod nil valet facere contra fidem christianam quam Dominus stabilivit, et si aliquid dixisset vel fecisset vel esset supra corpus suum quod clerici scirent dicere esse contra fidem Christianam ipsa nollet sustinere, sed expelleret, ergo se submisit judicio Ecclesiæ in his in quibus fides Christiana et catholica vult eam submitti ; quia qui vult antecedens, vult qua; ex eo necessario secuntur, L. « Quominus » De fluminibus ; can. I « Quæ sint rega. » X; Cod. L. II De jurisdictione omnium judicum. Neque ipsa, cum esset juvenis mulier, tenebatur esplicite articulos fidei scire et asserere, secundum Innocentium post theologos juris, cap. « De summa trinitate. » Explicite se submisit Ecclesiæ, dum se submisit papæ judicio ad quem de causis fidei spectat judicare, cap. « Majores » De baptismo ; can. « Hæc est fides. » Explicitissime, quoniam testes deponunt quod ipsa, postquam intellexit terminos de Ecclesia, semper se submisit judicio Ecclesiæ et concilii generalis et quod petiit suos articulos deliberari per Ecclesiam antequam abjuraret, quod fuit sibi denegatum. Linde ipsi judices recusaverunt judicium Ecclesiæ, non Johanna. Item deponunt quod episcopus Belvacensis, tunc judex, prohibuit scribi per notarium illam submissionem factam Ecclesiæ per Johannam, de quo illa conquesta est. Item quod submisit se constat ex processu, cum ante abjurationem fecerint dari sibi communionem corporis Dominici, quod in existente manifeste in peccato mortali non debet fieri, cap. « Si sacerdos, » et ibi nota, De officio judicis ordin. ; can.« Quotidie », cap. « Vestra » De cohabitatione clericorum et mulierum. Ultimo non potest dici relapsa propter illa verba quod se damnaverat pro salvando vitam suam, quia sane intellecta sanant quod ipsa in cedula abjurationis dixerat se esse hæreticam et similia, et sic se ex sua voce damnaverat propter timorem ignis, et concludit quod non intendit revocasse nisi proviso quod placeat Deo, non dixit nisi proviso quod piaceret revelationibus aut vocibus: unde cum non esset talis qualem cedula illam esse asserebat, recte hæc dixit. Præterea ubi non est lapsus, non potest dici relapsus, ut ex se patet ad quod cap. « Super eo » De hæreticis.
Sexto dubitatur an ex præmissis omnibus fuerit hæretica judicanda, cui dubio satis clare ex superius allegatis respondetur quod, nedum hæretica sit censenda, omnia ejus dieta et facta excusatione dignissima sunt. Præterea ille dicitur hæreticus qui novas vel falsas opiniones vel sectas gignit, vel sequitur contra dogma catholicum, can. « Hæreticus ». Sed ista non est hujusmodi, ut supra patet, ergo nec hæretica est judicanda, imo potius venit excusanda, ut supra exstitit allegatum et ostensum in multis passibus hujus tractatus, et ad illud est recurrendum.
Ultimo dubitatur an processus ex sententia contra Johannam habiti ex juris ordine non servato aut aliunde corruant, et breviter ista perstringens dico quod sic. Primo quia Belvacensis episcopus non erat competens judex, ergo sententia nulla, cap. « Si a non competente judice, » per totum ; cap. « Ad nostram, » De consuetudine. Nam, neque de ejus diœcesi ex origine erat, neque ibi hæresim commisit, et sic non sortiebatur ratione delicti forum, Causa III, quæstio VI, cap. « Si quis » ; ca. « Placuit » ; cap. « Postulasti » et cap. ultimo De foro competenti ; authentica « Qua in provincia, » Ubi de criminibus agi oporteat. Secundo corruunt, quia Belvacensis elegit conjunctim cum prætenso subinquisitore procedere secundum cap. « Per hoc » De hæreticis ; et tamen de assistente inquisitore cum delegantis potestate non constat, qui cum sit censendus delegatus dicto capitulo « Per hoc », de jurisdictione non præsumitur, nisi ex actis constare videatur ; cap. « Cum in jure, » cum sua materia, De officio delegati, cap. « Per tuas » De arbitris. Tertio corruit, etiam si competens judex adjunctus fuisset, quia ex actis constat quod ad plures actus solus sine illo processit et sic nullum, dicto cap. « Per hoc ; » L. « Item si unus, » De arbitris ; cap. « Cum plures » a contrario, De officio delegati. Quarto etiam corruunt quod sape non per se, sed per alios examen fecerunt, quod in gravi causa et criminali fieri nequit, authentica « Judices », et apud eloquentissimum cap. De fide instrumentorum, et cap. primum in Clementinam, De officio delegati, cum similibus. Quinto corruit aut saltem debet ut injusta retractari, quia constat ex testibus quod in subinquisitorem et alios habentes consulere in causa fuerunt maximæ minæ et magni terrores illati inducentes justum metum, secundum glossam in can. « Injustum » et in can. « Si episcopus ». Sexto eodem modo ex injustitia debet retractari, quia recusavit judicem tanquam capitalem inimicum, ut testes dicunt, juxta cap. « Suspicionis, » De officio delegati ; cap.« Cum speciali », et ibidem per doctores De appellationibus. Septimo quia judicio papæ et Concilii se submisit, ergo inferior non potuit judicare post hujusmodi provocationem, can. « Si quis Vestrum ; » can. « Ad Romanam ; » cap. « Dilectis » De appellationibus, cum similibus. Octavo cum causa esset gravissima fidei de occultis revelationibus judicare et ipsa in hoc petiit se per papam judicari, milliter isti processerunt cum hoc sit judicio papæ reservatum, cap. « Majores, » De baptismo. Item detentio in carcere privato, denegata illi defensio et consilium, prohibitio quod alii eam instruerent, denegatio quod articuli per Ecclesiam non videantur, prohibitio judicis quod notarius illius excusationes non scriberet, item falsificatio articulorum transmissorum consultoribus, vexatio et intri (n) catio in nodosis positionibus quibus eam involvebant, submissiones dolosæ ac deceptivæ consulentium, et de præambulo processus, formæ processum non constare, et plura alia, quæ nunc est otiosum prosequi, faciunt dictos processus et sententiam debere retractari.
Deo laus. Amen.
Et ista pro prima summaria visione de jure videntur concludenda mihi Paulo Pontano utriusque juris doctori minimo ac sacri consistorii advocato. Salvis sanctæ matris Ecclesiæ determinatione et judicio, ac etiam cujuslibet melius sentientis.
Deo gratias. Amen.
Sources : Texte original latin : "Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc..." - Pierre Lanéry d'Arc - 1889, p. 35 et suiv.
Traduction tirée du manuscrit légué par le pape Benoit XIV à la bibliothèque de l'Université de Bologne (Italie), publié par L'Abbé Villerabel en 1890.
Notes (Lanéry d'Arc):
1 Ce Paul Pontanus était avocat au Consistoire apostolique.
En 1452 il vint en France comme secrétaire de la légation du cardinal Guillaume d'Estouteville ; et contresigna à Orléans, en cette qualité les indulgences accordées à l'occasion de la fête anniversaire du 8 mai.
On trouve à cette époque plusieurs lettrés italiens du même nom : un Louis Pontanus, mais qui était mort de la peste au concile de Bâle en 1439 ; un Jean Jovien Pontanus précepteur puis secrétaire et conseiller d'Alphonse d'Aragon, mort en 1503. Enfin le cardinal Octave Pontanus, il nous semble que l'avocat consistorial serait plutôt ce dernier.
Cette oppinio est un avis que l'auteur donna à première vue d'après les pièces dont il eut communication à Orléans, c'est-à-dire d'après le procès de condamnation et les informations de 1452.
Nous donnons ce mémoire d'après le mst n» 13837 f. lat. à la Bibl. nat. fol. 13 à 20,du XV° s. (ancien 1421 de la Bible de Saint-Germain des Prés.)
Un autre mst s'en trouve dans le n° 51 du fonds de Saint-Germain de Harlay, à la Bibl. nationale, (XVII° siècle fol. 34 « Domini Pauli Pontani advocati consistorialis quædam allegationes in processum Puellæ. »)
Enfin le mst de Soubise, du XVI° s. contenait, d'après Lenglet Dufresnoy et de l'Averdy, qui l'avaient consulté dans la Bibliothèque du cardinal de Rohan, une traduction française de ce mémoire : « Ensuit aucunes allegations de Messire Raoul de Pont, advocat consistorial et en Parlement, touchant le procès de la Pucelle. »
Le mst de l'Arsenal (jurisprudence française n° 144, du XVIII° siècle) contient la copie de cette traduction avec le même titre inexact quant au nom de l'auteur et quant à sa qualité d'avocat en Parlement. Lenglet Du fresnoy, Histoire de Jeanne d'Arc, 3° partie p. 270. De l'Averdy, Notice des manuscrits de la bibl. du roi, t. III, p. 194 et 295.
Quicherat, t. II, p. 59 et 60 n'a publié que quelques lignes de ce mémoire.
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